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Bulle
posté Jan 10 2006, 08:52 PM
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~¤ modo niaise ¤~


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D'un monde à l'autre - troisième partie - chapitre III
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Mes pitits fans

~1ère : Neith~
~2ème : KTL~
~3ème : TFC~
~4ème : Allie-chan~
~5ème : Astrid 974~
~6ème : Lizou~
~7ème : GONZO~
~8ème : Quarter~

Blasons (un grand merci à Kotoko pour les trois premiers, et à ma Lie-chan pour le dernier)

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Bulle
posté Jan 10 2006, 09:23 PM
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Les Ecorchés

Part. I



Une fic Fruits Basket
Attention : cette histoire contiendra des spoilers! Vous êtes prévenus XD
J’ai transmis mon projet d’origine à Allie-chan, en lui demandant si elle voulait bien écrire l’histoire avec moi. Les personnages et le déroulement de l’histoire proviennent donc de nos deux imaginations.
A ce propos, je remercie Selphie-sama qui a accepté qu'Allie puisse écrire avec moi, tout en pouvant poster une autre fic au cas où elle le désirerait. Bien sûr, c'était à condition que le topic soit à mon nom! Il n'y a aucun favoritisme, ou quoi que ce soit d'autre XDD

Le déclique de départ
L’idée de départ m’est apparue en lisant le premier tome de 20th Century Boy (encore lui!), qui se déroule sur deux époques. Les personnages des flash back ont autant d’omniprésence que ceux du récit normal.
Le titre vient d’une chanson de Noir Desir ^^

Disclaimer
Les personnages de Fruits Basket ne nous appartenant pas, nous allons essayer le plus possible d’être fidèles à leur personnalité. Cependant, par l’intervention de nos nouveaux personnages, ils apparaîtront sous un jour un peu différent.

Processus de coécriture
Nous prossédons ainsi : chacune écrit son chapitre, qu'elle soumet à l'autre pour rajouter ou corriger des éléments s'il le faut. Chaque chapitre sera signé de la main de son auteur.

Listing

Grand prologue

Là ou tout commence



Tout commence, il y a des milliers d’années, au moment où démarrent toujours les grandes histoires.
Tout commence dans un lieu lointain, si lointain que les hommes ne le connaissaient pas.
Tout commence là, dans le Haut Royaume des Cieux, où vivaient les dieux des hommes, les dieux de l’Univers, et toutes les autres créatures célestes.



Les douze animaux du Juunishi régnaient avec Buddha sur leur peuple terrestre, en parfaite entente.
Seulement, les anges et autres créatures divines qui peuplaient les Cieux, s’ennuyaient à voir un si bel ordre, sans la moindre ombre à l’horizon : les dieux ancestraux aimaient se moquer du sort des hommes, or l’astrologie chinoise paraissait à leurs yeux, trop « sage ».

Dans une contrée lointaine, quelque part au fond du royaume, logeaient deux créatures, Ea et Marduk, des dieux indépendants de toute autorité. Ils détenaient un pouvoir redoutable, surpassant ceux de tous les autres dieux confondus : ils pouvaient posséder quiconque, d’une présence divine, parfois diabolique. Pendant de nombreuses décennies, ils n’avaient pas hésité à semer le trouble, en incrustant chez des âmes pures, les pires des créatures.
Aux assemblées, ils rencontraient régulièrement les 12 animaux sacrés et leur Dieu,, avec qui ils entretenaient des rapports courtois. Un soir, le dieu Marduk rencontra le Chat, l’animal déchu, qui parcourait le ciel. Celui-ci se confia au dieu fourbe, et lui raconta ses malheurs.
Marduk, qui était bien plus mauvais que sa sœur Ea, eu alors une idée.
-Ea, lui annonça-t-il, en rentrant chez eux. Je te propose un petit jeu, qui nous changera de nos tours ordinaires.
Ea leva la tête vers son frère, le visage un peu méfiant
-Marduk, soupira-t-elle, je suis un peu fatiguée de nos méchancetés…
-Écoute plutôt, coupa Marduk. Je te lance un défi.
Ea sourit. Elle avait le goût pour la compétition.
-Ou veux tu en venir ?, demanda-t-elle.
-L’objet de notre lutte sera le suivant : posséder une famille, peu importe laquelle, de nos douze animaux zodiacaux, du Chat déchu, et de leur Dieu prétentieux.
Marduk continua son histoire, car Ea s’était approchée de lui pour mieux l’écouter.

L’histoire ne raconte pas quel fut l’objet de leur duel. On sait seulement, qu’il se fondait sur une prophétie préétablie par eux, et qui annoncerait alors leur entrée en scène.
Mille ans plus tard, Marduk et Ea apprirent la naissance d’une petite fille, Tohru Honda. Au même moment, ou presque, naquirent les deux nouveaux maudits du Chat et du Rat, Yuki et Kyo Soma.
Marduk regarda sa sœur et celle-ci lui rendit le sourire malin qu’il lui avait lancé : ces nouveau-nés étaient au cœur de la prophétie. Ils pouvaient agir.



PREMIERE PARTIE : NAGORI

[pop=Prologue : Une grande Histoire]

(Par Allie-chan)

Une grande histoire…
Qu’est-ce que c’est ?
Quelque chose dont le commencement se situe…
Ailleurs
Loin de l’espace et du temps…
De notre espace. Notre temps.
Ailleurs.
Là où plus rien n’a de sens à nos yeux
Là où se brise la frontière entre le réel et le rêve
Ailleurs…
Est-ce que c’est ça ?
Une grande histoire, est-ce que c’est ça ?
Une vie d’aventures
Des rencontres fantastiques
Aller où te porte le vent
Ou bien
Est-ce que c’est, tout simplement…
Tout simplement…
Chaque jour qui passe
Chaque espoir qui défile
Chaque envie, chaque rêve
Retrouver son passé
Cesser de fuir
Protéger ses amis
Sourire
Changer de décor, changer de vie
Gagner plus, toujours plus
Gagner un défi…
Vivre sa vie jusqu’à la lie…

Une grande histoire…
Est-ce que c’est celle que l’on vit ?


Ryoumi se réveilla en sursaut, tendit la main, et hurla.
Ses doigts se refermèrent sur du vide.
En sueur, haletante, elle mit un moment à retrouver son calme.
Tout allait bien.
Elle était chez elle. En sécurité.
Ce n’était qu’un rêve.
Pourtant…
Ryoumi frémit et se releva.
Pourtant…
Ce rêve…
Ce n’était pas la première fois…
La jeune fille s’approcha de la fenêtre.
Il était peut-être temps…
De…

Izumi décrocha le téléphone.
Un appel de la résidence, c’était bien la première fois.
De…
Izumi ouvrit des yeux ronds, acquiesça, et raccrocha.
Alors ça…
Bon.
Alors elle allait préparer ses affaires tout de suite.
Ça promettait d’être…
Intéressant.

Shibai raccrocha et soupira.
Et voilà.
Bien essayé.
Il commençait à peine ses études, et il fallait déjà qu’il reparte…
Bon.
Très bien.
Il n’avait pas le choix, de toute façon.
Pas la peine d’y penser plus.
Il devait y retourner.
Et puis…
Après tout…
Ça pourrait être intéressant, non ?
Chapitre 1 : l’appel
Où comment courir à s’en fendre le cœur
(Par Bulle)

Kimitsu marchait seule, d’un pas assuré, le regard portant au loin, comme pour éviter tout obstacle sur son passage.
Elle s’arrêta un moment à un carrefour, un peu hésitante, et croisa les bras. Si sa mémoire était bonne, Shigure habitait au Nord de la ville, presque à sa frontière.

Kimitsu retira ses lunettes de soleil, qu’elle posa avec élégance sur le haut de son front, puis parcourut rapidement du regard, les différents chemins qui s’offraient à elle.

La jeune fille soupira, et continua sa route. Maintenant elle se rappelait : il fallait aller à gauche, puis à droite : finalement, ce n’était plus très loin.




Yuki tressaillit. C’était étrange. Depuis ce matin, il sentait son cœur battre plus vite, alors même qu’il ne lui était rien arrivé d’exceptionnel : quelques sourires partagés avec Honda-san, une raclée à ce stupide chat, et un harem de filles derrière lui.
Pourtant…
Il était anxieux, comme s’il attendait un événement particulier.
Yuki s’allongea lourdement sur son lit, et ferma les yeux quelques instants. Le soleil du soir réchauffait son visage, et l’endormait doucement.

-Okaeri, lança gaiement Shigure en entrant dans la pièce.
Tohru et Kyo firent volte-face
-Baka, ça fait une heure qu’on est rentrés ! grommela le chat. Pourquoi tu nous dis ça maintenant ?
Shigure écarquilla les yeux.
-Oh, pardon, je devais dormir, répondit-il en riant. Je ne vous avais pas entendu.
-Shigure, rétorqua Kyo en fronçant les sourcils, tu fais autre chose à part dormir ?
Le visage du chien se fendit dans un sourire. On avait sonné à la porte.
-Oui, assura-t-il, j’attend Aya !

Yuki sursauta, pour de bon cette fois, et s’assit sur son lit. En bas, on avait sonné.
.Quelqu’un venait, il en était sûr, quelqu’un à qui il pensait très fort, sans percevoir de figure distincte.
Le rat s’élança dans le couloir, dévala l’escalier… Puis s’arrêta net. Son visage se figea.
-Yuki, cria Ayame, toujours sur le pas de la porte. Tu as couru pour me voir, hahaha ha ! Je savais bien que tu finirais par venir à moi, petit frère.
Yuki laissa tomber sa tête, en signe d’accablement.
-Ce n’était que toi ?
-Qui tu voulais que ce soit d’autre, k’so nezumi ! cria Kyo. Personne ne rend visite à Shigure, à part ton idiot de frère…
-…Moi aussi, je suis là, baka neko.
Shigure, Yuki et Kyo eurent un même mouvement de recul. Derrière la longue silhouette d’Ayame, se dissimulait une jeune fille aux cheveux courts, et aux yeux dorés. Amusée par l’étonnement général, à l’exception de Tohru qui paraissait ravie de voir une nouvelle figure, elle s’avança, pour mieux être vue.



Zurui s’adossa contre le mur, un peu soulagé. Kimitsu était là, Ryoumi n’allait pas tarder.
Etrange, ces deux filles revenaient, au même moment, à la même époque, alors que tout semble aller mieux.
Zurui passa la main dans ses cheveux blonds, qu’il attacha en un épais catogan. Ses yeux perçants scrutaient la ville et ses alentours. Maintenant, il fallait trouver ou habiter, sans être vu. Sinon, c’était foutu, une fois de plus.
Le garçon attrapa son téléphone, qui dépassait de la poche de son jean, et chercha dans le répertoire.
-Kenji…Kenji…Ken…Ah, le voilà ! s’écria-t-il l’air triomphant.
Zurui composa fébrilement le numéro, et attendit.
-Moshi moshi ?
-Kenji ? , demanda-il un peu hésitant.
Le silence couvrit la scène, quelques secondes. À l’autre bout du téléphone, la voix de son interlocuteur s’était rompue.
-Ano…Zurui ? souffla enfin Kenji
Zurui laissa échapper un sourire. Seul lui pouvait l’aider. Alors, s’il le reconnaissait, c’était bon.
-Kenji, je suis revenu. Près d’Akito, de Shigure, et tous les autres. J’ai besoin de toi, s’il te plaît.
-Mais Zurui, je suis parti, il y a longtemps, je…
-Kenji, coupa Zurui, qui sentait la conversation s’éterniser pour pas grand-chose, il faut que je t’avoue quelque chose.
Son interlocuteur ne répondit pas, comme pour attendre solennellement ce qu’il allait lui dire.
Zurui soupira, et s’assit sur le trottoir, pour mieux discuter.





Shigure déglutit, mais ne dit rien. Kyo fronça les sourcils.
-Kimitsu, c’est bien toi ? demanda le chat.
Yuki, encore sur la dernière marche des escaliers, se laissa tomber, la tête entre ses mains.
-Kimitsu, souffla-t-il, sans même la regarder.
Kimitsu gardait son air assuré, mais n’osait pas tourner son regard vers le garçon, elle non plus.
-Je suis de retour, murmura la jeune fille, les yeux braqués sur Shigure. J’aimerais vivre ici, juste quelque temps
Shigure recula, d’un pas, le regard mal assuré.
Kimitsu…Comment peut-elle ? Comment ose-t-elle ? Si elle savait…
Ayame s’avança en souriant.
-Je l’ai croisée dans la rue tout à l’heure, elle m’a dit qu’elle allait chez vous. Alors, je l’ai guidée !
Le serpent s’interrompit, surpris par le silence général.
-Vous n’êtes pas bien accueillant à ce que je vois, hahaha ha ! Kimitsu, excuse les, c’est qu’ils sont troublés par mon arrivée si fracassante !
Yuki se mordit les lèvres, se prenant davantage le visage entre ses bras.
baka ! tu ne sais rien, tu n’as même pas su…Alors qu’elle…Elle était là. Toujours.
-Tu peux rester, répondit enfin Shigure, en souriant. Mais il va falloir que nous ayons une petite discussion, tous les deux, ajouta-t-il plus bas.
Kimitsu acquiesça, et le remercia. Enfin, elle pouvait se présenter à Tohru, qui avait l’air complètement dépassée par ce qu’il se passait autour d’elle.
-Soma Kimitsu des, salua poliment la jeune fille en s’inclinant.
Tohru écarquilla les yeux
-Honda Tohru des ! Vous faites partie de la famille Soma ? s’écria-t-elle. Je suis très heureuse de vous rencontrer.
Kimitsu se redressa, et sourit légèrement.
De retour, enfin, ici. C’était si étrange d’être là, près de Yuki, à nouveau.




Kenji courrait plus vite qu’il pensait pouvoir le faire un jour. En peu de temps, il avait profité de l’inattention de ses parents, et s’était enfui.
C’était toujours comme ça. Il désobéissait, s’enfuyait, et n’en faisait qu’à sa tête.
Sauf que là, aujourd’hui, quelque chose de plus grave arrivait.
Kana…
Kenji s’élança dans le premier train, et se cacha derrière quelques bagages, les jambes chancelantes.
Essoufflé, le cœur et le front brûlants, il devait maintenant attendre, trois heures environ, avant d’arriver.
Il était de retour, et personne, pas même ses parents, pas même Akito, ne l’en empêcherait. Pas cette fois.

Chapitre 2 : Reviens...
ou comment adorer les téléphones portables
(Par Allie-chan)

Ryoumi lâcha sa valise avec un léger soupir, fouilla dans presque toutes ses poches, trouva enfin son téléphone portable et le décrocha juste à temps.
« - Moshi moshi ?
- Ryoumi-chan ? T’en as mis un temps !
- ... Kimi-chan ? C’est bien toi ? »
Ryoumi s’assit sur sa valise.
« - C’est rare que tu appelles, fit-elle remarquer. »
Un rire, à l’autre bout du fil, et Ryoumi sourit.
« - C’est vrai, répondit Kimitsu. Ryoumi-chan... J’ai encore fait ce rêve... »
Ryoumi fronça un sourcil.
Elle aussi ?
Alors...
Est-ce que ça voulait dire quelque chose ?
« - Ryoumi-chan ? Oh, tu te réveilles ?
- Ah, gomen ! C’est juste que... Moi aussi... »
Ryoumi l’aurait juré, Kimitsu avait hoché la tête, où qu’elle soit.
« - Bon, souffla Ryoumi. Ce n’est pas pour ça que tu m’appelles, pas vrai ?
- Non. En fait... Je suis revenue !
- Hein ?
- Je suis revenue, répéta obligeamment Kimitsu.
- ...
- Encore là ?
- Oui... Tu sais où dormir ? Si...
- Je vais chez Shiguré, coupa Kimitsu. »
Un blanc.
Ryoumi se releva, reprit sa valise et sa marche.
« - Tu n’as jamais fait les choses à moitié, au moins. Ils vont être surpris.
- Oui…
- Mais bon, je suppose que c’est…
- Une décision irrévocable ? »
Ryoumi sourit. Oui, c’était ce qu’elle allait dire.
« - Ryoumi-chan ? Il faudrait que tu reviennes, toi aussi… »
La jeune fille se mordit les lèvres.
Bien sûr.
Mais…
« - Kimi…
- Ryoumi, s’il te plait…
- Je viens d’arriver… »
Il y eut un silence éloquent, à l’autre bout du fil.
« - Tu me rejoins ? demanda Kimitsu
- Non.
- Non ?
- Non. Pas encore.
- Ben alors où tu vas ?
- Je ne sais pas, avoua Ryoumi. Mais c’est trop tôt. »
De nouveau, ce silence. Puis Kimitsu reprit.
« - Tu sais, Ryoumi-chan, je crois qu’il serait plutôt content…
- …
- Enfin, tu fais comme tu le sens… Je vais te laisser.
- … Oui…
- Contente que tu sois revenue ! »
Kimitsu raccrocha, alors, forcément, Ryoumi aussi.
Elle soupira, s’arrêta et regarda autour d’elle.
Et maintenant, où est-ce qu’elle allait ?
Kimitsu… C’est moi qui ne suis pas sûre d’être prête à le revoir…
Ryoumi sourit.
Kazuma vivait toujours à l’extérieur du domaine, non ?
Elle hocha la tête et prit la direction du dojo.

Kazuma s’assit, ferma les yeux.
Kyo avait été distrait, à l’entraînement.
Le cœur n’y était pas.
Comme s’il attendait quelque chose qui ne s’était pas produit…
Kazuma soupira. Il y avait de ça, sans doute. A moins que…
On frappa à la porte.
Kazuma se leva et alla ouvrir…
Et sursauta en reconnaissant la jeune fille qui se tenait devant lui.
« - Ryoumi ? »
La jeune fille s’inclina légèrement devant lui.
« - Konnichiha, Shishio. Je… »
Elle inspira un grand coup.
S’il l’avait reconnu…
C’était bon, non ?
« - J’ai un léger problème, souffla-t-elle. Est-ce que je pourrais rester ici un moment ? »

Chapitre 3 : Odeur de brûlé.
ou quand deux cuisiniers ratés se rencontrent…
(Par Allie-chan)

Ryoumi s’assit et sourit.
Elle était contente d’être revenue ici.
Ce lieu avait toujours dégagé une atmosphère spéciale, c’était très agréable.
Kazuma revint dans la pièce et s’assit en face d’elle.
« - Donc tu es revenue… Mais ça fait si longtemps… »
Ryoumi hocha la tête.
Sept ans. Et trois mois.
Déjà.
« - Pourquoi maintenant ? demanda Kazuma. »
Ryoumi grimaça. Elle s’était attendu à la question, mais elle n’était pas sûre d’avoir la réponse…
« - En fait… commença-t-elle. »
Elle s’interrompit.
« En fait », et puis quoi ?
En fait, elle se sentait vide depuis son départ…
En fait, elle voulait revenir, depuis le début…
Elle aurait voulu lui dire tout ça.
Le manque
L’absence
Et puis… Il y avait ce rêve…
« - En fait, je ne sais pas trop, répondit-elle. »
Elle haussa les épaules.
« - Tu sais que Kyo vit chez Shigure, maintenant ?
- Oui. Shibai me l’avais dit.
- Donc tu n’es pas venue ici par hasard, pas vrai ? »
Ryoumi secoua la tête.
« - Je savais que ce n’était pas une bonne idée. Enfin bref, je… »
Ryoumi s’interrompit et fronça les sourcils.
« - Ça sent le brûlé, non ? »
Kazuma la regarda un moment avec effarement…
Puis il se leva d’un coup et se rendit à la cuisine.
Ryoumi haussa les sourcils. Qu’est-ce qu’il lui prenait ? Elle se leva, le suivit…
Et s’arrêta en voyant le désastre.
Apparemment, elle était arrivée alors qu’il préparait le repas… et le résultat était… original ?
Ryoumi cilla.
Et éclata de rire.
Kazuma se tourna vers elle, surpris, et croisa les bras.
« - Parce que ça t’amuses ? demanda-t-il, faussement vexé.
- Gomen, souffla Ryoumi entre deux éclats de rire. C’est juste que… Vous ne vous êtes pas amélioré en sept ans, Shishio !
- Tu peux parler, fit-il remarquer. Tu n’es pas tellement douée en cuisine non plus…
- C’est vrai, admit la jeune fille. »
Elle s’approcha du plat carbonisé avec autant de prudence que s’il risquait de lui sauter au visage.
« - Qu’est-ce que c’est ? Enfin, je veux dire… A la base, qu’est-ce que c’était ? demanda-t-elle.
- Du poisson.
- C’est tout ?
- Oui.
- Et… »
Ryoumi jeta un regard hésitant au maître de karaté.
« - Vous mangez quand même, de temps en temps ? »

Izumi posa ses affaires dans l’entrée.
Elle était de retour.
De retour chez elle.
De retour près du manoir Soma…
« - Tadaima ! s’écria-t-elle. »
Personne ne lui répondit.
Pourtant, elle entendait du bruit, au loin : la maison n’était pas déserte.
Mais ils avaient autre chose à faire que de l’accueillir.
Bien sûr.
Izumi soupira, monta ses affaires dans sa chambre, la même qu’avant, et s’assit sur son lit.
Rien n’avait changé.
Ils n’avaient pas pris cette peine…
Izumi sourit.
C’était ici qu’elle avait entendu parler de la malédiction pour la première fois…
Et c’était le premier endroit où elle mettait les pieds.
Etrange, la vie ?
Izumi se leva, s’étira, prit son manteau et ressortit.
Elle devait prendre l’air.
Et puis…
Il y avait certaines personnes qu’elle voulait revoir…

Chapitre 4 : Surprise !
Ou comment chercher la sortie, sans la trouver
(Par Bulle)

Ses yeux fixaient, sans vraiment regarder, le paysage qui défilait à toute allure. Le front appuyé contre la vitre du train, il se demandait encore pourquoi il était parti.

Son cousin, qu’il connaît à peine, lui demande de revenir, et il accepte, sans broncher.
Non mais vraiment…Quelle idée !
Il a son boulot à Tokyo, son appart à gérer, sa copine : il a autre chose à faire que de revenir dans cette petite ville ! Alors pourquoi ?

Une fois arrivé, Yuugiri descendit du train, et attrapa son téléphone en soupirant.

-Moshi moshi ?
-Ouais c’est moi…Bon, je suis arrivé.
-Ah, salut Yuugiri, content de t’entendre !
-Oui, moi aussi, répondit-il à contrecœur. Tu es où ?
-Chez l’oncle de Kenji.
-Kenji ?
-Ben ouais, Kenji ! Kenji Soma.
-Ah…Encore un…
-Tu ne vois pas qui c’est ?
-Non
-Non ?
-Ben non
-Peut-être que tu t’en souviendras lorsque tu le verras alors ! Écoute, on habite juste à côté de la gare : tu prends la sortie de gauche, ensuite c’est au bout de la rue. La maison est bleue.
-Ok
Yuugiri raccrocha, et soupira.

-Il a raccroché, souffla Zurui.
Kenji haussa les sourcils
-Sans prévenir?
-Sans prévenir.
Il sourit.
-Je crois qu’il a le cerveau en bouillie, ajouta-t-il, les yeux baissés
-Tu veux que…
-Non, non, pas tout de suite, coupa Zurui. Mieux vaut ne pas trop accélérer les choses, pour éviter le choc. On va y aller progressivement.




Kyo quitta rapidement la maison.
Kimitsu qui arrivait d’un coup, comme ça, lui rappelait des souvenirs, à lui aussi…
Il était petit, mais il s’en souvenait encore, comme si c’était hier : Akito l’avait contemplé de ses deux yeux noirs, et s’était penché près de lui, tout près de son visage. Sa voix l’avait glacé, comme une pluie trop froide.

Ta petite chérie est partie. Envolée.

Kyo ferma les yeux.
Elle était partie depuis longtemps, mais Kimitsu était revenue…Alors…



Yuugiri sonna, et un garçon blond, un peu plus jeune que lui, ouvrit la porte. Ses cheveux, attachés en catogan, laissaient apparaître un visage doux mais malicieux, aux yeux perçants.
-Okaeri, s’écria-t-il
-Hoy, souffla Yuugiri. Tu es Zurui, c’est bien ça ?
-Tout à fait, répondit Zurui, en s’écartant pour laisser entrer le jeune homme.
Il l’observa un instant, et sourit : Yuugiri avait beaucoup changé. Ses cheveux étaient toujours aussi étranges, bleus foncés avec des reflets plus clairs. Mais ils avaient poussé, et cachaient légèrement son visage. Son regard, de la même couleur que sa chevelure, était resté mélancolique, mais plus sage qu’auparavant.
-Tu as bien grandi, ajouta Zurui, en observant sa haute stature.
Yuugiri fit un petit mouvement de la tête, un peu gêné.
Zurui…Il le connaissait, mais il s’en souvenait tellement mal…C’était étrange.
-Je te fais passer dans le salon !, s’exclama gaiement le blondinet. La maison est à l’oncle de Kenji, mais il est trop flemmard pour t’accueillir, donc je le fais à sa place !
Yuugiri sourit, et hocha la tête avant de suivre Zurui.

Au fond de la pièce principale, était installé un autre garçon, cette fois-ci vraiment plus jeune que lui. Peut-être dix ans de moins. Son regard bleu pâle était dur et froid, mais sa bouche généreuse adoucissait son visage.
-Salut, marmonna Kenji, qui ne se donnait pas autant de mal avec ses invités.
-Salut, répondit le jeune homme, sur le même ton. Soma Yuugiri des.
-Moi c’est Kenji. Et tu connais mon nom.
-Effectivement, souffla-t-il.

Kenji sourit. Alors, il ne se souvenait vraiment plus de lui ?



Kyo parcouru du regard le paysage autour de lui, puis décida d’aller à droite…
Il voulait rendre visite à Kazuma, juste pour le voir. Parfois, ce genre d’envie ne s’explique pas.

Le rouquin escalada les petits escaliers qui menaient à la porte principale, et sonna. En attendant, il observait distraitement les cerisiers du jardin.

La porte s’ouvrit sèchement, dans un geste rapide.
Kyo se retourna aussi vite.
-Shish…
Le chat s’arrêta net, abasourdi.
Ce n’était pas Kazuma en face de lui, mais une jeune fille blonde, au visage lisse.
Kyo resta un instant, la bouche entrouverte, les yeux écarquillés sur ce joli visage, et reconnut tout de suite la petite tâche verte dans l’œil droit de la jeune fille.
-Ryoumi, échappa-t-il
Ryoumi porta ses mains à la bouche, sans rien dire.

Kyo blêmit, et descendit les escaliers à reculons, sans lâcher des yeux la petite blonde.

Ryoumi, toi aussi alors…
Et sans savoir pourquoi, il s’enfuit en courant

Ryoumi avança d’un pas, comme pour essayer de le rattraper
-Kyo !, cria-t-elle en tendant la main.
Elle s’arrêta…Et soupira. A quoi bon ?

Kyo...kun
Ryoumi baissa la tête, et entra à l’intérieur

Chapitre 5 : Inquiétude
ou comment improviser un titre XD
(Par Allie-chan)

Assis sur son lit, Yuki poussa un long soupir.
Elle était revenue.
Kimitsu était revenue…
Et lui…
Il n’avait pas dit un mot. Impossible. Rien ne venait…
Rien ne sortait…
Impossible de lui dire quoique ce soit. Impossible même de lever les yeux sur elle.
Elle non plus ne lui avait pas dit un mot, d’ailleurs.
Mais qu’y avait-il à dire ?
Après ce qui s’était passé…
Elle ne reviendra pas…
Ça semblait tellement évident…
Pourtant, elle était là.
Si proche…
Et il ne savait pas comment réagir.

Ryoumi s’assit sur le futon que Kazuma venait de lui installer.
Voilà.
Kyo savait qu’elle était là, maintenant.
Il était venu, il l’avait vue, il était reparti.
Et maintenant ?
Elle avait songé à le retenir, mais en fait…
Ça n’aurait servi à rien.
Elle n’aurait rien trouvé à lui dire.
Elle n’avait rien à lui dire.
C’était trop tard.
D’ailleurs… Lui non plus n’avait rien dit.
Il était juste reparti.
Sans un mot.
Alors…
Ryoumi soupira.
Elle se sentait sale. Et elle avait faim.
Et puis…
Il était si proche..
Et elle ne savait pas quoi faire.
« - Kyo-kun… je suis désolée, souffla-t-elle. »

Kazuma s’arrêta sur le pas de la porte.
« - Kyo-kun… je suis désolée, souffla Ryoumi à l’intérieur de la pièce. »
Kazuma soupira.
Elle n’avait pas oublié, donc… comment l’aurait-elle pu, d’ailleurs ?
Kazuma hocha la tête et fit demi-tour.
Ryoumi avait sans doute besoin de beaucoup de choses, en ce moment, mais pas de sa présence.

Ryoumi entendit son portable sonner, et tendit la main vers lui.
Le numéro qui s’affichait était celui de Shibai.
Shibai…
Il voulait savoir si elle était bien arrivée, sans doute, puisqu’il savait qu’elle devait revenir.
Mais elle n’avait pas le courage de décrocher.
Pas le courage de lui parler.
Pas ce soir, en tout cas.

Shibai haussa les sourcils.
Ryoumi refusait de répondre ?
C’était bien la première fois.
Enfin, de toute façon…
Si elle ne répondait pas, c’est qu’elle était arrivée, non ? Elle devait avoir mieux à faire.
Et lui aussi, sans doute.
Il soupira et reprit le chemin du domaine.
Restait à espérer que tout se passe bien, pour sa rencontre future avec…
Shibai soupira.
Bon, inutile de penser à ça pour l’instant, pas vrai ?

Shigure s’assit.
Kyo était sorti, le regard brillant, comme s’il était attiré par quelque chose. Yuki était monté, sans un mot pour Kimitsu ou pour eux…
La jeune fille n’avait presque rien dit non plus, d’ailleurs.
Le regard de Tohru était passé de Kimitsu à Yuki un moment.
Apparemment, elle était un peu larguée…
Rien d’étonnant à cela, en fait.
Mais elle avait acquiescé quand Shigure lui avait demandé d’installer Kimitsu dans sa chambre pour l’instant, et les deux jeunes filles étaient montées.
Ayame s’assit en face de son ami.
« - Alors Kimitsu est revenue… fit-il. Ça faisait longtemps, ne, Gure-san ? »
Shigure se mordit la lèvre.
Pour une fois qu’Ayame paraissait sérieux…
Il aurait préféré qu’il fasse l’andouille, ce coup-ci.
« - Elle était partie assez brusquement, si mes souvenirs sont bons ? poursuivit Ayame. »
Shigure hocha la tête.
Sans répondre.
Pas besoin d’explication.
Pas encore…

Tohru ouvrit la porte et s’effaça pour laisser passer Kimitsu.
La jeune femme entra et dit quelque chose, mais Tohru n’écoutait pas vraiment.
Elle pensait à Kyo et Yuki.
Kyo était parti brusquement, sans un mot d’explication…
Yuki avait eu l’air…
Tellement troublé… en voyant Kimitsu…
Et elle s’inquiétait, sans savoir pourquoi.
C’était une impression étrange et sans doute absurde mais…
Elle n’arrivait pas à s’en défaire.
Elle s’inquiétait.

Chapitre 6 : Une nouvelle surprenante
Ou comment s’étrangler avec une gorgée de thé
(Par Bulle)

Ayame, Shigure et Tohru étaient restés une partie de la soirée, assis autour de la table chauffante.
Tandis que les deux jeunes hommes se remémoraient certains de leurs souvenirs, Tohru restait silencieuse, les yeux perdus dans le vague.

-Où est allée Kimi-chan ?, demanda Ayame
Shigure tendit sa tasse, pour que Tohru lui serve le thé qu’elle venait d’apporter
-Je crois qu’elle range ses affaires en haut…Merci Tohru-kun.
Shigure sourit, et regarda la jeune fille, qui l’observait timidement.
-Ano…Shigure-san…
Le chien haussa les sourcils : elle avait l’air gênée, plus que d’habitude.
-Qu’est ce qu’il y a ? demanda-t-il.
Tohru soupira, et hésita
-Yuki-kun…Il était tellement…
Elle se mordit les lèvres, comme pour s’empêcher de terminer sa phrase.
-…Troublé ? Compléta Ayame.
Tohru se tourna vers le serpent. Il avait pris un ton bien grave : c’était déstabilisant…Encore plus que ne l’était déjà la situation…
Shigure toussota :
-Tohru-kun, Kimitsu a beaucoup compté pour Yuki quand ils étaient petits
La jeune fille écarquilla les yeux, mais ne répondit pas.

-Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi elle était partie, finalement, dit Ayame, après un silence.
Shigure ne parla pas tout de suite ; ses yeux restaient perdus dans le vide, braqués sur un point fixe.
-Je me demande plutôt pourquoi elle est revenue, souffla-t-il enfin
-Kimitsu habitait dans la résidence principale ? demanda Tohru.
Aya et Shigure se regardèrent un moment en souriant.
Puis le chien prit la parole.
-Tohru-kun …Kimi vivait avec Akito.
Les mots de Shigure lancèrent un immense froid sur la scène
-A…Akito ? répéta Tohru
Le chien et le serpent acquiescèrent dans un même mouvement de tête.
-Les parents de Kimi sont morts quand elle avait trois ans. Akito avait de bonnes relations avec eux, malgré son jeune âge…Donc…Kimi est allée habiter au manoir.

Elle est orpheline ? Mais alors, Akito est comme…
-Oh…Je vois, souffla-t-elle
-Au fait ! Ou est Kyo-kuuun ? S’écria Shigure, comme pour couper court à la conversation.
-Et bien justement, répondit tristement Tohru, Kyo-kun, il était si…
Tohru soupira
-Oui ? Demanda Shigure, en prenant une gorgée de thé.
-Il était…
Elle se mordit les lèvres, à nouveau
-Il avait la même tête que Yuki, lâcha-t-elle très vite.
Shigure s’arrêta net, le thé toujours dans la bouche. Il resta interdit quelques secondes, les yeux braqués sur la jeune fille.
-Oui j’ai vu ça, moi aussi, ajouta Ayame tout naturellement. Même que lorsque je lui ai lancé une vanne sur son look, il n’a pas répondu.
Aya sourit, et écarta avec élégance les mèches de cheveux qui lui tombaient sur le visage
-Il y a une fille derrière tout ça, hahaha !
Shigure recracha violemment la gorgée de thé qui restait dans sa bouche ; Aya et Tohru sursautèrent.
-Qu’est ce qu’il t’arrive !? s’écria le serpent.
-Ne dis pas ce genre de chose en rigolant, Aya, s’étrangla Shigure. Où est ce qu’il est ?
-Dans sa chambre, je crois, répondit-il en fronçant les sourcils. Tu peux me dire ce qu’il y a tout à coup ?

Shigure s’agenouilla, les poings sur la table, et plongea ses yeux noirs dans les prunelles translucides du serpent
-Il n’y a pas de « tout à coup », Aya ! À ce que vous m’avez dit, on n’a pas un problème, mais deux !
À peine sa phrase terminée, le chien se leva complètement, et grimpa vivement les escaliers de la maison.




Kyo resta longtemps allongé sur son lit, les bras croisés derrière la tête, et le regard pensif.
Alors elle était revenue, elle aussi. Évidemment…Il aurai du y penser. Elle et Kimi étaient si liées, si proches. Elles faisaient tout pareil, tout le temps : donc elles revenaient, toutes les deux.

Kyo soupira, et se tourna sur le flan : il avait entendu du bruit dans le couloir. Pas moyen d’être tranquille dans cette maison…
La porte coulissa et la tête de Shigure apparut dans son embrasure. Il avait l’air grave, sérieux. Ça ne présageait rien de bon…
-Qu’est ce que tu veux ? demanda brutalement Kyo.
-Tu as vu Ryoumi, demanda calmement le chien
Kyo sursauta. Comment le savait-il ?
-Comment tu le sais ?
-Je l’ai deviné, répondit Shigure, un sourire aux lèvres. Elles font…
-…Toujours tout ensemble coupa Kyo
Le sourire du chien s’effaça.
-Je vais devoir parler de tout ça à Akito. Ce n’est pas normal qu’elles reviennent. Après ce qu’il s’est passé…
Kyo ne répondit pas, et regarda Shigure tristement.
« Ce n’était pas normal » ?
Ce n’était pas normal qu’elle soit partie…C’était surtout ça le problème…

-Moi je suis content qu’elle soit revenue, dit-il enfin.
En guise de réponse, Shigure soupira.
-Je vais parler à Kimi. Bonne nuit.
-‘Nuit…Marmonna le chat.

Shigure regarda gravement Kimitsu.
Kimitsu attendait cette conversation, depuis qu’elle était arrivée ici. Il fallait bien passer par là, c’était la règle du jeu.

-Tu peux aller cafarder auprès d’Akito, j’m’en fous !, s’écria Kimitsu, avant que Shigure puisse prendre la parole
-Mais…Je ne voulais pas faire ça…Enfin, si, il faut que je lui dise…Mais il faudrait que t’aille lui rendre visite peut-être.
Kimitsu se leva d’un bond, le regard indigné.
-Mais t’es malade ou quoi ? C’est plus mon frère !
-Kimi, arrête
-C’est plus mon frère, répéta-t-elle.
Shigure ferma les yeux, visiblement impatient.
-Kimi, s’il te plait…
-C’EST PLUS MON FRERE!! Hurla Kimitsu
Shigure se leva, et fronça les sourcils.
-Kimi, lança-t-il d’une voix forte, je t’ai entendu dire cette phrase cinquante fois par jour pendant trois ans. Donc arrête maintenant, s’il te plait !
Kimitsu lui jeta un regard de défi
-C’EST PLUS MON FRERE, C’EST PLUS MON FRERE, C’EST PLUS MON FRERE, C’EST…

Shigure avait laissé tomber, et était sorti de la chambre. Quand elle commençait, ça ne servait à rien d’essayer de l’arrêter.

Chapitre 7 : Dans la nuit
ou comment trouver pas mignonne son interlocutrice.
(Par Allie-chan)

Kimitsu resta longtemps immobile, assise sur le futon, perdue au plus profond d’elle-même. Ailleurs.
Ce n’est plus mon frère ce n’est plus mon frère ce n’est plus mon frère ce n’est plus mon frère.

« - Oui… Tu aimerais bien, pas vrai ? »

La jeune femme frissonna.
Revenir…
En temps normal, elle n’aurait pas hésité.
Mais là…
Est-ce qu’elle avait bien fait de revenir ?
Mais… Ryoumi était là, non ? Revenue, elle aussi.
Alors…
Même si Shigure cafardait…
Même si elle le revoyait…
Kimitsu se mordit les lèvres.
Ce n’est plus mon frère… Ce n’est plus mon frère !

« - Sale petite garce ! Tu oses encore t’approcher de lui ? »
Une main qui lui prenait le menton.
Et puis…
« - Je vais m’assurer que tu disparaisses de sa vie à jamais. »


Akito laissa son regard errer par la fenêtre. La nuit tombait doucement. Le ciel se couvrait d’étoiles. C’était calme. Mais lui était loin d’être en paix.
Il savait que « au moins » Shibai, Ryoumi et Kimitsu étaient revenus. Et…
… malgré lui…
… il avait… peur ?
Que Shibai soit revenu lui était indifférent. C’était surprenant, certes, mais sans importance. Le retour des deux filles, en revanche, avait de quoi inquiéter…
Puisqu’elles était revenue…
Cette sale gosse…
Et surtout…
Kimitsu…
Si elles les revoyaient…
Kureno…

« - Ano… Soma-san ? »
Kimitsu sursauta et releva la tête. Elle n’avait pas entendu la jeune fille – Tohru Honda, c’était bien ça ? – entrer dans la chambre. Sa chambre, d’ailleurs.
Kimitsu lui sourit presque.
« - Appelle moi par mon prénom, ordonna-t-elle.
- Hay ! Kimitsu-san ?
- Oui ?
- Vous... Vous êtes bien installée, ici ? »
Tohru se mordit la lèvre. Ce n’était pas du tout ce qu’elle avait voulu dire.
« - Ça va, merci, répondit Kimitsu. »
Tohru sourit.
Kimitsu se laissa basculer sur le futon et ferma les yeux. Elle entendit Tohru traverser la pièce et se glisser dans son propre lit.
Puis plus rien.
Jusqu’à ce qu’elle se décide.
« - Tohru, souffla Kimitsu, a quel point tiens-tu à Yuki et Kyo ? »

Izumi poussa la porte en riant.
Elle se sentait bien, comme toujours après ce genre de discussion. Ça lui faisait du bien, de réaliser que d’autres, avant elle, s’étaient posés les mêmes questions. Et puis, son interlocuteur habituel était mignon.
Son portable sonna et elle le décrocha d’un large geste.
« - Moshi moshi ?
- Izumi… »
La jeune femme sursauta.
« - Ren-sama ? »
Izumi s’adossa au mur.
Ren, elle, n’était pas mignonne, pas du tout, mais Izumi n’avait pas vraiment le choix. Ça faisait partie de son travail.
Elle écouta patiemment ce que Ren avait à lui dire, hocha la tête et raccrocha.
Bien.
D’ici la fin de la semaine, il faudrait qu’elle aille voir ça d’un peu plus près.
Rien de différent à d’habitude, donc.

Un profond silence s’abattit de tout son poids sur la pièce. Et c’est lourd, un silence qui s’abat de tout son poids. Surtout après une question pareille. C’est dangereux, un lourd silence, ça peut faire mal, mais là je sors du sujet, vous auriez pu me le faire remarquer plus tôt.
Kimitsu se tourna légèrement, et croisa deux grands yeux qui la fixaient. Tohru était bien réveillée, Kimitsu répéta donc sa question.
« - J-je… commença Tohru. »
Elle s’interrompit et se mordit la lèvre.
« - Tu ne les aimes pas ? demanda Kimitsu.
- N-non ! Ce n’est pas ça ! C’est juste que… »
Tohru se tut de nouveau.
Kimitsu la fixa un long moment, et hocha finalement la tête.
« - Si tu leur fait du mal, tu le regretteras, souffla-t-elle. »
Puis elle se réinstalla et ferma les yeux.
Choquée, Tohru resta un long moment immobile, fixant Kimitsu dans le noir. Mais la jeune femme s’était endormie.

Chapitre 8 : Succomber
Ou comment ressentir la peur
(Par Bulle)

Shigure resta immobile au moins cinq bonnes minutes, les yeux rivés vers son objectif. Il hésitait, comme à chaque fois qu’il devait le faire. C’était si attirant…Mais tellement effrayant.
Shigure inspira un grand coup, puis avança.
Tant pis, je dois le faire, sinon…

Le chien poussa doucement la porte, qu’il entendit grincer sur son passage. Entré dans l’immense salle, il pouvait entendre ses semelles tinter sur le sol froid. Le climat était toujours glacé ici ; à peu près dix degrés de moins qu’à l’extérieur. Le garçon frissonna, puis leva les yeux. Elle était assise là, devant lui, mais assez loin. Ses deux yeux noirs le toisaient tranquillement, de toute leur profondeur.
Shigure sourit, et sans s’approcher, toussota, puis parla enfin
-Vous avez pris des couleurs depuis la dernière fois…Akito-san
Akito ne cilla pas, et le regarda longuement ; Shigure déglutit.
Et voilà, je suis pris au piège, une fois de plus. C’est toujours comme ça, toujours. Je n’y arrive pas. Je n’y arrive jamais…Je dois lui dire, car sinon…Je la perdrai …

-Je…
Inconsciemment, le jeune homme se mordit les lèvres : avant même qu’il ait commencé sa phrase, Akito s’était approchée de lui, les yeux écarquillés par la surprise.
-Que t’arrive-t-il ? chuchota-t-elle. Tu as l’air si…
Elle s’interrompit, et approcha son visage du sien. Ses lèvres effleurèrent doucement celles du garçon, qui en soupira d’aise.

-Je…Dois vous parler, répondit-il d’une voix tremblante.
Akito s’écarta, et sourit, d’un sourire un peu froid, mais tellement beau, qu’il faisait tout oublier. Tout. Les pires souffrances qu’elle avait provoqué ; ses pires méchancetés. Oui, tout.
-Ryoumi et Kimitsu Soma sont revenues, soupira-t-il.
-Je le sais, souffla Akito.
-Ah…
Shigure baissa les yeux.
Mais comment ? Qui aurait pu… ?


-Qui vous l’a dit ?, demanda-t-il timidement
Akito sourit à nouveau, puis lui caressa la joue. Shigure appuya machinalement son visage contre cette main fraîche, et ferma les yeux. Elle l’avait eu, encore une fois.
-Chut, murmura doucement Akito dans le creux de son oreille. Ne pose pas de questions…Tu ne dois jamais poser de questions…
La jeune femme s’interrompit, et pressa furtivement ses lèvres contre celles de son maudit. Shigure se laissa envelopper pendant quelques secondes, par ce doux contact, un peu électrique ; mais Akito s’écarta, trop vite et trop tôt.
Shigure la regarda un peu déçu, et lui rendit son baiser.


**********************************************************


Kenji fixait la fenêtre les sourcils froncés, et la bouche pincée.
Kana…Qu’est ce qu’ils t’ont fait ? Et pourquoi ?
-Pourquoi ? Demanda-t-il avec brutalité
Zurui soupira
-Je te l’ai déjà dit, Ji-chan, c’est Akito qui a voulu…
-Et alors ? hurla Kenji en se levant. Hatori aurait pu dire non ! Non ! Ce n’est pas compliqué de dire ça, si ?
-Ne te méprend pas Kenji…
Zurui jeta son regard perçant sur le garçon... Son visage était vif, éclairé d’une lumière crue.
-…Hatori est maudit , souffla-t-il. Ils sont tous maudits. Cette famille est obscure, dangereuse. Tu ne peux pas savoir…
Kenji ne cilla pas, et soutint le regard de son cousin. Mais son cœur battait plus vite, et plus fort.
Depuis que je suis là, je sens une tension terrible autour de moi, c’est comme…
-Tu as l’impression d’étouffer ?
Kenji sursauta, puis fit volte-face. Yuugiri n’avait rien dit jusqu’à maintenant, les jambes machinalement croisées sur la table et les bras derrière la tête. Il n’avait rien dit…Jusqu’à ces paroles, qui avait interrompu les pensées de Kenji, comme pour les compléter.
-Co…Pourquoi dis-tu ça ? bredouilla-t-il.
Yuugiri regarda tristement son cousin.
-Je te comprends. Je ne sais pas pourquoi, mais j’y arrive. C’est comme si…Je comprenais les angoisses de chacun, et que je me les appropriai.

Zurui observait Yuugiri en souriant.
Il a l’air si…Vide, et pourtant si torturé. On sent comme une immense tristesse, enfouie en lui. S’il récupère toute sa mémoire, je ne sais pas s’il pourra le supporter.
Zurui secoua la tête.
-Kenji ne t’emporte pas trop vite, pas maintenant en tout cas. Il ne faut pas qu’Akito sache que vous êtes là, en tous les cas, pas tout de suite…
Kenji fronça les sourcils.
-Et toi ? Il saura un jour que tu es ici ?
Zurui soupira.
Elle, tu veux dire…
-Non, il ne saura pas, sinon…Il me tuera. Enfin, je crois.
Yuugiri sursauta. Il avait dit ces mots avec tellement de légèreté… Il était comme ça Zurui, un peu inconscient, un peu fou…Tout son contraire finalement.


******************************************************


Shigure prit Akito dans ses bras, et serra sa tête contre sa poitrine.
Akito ferma les yeux, et se laissa bercer par la respiration du jeune homme.
-Vous avez peur ? demanda-t-il.
Akito réfléchit. Peur ?
Kimitsu a tant représenté de choses pour moi…Elle représente une époque si dure, si particulière, si dangereuse…Alors oui, j’ai peur. Mais je sais comment l’arrêter, Ryoumi aussi…Tout ira bien.
-Non, Shigure. Je n’ai pas peur, murmura-t-elle enfin.


Zurui s’adossa au rebord de la fenêtre, et contempla le jardin qui s’offrait à ses yeux. Machinalement, il sortit une cigarette du fond de sa poche, et avant de la porter à sa bouche, il la regarda, l’air dubitatif : elle était tordue, froissée, comme toutes ses affaires, d’ailleurs.
Zurui haussa les épaules, et l’alluma quand même.
Il faisait beau, un peu chaud, pas trop. Mais suffisamment pour qu’Akito ne puisse pas supporter…
Zurui soupira, un peu nerveusement. C’était dur parfois de se dire qu’il fallait se cacher, pour toujours. Il aurait voulu voir Kagura, Momiji, et même Shigure …
Mais il devait rester là, à attendre.
Kenji s’approcha de lui, et sans mot dire, s’adossa lui aussi à la rambarde.

-Zurui…Tu ne m’as pas tout dit, souffla-t-il enfin.
Zurui sursauta, et tourna la tête. Kenji regardait l’horizon, ses yeux glacés perdus dans les couleurs du ciel.
-Nous sommes si dangereux que ça ?, poursuivit il.
Zurui hésita. Il ne savait pas trop. Peut-être, peut-être pas…Là était tout le problème.
-Je sais juste qu’Akito aurait peur s’il savait…Que nous sommes de retour.



****trip qui sert à rien****


Kyo : dit-donc! Je trouve que tu parles bcp de Shigure!
Moi Que! Ha! Kyô, tu m'as fait peur!!
Kyô : ouais super! Y en a que pour le clébard ici
Moi : Oh, gomene, c'est qu'il est tellement mignon! Mais tu es jaloux, Kyô-kun!
Kyô (blêmit) : Nana, nan! Ne me regarde pas comme ça, tu me traumatise assez à la secte!! Argh, au secour
/s'enfuit en courant
/me lui courre après
-Kyôôô-Kuuuun!

Désolée, ça...Casse un peu l'embiance, mais on refait pas sa nature XD

[pop= Chapitre 9 : Tension]
ou comment éviter de se regarder.
(Par Allie-chan)

Tohru finissait de préparer le petit-déjeuner. Nerveuse, la jeune fille frissonnait malgré elle à chaque fois qu’elle sentait le regard doré de Kimitsu peser sur sa nuque.
Pour en rajouter, elle était seule avec la jeune femme : Kyo et Yuki n’étaient pas encore descendus ; Shigure, lui, était sorti très tôt, sans rien dire de ce qu’il allait faire.
Mais Kimitsu lui avait jeté un regard… froid. Glacial même. Comme si…
Un bruit de pas fit sursauter Tohru.
Kyo entra dans la pièce, l’air sombre, et s’assit à la table sans un mot.
« - Ohayou, le salua Tohru.
- Hm, répondit Kyo. »
Kimitsu et lui échangèrent un bref regard, puis détournèrent les yeux.
Tohru soupira.
Mais au moins, ça la rassurait un peu de ne pas être seule avec la jeune femme…
« - Pourquoi tu fais cette tête ? demanda Kimitsu. »
Tohru sursauta et se retourna brusquement, avant de se rendre compte que la jeune femme s’adressait à Kyo.
Le rouquin haussa les épaules.
« - Pour rien, grogna-t-il.
- Menteur. C’est à cause de Ryoumi, ne ? »
Tohru fronça les sourcils. Kyo s’était retourné d’un coup vers Kimitsu, le visage grave. Mais il ne répondit pas.
« - Pourquoi tu ne réponds pas ? demanda Kimitsu. Pourquoi est-ce que tu ne l’admets pas, tout simplement ? »
Les deux jeunes gens restèrent un moment face à face.
Puis Yuki entra dans la pièce, et tout le monde se tourna vers lui.
Tohru soupira. Pour une fois, le jeune homme était bien réveillé, mais il était tellement pale qu’elle se demandait s’il avait même dormi…
Kimitsu se mordit les lèvres et détourna les yeux.
Yuki inspira un grand coup.
Ce n’était pourtant pas compliqué, si ? Juste lui poser la question…
Juste savoir pourquoi…
« - Kimitsu… commença-t-il. »
C’était si étrange… Prononcer de nouveau son prénom…
La jeune femme se leva brusquement et quitta la pièce.
Les trois adolescents entendirent la porte d’entrée s’ouvrir puis se refermer, et poussèrent un même soupir.
Yuki s’assit, en silence, répondant distraitement à Tohru qui le saluait.
Pourquoi était-elle revenue ?
Après tout ce temps…
Kimitsu…
Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose…

Kimitsu sortit de la maison et laissa échapper un rire d’auto apitoiement.
C’était bien beau, de demander à Kyo pourquoi il refusait de l’admettre…
C’était facile de le traiter de lâche…
Alors que, elle-même…
Elle n’arrêtait pas de fuir, au fond…
Depuis ce jour…

Hatsuharu s’assit en soupirant. A côté de lui, Momiji papillonnait d’élève en élève, jusqu’à ce que le professeur, l’air très las, lui fasse remarquer que « si monsieur Soma voulait bien s’asseoir, je pourrais peut-être vous présenter la nouvelle élève… ».
Momiji rit et retourna à sa place. Puis il releva la tête et observa la nouvelle.
Elle était plutôt adorable, avec ses yeux noisette et ses cheveux blonds. Et elle avait… une tache verte ? … dans un des deux yeux.
Momiji pencha la tête sur le côté.
Il la connaissait, non ?
En tout cas, elle lui rappelait beaucoup quelqu’un.
Le jeune garçon se pencha vers son cousin.
« - Dis, Haru, elle ne te rappelle pas quelqu’un ? »
Momiji haussa les sourcils. Haru fixait la nouvelle, l’air choqué.
« - Haru ? appela Momiji.
- C’est…
- Soma Ryoumi des, se présenta la nouvelle. »
Momiji releva la tête.
« - Une Soma ? demanda-t-il. »
Haru hocha doucement la tête.
Ryoumi…
Ça faisait des années… Il se souvenait bien de la fillette qui venait régulièrement assister à leurs entraînements, au dojo. Elle s’entendait très bien avec Kyo.
Mais elle s’était brusquement volatilisée, et Kyo n’en avait jamais parlé.
Qu’est-ce qu’elle faisait là et…
Pourquoi juste dans ce lycée ?
« - Tu la connais ? demanda Momiji à Haru.
- Oui… Elle était amie avec Kyo, avant… C’est…
- Oui, je m’en souviens ! s’écria presque Momiji. Je l’ai croisé quelque fois, quand on rentrait de l’école… »
Ils entendirent un profond soupir.
« - Soma, par pitié, taisez vous et écoutez le cours ! »
Momiji sourit et se redressa. Haru fit de même.
Le professeur soupira de nouveau.
« - Va donc t’asseoir à la table vide, devant Hatsuharu Soma, dit-il à la nouvelle. »
La jeune fille hocha la tête et alla s’installer presque en silence.
Le professeur ne put s’empêcher de se dire qu’avec une Soma en plus, les cours allaient vraiment devenir invivables pour lui.
Chapitre 10 : Rencontre inattendue
Ou comment sentir son cœur battre à nouveau
(Par Bulle)

Ryoumi s’adossa contre le mur, les jambes croisées sous la table. Haru et Momiji pouvaient ainsi l’observer de profil, un crayon dans la bouche et le regard pensif.
Elle écarta ses cheveux blonds pour les attacher en un chignon, et Haru haussa les sourcils : son visage était particulièrement beau, comme pouvait l’être celui de Yuki, mais à sa façon. Étonnant…
Momiji la regarda avec insistance cinq bonnes minutes avant que la jeune fille tourne la tête à son tour.

Ryoumi écarquilla les yeux, un peu surprise : un jeune garçon, au très beau visage, l’observait avec bienveillance.
Momiji ?
-Tu ne serais pas…
-Hay ! Soma Momiji desu ! Et voici Haru.
Ryoumi se tourna brusquement sur le garçon que Momiji avait présenté.
Mais oui, bien sûr.
Elle se rappelait davantage de son visage que de celui du blondinet
-Hatsuharu ! clama-t-elle d’une voix un peu forte.
Le professeur toussota
-J’ai parfaitement conscience du bonheur intense que peut provoquer cette rencontre familiale, répliqua-t-elle d’un ton sarcastique, mais pour l’instant taisez vous.
Ryoumi fit volte-face et rougit violemment.
-sumimasen'! Je...
-Ça ira, soupira le professeur.



Akito s’étendit à sa fenêtre, et ferma les yeux. Depuis deux jours, elle se sentait un peu mieux, c’était étrange. Même ses mains étaient plus chaudes que d’habitude, et son cœur battait plus vite ; plus fort aussi.
La jeune femme hésita un moment, puis se leva avant de parcourir lentement les allées du jardin. Il faisait beau, et moins chaud qu’hier, ce qui lui permettait de bouger un peu plus.

Akito tourna brusquement la tête, ses yeux pétillants prêts à traquer le moindre mouvement : elle avait entendu un bruit, là, tout près d’elle.
Qui osait circuler là, sans même venir la voir ?
Immobile un instant, elle parcourut du regard les alentours, sans perdre une seule miette du paysage.
Bon…
Elle s’adossa lentement contre un arbre, et attendit. Il finirait bien par se montrer, et là…


Momiji sortit en premier de la salle, entraînant déjà Ryoumi par la main. La blondinette se laissa faire, un peu étonnée, mais ravie. Les deux jeunes gens, accompagnés de Hatsuharu, descendirent alors pour la pause déjeuner.

Kyô poussa la porte d’un coup de pied, et sortit du lycée. Mais voyant le flot humain se déverser dans la cour, il s’immobilisa un temps sur le seuil.
-S’ils pouvaient disparaître, tous…
-Si tu ne veux pas les voir, il ne faut pas aller au lycée, dans ce cas, baka neko…
Kyô sursauta, et jeta un regard furieux sur son cousin.
-La ferme k’so nezumi ! répliqua-t-il d’un ton habituel.
-Vous avez vu, il fait beau ! cria presque Tohru, en se plaçant entre eux deux. Je ne pensais pas que le temps resterait stable aussi longtemps.
Kyô haussa les sourcils, puis les rabaissa tout de suite ; Yuki sourit à Tohru, et les trois jeunes gens avancèrent sur les pelouses, où tout le monde déjeunait.

Ryoumi s’étendit sur la pelouse, et se redressa tout de suite.
Kyô resta debout en face d’elle, sans mot dire, mais incapable de faire demi-tour.
Yuki écarquilla les yeux, et comprit tout de suite ce qu’il se passait.
Momiji se jeta sur Tohru, qui n’eut pas le temps de comprendre.
Haru s’avança, et parla le premier
-Yuki ! Toi enfin !
La vache écarta les bras, et fit une brève accolade à son cousin.
-Kyo…murmura Ryoumi
-Oy…Répondit Kyo avec brutalité.
À ces mots, le rouquin s’assit à son tour, en ramenant les genoux à son menton.
Tohru gazouillait tranquillement avec Momiji, mais elle avait parfaitement remarqué la réaction de Kyo. Un peu gênée, la jeune fille s’approcha de Ryoumi pour la saluer.
-Enchanté ! Honda Tohru desu!
Ryoumi lança à Tohru un grand sourire chaleureux, et s’inclina à son tour
-Soma Ryoumi desu!
Tohru sursauta.
-Soma ? échappa-t-elle.
-Oui, je…
Ryoumi s’interrompit et leva les yeux. Un jeune homme, près de la grande porte, s’était adossé contre un mur, tout juste derrière le petit groupe, et regardait Ryoumi avec insistance.
Qu’est ce qu’il fait là, lui ?
Ryoumi rougit, et regarda tour à tour ceux qui ne l’ignoraient pas, c’est-à-dire tout le monde, sauf Yuki et Kyo.
-Excusez-moi, bredouilla-t-elle en rougissant . Quelqu’un m’attend, je reviens.





Zurui remua une dernière fois le contenu de la casserole, et porta la cuillère à ses lèvres.
-Mmm…Pas mal…Tu sais où est Yuugiri ? On va bientôt manger…
-Il est parti…
Kenji qui était derrière, pu voir son cousin se raidir d’un seul coup
-Il est parti ? répéta Zurui sans se retourner. Mais, où ça ?
-Je sais pas, marmonna Kenji. Il a dit qu’il voulait faire un tour.
Zurui soupira.
Pourvu qu’il ne risque pas le pire…




Akito renonça finalement, et entra à l’intérieur. Elle avait peut-être mal entendu, et puis, le téléphone avait sonné.
-Mmm, répondit-t-elle d’un ton las
Akito s’immobilisa tout d’un coup.
-Qu’est ce que tu dis ? Demanda-t-elle d’une voix sourde.
La jeune femme se tut à nouveau quelques secondes, puis raccrocha sans mot dire.
Mais alors…
Akito tourna les yeux vers le jardin une dernière fois
Si c’était lui…

Yuugiri avait mal aux genoux, et aux mollets. Ça faisait bien un quart d’heure qu’il ne bougeait plus derrière ses buissons, à attendre que la personne s’en aille.
Tant pis s’il me voit encore, je prend le risque.
Yuugiri se leva d’un bond, et croisa furtivement le regard du jeune homme derrière la fenêtre.

Akito écarquilla les yeux par la surprise
Yuugiri.

Yuugiri s’élança, le cœur brûlant, et les jambes en feu. Il était venu voir, comme ça, par curiosité. Après tout ce qu’on lui avait dit sur cette famille, il fallait vérifier.
Cet homme si maigre, si étrange lui rappelait terriblement quelque chose. Mais impossible de s’en souvenir.

Chapitre 11 : Elle
ou comment tomber sur une vieille connaissance alors qu'on voulait en croiser une autre.
(Par Allie-chan)

Shibai s’était adossé au mur, près de la grande porte.
Il vit Ryoumi se lever et le rejoindre en courant.
« - Shibai-kun ? demanda-t-elle. Qu’est-ce qui se passe ? »
Shibai la dévisagea un moment. Elle était rouge, et elle avait l’air troublé.
« - Alors, tu l’as revu, dit-il simplement. Comment ça s’est passé ? »
Ryoumi se mordit la lèvre, hésitant à répondre. Shibai comprit.
« - Je t’ai interrompu, hein ? Gomen. »
Ryoumi haussa les épaules.
« - Ça ne fait rien, répondit-elle doucement. Apparemment, il n’a plus rien à me dire… »
Ryoumi réprima difficilement un frisson. C’était dur mais… C’était vrai apparemment. Il n’avait plus rien à lui dire. Il aurait probablement mieux valu qu’ils ne se revoient jamais. Et c’était sa faute. Entièrement de sa faute.
Alors ? Ça fait quel effet, d’être détestée ?
« - …mi ? Ryoumi ? »
Ryoumi sursauta. Shibai la fixait, l’air indéchiffrable.
« - Gomen ! s’excusa-t-elle. J’étais…
- Ailleurs, compléta Shibai.
- Tu voulais me voir, au fait ? demanda-t-elle.
- Oui… Je voulais… »
Ce fut à son tour de s’interrompre.
« - Ryoumi-chan… Qui est-ce ?
- Qui ?
- Elle. »
Ryoumi fronça les sourcils et suivit le regard de son cousin. De qui parlait-elle ?
« - Elle ? demanda-t-elle. Celle qui est avec eux ? »
Shibai hocha la tête.
« - Tohru Honda, répondit Ryoumi. Pourquoi ? »
Shibai sourit. Tohru, hein ? Joli prénom.
« - Elle est mignonne, répondit-il. »
Ryoumi le dévisagea un moment, puis haussa les épaules.
« - Si tu le dis… marmonna-t-elle.
- Jalouse, Ryoumi-chan ? Elle à l’air plutôt proche de Kyô… »
Ryoumi se détourna en rougissant.
« - Pas du tout ! »
Shibai sourit.
« - Je voulais juste voir comment ça se passait pour toi, fit-il enfin. Et aussi… »
Il hésita.
« - Et aussi savoir si tu avais été contactée par d’autres Soma. »
Ryoumi leva un sourcil interrogateur.
« - Non. Pourquoi ?
- Apparemment, nous ne sommes pas les seuls à être revenus, répondit Shibai, évasif. »
Il haussa les épaules et se détacha du mur.
« - Je vais y aller. Bonne chance, souffla-t-il. »
Ryoumi le regarda s’éloigner en silence.
Bon.
Elle sourit et retourna vers les autres.

Izumi arriva enfin chez Shigure. Maintenant, il fallait espérer qu’il y ait quelqu’un. L’écrivain, de préférence.
Izumi fronça les sourcils.
Qu’est-ce qu’une femme en tailleur bleu faisait devant la porte de Shigure, un cutter à la main ? Et pourquoi approchait-elle la lame de son poignet ?
« - Hey ! s’écria Izumi. C’est pas mignon de se suicider devant la maison des autres ! »
L’inconnue se tourna vers Izumi, proférant une suite de mots tels que retard, démon, page blanche et suicide.
« - Ah bon ? s’étonna Izumi.»
Mais elle n’eut pas le temps d’en dire plus.
Parce que, apparemment, elle n’était pas la seule à vouloir voir Shigure.
Un jeune homme aux longs cheveux blond tirant sur le châtain, vêtu d’un kimono féminin, arriva derrière elle.
Il s’arrêta net en voyant la scène.
« - Izumi…chan… souffla-t-il. »
La jeune fille resta immobile, incapable de proférer une parole.
Le regard de Mitsuru passa de l’un à l’autre.
Puis Ritsu fit demi-tour et s’éloigna d’un pas vif.
Izumi ne songea même pas à le rattraper.
« - Ri-chan, souffla-t-elle. »
Un bruit de pas la fit se retourner.
Shigure venait d’arriver.

Ritsu ne s’arrêta qu’après avoir mis une bonne distance entre la maison de Shigure et lui.
Alors c’était ça…
Cette force qui l’avait poussé à aller voir Shigure…
Izumi…
Elle était revenue…
Izumi…
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Bulle
posté Jan 11 2006, 01:44 PM
Message #3


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Les Ecorchés

Part. II



PREMIERE PARTIE : NAGORI - suite et fin

Chapitre 12 : À bout
Ou comment rendre dingue son éditrice
(Par Bulle)

De retour sur la pelouse, Ryoumi pu voir que Kyô était parti, et seul, apparemment.
Va t-en tout de suite ! Ne reviens pas !! Cours !!!
Ryoumi se mordit les lèvres. Ces paroles résonnaient dans sa tête sans cesse. La journée, elle y pensait, la nuit, elle en rêvait. Et maintenant qu’elle était revenue, c’était encore pire.
-Ryoumi ?
Ryoumi sursauta et leva les yeux. Yuki l’observait l’air inquiet, son visage tout près du sien, ce qui fit sourire la jeune fille malgré elle.
-Pardon Yuki-kun, souffla-t-elle. Je vais y aller maintenant, je veux retrouver Kyô.
Le rat fronça les sourcils.
-Tu sais…Je pense qu’il faut t’armer de patience, parce que…
Il s’interrompit ; un pli amer apparut sur ses lèvres, et Ryoumi sentit les larmes lui monter aux yeux : Yuki et elle, ressentaient sans doute la même perte, le même manque. Peut-être aussi la même culpabilité…

-Yuki-kun, ce n’est pas notre faute.
Yuki écarquilla les yeux. Ryoumi le regardait tendrement, un petit sourire aux lèvres.
Non, ce n’est pas ma faute. Mais…J’aurais voulu être là pour elle, une dernière fois …
-Tu parleras à Kimi-chan, Yuki ?
Le rat tressaillit en entendant son prénom
Kimitsu
-Oui, bredouilla-t-il, si elle est revenue, je dois le faire.
-Bien, répondit Ryoumi en souriant.
Sur ses mots, la jeune fille s’éloigna, d’un pas énergique, ses cheveux blonds virevoltant autour de ses épaules.



Shiguré s’immobilisa quelques instants, puis ouvrit la bouche
-Izumi ?
Izumi rougit, et baissa les yeux. Il était mignon Shiguré, mais là, il n’avait pas l’air content.
-Je…Shigure-san, je suis revenue, car…
-Ren t’a appelée, je suppose, soupira le jeune homme
Izumi leva la tête, un peu surprise
Alors…Shiguré sait…
-Oui. Mais je ne sais pas encore vraiment pourquoi, avoua-t-elle.
Le chien regarda longuement la jeune fille. Une petite frange couvrait ses yeux noirs, qui paraissaient d’autant plus sombres.
Shiguré trouvait ça triste, vraiment. Elle était gentille, Izumi…Mais, tellement manipulée.
-Tu as l’air bien sérieux, Shiguré, souffla la jeune fille
Le chien resta de marbre. C’est vrai que depuis deux jours, les évènements s’accumulaient un peu trop vite à son goût. Kimitsu, Ryoumi, et maintenant Izumi…
-Entre à l’intérieur. Je te rejoins dans cinq minutes.
La jeune fille hocha la tête, et obéit.

Une fois Izumi entrée, Shigure regarda Mitsuru.
-Aaa, Mi-chan ! cria-t-il. Je suis content de vous voir !
Mitsuru le regarda interloquée, la bouche entrouverte.
-Et bien, pourquoi cette tête ? C’est à cause de mon nouveau kimono ? Il est un peu voyant, je sais, mais Aya m’a dit qu’il m’allait bien. Il ne vous plaît pas ?
Mitsuru serra les poings de toutes ses forces, prête à frapper.
-Senseeeeeiiiiii, comment pouvez-vous me faire ça, alors que moi…Alors que moi…Je…
La jeune femme ne finit pas sa phrase, et s’effondra sur le sol.
Shigure soupira, et la releva presque machinalement.
-Allons, Mi-chan, vous êtes trop anxieuse, murmura-t-il en lui caressant les cheveux. Je vais vous donner le chapitre tout de suite, attendez-moi.
Mitsuru sourit enfin.
-Bien, je vous attends…
Le chien rentra à l’intérieur, puis referma la porte sur elle.
La jeune femme resta immobile un instant, sans rien comprendre, jusqu’à ce que le visage de Shiguré apparaisse à nouveau, mais à la fenêtre.

-Vous êtes encore là ?, demanda-t-il sincèrement étonné.
Mitsuru écarquilla les yeux ne sachant plus quoi dire.
-Bon, allez, laissez- moi avec ma cousine cet après-midi, par pitié !
-Mais…
-À bientôt Mi-chaaan, ajouta-t-il en chantonnant.
-Seeeensssssseeeeeeeiiiii !!!!
Mais les cris de Mitsuru ne servaient plus à rien : Shiguré avait fermé la fenêtre.





Ryoumi commença à chercher un peu partout, à travers les couloirs. Le lycée était encore vide car la pause déjeuner était loin d’être terminée.
-Kyôôô-chan ?
La voix de la jeune fille résonna dans tout le couloir, mais elle, n’entendit aucune réaction.
Ryoumi inspecta tous les recoins d’un établissement qu’elle ne connaissait encore pas très bien. Puis elle continua à avancer, d’un pas rapide, en regardant dans chaque salle, si le rouquin ne s’était pas dissimulé.

Un quart d’heure plus tard, Ryoumi s’effondra contre le mur, essoufflée, et découragée : elle avait grimpé les quatre étages du lycée, à plusieurs reprises ; puis elle avait couru partout, jusqu’à la grande salle de gym.
Rien.
Personne.
Ryoumi lâcha un profond soupire, et pleura doucement.
-Kyô-kun…
Puis, lentement, elle se dégagea du mur pour se relever.
BAM !
Ryoumi sursauta. Un bras l’avait bloqué dans le couloir, pour l’empêcher d’avancer : Kyô la regardait au-dessus d’elle, ses yeux pourpres plongés dans les siens.
-Qu’est ce que tu fous là ? demanda-t-il d’un ton abrupt
-Je te cherchais, s’écria Ryoumi.
-Je le sais bien marmonna-t-il. Je t’ai entendu m’appeler.
-Mais…Kyô-chan…Pourquoi tu ne m’as pas répondu ?
Le chat tourna les yeux, un peu embarrassé. Les yeux noisette de Ryoumi l’avaient toujours beaucoup troublé, et malgré lui, il ne pouvait s’empêcher de rougir.
-Je…
-Kyô-kun !
La jeune fille lui pris les mains et sourit tendrement. Kyô sursauta, et déglutit.
-Gomene, souffla Ryoumi. Pour tout. Mais je suis revenue.




Tohru écoutait tranquillement Yuki, Momiji et Haru discuter entre eux. Mais elle, n’avait pas envie de parler. En ce moment, l’atmosphère était devenue bien étrange. Kyô et Yuki avaient l’air tristes, et absents.
Tohru soupira. C’était sûrement l’arrivée de ces deux jeunes filles qui les rendaient soucieux. Mais elle, ne pouvait rien faire. Pas cette fois-ci. Le problème était trop profond, et trop secret. Ce n’était pas ses affaires, elle ne devait pas s’en mêler.

Tohru se leva discrètement, et commença à quitter la pelouse.
-Honda-san !
La jeune fille tourna les yeux, et croisa le regard argenté de son ami. Il avait l’air inquiet, presque anxieux ;
-Yuki-kun je reviens ! s’écria-t-elle gaiement. Je vais un peu me promener.
Le rat lui rendit son sourire et la laissa partir.

Shibai retourna en courant vers le lycée Kaïbara ; il avait oublié de prévenir Ryoumi qu’elle pouvait habiter chez lui si elle le voulait.
Le garçon s’engouffra dans l’établissement, et se trouva nez à nez avec…Tohru ? Il ne se rappelait plus.
-Oho ! Quelle belle apparition, souffla-t-il en la regardant.

Tohru tressaillit, mais rendit le sourire que lui avait lancé ce nouvel inconnu.

Chapitre 13 : Observation
ou comment voir sans être vu.
(Par Allie-chan)

Shibai sourit à Tohru.
« - Je ne me trompe pas, c’est bien toi qui parlais à ma cousine, quand je suis arrivé ?
- Votre… cousine ?
- Mm. Gomen. »
Son sourire s’approfondit et il s’inclina légèrement.
« - Soma Shibai desu. »
Tohru ouvrit des yeux ronds. Encore un Soma ,
« - … Tohru, c’est bien ça ?
- Hay ! Honda Tohru des !
- Tu es très mignonne. »
Les joues de Tohru se teintèrent d’un beau rouge pivoine.
« - Ah…n-non… je…
- Oy, Tohru ! »
La jeune fille sursauta et se retourna. Arisa et Saki la rejoignirent.
« - Tohru, tu es toute rouge, fit remarquer Saki.
- Ah-non non non ce n’est rien ! s’empressa de dire Tohru. »
Saki n’insista pas et plongea ses yeux noirs dans les prunelles gris perle du jeune homme, qui lui rendit son regard de façon appuyée. Les yeux de Tohru passèrent de l’un à l’autre.
« - Ano… Uo-chan, Hana-chan… voici Shibai Soma…
- … … Shibai ? répèta Saki, pensive.
- Eh, encore un cousin du prince et de tête de carotte ? demanda Arisa.
- Oui, répondit Tohru. »
Shibai n’écoutait que d’une oreille la conversation entre les trois amies. Il était fasciné malgré lui par les yeux de « Hana-chan ». Cette fille avait un pouvoir, elle aussi. Pourtant… ce n’était pas une Soma. Elle n’était pas des leurs. Alors… que…
Il sursauta brusquement, coupé dans ses pensées par un signal d’alarme qui avait retenti dans son esprit, le ramenant brusquement à la réalité.
« Uo-chan » venait de sortir un énorme mensonge. Pourtant, elle semblait proche de ses amies, alors pourquoi leur mentir ? Il ne savait même pas ce qu’elle avait dit.
La cloche sonna la fin de la pause déjeuner.
Shibai cilla. Ryoumi… Il n’avait pas…
« - Quand tu verras Ryoumi, demanda-t-il a Tohru, dit lui qu’elle peut venir vivre chez moi si ça l’arrange. »
Tohru hocha la tête.
« - Et puis… Tohru-san… je serais ravi de te revoir. »
Il ponctua sa phrase d’un doux sourire, et repartit.

Yuki poussa la porte et rentra.
« - Tadaima. »
Tohru était au boulot, Kyô à l’entraînement. Si Kimitsu était là, il ne serait pas dur de se retrouver seul avec elle…
Shiguré fit coulisser la porte du salon.
« - Okaeri. Nous avons de la visite, Yuki. »
Le jeune homme fronça les sourcils et s’approcha du salon. Shiguré s’écarta, lui désignant une jeune femme aux cheveux châtains et aux yeux noirs.
« - Voici Izumi Soma. »
Soma ? Yuki se présenta et échangea quelques mots avec elle, puis se tourna vers Shiguré.
« - Kimitsu est là ? demanda-t-il.
- Elle s’est réfugiée loin de notre invitée, répondit Shiguré. »
Yuki hocha la tête, même si le terme « réfugiée » lui semblait très peu approprié pour Kimitsu. Il repartit et s’apprêta à chercher.
Elle n’était sûrement pas très loin…

Kimitsu avait croisé les mains derrière sa nuque et regardait passer les nuages. Il y avait un très léger vent, très frais, mais le soleil brillait. Normal, pour un mois de mai.
Un bruissement, sur sa droite, la poussa à se retourner.
Yuki l’avait rejointe sur le toit.
Le jeune homme soupira légèrement. Le toit, bien sûr, il aurait dû y penser tout de suite, c’était si facile pour elle…
Une dernière hésitation.
Un dernier souffle glacé.
Yuki s’assit à côté de Kimitsu.
« - Tu t’es teint les cheveux, souffla-t-il. »
Ce n’était pas une question mais une constatation. Il aurait été difficile de passer à côté : elle s’était teint les cheveux en bleu dans l’après-midi. Alors, elle hocha seulement la tête.
« - Kimitsu… »
La jeune femme détourna les yeux. Elle se doutait de ce qu’il allait lui dire, et elle n’était pas prête à l’entendre.
Yuki… désolée… je ne voulais pas… il nous aurait fait du mal… je ne pouvais pas…
« - Kimitsu, je suis désolé. »
Elle sursauta et se retourna vers lui. Ses yeux étaient tristes, très tristes, comme lors de leur première rencontre…

Ritsu ne s’arrêta qu’après avoir mis une énorme distance entre elle et lui.
Elle était revenue.
Izumi.
Elle était revenue.
Pourquoi…
Maintenant, après sept ans… sans nouvelles… sans rien… pourquoi aujourd’hui ?
Et pourquoi est-ce que…
Ça lui faisait si mal… de la revoir ?

Shiguré avait appuyé son menton au creux de sa main, songeur. Izumi était toujours assise en face de lui, un peu rêveuse, un peu ailleurs, et silencieuse. Elle lui avait dit l’essentiel, de toute manière.
Au fond, elle ne savait pas grand chose.
Ren lui avait demandé de revenir après l’avoir isolée pendant sept ans, et elle était revenue, tout simplement. Elle ignorait presque pourquoi.
Presque.
Izumi cilla. Elle était revenue, même s’il était difficile de dire d’où.
« - Shiguré… C’est vrai que… Quelqu’un d’autre… vit ici ? Quelqu’un qui n’est pas un Soma ? »
Shiguré faillit sursauter. Comment savait-elle… ?
Bien sûr. Son pouvoir. Il avait presque oublié.
Izumi se plongea à nouveau dans ses pensées, puis hocha la tête.
« - Tohru Honda… C’est bien ça ? »
Shiguré ne répondit pas.
Il n’en avait pas besoin. Izumi ne posait la question que par principe.
« - Et…avec qui… es-tu vraiment, là ? demanda-t-il »
Izumi écarquilla un peu les yeux, et lui sourit.
« - Avec l’ancien chef de la famille Soma. C’est plus pratique, il sait plus de choses. Et puis, il peut aller presque partout. C’est mignon… »
Cette fois-ci, ce fut au tour de Shiguré de sourire. C’est mignon… Il avait presque oublié le tic de langage d’Izumi.
Presque.
Finalement, Izumi se leva.
« - Bon. J’ai bien fait de venir ici, fit-elle. Je vais y aller, maintenant ! »

Arisa était à son travail. Elle posa le plateau et souffla un coup. Il faisait chaud. C’était agréable mais… elle était en sueur.
Elle resta un moment au frais, puis s’étira, reprit son plateau, y déposa deux verres de jus de fruit, et alla servir les deux enfants qui les lui avaient commandés.
Elle déposa les consommations, sourit, et alla prendre la commande de la table voisine.
Elle ne le savait pas, mais, pas très loin, quelqu’un l’observait.
Kureno avait réussi à s’esquiver, juste un moment. Et il l’observait, en silence, sans oser l’approcher.
Lui non plus ne le savait pas, mais lui aussi était observé. Par quelqu’un qui semblait très content de sa découverte…


DEUXIEME PARTIE : LA QUE TOUT COMMENCE

Chapitre 14 : Oniisan*
Ou comment se régaler avec un bol de soupe
(Par Bulle)

Mai 1993

-Je voudrais des nouilles au bœuf s’il vous plait !
Le cuisinier tourna la tête vers son nouveau client, et ouvrit des yeux ronds : une toute petite fille de l’autre côté du comptoir le toisait avec assurance malgré son jeune âge.
Ses cheveux rouge vif étaient attachés en deux petites couettes, qui rendaient son visage adorable.
-Oh, tu m’entend ? Je veux des nouilles au bœuf, avec plein de curry ! J’ai faim !
Kimitsu fronça les sourcils et tapa ses petits poings sur la table du comptoir. L’homme sourit un moment, puis s’exécuta.
Quelques minutes plus tard, un immense bol de soupe se posa devant les yeux dorés de la petite fille.
-Aaaah !
Kimitsu frotta ses mains l’une contre l’autre, puis commença à manger.

-Kimi-chan, tu aurais pu nous attendre…
La rouquine sursauta, et fit volte-face. Un jeune garçon brun d’une quinzaine d’année, aux cheveux lisses et aux yeux clairs, se tenait debout devant elle. Même sur son haut tabouret, Kimitsu devait lever la tête pour le regarder.
-Aaah, Hacori ! Va va ? V’adore manver les nouilles d’ifi, elles font fuper bonnes !
Hatori soupira
-Je t’ai déjà dit cent fois de ne pas parler la bouche pleine…Monsieur, pourrais-je avoir la même chose s’il vous plaît ?, ajouta-t-il en souriant légèrement.
-Tout de suite. Mais est-ce que quelqu’un va venir me payer ?
-J’ai l’argent qu’il me faut…Et Akito aussi…
Le cuisinier tourna les yeux sur un autre jeune garçon qui venait d’entrer à son tour.
-Oh, M. Akito, comment allez vous ?
Akito ne répondit qu’à peine, et caressa les cheveux de Kimitsu.
-Tout va bien mon ange ? Tu n’as plus faim maintenant ?
-Nan ! J’ai presque fini, regarde !, s’exclama-t-elle en sautant dans les bras d’Akito. Dis, Oniisan’ ! Tu me laissera aller au premier étage !?
Akito soupira, et brusquement, reposa la petite fille sur son tabouret
-Kimi, j’ai dit non. Ne discute plus là-dessus, s’il te plaît.
Kimitsu écarquilla des yeux pleins de larmes, et fronça les sourcils.
-Mais…Oniisan’…Moi je m’ennuie et…
-J’ai dit non !
Kimitsu ne dit plus rien, et croisa les bras sur sa poitrine.





-On pourrait faire une cabane, avec des feuilles et du bois…
-Oh, oui, je veux faire une cabane, moi !
Kenji leva la tête sur la petite blonde, et soupira.
-Ryoumi, tu es en robe, ça n’ira pas. Et puis, tu n’as que quatre ans, ajouta-t-il en prenant un air important, tu es trop petite.
Ryoumi soupira, mais ne dit rien. Après tout, lui avait cinq ans, donc elle ne voyait vraiment pas où était le problème.
Kenji leva des yeux impatients, et plaça ses mains en creux devant sa bouche.
-Eh, Zurui, qu’est-ce que tu fais ? Je t’attends là !
Zurui était debout, au milieu du jardin, la tête baissée ; ses cheveux bouclés, et déjà longs, balayaient ses épaules au rythme du vent.
-C’est nul tout ça, marmonna –t-il.
Zurui se tourna vers les deux autres enfants, et sourit. Ses yeux bleu acier brillaient de malice, et annonçaient ce qu’il avait derrière la tête.
-Arrête, c’est pas nul râla Kenji. Propose alors !
Le blondinet s’approcha de ses deux cousins, puis s’assit à son tour sur ses genoux sales.
-Je crois…Avoir découvert un truc…Génial ! Mais je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant.




Kimitsu se laissa habiller lentement par la femme de chambre, et grimaça lorsqu’elle découvrit le résultat.
-Hurk, lâcha-t-elle.
-Qu’est ce qu’il y a encore ?
-Ben j’ai l’air…D’une fille !, répondit-t-elle en grimaçant.
Le miroir de la grande chambre reflétait l’image d’une jolie petite fille, en robe plissée à carreau. Ses cheveux attachés en chignon, tiraient sur son visage de poupée.
Kimitsu soupira en se regardant une dernière fois, et quitta la pièce. Le bruit de ses sandales résonnait dans tout le manoir, tandis qu’elle courait pour retrouver le premier étage.
C’est maintenant ou…
Kimitsu attrapa une épingle plantée dans ses cheveux, et l’introduisit dans la serrure. Un faible bruit se fit entendre, et la porte s’ouvrit
Merci Zurui
À tâtons, la petite fille s’engouffra dans le long couloir sombre, et avança. On n’entendait pas un souffle et pas un bruit, à l’exception du vent qui passait à travers les grillages de la fenêtre.
Kimitsu haussa les sourcils, puis s’arrêta brusquement: la pièce qu’elle avait vu du jardin devait être celle-ci. La rouquine pris son inspiration, et crut entendre le bruit de son cœur monter jusqu’à ses oreilles.
Dans un geste tremblant, elle poussa enfin la porte et entra. Si on la voyait, c’était terminé.
-Bonjour, murmura-t-elle.

Yuki leva les yeux et sursauta. Une petite fille d’à peu près son âge le regardait fixement dans sa robe plissée. C’était elle…Oui, il en était sûr.
-Tu es venu, finalement ?, demanda-t-il, les yeux écarquillés. Mais pourquoi ?
Kimitsu sourit, et s’assit auprès de lui.
-Je t’avais dit que je viendrai ! Tu m’a pas cru, hein ?
Le rat sourit à son tour, et jeta à la petite fille un regard timide.
-Et bien, je ne te connais pas, et puis…
-Ouais ben si tu me connaissais, tu saurais que quand je dis un truc, je le fais !
-Mais Akito sait que tu es venu ?
Kimitsu sursauta en entendant ce prénom, et détourna les yeux brusquement
Oniisan’…Depuis que je t’ai vu faire ça…Je…
Kimitsu se mordit les lèvres, et reposa ses yeux dorés su le doux visage du petit garçon.
-Akito est bizarre…Peut-être un peu méchant…je sais pas. Yuki, il faut que tu me dises : que fais-tu là, et qui est Rin ?
-Rin ?
-Oui Rin ?
-Pourquoi tu veux savoir qui est Rin ?
-T’occupes, je veux savoir pourquoi elle se transforme en cheval, et pourquoi Akito l’aime pas. Et pourquoi toi tu es ici. Allez, vas-y.
Yuki écarquilla les yeux un instant, puis hésita. De toute façon, elle savait déjà un peu, alors…Pourquoi lui mentir ? et puis…
-Kimitsu je suis content de te connaître.
Yuki pris les mains de la petite fille et la regarda tendrement. Kimitsu cilla, mais le lâcha pas les mains du garçon. Elle voulait savoir.




*Oniisan' : grand frère

Chapitre 15 : Prophétie
ou comment parler dans le vide
(Par Allie-chan)

mai 2005 :

Ryoumi avait rassemblé ses affaires. Elle quitta la pièce et rejoignit lentement la salle d’entraînement du dojo. Kazuma et Kyô s’entraînaient sous l’œil attentif d’une jeune fille brune. Cette dernière aperçut Ryoumi et s’avança vers elle avec un sourire.
« - Konnichiwa, Ryoumi-chan. »
Ryoumi fronça légèrement les sourcils. Cette fille…
« - Kagura ? »
Elle l’avait rencontré à plusieurs reprises, alors qu’elle allait voir Kyô à l’entraînement. Mais, la première fois… C’était…
Avec Zurui, non ?

mai 1993 :

Ryoumi tirait Kenji avec elle. Ils avaient rendez-vous avec Zurui, et le petit garçon était en retard. Alors Ryoumi avait pris Kenji par la main et l’entraînait à travers les allées du domaine Soma.

Kagura rougit et détourna les yeux.
« - Zurui… »
Le jeune garçon sourit et tendit une main, caressant la joue de son amie.
« - Ne dis rien… »
Kagura se mordit la lèvre.
« - Je… »
Pourquoi avait-il fallu qu’elle accepte de venir jouer au foot avec lui ? Maintenant…
« - Je dois leur dire… »
Zurui secoua la tête.
« - S’il te plait, ne dis rien, insista-t-il. Allez, Kagura-chan…
- Mais…
- Et puis, tu ne veux pas que je parte, ne ? »
Kagura baissa les yeux. Non, elle ne voulait pas qu’il parte. Mais, quand même…
« - Bon, mais tu diras rien, hein ? »
Zurui lui fit un éblouissant sourire.
« - Bien sûr que non ! C’est un secret ! »

Ryoumi s’arrêta et Kenji lui rentra dedans.
Zurui et une fille aux cheveux bruns étaient devant eux, très très proches l’un de l’autre.
La gamine ouvrit la bouche pour appeler Zurui, voulut s’élancer en avant…
Une main ferme et implacable – celle de Kenji – se plaqua sur la bouche de la fillette. Ce n’était pas vraiment le moment de déranger Zurui.

mai 2005 :

Yuugiri poussa doucement la porte de l’appartement.
Zurui passa aussitôt dans l’entrée, l’air vaguement inquiet. Vaguement, parce que le jeune homme trouvait difficile de voir dans les yeux vifs de son cousin autre chose que… de la sagesse, sans doute, dont Zurui ne paraissait même pas se rendre compte.
Non, corrigea aussitôt Yuugiri.
Il y avait de la tristesse, aussi.
Diffuse, rentrée, enfouie très profondément, mais quand même présente.
« - Tu arrives pile à temps pour le repas, lui annonça Zurui. »
Yuugiri hocha la tête.
Il savait que Zurui aurait voulu savoir où il était passé, mais il n’avait pas très envie d’en parler. Il était parfaitement conscient d’avoir fait une erreur en allant voir… juste voir…
Ou peut-être pas, au fond.
Parce qu’il y avait ce jeune homme, si étrange, aux yeux noirs très durs, mais… tellement tristes… Il ne connaissait même pas son nom, mais il avait ressenti un tel choc, en le voyant…
Il n’aurait pas dû y aller.
Il ne devait pas y retourner.
Mais malgré lui…
Il voulait le revoir…

Akito serrait les poings et les dents.
C’était bien lui… Impossible d’en douter… Elle ne l’avait qu’entraperçu, mais elle avait tout de suite reconnu les cheveux bleu nuit, la discrétion subtile, même dans sa façon de s’éloigner, aussi vite que possible…
Yuugiri…
Pourquoi n’avait-elle pas été prévenue ?
Pourquoi avait-il fallu qu’elle découvre le retour du jeune homme par elle-même ?
Et surtout, surtout, pourquoi était-il revenu ?
Il n’aurait pas pris cette décision par lui-même, bien sûr… Alors qui ?
Qui d’autre encore était donc revenu sans qu’elle ne le sache ?

Shibai rentra doucement chez lui.
La journée avait été riche en découvertes. Il avait appris certaines chose qui pourraient être utiles. Et puis… Il y avait Tohru.
Elle était jolie, Tohru… Il faudrait qu’il la revoie.
Il pouvait toujours demander à Ryoumi…
Et sinon…
Shibai releva la tête.
Ryoumi l’attendait devant chez lui.

Izumi avait quitté Shiguré et rentrait lentement chez elle.
Elle observa la maison de loin et soupira. Une seule lumière, au salon. Ses parents étaient là, pour une fois.
Et pour une fois, elle aurait préféré qu’ils soient sortis…
Elle avisa un muret, à quelques mètres, et s’assit dessus. Bon. Et maintenant ? Son contact était en retard, mais bon, c’était normal, c’était comme d’habitude, et…
Un scintillement, sur sa droite.
Elle se tourna et aperçut une silhouette vague, à peine visible.
« - Konnichiwa, Reihai-sama, souffla-t-elle doucement. »
Un léger souffle, sans autre réponse… Izumi sourit.
« - Il s’est passé plein de chose, aujourd’hui ! fit-elle. Je comprends mieux pourquoi Ren m’a fait revenir.
- Et pourquoi ? lui demanda son interlocutrice.
- Hm. Et bien, apparemment, Ryoumi est revenue, et Kimitsu aussi, et l’autre… ah mince, j’oublie toujours son nom…
- Shibai.
- Oui, c’est ça, acquiesça Izumi. Mais je ne comprends pas trop ce que ça peut faire, en fait. Ils sont revenus… et après ?
- C’est dans la prophétie. »
Izumi ouvrit des yeux ronds.
« - La… prophétie ? »
Un homme passa devant le muret en lui jetant un regard suspicieux. Il se demanda vaguement qui était cette fille qui parlait toute seule, les yeux fixés sur du vide, et passa son chemin.

Chapitre 16 : Skateaway*
Ou comment replonger dans la musique de sa jeunesse
(Par Bulle)

Mai 2005

Yuugiri s’allongea de tout son poids sur le futon que Kenji lui avait indiqué. Pendant un temps, un peu long, il promena son regard sur les différents meubles et décorations de la maison. Puis il soupira, profondément, comme pour faire échapper toutes les tensions de la journée. Cet après-midi, il avait essayé d’évacuer ses pensées sombres, mais rien ne semblait le dissuader à basculer dans la nostalgie…Akito. C’était son nom. Il le savait parce que Zurui avait fini par lui dire. Et à la tête de son cousin, il avait compris que cet homme était important. Très important. Peut-être même un peu trop.
Yuugiri se redressa, et fouilla dans son sac. De là, il sortit un vieux disc à lui, et sourit en examinant la pochette. C’était le meilleur album de Dire Straits, Making Movies. Il l’écoutait en boucle lorsqu’il était tout jeune, dans les années 80. Son père écoutait de la musique tout le temps, alors il était baigné de tous ces groupes de rock occidental, récents et moins récents.
Le jeune homme posa le disc sur la platine, enclencha la musique, et se laissa transporter par le son de Tunnel of Love, une chanson à la fois rapide et mélancolique. Lentement, Yuugiri s’allongea de nouveau sur son futon, les yeux fixés au plafond et les oreilles dressées pour ne pas manquer une seule note de la musique. La guitare de Marc Knopfler** s’élançait dans un son doux et presque parfait, enrobant la voix grave de son détenteur. Chaque chanson de cet album lui provoquait cette même impression étrange que Dire Straits conduisait son public dans une histoire bien à eux, issus de leur propre monde. Même si Yuugiri ne comprenait pas l’anglais, il avait l’impression que le chanteur lui parlait doucement à l’oreille de choses que seul eux deux saisissaient.
Yuugiri se redressa une dernière fois, et attrapa une cigarette, qu’il porta à sa bouche ; son bout incandescent se consuma lentement sous ses yeux bleu nuit, et éclaira la pièce sombre.
Il se souvenait…Il se souvenait…Mais tellement mal.



Akito déglutit, et s’assit lentement sur son siège. Son visage était trempé, et son cœur battait à toute allure.
Le retour de Yuugiri changeait tout, et maintenant, elle avait peur. L’affronter une nouvelle fois était trop dur.



Novembre 1992

-Fukube, êtes-vous sûr que le placement dont vous me parlez est réellement profitable ?
L’homme haussa les sourcils en entendant cette question.
Elle a encore bien des choses à apprendre
-Akito…Souffla Fukube en hochant la tête, Akito….
Akito, allongée sur son long futon noir, regarda l’adulte d’un air courroucé.
-Fukube, je vous en prie, ne prenez pas ce ton avec moi. Je suis encore jeune, mais je comprends sûrement plus de choses que vous.
-Bien sûr, soupira Fukube.
L’homme baissa la tête en signe de soumission. Il ne valait mieux pas la contrarier, sinon…
-Akito, je pense qu’aucun autre placement peut-être meilleur que celui-ci, d’ailleurs…Oh, excusez-moi.
Fukube s’interrompit, et attrapa son téléphone, un gros appareil noir très moderne pour l’époque.
-Moshi moshi ?
L’homme écouta son interlocuteur, puis soupira en fermant les yeux
-Si tu es à la porte, viens donc ici, je n’en ai pas pour longtemps. Enfin, attend une seconde.
Il couvrit le haut-parleur de sa main blanche, et regarda Akito en biais
-Cela ne vous dérange pas que mon fils me rejoigne ? Sa mère est partie faire une course, et lui est rentré de l’école plus tôt que prévu, alors…
-Bien sûr, bien sûr, coupa Akito avec impatience. Vous pouvez.
Fukube inclina la tête, confirma à son fils qu’il pouvait venir et raccrocha.


Yuugiri marcha d’un pas mal assuré à travers les allées de la résidence principale. Lui et ses parents n’habitaient pas loin de là, mais ici, c’était la maison du chef de famille, Akito. C’était une petite fille de son âge, d’après les dires de son père. Même si…
Yuugiri replaça le col de sa chemise par-dessus son pull, lissa ses cheveux bleutés, et sonna.
-Kon'nichiha, dit le petit garçon en saluant profondément.
-Okaeri, répondit le domestique en s’écartant. Entrez, je vous prie, votre père vous attend.
Yuugiri inclina la tête en guise de politesse et entra dans la longue pièce sombre du manoir. Une petite fille, beaucoup plus jeune que lui, jouait dans un coin, avec des poupées, sur un long canapé en velours. Ses cheveux rouges étaient attachés en deux nattes remontées sur son crâne, et encadraient un petit visage d’ange.
Yuugiri sourit à la petite fille, qui le regarda étonnée, de ses deux yeux dorés. Elle sourit à son tour, mais ne répondit pas.
Le garçon, un peu surpris, haussa les épaules, et continua son chemin. Là il vit son père et la jeune Akito assis l’un en face de l’autre.

-Ah, te voilà, s’écria Fukube dans un sourire. Je te présente Akito Sôma, le chef des maudits de la famille !
Yuugiri s’inclina, et regarda la petite fille assez longuement. C’est vrai qu’elle ressemblait à un garçon, on s’y tromperait presque. Presque seulement, parce que Yuugiri sentait trop profondément ce que ressentaient les gens pour être trompé par une telle supercherie.
-Akito, mon fils a presque votre âge. Il va avoir 11 ans au mois de mars prochain.
-Je vois souffla Akito.
Yuugiri déglutit. Le regard de braise qu’elle lui avait lancé n’était pas seulement celui d’une jeune fille trop mure pour son âge. Non. Il était empreint à la haine, à la colère, et surtout à la tristesse. A une terrible tristesse. Presque insurmontable. Sauf que…


Akito sentit son cœur battre à toute vitesse, et ne sut détacher ses yeux du regard bleu nuit du jeune garçon. Son léger strabisme rendait son visage encore plus profond qu’il n’aurait du l’être. Et la douceur qui en émanait la soulageait étrangement.



Mai 2005

Akito étouffa un sanglot, puis se reprit.
Yuugiri… Comment pourrais-je t’oublier une seconde fois ?

Yuugiri écrasa lentement sa cigarette sur les rebords du cendrier. Le goût âcre du tabac se répandait dans sa bouche, et une fois de plus, il regretta d’avoir fumé.
Quelques images étaient réapparues dans sa mémoire, comme des instants insaisissables qui ne laissent que le goût amer de la nostalgie. Un visage tendre, de grands yeux ouverts, des cheveux noirs, et un sourire un peu dur. Et ce visage était jeune. Très jeune. Mais c’était le même que l’homme qu’il avait vu au manoir ce matin. Il l’avait donc déjà rencontré. Mais comment ? Impossible de s’en souvenir.


*Skateaway est le nom d'une chanson de Dire Straits
**Marc Knopfler est le chanteur et guitariste du groupe

Chapitre 17 : Solitude
ou comment bien trébucher sur une racine.
(Par Allie-chan)

Mai 2005 :

Izumi releva légèrement les yeux, vit l’homme faire un détour pour l’éviter. Elle sourit légèrement. C’était le genre de réaction qu’elle provoquait toujours, chez ceux qui l’entendaient discuter avec ce qu’ils percevaient comme du vide.
La jeune femme soupira.
Pourquoi les gens étaient-ils toujours si terre à terre ?
Ils ne voyaient pas ce qui était vraiment important…
Ils ne comprenaient pas à quoi elle parlait, alors ils disaient qu’elle était folle, tout simplement. C’était plus facile de penser comme ça.
Sauf lui.
Lui… Dés le premier jour… Il avait cherché à comprendre…
Il lui avait demandé à qui elle parlait, tout simplement… Mais ça lui avait tellement fait plaisir…

Ritsu rentrait chez lui, en silence.
Il tremblait. C’était idiot. Mais il ne parvenait pas à s’en empêcher.
Les yeux rivés sur le sol, il avançait machinalement, alors que tout ce qu’il aurait voulu… c’était s’effondrer sur le sol et ne plus se relever…
Un homme qu’il ne vit pas arriver le bouscula et faillit le faire tomber. L’homme se retourna, surpris.
« - Excusez-moi, mademoiselle, je ne vous avais pas vu. »
Ritsu rougit et se confondit en excuses.
L’homme le regarda avec des yeux ronds et passa son chemin.
Ritsu finit par se calmer, et soupira.
Mademoiselle. Bien sûr. C’est ce qu’il avait voulu, non ? Même s’il aurait voulu avoir le courage de changer…
De toute façon, qui aurait cru qu’il était un homme, dans cette tenue ? La réponse vient tout de suite.
Elle, bien sûr.
Elle, elle n’avait eu aucun doute…
Elle n’avait même pas posé de question, trop habituée à sa propre étrangeté…
Izumi…

Mai 1993 :

Izumi marchait sans savoir où elle allait. Elle s’en moquait. Ses parents étaient encore en voyage, pour le travail.
Comme toujours…
Alors elle était sortie, prendre l’air, visiter la propriété des Soma de l’intérieur qu’elle connaissait si mal, pour l’instant.
Fuir aussi, peut-être. Chercher quelque chose pour tromper sa solitude…
Le scintillement qui ne lui était pas encore familier, sur sa droite, la fit sursauter. Elle se retourna sans rien voir, bien sûr.
Mais une voix s’éleva du vide…
« - Tu ne devrais pas aller par là, lui dit la voix.
- Ah ? »
Izumi haussa les épaules et poursuivit son chemin.
« La voix » soupira.
« - Je t’aurais prévenue… »
Izumi fronça les sourcils. La voix lui était parvenue plus doucement, comme si l’esprit s’était éloigné… ou avait arrêté de la suivre.
Elle se retourna.
« - Pourquoi est-ce que…
- Attention ! »
Izumi sursauta, se retourna, trébucha sur une racine, eut le temps de croiser deux grands yeux noirs, vit le garçon qui était devant elle s’écarter brusquement et s’étala sur le sol dans un grand nuage de poussière.
Izumi gémit et se redressa lentement.
Un rire lointain, derrière elle. Celui de l’esprit.
Elle haussa les épaules et se tourna vers le garçon.
Il devait avoir son âge. Les cheveux châtains tirant sur le blond, les yeux noirs, il portait un robe, ce qui étonna beaucoup Izumi. Mais, surtout, il avait l’air catastrophé.
« - Je… commença la fillette. »
Elle fut interrompue par un grand cri.
« - Gomen nasai ! Je n’aurais pas dû m’écarter ! A cause de moi, tu aurais pu être gravement blessée ! Gomeeeeen !!! Je ne mérite pas d’être devant toi ! Je ne mérité pas d’être sur cette Terre !!!
- Euh, tu sais, je ne suis pas blessée, alors il n’y a pas de problème, voulut dire Izumi. »
Mais tout ce qu’elle réussit à dire avant que son interlocuteur ne reprenne, ce fut « Euh… ».
« - Noooooon je n’ai aucune excuse c’est ma faute gomen gomen gomen !!! »
Puis l’enfant dut s’arrêter pour reprendre son souffle.
« - Tu sais, ce n’est pas grave ! réussit enfin à expliquer Izumi. »
Le garçon rougit.
« - Gomeeen ! Je ne devrais pas panique comme ça ! Je te dérange sûrement ! Je…
- Ce n’est pas… »
Elle entendit l’esprit, toujours derrière elle, rire de plus belle.
« - Je te l’avais dit, souffla-t-il.
- Oh, ça va… soupira Izumi.
- Désolééééé, gémit aussitôt le garçon.
- Non, ce n’est pas à toi… que je parlais… »
Elle se mordit aussitôt la lèvre.
C’était malin ! Il n’avait que lui, en face d’elle. Comment aurait-elle pu parler à quelqu’un d’autre ? Mais non, il avait fallu qu’elle le dise…
Elle voulait vraiment passer pour folle aux yeux de tout le monde ? Ou bien…
« - Ah… Alors… A qui tu parles ? »
Izumi sursauta et le fixa de ses yeux sombres. Il n’avait pas l’air de vouloir se moquer d’elle. Il était curieux, tout simplement…
Izumi fronça les sourcils.
« - Pourquoi tu t’habilles en fille ? répondit-elle »
Les deux enfants échangèrent un long regard.
Puis Izumi sourit.
« - Je m’appelle Izumi Soma.
- … Ritsu Soma… »
La petite fille hocha la tête. Sa mémoire était assez aléatoire, mais ce nom là, elle s’en souviendrait, c’était certain.
Elle lui tendit la main.
« - Tu viens ? On va jouer ! »
Ritsu ouvrit des yeux ronds. Il voulut reculer, mais au lieu de ça sa main se plaça dans celle de la fillette. Il dit quelque chose qui aurait dû être « je ne le mérite pas… » mais qui ressemblait beaucoup à « d’accord ».
Et il laissa Izumi l’entraîner.
De deux solitudes…

Chapitre 18 : Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous…
Ou comment s’associer dans une entreprise inespérée
(Par Bulle)

Mai 2005

Kimitsu s’installa plus confortablement dans la banquette en cuir rouge du café. Comme lieu de rendez-vous, elle avait choisi un endroit d’inspiration américaine, aux décorations occidentales et à la musique des années 70. C’était une bonne occasion pour elle d’entendre à nouveau les chansons de Janis Joplin ou de Jimmy Hendrix.
Kimitsu soupira et regarda sa montre une dernière fois…Cinq minutes de retard. Comme toujours. Un dernier coup d’œil rageur par la fenêtre, et la jeune fille s’alluma une cigarette pour faire passer le temps. De toute façon, rien ne changerait Ryoumi, il fallait prendre son mal en patience.

Ryoumi entra précipitamment dans le café, toujours vêtue de son uniforme scolaire. L’air dépité et les joues rouges de la petite blonde ne firent pas dérider Kimitsu. Ses deux yeux dorés fixaient résolument la retardataire, et comme pour marquer le coup, elle jeta son briquet sur la table dans un bruit sourd. Ryoumi sursauta, et s’excusa dans un flot de confusion.
-Ça ira, coupa brutalement Kimitsu. Assied-toi et reprend ton souffle.
-Arigatô*, lâcha Ryoumi dans un profond soupire.
Kimitsu regarda un instant par la fenêtre, les sourcils froncés. Puis elle toisa de nouveau sa cousine, l’air résigné.
-T’habites ou maintenant ?
Ryoumi, qui avait repris son souffle, soutint avec fermeté le regard sévère de Kimitsu.
-J’habite chez Shibai depuis hier soir. J’ai accepté son invitation.
Kimitsu haussa les sourcils
-Ah ? Kazuma te gênait ?
-Non, ce n’est pas ça, mais…Shibai est gentil et attentionné, et puis même si ça va mieux avec Kyô-kun, j’ai du mal à la voir toute la journée, alors…
Kimitsu échappa un ricanement ironique
-« Gentil et attentionné » hein ?
-Et bien oui. Je te signale qu’il a tout de suite pensé à moi dès que je suis venue.
-Bof, fait comme tu veux, renifla Kimitsu en haussant les épaules.
Ryoumi ignora sa provocation, et regarda autour d’elle.
-On attend qui encore ?
-Zurui. J’ai trouvé un café bien éloigné pour pas prendre de risque. Si un Sôma le voit, il est cuit.
La petite blonde déglutit, et parla plus bas
-Oui, mais nous ?
-Nous c’est pas pareil, trancha Kimitsu en écrasant sa cigarette. Si on était en danger, on le saurait. Non, pour nous, c’est plus dissimulé. Mais même si les barreaux sont dorés, nous sommes bien emprisonnées, crois-moi.
-Oui, d’ailleurs pourquoi tu t’obstines à vivre chez Shiguré ? Après ce qu’il a fait à Zurui, tu ne devrais pas…
Kimitsu observa longuement Ryoumi, et pour la première fois, son visage dur semblait perdre toutes ses défenses. Elle savait que vivre chez le chien, c’était ce qu’il y avait de pire. Mais c’était plus fort qu’elle…C’était…Irrésistible…
-Parce que je veux rester près de Yuki, souffla enfin Kimitsu.
Ryoumi baissa les yeux à son tour.
Bien sûr. Kimitsu préférait prendre des risques plutôt que de se priver de certaines choses. Elle était comme ça Kimitsu. Un peu comme ses cheveux bleus qui changeaient de couleur tous les quinze jours. Une idée en tête, et rien ne pouvait l’empêcher d’avancer pour aboutir à ce qu’elle désirait. Alors…Mieux valait la laisser faire. Elle voulait être près de Yuki, et même si elle devait en mourir, elle ne renoncerait pas.



Octobre 1997

Kenji lança la balle un peu trop fort, et Ryoumi courra après elle un long moment avant de la rattraper.
La petite fille leva les yeux, et sursauta. Elle était allée vraiment très loin : le domaine était assez grand, et maintenant, elle et sa balle avaient atterri devant le manoir d’Akito.
Ryoumi frissonna, et s’empressa de récupérer le ballon, pour quitter l’endroit le plus vite possible. Mais quelque chose attira son attention, et la petite blonde s’immobilisa encore quelques instants. Juste devant elle, une petite fille – du moins elle le supposait car elle était en robe – s’affairait à creuser un trou tout près du mur.
Ryoumi ne voyait que le bas de son corps, le reste étant profondément enfoui sous plusieurs mètres de terre. La petite fille émit un petit rire, et s’approcha plus près de ce drôle de spécimen.
-Tu fais quoi ? demanda-t-elle sur un ton sonore.
-La ferme, chuchota une voix. Personne ne doit t’entendre. Si on me voit, c’est fichu.
Ryoumi inclina la tête, un peu surprise.
-Kimi-chan, c’est toi ? chuchota-t-elle à son tour
-Qui tu veux que ce soit ? répondit Kimitsu, la tête toujours enfouie dans le sol.
-Mais pourquoi tu creuses un trou ici ?, insista la petite blonde.
-Je veux retrouver Yuki ! Akito a blindé sa porte pour pas que j’y retourne, alors je creuse.
Ryoumi recula de surprise. Mais comment pourrait-elle creuser un trou jusqu’au manoir ?
-Il te faudra des années, fit-elle remarquer. Et d’abord, qui c’est Yuki ?
-Yuki c’est le rat. Et il creuse lui aussi. J’en n’aurai pas pour longtemps. T’inquiète pas, tout est prévu.
Ryoumi écarta les yeux de surprise. Le rat ? encore un maudit ?
-Oh, j’aimerai tellement le rencontrer, s’écria-t-elle.
-Alors aide- moi, répliqua Kimitsu, toujours affairée.
-Ano …
Ryoumi regarda autour d’elle, et se mordit les lèvres.
-Mais ce n’est pas dangereux ?
-Heu…Si. Tu sais qui est Akito ?
Ryoumi frissonna.
-Vaguement
-Bien…
Kimitsu se leva complètement, et montra enfin son visage. Ryoumi sursauta, et porta les mains à sa bouche, l’air terrifié. La figure de la rouquine était parsemée de griffures, et une profonde entaille marquait les commissures de ses lèvres rouges. Son œil droit était complètement fermé et gonflé par un hématome.
-Ouais, je sais, ça craint, marmonna-t-elle. Donc tu vois, s’il me trouve, là il me tuera, c’est sûr. Et toi…
Kimitsu s’interrompit et plissa son œil gauche pour mieux observer Ryoumi
-Ah ah, t’es mignonne comme tout. S’il te voit, il va te faire la peau à toi aussi. En plus, tu ressembles un peu à Yuki. Ça va réveiller ses pulsions sadiques.
Kimitsu échappa un petit rire, mais Ryoumi au contraire, grimaça.
-Tu as peur ? reprit la rouquine
Sa cousine réfléchit quelques instants. Elle avait peur, bien sûr. Mais…Elle ressemblait à Yuki ? C’est étrange car Kimitsu ressemblait beaucoup à Kyô. Alors…Elle l’aimait bien. Et puis…Après ce qu’elle avait vu…
-Non, souffla-t-elle
-Alors viens m’aider. Il y a une pelle dans le cagibi.




Mai 2005

Ryoumi glissa ses doigts dans ses cheveux, et appuya sa tête contre sa main. Elles étaient liées, toutes les deux. Par Kyô, par Yuki, et par la prophétie. Alors, il fallait attendre.

La porte du café s’ouvrit brusquement, et le vent qui s’engouffra à l’intérieur fit trembler les verres posés sur le comptoir.
Ryoumi et Kimitsu levèrent les yeux dans un même mouvement : un jeune homme blond, aux cheveux attachés en catogan et aux yeux bleu vif, s’était placé juste devant leur table
-Kimi-chan…Ryoumi-chan…Content de vous revoir, souffla-t-il. Kenji et Yuugiri ne devraient pas tarder.
Ryoumi s’écarta pour laisser Zurui se placer à côté d’elle, et regarda Kimitsu d’un air interrogateur. Kenji et Yuugiri venaient eux aussi ? Mais alors…
-On va être au complet, enfin, souffla Zurui, comme pour compléter la pensée de sa cousine.
Le garçon échappa un sourire, et s’installa plus confortablement sur son siège.

Chapitre 19 : Rencontre au sommet
ou comment (ne pas) trouver une solution.
(Par Allie-chan)

mai 2005 :

Yuki s’occupait de son potager, mais son esprit était ailleurs. Vers Kimitsu. La jeune fille ne lui en voulait pas, et ça le rassurait au plus haut point.
Kimitsu..
Il avait essayé de l’oublier. Vraiment. Ne plus y penser, parce que… ça faisait trop mal. Mais aujourd’hui… il se demandait comment il avait seulement pu y penser. Autant tenter d’oublier de respirer.
D’une part, il n’y tenait pas tellement.
D’autre part, oublier Kimitsu, c’était oublier ce qu’Akito lui avait fait subir – leur avait fait subir – et ça, il ne pouvait pas l’oublier…
Et surtout…
A l’époque, déjà…
Kimitsu l’avait sauvé, d’une certaine façon…

mai 1993 :

Le souffle court, le corps en feu, Yuki s’était recroquevillé dans un coin de la pièce. Seul. Toujours seul, sauf quand Hatsuharu réussissait à se glisser jusqu’ici.
Ou quand il entrait…
Yuki ferma les yeux, se mordit les lèvres et frissonna.
Akito…
Ses mots résonnaient encore en lui…
Personne ne viendra t’aider…
Qui le voudrait ?
Le rat est haï de tous.
Yuki serra les paupières, fort, très fort. Ne plus rien voir. Ne plus rien penser. Oublier les coups, oublier les mots… Il avait mal. Il avait peur. Peur d’entendre à nouveau la porte coulisser.
Mais au lieu de ça, ce fut un bruit venu de dehors qu’il entendit…
Sans trop savoir à quoi il s’attendait, il se redressa afin de regarder par l’unique fenêtre perçant sa cage…
… et croisa deux yeux dorés.

Ses cheveux rouges tirés en arrière par deux épingles, Kimitsu releva la tête sans vraiment savoir ce qui l’y avait poussée.
Ses prunelles d’or croisèrent des yeux violets.
Kimitsu écarquilla un peu les yeux en découvrant le propriétaire de ce regard.
Un petit garçon l’observait de la fenêtre du premier étage. Les cheveux argentés, le visage mortellement pale, il était d’une beauté incroyable, mais il avait l’air… si triste… Pourquoi ?
Et puis… Que faisait-il dans cette aile du manoir qu’Akito lui avait toujours interdit d’approcher ?
Kimitsu prit enfin sa décision.
Regard à gauche. A droite.
Personne.
Elle hocha la tête et décolla du sol.
Yuki écarquilla les yeux en voyant cette petite fille léviter jusqu’à lui. Fasciné, il n’arrivait pas à détacher les yeux de la fillette.
Kimitsu s’arrêta au niveau de la fenêtre, une main sur le rebord, l’autre sur la vitre.
Puis elle lui sourit.
« - Bonjour. »
Le petit garçon l’observa sans lui répondre.
« - Qui es-tu ? demanda Kimitsu. Qu’est-ce que tu fais là ? »
Il hésita encore un moment.
Puis sa voix s’éleva, faible et tremblante.
« - Je… je suis… Yuki… Soma… »
Il s’interrompit. Il la regardait droit dans les yeux et Kimitsu devait bien admettre qu’elle était captivée par ses yeux si tristes.
« - Yuki, hein ? »
Elle sourit.
« - Moi c’est Kimitsu ! Soma, bien sûr. »
Il hocha la tête.
« - Qu’est-ce que tu fais-là ? redemanda Kimitsu. »
Yuki ne répondit pas, mais son regard coula vers la porte. Kimitsu s’en rendit compte. Elle commençait à comprendre.
« - Tu es enfermé ? »
Yuki hocha la tête.
Kimitsu fronça les sourcils.
« - C’est… Akito ? souffla-t-elle. »
Son interlocuteur tressaillit.
Kimitsu serra légèrement les poings. Akito, bien sûr. Pourquoi est-ce qu’il était toujours comme ça ? En plus… elle l’aimait bien, avant… Akito s’occupait d’elle comme un frère depuis la mort de ses parents. Mais… depuis sa rencontre avec Rin…
« - C’est triste… murmura-t-elle, inaudible. »
Elle releva brusquement la tête.
« - Je viendrais te voir ! s’exclama-t-elle. D’accord ? C’est promis, je viendrais te voir ! »
Elle hocha la tête, contente d’elle, recula en oubliant qu’elle était encore en l’air, faillit tomber, arrêta sa chute et se laissa redescendre doucement.
Elle leva un bras, fit un grand signe à Yuki et repartit en courant.

Yuki regarda Kimitsu s’éloigner en courant.
Que…
Le rat est haï de tous…
Pourquoi…
Personne ne viendra te sauver…
Pourquoi avait-elle…
Personne…
… ne viendra…
Je viendrais te voir !
Yuki se laissa glisser sur le sol.
Une unique larme roula sur sa joue.

mai 2005 :

Kimitsu s’étira, remua un peu sur sa chaise, posa sa main sur la table, la retira, la reposa et pianota des doigts sur la surface lisse.
« - Ils sont en retard, fit-elle remarquer. »
Ryoumi, qui portait son verre à ses lèvres, suspendit son geste.
« - C’est normal, répondit-elle, nous étions en avance. »
Kimitsu hocha la tête, même si ça ne lui paraissait pas très logique. Sa cousine lui sourit. Kimitsu lui rappelait tellement Kyô… Pourtant, physiquement, on ne pouvait pas dire qu’ils se ressemblaient tellement…
Le regard perçant de Zurui passa de l’une à l’autre, et il sourit. Elles, au moins, elles n’auraient pas de mal avec leur partie de leur prophétie…
Le jeune homme se tourna vers la porte du café.
C’était vrai : ils étaient en retard…

Yuugiri avait failli se perdre. Failli. Une jeune fille aux longs cheveux noirs lui avait indiqué le chemin, lui précisant qu’il avait de très bonnes ondes mais qu’elles étaient étouffés par un faux passé, dommage. Le jeune homme avait préféré ne pas faire de commentaires.
Donc il approchait du café.
Le vent qui souffla doucement lui rabattit brusquement un foulard noir devant les yeux. Yuugiri s’arrêta, surpris, et tendit la main pour retenir le tissu. Une dame courut vers lui, lui prit le foulard des mains, le remercia de l’avoir rattrapé et repartit tout aussi vite.
Yuugiri cligna des yeux. Ce tissu noir… aussi noir que les yeux de ce garçon…
Perdu dans ses pensées, Yuugiri tourna machinalement au coin de la rue et percuta quelqu’un qui avançait dans l’autre sens. Il se redressa et se retrouva face à un jeune homme aux yeux gris perle.
« - Désolé, fit-il. »
Le jeune homme le regardait, l’air surpris. Puis il secoua la tête.
« - Non, c’est moi. Je ne faisais pas attention, s’excusa-t-il. »
Il passa son chemin sans un mot de plus.
Yuugiri haussa les épaules et reprit le chemin du lieu de rendez-vous : il n’était déjà pas en avance…

Shibai s’arrêta après quelques mètres. Alors Yuugiri était revenu ? Etrange. Akito avait pourtant été plus que ferme, cette fois-là…
Donc ça avait vraiment commencé… La prophétie…
Shibai soupira et reprit sa marche. Il avait quelqu’un à aller voir… Il était sans doute temps…
Il arriva enfin en vue du bâtiment. Restait à espérer qu’il ne se trompait pas d’endroit.
Il sourit et entra dans l’immeuble…
Les couloirs étaient blancs, et vides.
Vides, comme…
Shibai secoua la tête et regarda autour de lui.
Bon, où était-elle ?

Tohru nettoyait le couloir du premier étage.
Elle entendit quelqu’un s’approcher et releva la tête.
Shibai s’arrêta juste devant elle avec un immense sourire. Le jeune homme prit doucement sa manche droite entre les doigts de sa main gauche et joua un peu avec.
« - Ça, c’est une surprise, souffla-t-il. Bonjour, Tohru-san… »
La jeune fille rougit.
« - S… Shibai-san… Que...
- Oh, je venais juste voir le directeur de cette entreprise. »
Shibai sourit.
« - J’ai été bien inspiré, apparemment. Je savais bien qu’on se reverrait… »

Chapitre 20 : Confusion
Ou comment ne pas savoir ce qu’on veut.
(Par Bulle)

Janvier 1998



- Kyô-kun !
Kyô sursauta en entendant la voix de Ryoumi passer à travers les arbres. À chaque fois que la petite blonde venait lui rendre visite, il se sentait revivre, juste pour quelques heures.
Ryoumi courait en riant vers le jeune chat, ses cheveux nattés dansant autour d’elle. Le petit garçon écarquilla les yeux, et comme par réflexe, s’écarta doucement pour ne pas que son amie lui saute dans les bras. Mais depuis quelques temps, Ryoumi n’essayait pas non plus de le serrer contre elle. Peut-être croyait elle qu’il ne voulait pas ; ou peut-être avait elle comprit. Dans ce cas…
-Kyô-kun !
Kyô frissonna et plongea son regard dans les yeux doux de la petite fille. Sans même entendre la suite de sa phrase, il se laissa entraîner de bon cœur, et les deux enfants traversèrent en courant le grand jardin du dôjô, main dans la main.

Cela faisait maintenant cinq ans qu’ils se connaissaient. D’abord méfiant, Kyô s’était laissé charmer par la présence de Ryoumi. Il la considérait comme une petite sœur fragile, à protéger. Lorsqu’il le lui disait, elle éclatait de rire, et lui affirmait, qu’au contraire, s’il y avait bien quelqu’un à préserver, c’était lui, et non pas elle. Kyô se vexait lorsque Ryoumi disait ce genre de choses, mais il devait bien admettre qu’elle avait raison.
Combien de fois l’avait-elle sauvé des griffes de ses parents lorsqu’il était tout petit ? Combien de fois l’avait-elle rassuré lorsque sa mère mourut ?
Cela faisait donc cinq ans qu’il connaissait Ryoumi, et de jour en jour, il se plaisait à la voir, presque tout le temps. Elle, avait beaucoup d’amis, mais il semblait que son préféré restait le petit roux.
Kyô ne supportait pas beaucoup voir Ryoumi jouer avec d’autres enfants, parce que lui, n’avait qu’elle. Il y avait bien Kagura, mais elle ne semblait pas être sincère. Du moins, c’était l’impression qu’il gardait. Et d’année en année, Kyô pensait de plus en plus à Ryoumi, non pas comme une sœur, mais comme une amie, profonde, sincère, très très chère. Peut-être un peu trop.

Ryoumi secoua Kyô et lui serra les mains.
- Oh ! Tu rêve ?
Kyô sursauta, et rougit violemment.
-Oui, désolé…Je…
-À quoi tu pensais ?
-Oh, à rien, répondit-il d’un ton dégagé.
Comment pourrais-je te le dire ?
Ryoumi n’insista pas, et regarda autour d’elle.
-Kyô, tu connais Yuki ?
Le rouquin recula brusquement, et d’un coup, son visage se referma
-Oui, pourquoi ?
-Oh non, pour rien, répondit Ryoumi tout naturellement. Kimi-chan m’en parle beaucoup, et je l’ai rencontré deux trois fois. Alors…
-Laisse tomber, coupa Kyô avec humeur, ce type n’est pas fréquentable.
Ryoumi entrouvrit la bouche, écarquilla les yeux, et regarda longuement le petit garçon.
Kyô rougit, et détourna son regard du visage accusateur de sa cousine
-Kyô-kun, ajouta enfin Ryoumi, je déteste lorsque tu es comme ça. Tu es stupide ! S’il te plaît, arrête.
Le chat regarda enfin la petite blonde et lui sourit, d’un sourire faible, et pleins de tristesse. Ryoumi se mordit les lèvres un instant, et s’approcha avec précaution du garçon. Puis lentement, pressa ses lèvres contre les siennes, comme elle faisait de temps en temps. Lui, ne demandait plus pourquoi elle faisait ça. Et elle, ne semblait sûrement pas savoir ce que ça signifiait encore. Mais ce baiser fut important. Beaucoup plus que ne l’avaient été les autres, pourtant nombreux.




Mai 2005


Kyô se mit à courir à en perdre haleine. Il avait parcouru toute la ville, puis tout le parc, et s’effondra enfin dans le jardin de Shigure, éreinté, essoufflé, mort de fatigue.
Les bras en croix, et les yeux vers le ciel, il essayait tant bien que mal de contrôler sa respiration saccadée, qui émettait comme une sorte de sifflement.
-Pour quelqu’un qui a fait des austérités dans la forêt, t’as pas beaucoup d’endurance, baka neko…
Kyô releva brusquement les yeux, et fronça les sourcils. Deux yeux violets le toisaient de tout leur mépris.
Le chat, sans attendre, se leva d’un bond, conduit par une rage incontrôlable, et braqua son visage sur son cousin.
-Qu’est ce que t’as, k’so nezumi ? Me cherche pas aujourd’hui, ok ? Pas maintenant, pas tout de suite ! Fous moi la paix, je…
Kyô s’interrompit tout à coup, et se plia en deux. C’est vrai qu’il ne tenait pas longtemps aujourd’hui. ; le temps orageux l’affaiblissait… Et puis son bracelet le brûlait terriblement : le garçon agrippa son poignet, et gémit de douleur. Yuki le regarda de haut en bas sans ciller, et soupira.
-C’est Ryoumi, hein ?
-La ferme !
-Tu y repenses beaucoup ces derniers temps, baka neko…Et évidemment, t’as pas été foutu de lui dire ce que tu pensais…Comme toujours…
Kyô ne laissa pas terminer son cousin, et le bouscula violemment. Yuki bougea à peine, attrapa le bras du garçon, et l’immobilisa.
Leurs regards se croisèrent, et Kyô frémit de colère.
Ryoumi…Dès ce jour, où tu m’as donné ce baiser, je ne t’ai plus jamais revu…
-Je ne veux rien te dire à toi, dégage !
Le rat inclina la tête avec ironie, et entra dans la maison, suivit du regard biaisé du chat.

Le jour où tu m’as donné ce baiser, il s’est passé quelque chose d’horrible. D’indescriptible. D’insurmontable.




Tohru rougit de toutes ses forces, et s’inclina une bonne dizaine de fois. Shibai, un peu ému par cette attitude, la laissa faire, les yeux écarquillés.
-Comment dois-je vous appeler ?, demanda-t-il d’un ton hésitant.
-Ano…Comme vous voulez, s’écria-t-elle. Je ne veux pas vous déranger dans vos habitudes.
Shibai sursauta à nouveau, décidément dérouté par un tel comportement. Ses yeux gris perle croisèrent le grand regard de la jeune fille, et tous deux éclatèrent de rire.
-Gomen nasai ! s’excusa Tohru, je panique facilement !
-Je peux t’appeler Tohru ? Tohru-kun ?
-Oh, oui, oui, affirma-t-elle en hochant la tête énergiquement. C’est même un honneur !
Shibai sourit, puis se lança :
-Tohru-kun, puis-je t’inviter à dîner ce soir ?
Tohru sursauta, et recula, surprise.
-Ah, mais je ne sais pas ! C’est beaucoup trop luxueux pour moi ! Et puis comment vont faire les garçons si je ne leur fais pas à manger ? Je ne peux pas, désolée !
-Ce n’est pas grave, répliqua Shibai d’un ton rassurant. Si tu veux, on va juste prendre un verre alors…
Tohru soupira de soulagement, et accepta.




Yuugiri passa son regard bleu nuit sur Zurui, puis sur les deux filles qui l’accompagnaient.
Kimitsu leva la tête, et haussa les sourcils.
-Tiens, salut ! Comment ça va depuis tout ce temps ?
Yuugiri toussota, et Zurui s’écarta pour lui laisser une place sur la banquette. Assis en face de Kimitsu, il la regarda étonné, puis lui répondit
-On se connaît ?
Cette question fut suivie d’un long silence, un peu gêné. Kimitsu entrouvrit la bouche, puis la referma. Zurui se gratta la tête, et s’agita sur son siège. Ryoumi regarda les trois autres, sans comprendre.
-Il a perdu la mémoire, Kimitsu, souffla Zurui. Il ne se souvient pas de toi, désolé.
-Et de ce nabot, tu t’en souviens ? demanda Kimitsu du tac au tac.
Yuugiri émit un petit rire, puis murmura :
-Je me souviens de Zurui, effectivement.
-Le nabot va vous expliquer, ajouta l’intéressé, en s’éclaircissant la gorge. Seulement, il faut attendre Kenji.
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Bulle
posté Jan 11 2006, 07:19 PM
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Les Ecorchés

Part. III



DEUXIEME PARTIE : LA QUE TOUT COMMENCE - suite et fin

Chapitre 21 : Imprévu
ou comment repousser de plus en plus le moment des explications (lol)
(Par Allie-chan)

janvier 2001 :

Kenji sentit quelque chose de doux lui frôler la joue et leva les yeux au ciel. Il commençait à neiger, de rares flocons tourbillonnants lentement jusqu’au sol. L’adolescent sourit. Ça plairait à sa sœur. Kana avait toujours aimé la neige, même si sa saison préféré était le printemps.
Depuis que Kana était devenue l’assistante de Hatori Soma, le jeune médecin des très secrets « Soma de l’intérieur », Kenji pouvait passer le plus clair de son temps dans l’enceinte du manoir, avec ses amis.
Mais cette fois, il avait rendez-vous ailleurs…
Le jeune homme reprit sa marche. Il était tout près, maintenant. Plus que quelques mètres…
Il tourna au coin de la rue et les vit enfin.
Kana lui tournait le dos, bavardant gaiement avec Mayuko. Cette dernière aperçut Kenji et le signala à son amie, qui se retourna avec un sourire rayonnant.
Kenji courut vers elles pour les rejoindre.
« - Konnichiha, nee-san, Mayuko-san.
- Konnichiha, Kenji-kun.
- Konnichiha, otouto*, sourit Kana. Nous sommes en avance, pas la peine de courir. »
Kenji lui sourit et ils repartirent tous les trois.

Kana sonna et ils entendirent des bruits de pas venant de l’intérieur, mais aussi des bruits de course… Puis un homme brun aux yeux noirs vint leur ouvrir.
« - Bienvenue ! Nous n’attendions plus que vous, mesdemoiselles ! »
Il poussa un soupir tragique.
« - Ah, que n’avons nous eu plus tôt deux belles princesses dans cette maison… L’arrivée de jeunes filles en fleur est si… »
Le jeune homme s’arrêta en apercevant Kenji.
« - Shiguré-san, voici mon petit frère, annonça Kana, Kenji. »
Les deux garçons se saluèrent, puis Shiguré détailla son visiteur de la tête aux pieds.
« - Alors c’est toi, Kenji… souffla-t-il. »
Il hocha la tête, comme s’il venait d’avoir la réponse à une question personnelle. Puis il s’effaça et les fit entrer d’un mouvement de main seigneurial.
« - Entrez donc dans ma modeste demeure… »
Il eut l’air légèrement nerveux en voyant que ses invités se dirigeaient spontanément vers le salon, mais ne chercha pas à les arrêter.
« - Tori-san est dans le salon ! s’écria-t-il brusquement. »
Aussitôt, des bruits de pas pressés s’élevèrent de cette pièce, et la porte s’ouvrit sur Hatori. Le jeune médecin referma la porte derrière lui et se planta devant.
Kana sourit et s’approcha de lui.
« - Qu’est-ce que vous cachez dans ce salon ? demanda Mayuko à Shiguré. »
L’espace d’une seconde, Kenji crut voir le visage des deux hommes se figer, puis on entendit un « POUF » retentissant et un bruit de tissu qu’on ramasse. Kana, Mayuko et Kenji tournèrent un regard surpris vers la porte…
… qui coulissa pour laisser apparaître un jeune homme aux yeux jaunes et aux longs cheveux argentés, élégamment vêtu de rouge et blanc. Pendant un moment tout le monde le regarda avec stupeur, pour des raisons bien différentes.
« - Eh bien, qu’est-ce que vous avez, tous ? demanda-t-il. Ah, je vois, vous êtes éblouis par ma prestance de roi, hahaha !
- Il n’y a pas eu un « POUF » ? demanda Kenji
- Oui, j’ai entendu aussi, confirma Mayuko.
- Ah… il fait froid, aujourd’hui, répondit Ayame. »
Shiguré hocha la tête, Hatori et Kana soupirèrent, et Mayuko et Kenji échangèrent un regard surpris, ne voyant pas le rapport.
Puis Ayame sembla se rendre compte de la présence de Mayuko à côté de Shiguré.
« - Que vois-je ? Guré-san, tu m’es donc infidèle ? Quelle cruauté !
- Mais voyons, tu es le seul qui compte pour moi, Aya… »
Les deux pas tout à fait adultes quand même échangèrent un clin d’œil complice et Hatori poussa un énorme soupir.

Assis avec les autres dans le salon, Kenji ne portait aucune attention à la conversation, plongé dans ses pensées. Il avait bien vu que les yeux de Kana s’étaient mis à pétiller quand Hatori était arrivé, et même s’ils venaient fêter l’installation de Shiguré dans sa nouvelle maison, Kenji se demandait si c’était vraiment pour cela qu’ils l’avaient invité…
Il revint à la réalité en voyant que tous les regards s’étaient tournés vers Kana. La jeune femme s’était levée, la main dans celle d’Hatori.
« - Voilà… commença-t-elle. »
Maintenant ou jamais.
Se jeter à l’eau…
« Nous allons nous marier. »

mai 2005 :

Kenji soupira. Aujourd’hui, c’étaient quelques pétales de fleurs de cerisiers qui tombaient du ciel… ou plutôt des arbres.
Ça faisait déjà quatre ans…
Ce jour-là, Kana avait paru si radieuse… Pourtant, il leur avait fallu plusieurs semaines pour en parler au chef de famille… Akito…
Le matin, sa sœur était venue le prévenir. Le soir, ses parents et lui avaient déménagé, et il n’avait jamais su ce qui s’était passé. Il avait toujours cru que tout allait bien… jusqu’à ce que Zurui l’appelle…
Kenji poussa enfin la porte du café. Il repéra tout de suite ses cousins, assez peu discrets, surtout avec les cheveux bleu de Kimitsu… Il alla les rejoindre et s’assit tranquillement.
« - Bravo pour le retard, lança Kimitsu.
- Désolé, répondit Kenji. Tu t’es encore teint les cheveux ?
- Quel don d’observation. »
Zurui sourit et se redressa.
« - Bon… Il est temps de vous expliquer… »

Shibai poussa la porte du café, laissa Tohru passer la première et entra à sa suite.
« - Choisit une table, fit-il à Tohru. Ne… »
Il s’interrompit en apercevant un groupe de jeunes, à une table. Cinq jeunes. Cinq de ses cousins.
Shibai sourit, prit Tohru par le bras et, sans tenir compte du rougissement de la jeune femme, l’entraîna vers une table libre.
« - Ano… Shibai-kun… Ce ne sont pas Ryoumi-san et Kimitsu-san, là-bas ? Tu ne veux pas aller les voir ? »
Shibai parut surpris, l’espace d’une seconde, mais retrouva presque aussitôt son sourire.
« - Non. Je suis ici pour être avec toi, Tohru-kun… »
Il tira doucement une des chaises pour permettre à Tohru de s’asseoir et se pencha légèrement sur elle.
« - Que veux-tu boire ? lui demanda-t-il d’une voix douce. »
Tohru rougit d’avantage en découvrant le visage du jeune homme si près du sien. Son cœur s’emballait peu à peu. Cette proximité la gênait, mais…
« - Je t’amène un soda, alors ? demanda Shibai.
- Aheuh oui ! »
Shibai hocha la tête, se redressa et se dirigea vers le comptoir.
Tohru baissa la tête et se mordit la lèvre. Cette proximité la gênait, mais maintenant qu’il s’était éloigné… elle avait l’impression qu’il lui manquait quelque chose…
La jeune fille jeta un regard en coin au garçon qui commandait les boissons… C’était étrange… Elle avait accepté de prendre un verre presque spontanément mais… elle le connaissait à peine ! Ça ne lui ressemblait pas…
Qu’est-ce qui m’arrive ?

Chapitre 22 : La mission
Ou comment se sentir coupable
(Par Bulle)

- Tiens, c’est le type que j’ai croisé tout à l’heure.
Yuugiri sourit, et observa Shibai un long instant.
-Quel type ?, demanda Kenji sur le même ton dégagé.
-Celui-là, fit Yuugiri en le désignant du menton.
-Oh, je le vois pas, souffla Kenji, il est de dos
-Oui, mais de là où je suis, on voit son visage dans le miroir.
-Mais à la limite on s’en fout, non ?, suggéra Zurui à son tour, qui aurait bien voulu entrer dans le vif du sujet.
-Oui, je sais, marmonna Yuugiri, mais il m’avait regardé bizarrement tout à l’heure, alors…
Ryoumi et Kimitsu, en face des trois garçon, se demandaient de qui pouvait bien parler Yuugiri. Dans un même mouvement, elles firent volte-face, et Ryoumi étouffa un cri.
-Mais c’est Shibai, murmura-t-elle. Et il est avec Tohru Honda !
-C’est quoi ce bazar ? ajouta Kimitsu, ses yeux dorés braqués sur les deux jeunes gens.
Zurui inspira un grand coup, ferma les yeux, les rouvrit, et murmura
-Alors surtout, ne faites pas un bruit.
Kenji releva brusquement la tête sur son cousin, et de stupeur, entrouvrit la bouche : le visage de Zurui était devenu aussi blanc que les serviettes de papier étalées sur la table ; sa bouche tremblait, et ses pupilles se dilataient à vue d’œil.
-Ano…Zurui, tu te sens bien ?
Tous les autres se retournèrent vivement sur le jeune garçon.
-Taisez vous, siffla-t-il entre ses dents, le visage plus blême que jamais. Si Shibai me voit, c’est terminé. Vous comprenez ? Alors maintenant, en espérant qu’il n’ait rien vu, je vais y aller. Vous, partez seulement quand je serais plus loin. On se retrouve chez Kenji.

Avec la rapidité et l’aisance d’un chat, Zurui s’écarta de la banquette, et silencieusement, rejoignit la sortie. Shibai n’avait pas bougé.
Kenji soupira profondément, et serra les poings.
Il y a encore des choses ici, que je ne saisis pas.
Ses yeux gris pâle croisèrent les autres regards de la table, et dans un même mouvement, les Sôma hochèrent tous la tête. Kimitsu râla quelques instants, prit brusquement ses affaires, et se dirigea vers la sortie. Ryoumi haussa les sourcils, se leva à son tour, et se retourna sur Shibai et Tohru plusieurs fois avant de regagner l’extérieur. Kenji fourra ses mains dans ses poches, pinça les lèvres, et sorti à son tour, accompagné de Yuugiri, qui lui, ne semblait pas prêter beaucoup d’intérêt à la scène qui était entrain de se dérouler sous ses yeux.

Shibai haussa les sourcils, assez amusé par le petit cinéma que leur avaient offert ses cousins.
-Ça existe les miroirs mes cocos, commenta-t-il comme s’il parlait à lui-même
-Pardon ?
Tohru écarquilla les yeux. Elle, n’avait rien vu. Il faut dire que Shibai avait tout fait pour détourner son attention.
-Oh, rien, assura-t-il.
Le garçon aux yeux gris perle fit un large sourire, et Tohru ne sut plus quoi répondre.




Kimitsu s’engouffra dans la fraîche soirée de ce lundi de mai. Le vent sifflait dans ses oreilles et rougissait ses joues, comme de légers coups répétés. Zurui leur avait tout expliqué, sur la prophétie, sur la raison de leur retour, sur leur lien avec Shibai.
Kimitsu haussa les épaules.
Elle savait tout ça. Elle savait qu’elle était liée à Yuki, aussi bien qu’à Kyô, mais d’une autre manière. Elle savait aussi que Ryoumi était elle-même liée aux deux garçons.
Mais maintenant les choses étaient claires, posées, tranchées. Elle, Ryoumi, Kenji, Yuugiri et Zurui étaient ici pour mettre à bien leur mission, qu’ils ne le veuillent ou non. Alors…Mieux fallait s’habituer.

Kimitsu entra dans le jardin, et jeta ses yeux dorés sur la fenêtre du premier étage. De là, elle aperçu Yuki, allongé lascivement sur son futon, la tête plongée dans un livre. La jeune fille poussa un profond soupir, et se laissa tomber sur l’herbe fraîche. La brise printanière un peu trop froide pour la saison caressait sa chemise de flanelle, et lui gelait ses bras fins. Mais elle ne sentait plus grand chose. Trop de pensées martelaient son crâne pour que les sensations physiques interviennent maintenant.





Janvier 1995


Yuki sursauta, leva les yeux, et soupira de soulagement.
Chaque fois qu’il entendait cette maudite porte grincer, puis s’ouvrir, il craignait de croiser le regard sombre d’Akito.
Mais comme une fois sur deux, la personne qui se tenait dans l’encadrement de la porte n’était que Kimitsu.
Le rat sourit à la petite fille et la laissa s’asseoir tout près de lui, comme elle en avait l’habitude. Chaque jour depuis le début de l’hiver, elle apportait une épaisse couverture de laine bleue, un peu trouée sur ses bordures, mais suffisamment chaude pour protéger des jambes engourdies par le froid : Kimitsu lança un regard pétillant de malice, puis la déplia sur les jeunes enfants.
-Voilà, tu peux t’y mettre. Couvre-toi bien.
Yuki s’exécuta et soupira d’aise. Bien sûr, il était content de pouvoir enfin se réchauffer, mais surtout, il aimait sentir les cheveux et la peau de Kimitsu tout près de son petit corps.
-Un jour, je t’emmènerai dehors, Yuki…
Yuki ouvrit tout grand ses yeux mauves, et se redressa
-Mais…Kimi-chan…Je ne peux pas…Tu le sais bien…
Kimitsu fronça les sourcils et regarda longuement par la petite fenêtre de la pièce sombre. Quelques légers flocons de neige s’écrasaient en laissant un mince filet d’eau courir le long de la vitre.
-Yuki…Il faut que tu puisses voir la neige. Je ne peux pas te laisser seul ici, alors que tous les autres enfants s’amusent…Je…
Kimitsu s’interrompit, et baissa les yeux. Elle savait qu’en disant cela, elle ferait de la peine au petit garçon. Yuki sentit une boule énorme se former au fond de sa gorge, prête à exploser à tout instant. L’hiver était la saison préféré de Kimitsu, et lui-même aurait voulu partager ces moments avec elle. En y pensant, le rat soupira, déposa la tête de la jeune fille sur ses genoux, et peigna longuement ses cheveux fins pour la bercer.
Tant que je serai enfermé, au moins, toi tu te seras là…




Mai 2005


Mon amour ne m'écris pas
si tu es prisonnier
Si tu es prisonnier
Si tu es prisonnier*


Kimitsu étouffa un cri, et enfonça ses dents dans sa lèvre inférieure, jusqu’à s’en faire mal. Recroquevillée au milieu de l’herbe, elle tremblait de tous ses membres, s’en parvenir à se contrôler.
Elle avait été obligée de quitter Yuki alors que lui était resté là, prisonnier des griffes d’Akito.

Une main ferme souleva son bras, puis la redressa complètement. Les jambes tremblantes, à demi chancelantes, elle leva les yeux, et croisa un regard doux, familier, qu’elle connaissait bien, et qui lui avait tant manqué.
D’abord surprise, elle essaya de se dégager, mais Yuki la tenait fermement, et la teint contre lui jusqu’à ce qu’elle arrête de bouger.
-Yu…Yuki-kun ? murmura-t-elle
Yuki ferma les yeux de douleur. La voix de Kimitsu était faible, trop faible, alors que toute sa vie, il l’avait connue plus forte que lui, plus téméraire, et plus agile.
Aujourd’hui les yeux dorés de la jeune fille étaient aussi tristes que les siens, peut-être même un peu plus.

Kimitsu grimaça, gênée par cette nouvelle proximité, ou pour une fois, Yuki la soutenait, alors qu’elle…
-Je n’ai pas réussi à te sauver !, hurla-t-elle soudain. J’aurai dû rester. Je ne l’ai pas fait car j’ai eu peur…Je…
La jeune fille s’arrêta de parler, puis étouffa un sanglot. Yuki soupira. Ce n’était pas le moment de pleurer, mais plutôt de la rassurer
-Kimitsu, tu es partie car tu n’avais pas le choix. On t’as forcé. Et moi je suis resté là, égoïste, libéré, tandis que toi…Tu étais en exil loin d’ici. C’est à moi de m’excuser.
Kimitsu ne semblait plus l’écouter. Son regard était posé loin derrière l’épaule du garçon, entrain de fixer un point imaginaire, certainement issu de ses pensées.
Yuki, un peu troublé, rougit, puis inspira un grand coup. Depuis toutes ces années, il avait rêvé de le faire une nouvelle fois, et maintenant elle était là, près de lui, à quelques centimètres. Le rat attrapa doucement le visage de la jeune fille, et colla ses lèvres tremblantes contre les siennes. Kimitsu sursauta, mais se laissa embrasser doucement.

Mon amour ne revient pas
Même après cet été
Je t’aurai oublié
Je t’aurai oublié





*Les Ogres de Barback – La femme du guerrier

Chapitre 23 : Blessure
ou comment se transformer devant quelqu'un (en deux leçons ^^)
(Par Allie-chan)

Mai 2005 :

Shibai raccompagna Tohru chez elle assez tôt, la jeune fille ayant insisté pour ne pas rentrer trop tard : elle ne voulait pas inquiéter les garçons.
Le jeune homme regarda la maison un moment, surpris. Elle habitait bel et bien chez Shiguré, alors…
Il hocha la tête, s’arrêta et sourit à Tohru qui se tournait vers lui.
« - Je pense que tu ne risques plus rien, à partir d’ici.
- Ah, mais, euh… Tu-vous-tu n’étais pas obligé de me raccompagner…
- Et j’aurais manqué la chance de passer plus de temps avec toi ? »
Tohru rougit. Shibai lui faisait vraiment perdre tous ses moyens… C’était…
« - Bon, et bien… souffla Shibai. »
Il se pencha vers elle et, après une courte hésitation, lui fit la bise.
« - A très bientôt, Tohru-kun. »
Il s’éloigna de quelques pas et se tourna de nouveau vers elle.
Tohru resta un moment immobile, rouge comme une tomate, les yeux perdus dans le vague, la main posée sur sa joue. Puis elle se rendit compte qu’il attendait d’être sûr qu’elle soit rentrée, paniqua, regarda autour d’elle, fit volte-face, ouvrit la porte et rentra.

Shiguré releva la tête en entendant la porte s’ouvrir.
« - Okaeri ! fit-il »
Il passa la tête dans le couloir, persuadé de tomber sur Kyô, et fut surpris de voir Tohru entrer. Pourtant, la jeune fille ne manquait jamais d’annoncer son retour…
« - Tohru-kun, ça ne va pas ? demanda-t-il. »
Elle tourna vers lui un regard égaré.
« - Tu es très rouge, remarqua Shiguré Tu as de la fièvre ? »
Tohru secoua vivement la tête.
« - Non, tout va bien !
- Tu as rencontré quelqu’un, alors ? »
Tohru rougit encore plus, ce qui n’était pas facile.
« - N-n-n-non ! bégaya-t-elle. »
Shiguré poussa un soupir digne des plus grands acteurs...
« - Ah, quelle tristesse, ma tendre épouse est sur le point de me tromper… »

Kureno s’approcha lentement de la fine silhouette se découpant sur le ciel visible par la fenêtre.
« - Akito… souffla-t-il. »
Tout juste un murmure, mais la jeune femme se retourna aussitôt. Lentement, elle plongea ses yeux dans ceux du coq. Lentement, elle tendit une main vers lui et lui caressa la joue.
Elle avait encore de la fièvre. C’était sa propre malédiction : être malade, comme ça, alors qu’il faisait beau, alors que tout le monde pouvait en rire, dehors…
Et même lui…
Akito plongea ses yeux dans ceux de Kureno.
« - Ne retourne pas la voir… murmura-t-elle. »
Kureno tressaillit.
Que…
Arisa… Non… Comment Akito pouvait-elle savoir ?
« - Akito….
- Shhht… S’il te plait… Kureno… Ne retourne pas la voir… »
Un sourire carnassier apparut sur le visage de la jeune chef de famille.
« - Tu m’as fait une promesse, Kureno. Tu te souviens ? Tu m’as promis de rester, toujours… Et puis… Tu ne voudrais pas qu’il lui arrive quelque chose, pas vrai ? »
Kureno frémit.
Non. Bien sûr que non.
Doucement, le jeune homme enlaça Akito.
Il n’y avait pas d’échappatoire. Il tiendrait sa promesse jusqu’au bout…

Kagura rentrait chez elle. Il était assez tard, mais elle n’avait pas voulu quitter le dojo avant Kyô. Comme ce dernier attendait qu’elle se lasse pour enfin partir, ç’aurait pu durer longtemps si Kazuma n’avait pas arrêté la séance.
Elle poussa la porte et passa directement dans le salon.
« - Tadaima ! annonça-t-elle.
- Okaeri, l’accueillit sa mère. »
Le menton appuyée dans une main, Rin ne lui accorda même pas un regard.
Kagura haussa les sourcils. Sa cousine était dans le salon, ce qui était étonnant : Rin n’était pas souvent là, les fuyant autant que possible, elle et sa mère.
« - Ta journée s’est bien passée ? lui demanda sa mère.
- Oui, très bien ! En plus, Ryoumi est revenue, dit Kagura.
- Oh, la petite Ryoumi ? Celle qui venait toujours voir Kyô aux entraînements ?
- Oui…
- Enfin, elle ne doit plus être si petite, maintenant… »
Il y eut un grand bruit, et mère et fille se retournèrent. Rin s’était levée, très pale.
« - Ryoumi est revenue ? demanda-t-elle.
- O-oui, répondit Kagura. Rin, que… »
La jeune fille tendit une main vers sa cousine, mais Rin se dégagea d’un geste brusque et sortit de la pièce.
Kagura échangea un regard surpris avec sa mère.
Qu’est-ce qu’il lui prenait ?

Rin sortit de la maison et prit une longue inspiration. Et une autre. Et une autre.
Ryoumi était revenue.
Alors ça voulait dire que Kimitsu aussi… Elle ne faisait jamais rien l’une sans l’autre… Alors… Dans ce cas… Akito…
Rin s’adossa au mur de la maison et se mordit les lèvres. C’était mauvais…

Avril 1993:

Rin avançait dans le couloir. Lentement. Un pas après l’autre. Juste lever le pied, le placer devant l’autre, recommencer. Ne pas penser à la douleur qui remontait dans ses jambes à chaque fois, la faisant frissonner des pieds à la tête. Frissons qui rendait la tache encore plus difficile.
Elle voulait sortir d’ici. Vite.
Mais elle devait être patiente. Un pas après l’autre. Ne pas penser au sang qui coulait de sa lèvre, ne pas penser à son œil gauche qu’elle ne parvenait plus à ouvrir, ne pas penser au coups qui lui avaient coupés le souffle…
Fuir…
Rin s’arrêta. Elle devait faire une pause. Le temps de reprendre son souffle. Après tout, rien ne pressait. Même si c’était dur à imaginer, elle était en relative sécurité, maintenant : Akito ne se donnerait pas la peine de venir jusqu’ici pour elle…
La fillette baissa la tête, essayant d’empêcher le monde de danser devant ses yeux.
Une exclamation étouffée lui fit relever la tête.
Une petite fille un peu plus âgée qu’elle la fixait avec de grands yeux dorés.
Rin fronça les sourcils.
Elle, elle ne l’avait jamais vu.
La petite fille tendit une main vers elle. Rin voulut reculer mais tomba à genoux.
« - Et m*rde, laissa-t-elle échapper. »
Maintenant, elle pouvait toujours courir pour se relever.
La petite fille s’agenouilla pour être à sa hauteur.
« - Que… Qu’est-ce qui s’est passée ? Qui… »
Elle tendit de nouveau une main vers Rin, qui se dégagea brusquement.
« - Mais tu me lâches oui ! Et t’es qui, d’abord ?
- Kimitsu Soma, répondit son interlocutrice. Et toi ?
- Ça te regarde ?
- Je t’ai bien dit mon nom…
- Ouais, ben si c’était pour avoir le mien, tu peux toujours courir !
- Pas toi, fit remarquer Kimitsu.
- Pardon ?
- Non, juste que vu ton état, toi, tu peux plus vraiment courir…
- Mais de quoi je me mêles !
- De tes affaires. »
Rin allait répliquer, mais laissa tomber. Elle était déjà fatiguée, mais là, elle sentait qu’un dialogue pareil l’achèverait.
Elle s’aida du mur pour se redresser… et retomba presque aussitôt à genoux. Elle n’avait plus la force…
M*rde… Elle ne doit pas voir ça…
« - Je peux t’aider ? demanda Kimitsu.
- Ouais : casse toi !
- Eh ben c’est sympa… »
Sans écouter les protestations de la fillette, Kimitsu la prit par les mains et la remit debout.
« - Voilà ! C’est mieux comme ça, non ?
- Mouais. »
Rin s’appuya fortement sur le mur et recommença à avancer.
Elle entendit un soupir et sentit une main se poser sur son épaule.
« - Je peux appeler Hatori, si tu…
- N’APPELLES PERSONNE ! s’écria Rin. ET FOUS MOI LA PAIX ! JE… »
Il y eut alors un « pouf » et Rin comprit qu’il était trop tard : elle était trop faible. Kimitsu serait surprise de la voir se transformer en cheval…

Chapitre 24 : Choc
Ou comment prendre conscience de son pouvoir
(Par Bulle)

Ce soir-là, Ryoumi fut la dernière à quitter l’appartement de Kenji.
Lui, et les deux autres garçons restèrent silencieux un bon bout de temps avant de parler.
Yuugiri lisait un livre, assez distraitement d’ailleurs. Zurui marchait de long en large, les bras croisés derrière le dos et la figure baissée : profondément plongé dans ses réflexions, Kenji s’attendait à ce qu’il explose à tout moment. Mais ce fut lui qui parla le premier.
-Bon, Zurui, je pense que ce cinéma a assez duré, soupira-t-il.
Zurui se tourna brusquement sur son cousin, et écarta ses mèches blondes qui retombaient sur son visage. Il ressemblait à un savant fou qui venait d’avoir présenté sa découverte.
-Heu…Soit, bredouilla-t-il visiblement perturbé.
Sans attendre, il s’installa fébrilement à la table où étaient installés ses deux cousins, et plongea ses yeux d’acier dans les prunelles sombres de Yuugiri. Celui-ci, un peu surpris, eut un mouvement de recul.
-Ben quoi ?, laissa-t-il tomber sèchement.
-Tu es prêt ou pas ?, demanda Zurui sur le même ton, les yeux toujours braqués comme deux mitraillettes.
-Mais prêt à quoi, s’écria Yuugiri, visiblement irrité.
Zurui resta bouche bée quelques secondes, puis se tourna vivement sur Kenji
-Il le fait exprès ? demanda-t-il brusquement.
Kenji, en guise de réponse, haussa les épaules.
-Tu le fais exprès ?, répéta Zurui, cette fois les yeux tournés sur Yuugiri.
-Gomen, je…Oui, je suis prêt.
Je ne sais d’où me vient cette réticence. C’est comme si je m’attendais au pire
-Tu es sûr ?, vérifia Zurui.
-Oui. Kenji, vas-y.

Kenji déglutit et s’installa en face de Yuugiri. Il n’avait pas fait ça depuis bien longtemps.
-Bien, marmonna-t-il, ferme les yeux et laisse toi guider.
Yuugiri s’exécuta en tremblant, et se mordit les lèvres. Dans quelques minutes, sa mémoire sera rétablie. Les yeux fermés, il sentit la main fraîche de son cousin se poser délicatement sur son front, et vibrer intensément.
Kenji frissonna. Pendant un temps, il eut l’impression que sa chair ne faisait plus qu’une avec celle de Yuugiri. Les pensées des deux garçons s’entrechoquèrent comme des épées, et Kenji perçut toutes les souffrances et les doutes de son cousin, qui lui revenaient en mémoire les uns après les autres, comme les pièces d’un jeu de construction.
Puis, après un temps assez bref, les deux jeunes gens furent projetés sur le sol dans un bruit sourd. C’était fini. Par un pouvoir inconnu, Kenji était parvenu à rétablir la mémoire de Yuugiri.
Yuugiri se releva brusquement, et cligna des yeux. Sa respiration haletante rythmait la scène, comme un compte à rebours.
Zurui déposa le visage inconscient de Kenji sur ses genoux en attendant qu’il se réveille, et sourit à Yuugiri.
-Alors ?
Yuugiri sursauta et releva la tête, ses yeux humides implorant Zurui de toutes leurs forces.
-A…Akito…
Zurui hocha la tête.
-Je sais, murmura-t-il.
-Akito est une femme, poursuivit Yuugiri, la voix tremblante. Et…Et…Je l’ai aimé. Très fort. Très très fort.

Kenji ouvrit les yeux aussi rapidement qu’il s’était évanoui, sursauta, et se releva d’un coup.
-Que se passe-t-il, s’écria le garçon, haletant.
-Tu as rétabli la mémoire de Yuugiri, c’est fini, souffla Zurui.

De chaudes larmes coulaient le long des joues pâles de Yuugiri, sans que lui-même ne semblait s’en rendre compte. Les yeux perdus dans le vague, il était submergé par ses souvenirs.
Akito, je t’aime, et pourtant…Je suis parti. On m’a effacé la mémoire, et je suis parti. Avec mes parents.
-Pourquoi m’a-t-on effacé la mémoire, demanda Yuugiri d’un ton suppliant. Pourquoi ? Zurui répond moi !
-Car Akito t’aimait.
Après ces paroles, un long silence s’imposa tout naturellement .






Kenji sentait son cœur tambouriner de plus en plus fort, au fur et à mesure qu’il s’approchait du manoir.
J’ai été écarté de cette famille par ce qu’on a eu peur que je rétablisse la mémoire de Kana.
-Bande d’idiots ! hurla-t-il à lui-même.
Kenji accéléra le pas, et courait presque, le regard porté droit devant. Enfin arrivé, il déboula dans le cabinet d’Hatori, et resta un instant dans l’encadrement de la porte.

Le médecin sursauta. Un jeune garçon aux cheveux bruns et bouclés l’observait de ses deux yeux glacés. Ce jeune garçon c’était…
-Kenji ?, demanda-t-il incrédule
-Surpris ?, répliqua le garçon, en haussant les sourcils.
-Qu’est ce que tu fais là ?
Hatori n’était plus le même. Ses yeux, d’habitude si impénétrables, étaient écarquillés par la surprise et son visage paisible palissait à vue d’œil.
-Mais c’est quoi votre problème à vous tous, hein ? Tu effaces la mémoire de Yuugiri alors qu’il était la dernière chance pour Akito de devenir quelqu’un de bien…
-…Ce n’est pas moi qui ai décidé ça…
-…Laisse-moi finir, coupa brusquement Kenji. Vous m’évincez alors que j’aurai pu rétablir la mémoire de ma sœur. Grâce à moi, vous auriez pu redevenir heureux. Et toi tu t’écrases, c’est tellement plus simple.
-Kenji, je…
-Je ne veux rien savoir, Hatori. Tu en fais ce que tu veux, mais moi je vais retrouver Kana, et je vais lui rétablir la mémoire. Et personne ici ne pourra m’en empêcher. Et surtout pas toi.
Le garçon jeta un dernier regard brutal sur le médecin, et quitta la pièce.
Hatori suivi Kenji des yeux et s’effondra sur sa chaise, le visage enfoui entre ses deux mains.


Zurui laissa échapper un soupir triste et profond, et jeta sa tête en arrière. Une cigarette se consumait lentement entre ses doigts, comme s’il l’avait oubliée.
Kenji était parti sans mot dire, mais il savait bien ce qu’il était allé faire.
Yuugiri était parti, lui aussi. Mais dans sa chambre, et seul. C’était mieux comme ça.
Zurui soupira à nouveau, peut-être plus profondément encore. C’était difficile d’être au cœur d’une prophétie.


Février 1998

En ce début de mois, le temps était particulièrement doux et chaud. Les arbres étaient encore nus, et l’herbe, assez pauvre. Mais les rayons du soleil caressaient la nature, et donnait envie de s’y prélasser, comme si le mois de mai avait commencé.
Zurui entortilla une de ses mèches blondes autour de son doigt et la porta à ses lèvres en faisant la grimace. Ryoumi éclata de son rire cristallin en voyant la tête de son ami, et se laissa basculer sur le ventre.
Tous deux étaient étendus dans l’herbe, au beau milieu du domaine de la résidence principale.
Zurui sourit et regarda Ryoumi avec un regard brillant. Ses yeux étaient aussi froids et intenses que ceux d’un loup.
-Tu sais, je dois te le dire. Toi, moi, Kimitsu, Yuugiri et Kenji, nous sommes liés. Pour toujours.
Ryoumi écarquilla ses yeux noisette, et entrouvrit la bouche un instant avant de parler.
-Unis pourquoi ?
-Tu ne t’es jamais demandé…Ce que tu pouvais apporter à Kyô ?
-Je…
Ryoumi baissa la tête. Elle n’avait pas vu Kyô-kun depuis l’incident du bracelet, alors…
-Je ne vois plus Kyô depuis un bout de temps, murmura-t-elle d’une voix tremblante.
Un léger sourire se forma au coin des lèvres du garçon.
-Ça reviendra. Par ce que…C’est la prophétie qui le veut…Viens, je vais te dire un secret.
Ryoumi approcha son visage et Zurui écarta ses cheveux dorés pour lui parler aux creux de l’oreille.
La petite fille déglutit, et écouta.




Mai 2005

Zurui laissa échapper un rire froid, et un peu ironique
Quelques jours après, tu as été chassée Ryoumi-chan. En même temps que Kimitsu. Yuugiri était déjà parti, et peu à peu, nous avons tous quitté la ville. Quelqu’un nous a écarté soigneusement.

Chapitre 25 : Devoir
ou comment voir quelqu'un retrouver son calme.
(Par Allie-chan)

mai 2005 :

Ryoumi était assise à la table du salon et tentait désespérément de terminer son devoir de mathématiques. Pourtant, d’habitude, elle était forte, que ce soit en maths ou dans d’autres matières. Mais ce coup-ci elle avait du mal à se concentrer puisque dans l’immédiat elle pensait surtout à Kyô, au sourire de Kyô, aux yeux de Kyô, au bracelet de Kyô, bref à tout ce qui pouvait la distraire.
Elle prit son stylo, le reposa, le reprit, le reposa, continua pendant un moment, soupira, enroula une de ses mèches dorées autour de son index, tenta de se concentrer sur son devoir quelques secondes et laissa tomber tout aussi vite.
Kyô…
Ce jour là…
Un mouvement, derrière elle, attira son attention, et elle sursauta en sentant quelqu’un se pencher sur elle.
Shibai observait son devoir de maths par dessus son épaule.
Il pointa le résultat auquel elle était laborieusement arrivée du doigt.
« - Divise par deux, annonça-t-il.
- Hein ? Bah pourquoi ?
- Parce que c’est une demi-sphère. »
Ryoumi rougit, se demanda comment elle n’avait pas réalisé ça, et fit ce qu’il lui disait.
« - Merci. »
Shibai lui sourit.
Ryoumi l’observa un moment. Shibai… Il avait toujours été très gentil avec elle…Il était gentil, alors pourquoi est-ce que Zurui avait eu l’air si effrayé…
Shibai… est-ce que c’est vrai, pour la prophétie…
« - Quoi ? demanda Shibai.
- Hein ?
- Qu’est-ce qui se passe ? »
Ryoumi rougit.
Elle était transparente à ce point-là ?
« - Ah, r-rien ! Pourquoi ?
- Je ne sais pas. Tu me regardais bizarrement. »
Ryoumi rougit. Elle ne s’en était pas rendu compte, mais c’est vrai qu’elle devait le fixer depuis un moment.
« - Non, ce n’est rien ! »
Shibai grimaça légèrement.
« - Ryoumi-chan, tu n’as jamais su mentir… »
Personne ne pouvait vraiment lui mentir, de toute manière, mais chez elle, ça avait toujours été particulièrement évident.
Ryoumi rougit d’avantage, et sourit.
« - Ce n’est rien ! Vraiment ! »
Shibai l’observa encore pendant un moment, puis sourit à son tour.
« - Bon. Tant mieux. »
Ryoumi hocha la tête, rangea son exercice de mathématiques avec un grand soupir de soulagement, et se releva.
« - Shibai…
- Oui ?
- J’ai faim. »

Izumi entra dans la pièce et s’avança timidement jusqu’à la silhouette sombre qui se tenait près de la fenêtre.
Quand la femme se tourna vers elle, elle sourit et s’inclina légèrement.
« - Ren-sama…souffla-t-elle.
- Cela faisait bien longtemps, Izumi-chan… »
Izumi faillit grimacer mais se retint à temps. Quand Ren l’appelait ainsi, c’est qu’elle était de mauvaise humeur. Pas mignonne du tout.
« - Alors… Qu’as-tu à me dire, Izumi-chan ?
- Pas grand chose, étant donné que vous ne m’aviez pas dit ce que vous cherchiez… »
Izumi se mordit la lèvre. Oups, ça lui avait échappé…
Les yeux de Ren s’étrécirent de fureur, et, l’espace d’un instant, Izumi put voir la folie briller dans ces deux prunelles.
Mais c’était vrai, quand même. Bon, évidemment, il y avait la prophétie, elle le savait, maintenant, mais… Est-ce que Ren était vraiment au courant ?
Puis Ren parut se calmer, ce qui inquiéta encore plus Izumi.
« - Ça ne t’a jamais empêché de trouver, avant… Ou bien est-ce que c’est ton pouvoir qui s’affaiblit ? »
Izumi fronça les sourcils.
Alors ça, c’était inquiétant. Depuis quand Ren maîtrisait sa colère ? C’était sûrement une première dans l’histoire du clan Soma ! Izumi en aurait bien fait la remarque à voix haute, mais ça lui semblait un peu trop suicidaire.
Et puis, non, ce n’était pas la première fois, réalisa soudain la jeune femme.

août 1994 :

Izumi remonta l’allée en trottinant gaiement. Elle venait de voir Ritsu. Il avait fait des efforts et s’était habillé en garçon, aujourd’hui, mais il était tellement mal à l’aise comme ça que, au fond, elle préférait qu’il s’habille en fille.
Et maintenant, elle devait retrouver Ren Soma, la mère du chef de la famille Soma. Ça faisait deux ou trois fois qu’elle voyait Ren. Elle était assez étrange. Effrayante, aussi.
Mais pas plus que ça, en fait.
Izumi s’arrêta en entendant des voix.
Il y avait encore des gens qui s’approchaient si près de Ren, à part elle ?
La fillette releva la tête. Il y avait deux petits garçons un peu plus vieux qu’elle, devant elle, qui ne l’avaient pas remarqués. L’un des deux avait des cheveux noirs comme la nuit et ressemblait beaucoup à Ren.
Akito, sans doute.
L’autre avait des cheveux bleu nuit, et Izumi ne l’avait encore jamais vu.
Il prit Akito par le poignet et l’entraîna avec lui, malgré ses protestations.
Izumi s’approcha et aperçut Ren qui observait les deux garçons par une fenêtre du rez-de-chaussée. Les yeux de Ren brillaient d’une lueur… meurtrière.
Mais le jeune garçon qu’Izumi ne connaissait pas se retourna et, l’espace d’une seconde, croisa le regard de Ren.
Cette dernière parut se détendre instantanément, à la grande surprise d’Izumi qui pensait plutôt qu’elle allait se ruer sur les deux enfants en hurlant.

mai 2005 :

En y repensant, Izumi s’aperçut qu’elle n’avait jamais revu ce garçon, après. Il faudrait qu’elle se renseigne, mais sûrement pas auprès de Ren…
Izumi sourit sans s’en apercevoir. Ce soir, elle aurait de nouveau une longue conversation avec Reihai…

Ryoumi s’assit à sa place et allait sortir ses affaires quand une tornade blonde s’abattit presque sur elle. La jeune fille sursauta et se tourna vers Momiji.
« - Je t’ai fait peur ? demanda ce dernier avec une moue attristée.
- Non, ça va… »
Hatsuharu les rejoignit. Le regard de Momiji passa de l’un à l’autre, puis il brandit une main triomphante.
« - Je sais ! s’écria-t-il.
- Tu sais ? répéta Haru.
- Tu sais quoi ? demanda Ryoumi.
- Ce qu’on va faire dimanche !
- Dimanche ? répéta Ryoumi
- Oui ! Il fait beau, alors il va falloir qu’on sorte dimanche ! Vous viendrez, hein ?
- Où ça ? demanda Haru.
- C’est une surprise ! »
Haru et Ryoumi échangèrent un bref regard, puis acquiescèrent tout en se demandant s’ils ne feraient pas mieux de refuser.
« - Génial ! Je vais demander aux autres s’ils sont d’accord ! s’écria Momiji.
- Euh… tu ne crois pas qu’il vaudrait mieux attendre la fin du cours ? demanda Ryoumi. »
Mais son cousin s’était déjà élancé hors de la classe.

Momiji débarqua devant Tohru, Yuki, Kyô, Arisa et Saki avec un immense sourire.
« - BONJOUR !!! Dimanche, on sort tous ensemble, avec Haru et Ryoumi ! annonça-t-il. »

Tohru soupira et passa le revers de sa main sur son front. C’est vrai qu’il faisait chaud, en ce moment. Momiji avait eu une bonne idée en leur proposant de sortir dimanche, même si ça n’avait pas plu à tout le monde sur le coup, et même si « proposer » n’était pas le terme exact.
Quelqu’un se racla la gorge, derrière elle.
Tohru se retourna et se sentit rougir, encore une fois, en se retrouvant face à Shibai. Le jeune homme lui adressa un de ses éblouissants sourires.
« - Tout va bien, Tohru-kun ?
- Hay ! »
Shibai hocha la tête, et sembla réfléchir un moment à ce qu’il allait dire.
« - Il fait beau, en ce moment… Tu ne travailles pas le dimanche, n’est-ce pas ? demanda-t-il à Tohru.
- Euh… n-non, mais…
- Nous pourrions sortir, ce dimanche, non ?
- Ah… non, je ne peux pas ! »
Shibai eut l’air peiné, et Tohru sentit son cœur se serrer.
« - Tu ne veux pas ? souffla Shibai.
- Non, ce n’est pas ça ! Mais… Momiji… j’ai promis à Momiji que je viendrais avec lui, ce dimanche…
- Oh… »
Les yeux de Shibai étincelèrent.
« - Alors, à la place, nous devrons nous voir un soir, cette semaine ! »
Tohru haussa les sourcils.
« - Ah, mais je ne peux pas ! Je ne peux pas laisser les garçons ! Et puis… Je… Ce… »
Tohru s’interrompit et se mordit les lèvres. Elle n’arrivait pas à dire non à Shibai quand il la fixait avec un regard pareil.
« - Tohru-kun, ils peuvent bien survivre une soirée sans toi, tu ne crois pas ? Et puis, je suis sûr qu’ils seraient d’accord… »
Tohru baissa les yeux, rougit de nouveau, et hocha la tête, très vite.
Quand elle se redressa, Shibai lui souriait de nouveau.

Chapitre 26 : Ah, l’amour…
Ou comment être complètement déboussolée
(Par Bulle)

Mai 2005


Tohru s’assit un instant sur son lit, et réfléchit à ce qu’elle pourrait dire. Tout d’abord, elle avait songé à faire une annonce groupée, puis elle s’était finalement convaincue que parler à chacun des trois garçons séparément était une attitude plus correcte.
La jeune fille se leva, prit son inspiration, et descendit l’escalier de la maison. Le premier à être averti devait être Shiguré, puis ce que s’il ne lui donnait pas l’autorisation, il était inutile d’en parler à Kyô et Yuki.
Shigure était étendu sur le sofa de son bureau, les yeux à demi clos. Le soleil étouffant du mois de mai commençait à peser sur son humeur. Tohru hésita un moment avant de le réveiller, puis se dit qu’il était bien tard, et qu’il valait mieux se jeter à l’eau assez rapidement.
- Ano…Shigure-san ?
Le chien ouvrit les yeux aussitôt, et ne sembla pas étonné de voir Tohru en face de lui, ses grands yeux clairs écarquillés par l’anxiété ;
- Qu’est ce que tu veux me demander, Tohru-kun ?
Tohru sursauta, puis rougit violemment.
- Ano…
- Oui ?
- Est-ce que je pourrais dîner dehors, ce soir ?, demanda-t-elle très vite.
Shigure hésita un moment en souriant. La taquiner maintenant était irrésistible. Cependant…Une question lui brûlait les lèvres.
- Tu veux sortir avec qui ?
- Avec Shibai Sôma, s’écria Tohru. Il est de votre famille, je, je…
Tohru s’interrompit, en se rendant compte que ce qu’elle venait de dire était d’une évidence déconcertante.
Shigure fronça les sourcils. Shibai ? Mais…
- Je le connais, ne ?, demanda-t-il.
C’était plus une affirmation qu’une question. Mais Tohru, elle, n’en savait rien.
- Je ne sais pas. Il est assez vieux, avoua-t-elle, presque votre âge. Et il est grand, brun, aux yeux gris.
Shigure prit un air soupçonneux, et regarda Tohru en biais.
- Tohru, tu ne m’avais pas dit que tu avais une relation secrète avec Hatori. Huhuhu, tu aurais pu me le dire avant.
- Quoi…Mais…Non, il lui ressemble un peu, mais…Il n’a pas du tout la même forme de visage…Non, je vous assure, ce n’est pas lui…
Shigure se délecta un instant de la panique qu’il avait provoquée chez la jeune fille, s’étira, et fit un large sourire.
- Tu peux y aller Tohru-kun, je te donne l’autorisation. Amuse toi bien !
Tohru poussa un soupire de soulagement, s’inclina une bonne dizaine de fois, et quitta la pièce.

- Sôma-kun !
Yuki sursauta, et retira vivement sa main qui caressait les cheveux de Kimitsu. Il était encore gêné devant Tohru, sans savoir réellement pourquoi.
Kimitsu leva les yeux au ciel
- Tu veux que je m’en aille ?
- Non, reste.
Tohru accourut jusqu’au couple, lascivement étendu dans le jardin, et s’excusa avant de parler.
- Sôma-kun ! Je voulais juste savoir si ça ne vous dérangeait pas que je sorte ce soir pour le dîner.
Yuki haussa les sourcils un instant, puis répondit.
- Vous voyez Hanajima-san ?
Tohru rougit encore plus, et se mordit les lèvres. Qu’allait-il dire si elle lui disait que…
- Non, en fait je vois l’un de vos cousins. Shibai Sôma. Il m’invite à dîner, et j’ai accepté, à condition d’avoir votre accord.
- Bien sûr, bien sûr, répondit vivement la souris. Vous n’avez pas à me demander.
- Arigatô ! Je vais demander à Kyô maintenant.
- Ce baka neko n’a rien à dire non plus, fit Yuki d’un ton sans réplique.
- La ferme, k’so nezumi !
Les trois adolescents levèrent les yeux, et soupirèrent en même temps. Kyô se tenait aux côtés de Tohru, les bras croisés, et observait son rival avec colère.
- Tu fais ce que tu veux, Tohru, fit-il sans lâcher des yeux la nezumi.
- Oh, d’accord, murmura-t-elle.

Shibai s’observa dans le miroir un court instant : il avait envie de lui plaire, plus encore que pour les autres filles. C’était assez étonnant venant de sa part, lui-même l’admettait.
Il sourit un instant et observa les légères rides qui se formaient au coin de ses yeux. Sourire, il ne le faisait pas souvent. Mais devant elle, aucun effort n’était vain.
Le jeune homme entra dans le restaurant relativement en avance. Lorsque Tohru l’avait appelé deux heures plus tôt pour lui confirmer leur rendez-vous, il s’était profondément senti soulagé. On ne savait jamais avec Shiguré…
Tohru entra prudemment dans la grande salle, et sentit son estomac se contracter, puis se fendre. Shibai l’observait sans mot dire, la tête posée sur ses bras croisés.
- Kon’nichiha, souffla la jeune fille
Shibai inclina la tête sans mot dire, et écarta la chaise de la table pour que Tohru puisse s’asseoir.

Shiguré cala son crayon sur le dessus de sa lèvre supérieure, et se tourna vers Yuki.
- Jolie tête, lâcha ironiquement la souris
- N’est-ce pas ?
Shiguré reprit son sérieux, hésita un instant, puis se décida à parler.
- Yuki-kun, tu as déjà entendu parler de ce Shibai ?
- Non, fit le rat, sans lever les yeux. Mais Ryoumi vit chez lui, donc je ne pense pas qu’il y ait un risque…
Le chien sourit. Si, justement, ça, c’était suspect…
- Ryoumi habite chez lui, hein ?
- Oui. C’est ce qu’elle m’a dit.
Shiguré n’ajouta rien et se replongea dans ses pensées. Quoi que Yuki dise, il restait une pièce manquante pour tout comprendre.

Tohru tremblait. Depuis qu’elle connaissait Shibai, c’est-à-dire depuis peu de temps, l’envie de le questionner sur sa vie lui brûlait les lèvres. Mais ce n’était peut-être pas très poli.
- Shibai-kun ?
- Oui ? répondit le jeune homme en haussant les sourcils. Qui y a-t-il ?
- Oh, heu, je…Tu aimes ce plat ?
Shibai ne leva pas les yeux de la carte qu’il lisait, mais sourit légèrement.
Menteuse. Tu veux savoir autre chose.
- En général lorsque les jeunes filles hésitent au dernier moment, c’est qu’elles veulent savoir des choses sur moi….
Shibai leva les yeux sur la jeune fille, puis poursuivit en souriant
- … Seulement, elles n’osent pas.
Tohru trop surprise ne répondit pas. Et puis, elle voulait tellement savoir…Au fond, ça l’arrangeait.
- Je faisais partie du clan le plus resserré de la famille Sôma, expliqua Shibai. Mes parents ont longtemps été très proches d’Akito. Tu as entendu parler d’Akito, j’imagine…
Tohru hocha la tête sans répondre, ses yeux grands ouverts sur le garçon. Shibai rougit, puis continua.
- Bien. Seulement, lorsque j’étais petit j’ai été chassé de ce petit cercle, et j’ai quitté la ville avec mes parents.
- Oh…Tu sais pourquoi ?
- Non.
C’est à moi de mentir, cette fois-ci.
- Mais, Kimitsu-san et Ryoumi-san ont été expulsées elle aussi !, s’écria Tohru.
Shibai ferma les yeux en hochant la tête.
- Oui, souffla-t-il. Et tu te souviens des trois garçons que nous avons vus hier ?
- Oui, seulement je ne les connais pas, avoua la jeune fille.
Shibai esquissa un sourire. Se remémorer toutes ces histoires était rigolo. Risqué certes, mais rigolo.
- Kenji, le petit brun aux yeux pâles, est le petit frère de Kana. Il est assez étrange, je ne le connais pas plus que ça.
Le jeune homme se garda bien de révéler le pouvoir du garçon. Tohru entrouvrit la bouche, un peu surprise, mais laissa poursuivre son ami.
- Yuugiri, le jeune homme brun aux yeux tristes, expliqua Shibai, est l’ami d’enfance d’Akito.
- Akito ?, laissa échapper Tohru.
- Oui. Et Zurui…C’est un idiot.
Shibai eut un rire tendre, et Tohru haussa les sourcils.
- Un idiot ?
- On m’a raconté cette histoire, car je n’étais déjà plus là à l’époque. Zurui a découvert la malédiction, et il n’a pas été fichu de le garder pour lui. Alors…Zurui a préféré quitter la ville plutôt que de subir le lavage de cerveau d’Hatori.
Les paroles de Shibai étaient teintées d’un certain dégoût. Tohru le sentit bien. La malédiction du Junnishi ne pesait visiblement pas seulement sur les 12, mais plus largement sur toute la famille Sôma.
- Mais, Zurui se cache alors ?, demanda Tohru.
Shibai s’étira et poussa un soupir
- Oui.

Shiguré se laissa basculer sur sa chaise. Shibai…Ce nom lui rappelait quelque chose, mais quoi ?




Février 1998

Shiguré se promenait dans les jardins du manoir. La lune caressait les ruisseaux qui s’évadaient de la forêt, et brillait comme une étoile de mer sur l’eau trouble*. Le jeune adolescent pouvait ainsi suivre plus aisément la route qui le menait vers l’intérieur du manoir.
Un chuchotement dans les buissons, et Shigure leva ses yeux noirs sur la forêt. Devant lui avançait une ombre, pas plus grande que sa personne, mais un peu plus frêle. Le chien frissonna, puis s’immobilisa. Qui pouvait bien circuler à cette heure-ci, à part lui ?
- Shigure-chan, chuchota l’ombre, merci pour ta coopération.
Shigure resta terrorisé devant les deux yeux clairs qui l’observaient avec intensité...
- Quelle coopération ?, demanda-t-il abruptement.
- Grâce à toi, deux d’entre eux sont encore partis. Ta fidélité envers Akito te sera récompensée.
Un dernier sourire, large mais froid, et l’ombre s’enfuit. Shigure resta sans comprendre. Avait-il parlé des deux petites filles qui s’étaient faites chasser ?


Mai 2005

Shiguré se redressa
- Les deux petites filles, qui étaient Ryoumi et Kimitsu !
- Quoi ? demanda Yuki interloqué.
Shiguré tourna brutalement la tête sur son cousin avant de réaliser, effaré, qu’il avait parlé tout haut
- Yuki-kun, viens avec moi ! Tout de suite.
Sans attendre, Yuki hocha la tête et suivit Shigure dehors. Son regard ne présageait rien de bon, il fallait donc mieux lui obéir.

Shibai regarda longuement Tohru, et celle-ci frissonna. Le garçon l’avait accompagné jusqu’au bout du bois, bien avant le jardin de Shiguré, et comme d’habitude, il allait la laisser là.
- Bon, et bien, à la prochaine…Tohru-kun.
Tohru déglutit, puis leva sa tête sur celle du garçon. S’il voulait l’embrasser, elle se serait laissé faire. C’était beaucoup trop irrésistible.
Shibai hésita mais ne fit rien. La jeune fille brune qu’il avait vue la dernière fois avec Tohru était là, juste derrière elle. Et sans savoir vraiment pourquoi, il ne préférait pas l’embrasser devant témoin.
- Au revoir, Tohru, souffla-t-il
- Au revoir, murmura la jeune fille, un peu déçue.
- Bonsoir, Tohru.
Tohru sursauta en poussant un cri et se retourna vivement. Saki l’observait de ses grands yeux noirs, si impénétrables.
- Hana-chan, s’écria-t-elle. Que fais-tu là ?
- Je me promenais, répondit distraitement Saki en observant Shibai s’éloigner dans la nuit. Comment vas-tu Tohru-kun ?
- Ça va, je…Qu’est ce qu’il y a ?
Saki avait soudainement changé d’expression. D’un geste paniqué, elle attrapa le bras de Tohru, et s’écria :
- Tohru, tu es en danger !

Shiguré et Yuki coururent jusqu’à la lisière du bois, et aperçurent Tohru et la jolie brune qui l’accompagnait.
- Ouf, s’exclama le chien, il n’est rien arrivé à Tohru !
Les deux jeunes hommes s’arrêtèrent essoufflés, et Tohru les regarda, interloquée.
- Mais…Que se passe-t-il ? Pourquoi tout le monde à l’air si anxieux ?
- Tohru, reprit Saki, visiblement ébranlé, le garçon que tu aimes, il ressens une haine presque meurtrière !

Shibai s’était placé derrière l’arbre qui coupait la profonde forêt du jardin, où étaient restées Tohru et son amie. Mais que faisaient Yuki et Shiguré à ses côtés ? Il avait bien fait de partir…
- Ça y est, tu as eu ton rendez-vous galant ?
Shibai ignora le ton ironique qu’avait pris la voix froide derrière lui. Sans même se retourner, il hocha la tête en signe d’acquiescement. La voix reprit.
- Tue la maintenant.
Shibai ne répondit rien. Mais une lumière un peu folle dansait dans ses yeux tandis qu’il observait le petit groupe.
On verra…
- Je le ferai, Ren-sama.



*petite référence à Mano Solo, hi hi ^^"


TROISIEME PARTIE : MINOUE

Chapitre 27 : Un jeu dangereux
ou comment un pion peut vouloir devenir roi
(Par Allie-chan)

mai 2005 :

Ryoumi sourit et releva la tête, fixant l’horloge, au-dessus de la porte. Il était tard. Shibai avait sûrement raccompagné Tohru maintenant. Il rentrerait bientôt.
C’était bien, qu’il s’intéresse à la jeune fille. Tohru était gentille, très gentille. Et puis, Shibai avait tellement peu d’amis…
Ça ne pouvait lui faire que du bien.
Mais…
S’il était vraiment ce que disait Zurui…
Ryoumi secoua la tête. Non, c’était impossible.
Pourtant, quelque chose en elle lui soufflait qu’au contraire, c’était plus que possible : c’était certain. Zurui ne lui avait jamais menti.
Mais d’un autre côté, Shibai non plus. Et puis…
Si. Cette fois-ci, un des deux mentait forcément.
Zurui lui avait menti au sujet de Shibai, ou bien Shibai lui mentait au sujet de lui-même. C’était l’un ou l’autre.
Et, même si elle n’aimait pas ça, elle commençait à croire Zurui…

Shibai observa encore un moment Tohru, Hanajima, Yuki et Shiguré. Un sourire mauvais s’étendit sur ses lèvres. Shiguré se souvenait enfin de lui, apparemment. Il avait mis du temps. Mais c’est vrai qu’il n’était apparu que très peu dans la vie des maudits. Après tout, il détectait tout aussi bien les mensonges de loin, et il était inutile qu’ils se sachent espionnés…
Bref, peu importe, l’important, c’était que Shiguré se souvenait.
Yuki… Lui, il ne pouvait pas se souvenir de quoi que ce soit sur lui puisqu’il ne savait rien sur lui, c’était plus simple.
Au milieu du groupe, Tohru avait l’air totalement perdue.
Shibai sourit.
Ils pouvaient toujours essayer d’écarter la jeune fille de lui… Elle était déjà prise au piège. Il le savait.
Pas de chance. Vous êtes arrivés trop tard. Voilà ce que c’est, d’être trop long à la détente…
Il entendit un bruissement derrière lui.
Ren s’éloignait.
Shibai ne fit pas un geste, ne dit pas un mot.
Il attendit d’être sûr que Ren soit vraiment partie. Il attendit d’être sûr que le groupe qui entourait Tohru se soit éloigné.
Puis il éclata d’un rire perçant.
Un rire où ne transparaissait aucune joie.
Juste une douce folie…
Bon sang, Ren était vraiment stupide. Trop prévisible, contrairement à son fils. Akito, lui, était vraiment admirable, par moment. Mais Ren n’était pas assez subtile ; elle ne voulait qu’une chose, et il la connaissait depuis trop longtemps déjà.
Elle, par contre, elle ne le connaissait pas assez.
La faute à qui ? Elle n’avait jamais tenté de le connaître. Pour elle, il n’était qu’un pion de plus sur son échiquier.
Mais aux échecs comme dans la vie, les pions aussi peuvent s’avérer dangereux si on y prend pas garde…
Tuer Tohru ?
Un rictus passa à nouveau sur le visage de Shibai.
Pourquoi la tuer, alors qu’il pouvait faire tellement plus…
L’écarter, doucement, sans même qu’elle ne s’en rende compte. Sans qu’elle ne s’aperçoive de rien.
Jusqu’à ce qu’il soit trop tard, pour eux comme pour elle.
Elle ne les sauvera pas…
Shibai repartit enfin. Il devait trouver une cabine téléphonique quelconque et joindre Akito. Le jeune chef des Soma serait sûrement ravi d’être mis au courant des intentions de sa mère envers « une certaine Tohru Honda »…
Et puis, il y avait la présence de Zurui. Mais ça, il le gardait pour plus tard. Il ne fallait jamais abattre son jeu trop tôt. Toujours avoir un atout en réserve, jusqu’à ce que votre adversaire n’ait plus aucune ressource.
Parce que la moindre erreur coûtait cher, très cher…
Comme pour ses parents…

novembre 1995 :

Shibai colla un œil dans l’entrebâillement de la porte. Ses parents étaient entrés dans cette pièce depuis longtemps maintenant. De nature curieuse, le petit garçon se demandait pourquoi ils ne revenaient pas.
Des voix lui parvinrent. C’étaient tout juste des murmures, en fait. Ses parents étaient tout au bout de la pièce, lui tournant le dos, et ils parlaient à quelqu’un qu’il ne parvenait pas à voir.
Shibai regarda autour de lui et, ne voyant personne, sortit de l’antichambre où il patientait tout les jours depuis des semaines.
Il quitta la maison, longea le mur, jusqu’à atteindre une fenêtre. C’était cette pièce… S’il s’éloignait un peu, il pourrait peut-être voir à qui ses parents parlaient comme ça…
Il recula peu à peu, mais la pièce était trop sombre, et même à la lumière du jour, il ne distinguait qu’une vague silhouette sombre.
Qui était-ce ?
Il voulait juste savoir qui c’était… Ça ne devait pas être si compliqué…
Il recula encore d’un pas…
Et heurta quelqu’un.
Shibai se retourna d’un coup. Il se retrouva face à un garçon un peu plus vieux que lui, avec des cheveux et des yeux noirs, très sombres. Le garçon le toisait avec un mélange de surprise et de mépris.
« - Qui es-tu ? demanda Shibai »

Akito toisa un moment le petit garçon qui, ne regardant pas où il allait, l’avait heurté et qui, sans même s’excuser, lui demandait maintenant qui il était…
C’est plutôt à moi de te poser la question…
En temps normal, elle se serait aussitôt énervée, mais elle venait de voir Yuugiri, et elle n’arrivait jamais à s’énerver après ces rencontres. Il lui faudrait une bonne demi-heure pour « redevenir aussi irritable qu’à l’accoutumée », comme disait Yuugiri. Bizarrement, quand c’était lui qui lui disait ça, elle avait envie d’en rire…
Maintenant…
Qui était-elle, hm ?
Elle allait s’amuser un peu…
« - Personne d’important, répondit-elle.
- Ah non, tu mens ! »
Akito ouvrit des yeux ronds et serra les poings.
« Tu mens » ?
Non, là, c’était trop fort !
Qui était ce gosse ?
« - Qui es-tu ? gronda-t-elle.
- Shibai Soma ! répondit son interlocuteur »
Shibai…
Akito hocha la tête. Donc c’était lui, le petit garçon dont on lui parlait depuis des semaines… Et apparemment, il pouvait bel et bien déceler les mensonges… Akito réfléchit un moment. Ses parents cherchaient visiblement à tirer profit de leur fils, et elle pensait qu’ils la menaient en bateau, mais si c’était vrai…
Ça pourrait lui être très utile…
« - Akito-sama ! appela une voix. »
Une servante courait vers elle.
Akito se retourna, irritée, mais encore sous l’influence lointaine de Yuugiri.
« - Akito-sama… reprit la servante. Vous ne devriez pas rester ici… Ren-sama pourrait mal le prendre… Vous savez comment elle est…
- Je pars, coupa Akito. »
Elle caressa doucement la joue du petit garçon.
« - Shibai, hein ? Je pense qu’on se reverra très bientôt… Shibai-kun…

Shibai resta un moment immobile, réfléchissant à toute vitesse à ce qu’il venait d’apprendre. Il venait de rencontre Akito, le chef des Soma. Apparemment ce dernier le connaissait déjà donc c’était sans doute à lui que ses parents parlaient depuis des semaines. A lui et à l’habitante de cette maison.
Et maintenant, il savait qu’elle s’appelait Ren…
Shibai entendit du mouvement, à l’intérieur. Ses parents devaient le chercher.
Le petit garçon sourit, et rentra.
Akito n’avait pas l’air d’aimer Ren…
Ça pourrait être utile…

décembre 1995 :

Shibai entra doucement dans la pièce. Akito était assis près de la fenêtre.
Le petit garçon s’approcha doucement du chef de la famille Soma. Maintenant, il savait qui était Ren… et comment se servir de ce qu’il savait.
Akito se retourna lentement.
Shibai s’inclina légèrement devant lui.
« - Tu voulais me voir ? demanda Akito. »
La demande de Shibai l’avait intriguée, alors elle avait accepté, juste pour voir. Le petit garçon semblait intelligent, au moins.
Shibai hocha brièvement la tête.
« - Mes parents vous mentent depuis le début, souffla-t-il. Ils essaient de me placer auprès de vous, mais… auprès de Ren, aussi. »
Les yeux d’Akito étincelèrent, et Shibai dut se retenir pour ne pas laisser échapper un sourire triomphant. Gagné.
« - J’ai juste pensé que vous aimeriez être au courant, souffla-t-il. »
Akito baissa les yeux et croisa le regard malicieux de Shibai.
Elle sourit doucement.
Oui, le petit garçon allait lui être très utile…

mai 2005 :

Izumi décrocha le téléphone en soupirant.
« - Moshi moshi ? »
Une voix glaciale lui répondit, à l’autre bout du fil. Izumi soupira. Oh. Ren, encore. Ça en devenait lassant.
« - Je n’ai pas confiance en Shibai, lui expliqua Ren. Surveille le bien. Il pourrait devenir dangereux. »
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Bulle
posté Jan 11 2006, 10:30 PM
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Les Ecorchés

Part. IV


TROISIEME PARTIE : MINOUE - suite...

Chapitre 28 : Méfiance
Ou comment prendre la fuite
(Par Bulle)

Janvier 1998


Shibai releva la tête et observa la neige tomber. Les flocons s’écrasaient sur ses yeux ouverts, et troublaient sa vue, mais il aimait ça. Lui-même ne savait trop pourquoi.
Il faisait froid ce jour-là. Le jeune adolescent s’était emmitouflé dans son anorak, trop large pour son corps frêle. Les jardins du manoir autour de lui étaient totalement immaculés, à l’exception de quelques espaces encore verdoyants ça et là. Personne ne circulait ce matin ; personne, sauf…
- Shibai-kun !
Shibai cessa de regarder le ciel, et jeta ses yeux froids autour de lui. Il avait tout de suite reconnu la voix de Ryoumi : pas étonnant qu’elle soit là, étant donné qu’il espionnait tous ses faits et gestes depuis plusieurs semaines. En réalité, il était là, parce qu’il l’attendait.
Ryoumi marcha fébrilement jusqu’au garçon. Ses cheveux dorés, d’habitude si bien arrangés, étaient anormalement en désordre. Les yeux hagards, et les joues trop blanches, elle paraissait décomposée.
- Ryoumi-chan s’écria Shibai, en attrapant les bras de la jeune fille, que t’est-il arrivé ?
La fillette jeta ses yeux humides dans le regard inquiet de son ami, et éclata en sanglots. D’un geste calme, presque habituel, Shibai serra instantanément Ryoumi contre son cœur, et la laissa pleurer un temps, avant de parler à nouveau.
- Ryoumi, murmura-t-il, que se passe-t-il ?
- Je…
La petite blonde s’interrompit et déglutit. Avouer ce qu’elle avait vu était insurmontable. L’exprimer avec des mots renforcerait ces images, et transformerait ce qu’elle pensait encore être un cauchemar, en une réalité…
- Ryoumi ? interrogea Shibai. Parle, n’aie pas peur.
L’adolescent embrassa doucement les cheveux doux de son amie, et la serra un peu plus fort contre lui.
Ryoumi se mordit les lèvres, et accepta enfin de parler. Elle savait que seul Shibai la comprendrait, et il ne fallait pas le décevoir. Et à quoi bon lui cacher quelque chose ? Il devinait tout.
- Shibai…C’est Kyô-chan…Il est…
- Un monstre ?
La fillette sursauta, et releva la tête quelques instants. Shibai lui souriait, et la regardait, lui aussi.
- Mais, commença Ryoumi, mais…Comment le sais-tu ?
- Comment l’as tu découvert ? demanda-t-il en ignorant la question.
- Oh, c’est un accident, expliqua Ryoumi, d’un ton évasif. On s’est un peu chamaillé, je lui ai retiré son bracelet de force et…
Shibai soupira, et caressa les cheveux de la petite fille. Elle s’était remise à pleurer, plus fort encore.
- Ryoumi-chan, souffla-t-il en se penchant tout près de son oreille, qu’as tu ressenti en voyant ce montre ?
Ryoumi réfléchit un long moment, puis releva la tête. Shibai la fixait avec anxiété, ses deux yeux gris plus perçants que jamais. C’était sûr, il attendait une réponse précise. Mais laquelle ?
- Je n’en sais rien, avoua-t-elle. J’ai eu peur, mais…Kyô n’est pas ce monstre que j’ai vu. Alors…J’espère qu’il ne m’en voudra pas trop d’avoir découvert ça chez lui.
Shibai eut un mouvement de recul. Il n’y pensait pas. Un monstre pareil aurait du la tétaniser, mais elle ne semblait pas renoncer à son affection. Il allait falloir agir, et plus vite qu’il ne pensait.
- Shibai-kun, demanda Ryoumi, que se passe-t-il ?
- Rien du tout, répondit sèchement Shibai, tout va bien.
Ryoumi haussa les sourcils, mais ne dit rien. Ce changement d’attitude, elle l’avait toujours remarqué chez lui, mais il valait mieux qu’elle le garde pour elle.




Mai 2005


Ryoumi frémit en entendant le volet de la porte coulisser, puis se refermer. Elle attendait Shibai avec impatience, et pourtant, elle redoutait cet instant depuis qu’elle était rentrée.
Le jeune homme pénétra dans le salon, et sourit légèrement à sa cousine, avant de s’affairer dans des papiers déposés sur la table.
- Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-il sans lever les yeux.
- Très bonne.
Shibai tressaillit. Cette voix…Elle cachait des mensonges, et des secrets.
Se tournant lentement, le jeune homme observa Ryoumi avec appréhension. La jeune fille s’était levée de son siège, et l’observait, les bras croisés. Shibai soupira, et se tint complètement face à elle.
- Je t’écoute, souffla-t-il
Ryoumi tremblait, mais semblait déterminée.
- Shibai, pourquoi n’ai-je jamais revu Kyô après t’avoir parlé ?
Shibai écarquilla les yeux sans comprendre.
- De quoi parles-tu ? demanda-t-il.
Ryoumi soupira. Elle détestait lorsqu’il prenait ce ton hautain et condescendant.
- Lorsque je t’ai avoué ce que j’avais vu…Tu sais, le monstre, comme tu disais.
- Et alors ? s’enquit Shibai, davantage irrité par les questions que lui posait Ryoumi.
- Et alors, pourquoi ne l’ai-je jamais revu après ? répliqua-t-elle d’une voix sonore.
Shibai ne cilla pas. Au contraire, il resta figé, un léger sourire se formant sur ses lèvres.
- Tu le sais bien, ma puce, murmura-t-il en s’approchant d’elle tout à coup. Cette famille est dangereuse…Et maudite…
Ryoumi déglutit. Ces paroles…Zurui lui avait dit mot pour mot la même chose lorsqu’ils étaient enfants.
- Je…commença-t-elle, visiblement déstabilisée.
- Ne pose pas trop de questions, poursuivit Shibai d’une voix douce. Cela pourrait être dangereux, je t’assure.
Sur ces mots, le jeune homme lui caressa la joue, et quitta la pièce. Ryoumi poussa un profond soupire, et regarda ses pieds.
Son regard froid…Ses paroles sans répliques…Ne m’empêcheront pas…De savoir pourquoi…

Le lendemain, Ryoumi se leva sans mot dire, aux aurores, et quitta doucement l’appartement. Elle ne savait pas encore ce qu’elle pourrait faire dehors à une heure pareille, mais c’était toujours mieux que d’affronter Shibai une nouvelle fois.
La jeune fille saisit son portable, et fit défiler le répertoire. Appeler Kimitsu serait une bonne idée, mais à cette heure-ci, elle serait capable de se lever rien que pour l’étrangler et repartir se coucher. Il fallait donc mieux renoncer.
Ryoumi aimait bien Kenji, mais elle ne le connaissait pas suffisamment pour lui téléphoner comme ça, à six heures du matin.
Et Kyô ? La petite blonde éclata de rire, sans même s’en rendre compte. Elle passa immédiatement à Zurui, et composa le numéro. Lui, il sera content de l’entendre, quoi qu’il arrive.

Zurui, sans même se redresser, attrapa son téléphone posé sur la table de nuit, et observa le numéro. En voyant le nom de Ryoumi s’afficher, il s’assit d’un bond sur son lit, et décrocha. Ce n’était pas normal qu’elle appelle si tôt.
- Moshi moshi ?
- Oh, ça fait plaisir de t’entendre si réveillé !
- Ouais, je sors de mon footing, là…
- Ah bon ?
- Non.
- Ah…
- J’espère que tu as une bonne raison de m’appeler Ryoumi-chan
- Est-ce qu’on peut se voir ? Je ne veux pas rester chez Shibai, et je n’ai nulle part où aller.
- Oui, passe.
Ryoumi remercia, puis raccrocha. Le ton déterminé de son cousin lui faisait dire qu’elle était la bienvenue…Et qu’il s’attendait peut-être à ce qu’elle prenne la fuite.

Chapitre 29 : Inquiétude
ou comment faire les cent pas
(Par Allie-chan)
Mai 2005 :

Akito poussa un soupir exaspéré et appuya son front contre son poing. Elle n’arrivait pas à dormir. Le visage de Yuugiri dansait devant ses yeux, assorti, pour en rajouter, de ce que Shibai lui avait appris la veille au soir : Ren voulait tuer Tohru.
Akito se leva et, d’un pas un peu chancelant, sa dernière poussée de fièvre ne s’étant pas encore totalement dissipée, commença à faire les cent pas dans la pièce.
Un problème à la fois, décida-t-elle.
Et quitte à procéder ainsi, autant commencer par le plus facile : Shibai. Le jeune homme avait, étrangement, jugé bon de la prévenir des agissements de Ren.
Akito fronça les sourcils. Pour un peu, elle aurait pu croire qu’il avait retenu la leçon. Mais elle le connaissait mieux que ça. Shibai ne ferait jamais rien sans avoir autre chose en tête ; restait à savoir quoi, et là, elle était forcée d’admettre qu’elle n’en avait pas la moindre idée.
En revanche, elle était certaine que ce qu’il lui avait dit était vrai : il n’aurait pas pris le risque de lui mentir sur ce genre de chose.
Donc Ren voulait que cette fille hideuse disparaisse définitivement de la vie des maudits…
Akito serra les poings. De quoi se mêlait-elle ? Ce que cette fille pouvait faire ne la regardait en rien ! Et puis, demander à Shibai de…
Akito secoua la tête.
Non. Ça, ce n’était pas l’idée de Ren, mais la sienne.
La jeune femme soupira. Et elle, qu’est-ce qu’elle voulait ? Après tout, quand elle avait su que Shibai était revenu, elle avait pensé à ça aussi, non ?
Eliminer définitivement cette traînée qui s’approchait trop près de ses maudits… C’était ce qu’il fallait. C’était…
C’était Ren qui l’avait demandé à Shibai.
Donc c’était une idée qu’Akito ne pouvait décemment pas accepter.
Shibai avait intérêt à faire attention aux ordres qu’il suivait, cette fois.
Akito reprit sa marche à travers la pièce, cent pas d’un côté, demi-tour, cent pas de l’autre, comme elle avait pris l’habitude de le faire quand elle attendait Yuugiri…

Mai 1995 :

Cent pas d’un côté, demi-tour, cent pas de l’autre. Et ça faisait un bon moment qu’elle répétait inlassablement ce manège.
Yuugiri était en retard. C’était la première fois qu’il était en retard à un rendez-vous, et ça l’énervait au plus haut point. Mais ce qui l’énervait encore plus, c’était de penser qu’elle ne pourrait même pas s’énerver contre lui, justement. Impossible. Elle ne pouvait pas en vouloir à Yuugiri, c’était comme ça.
Mais là, elle aurait aimé qu’il arrive vite, très vite. Elle devait absolument lui parler.
Elle avait peur, une peur incontrôlable qui lui nouait les entrailles. Il se passait quelque chose. Kureno… Kureno était…
Akito se mordit les lèvres. Que faisait Yuugiri ? Pourquoi n’était-il pas encore là ? Elle avait besoin de lui !
Elle avait besoin de savoir, juste… Si ce qu’on lui avait dit était vrai…
Parce que la malédiction était en train de disparaître. Et si la malédiction disparaissait, elle n’avait plus rien à quoi se raccrocher.
Sa vie, son statut, son être entier faisait partie intégrante de la malédiction. Si elle n’existait plus, que lui restait il ?
Un nom s’imposa aussitôt à elle : Yuugiri. Qui n’était toujours pas là.
Quand le jeune homme arriva enfin en s’excusant de son retard, elle hésita entre le gifler et se jeter à son cou, les deux alternatives étant aussi séduisantes l’une que l’autre, vu l’état dans lequel elle était.
Enfin. Il était là. Enfin.
Lui, il allait pouvoir lui dire. Il ne lui mentirait pas, elle le savait. Il ne lui avait jamais menti, après tout… Il était le seul… à ne lui avoir jamais menti…
Elle saurait si c’était vraiment lui qui était la cause de tout ça…

Mai 2005 :

Quand Kimitsu descendit prendre son petit déjeuner, seul Shiguré était encore là. La jeune femme avait volontairement traîné, ce matin : elle ne tenait pas à voir Yuki couver Tohru du même regard inquiet qu’il avait eu la veille.
D’accord il y avait des raisons : la veille au soir, quand Shiguré et Yuki étaient rentrés, ramenant une Tohru blanche comme un linge et apparemment troublée, elle devait bien admettre qu’elle-même s’était posée des questions. Mais, tout de même, Tohru n’allait pas se briser en morceaux s’il la quittait du regard, non ?
Ridicule.
La jeune femme soupira et s’assit en face de Shiguré.
« - Il y a eu de l’agitation, hier soir, fit-elle remarquer. »
Elle fronça les sourcils en voyant l’expression de son interlocuteur à cette évocation. D’habitude, Shiguré ne laissait pas transparaître son inquiétude, mais là…
« - Kimi… Tu connais Shibai ? demanda-t-il doucement. »
Il ne s’attendait pas à la réaction de la jeune femme : Kimitsu blêmit brusquement, serra les poings, se leva violemment et quitta la pièce.
Shiguré soupira. Oui, elle le connaissait.

Kimitsu marcha un bon moment, aussi vite que possible. Shibai. Encore et toujours lui. La colère courait dans son être tout entier ; le sang cognait à ses tempes comme jamais.
Shibai. Celui qui avait tout déclenché…

octobre 1997 :

Kimitsu longeait le manoir. Elle voulait voir Yuki, mais pour ça, elle devait d’abord éviter Akito, et comme il était, encore une fois, malade, le meilleur moyen était encore de passer par la fenêtre.
Elle allait se redresser quand elle entendit des voix…
Kimitsu fronça les sourcils. L’une des voix, rauque et fatiguée, était celle d’Akito, mais… l’autre ?
« - Qu’est-ce que tu veux ? demanda Akito. Je suis fatigué… Va-t-en.
- Akito-san…
- VA-T-EN !!! »
Kimitsu grimaça. Elle ne donnait pas cher de la peau de l’interlocuteur d’Akito, quel qu’il fut. Mais elle ne s’attendait pas à ce qu’elle entendit après.
« - Elle vous ment, Akito-san… »
Kimitsu tressaillit. Le silence, à l’intérieur de la pièce, prouvait que cette personne avait réussi à éveiller l’intérêt du chef de la famille Soma.
« - Elle vous ment… »
La voix devint un murmure, et Kimitsu dut tendre l’oreille pour entendre la suite.
« - … elle voit Yuki… »
Kimitsu crut que son cœur allait s’arrêter de battre. Qui… ? Qui avait su… Et pourquoi le dire à…
Kimitsu se redressa lentement et jeta un coup d’œil rapide dans la pièce.
Elle voulait juste savoir qui c’était.
Juste voir le visage de celui qui l’avait donnée…
Un très jeune garçon, à peine plus vieux qu’elle, se tenait devant Akito. Les cheveux noirs, les yeux gris, Kimitsu le reconnut dés qu’il se tourna vers elle avec son sourire suffisant…
Shibai…
Kimitsu se baissa aussitôt.
Et maintenant, qu’est-ce qu’elle faisait ?

Chapitre 30 : Le cahier bleu
Où comment garder un objet pendant très longtemps ^^
(Par Bulle)

Mai 2005




Ryoumi était déjà chez Zurui depuis plus de deux heures lorsque Yuugiri et Kenji se levèrent à leur tour. Les deux garçons pénétrèrent dans le salon, et s’arrêtèrent net en voyant leur cousine assise sur le sofa, les deux mains jointes et le sourire gêné.
- Bon, le petit-déjeuner est prêt, chantonna Zurui en sortant de la cuisine. Vous avez bien dormi tous les deux ?
Kenji tourna vivement la tête sur son cousin puis haussa les sourcils. Yuugiri fit de même.
- Oh, je vois, souffla Zurui après un lourd silence, il faut que je vous explique : Ryoumi est venue ce matin ; petit problème de collocation on dirait.
Ryoumi sourit. Zurui avait toujours ce petit air malicieux et ce ton ironique lorsqu’il commentait une situation. Décidément, il n’avait pas changé.
- Ok, marmonna Kenji avec humeur, mangeons parce que j’ai faim.
Les trois autres soupirèrent, et chacun s’installa autour de la table. Zurui regarda les autres un petit moment, sourit d’un air entendu, puis ouvrit son sac. Ryoumi suivit du regard les gestes de son cousin, et entrouvrit la bouche de stupeur lorsqu’elle vit ce que Zurui venait de sortir de ses affaires : le blondinet avait attrapé un vieux, très vieux carnet bleu, assez grand et bordé de spirales. Sa couverture usée était un peu cornée, un peu tachée, et sentait le bon livre ancien des premières années de lecture.
Zurui leva ses yeux perçants sur le visage surpris de Ryoumi, et lui sourit, sans mot dire. Puis il toussota, ouvrit le cahier, et prit un stylo.
- Bien, souffla-t-il, j’ai besoin de savoir : depuis que vous êtes arrivés, que s’est-il passé entre vous et les maudits ?
Les autres n’eurent pas le temps de répondre car quelqu’un sonna à la porte. Zurui leva le doigt au ciel comme s’il attendait ce moment, puis se leva pour aller accueillir ce nouveau venu.
La porte s’ouvrit, et le regard du jeune garçon croisa deux yeux dorés.
- Salut, marmonna Kimitsu, en entrant un peu brusquement dans la pièce.
Le corps svelte de la jeune fille était élégamment vêtu d’un pantalon noir et d’un cache-cœur vert sombre. Sa belle allure ne manqua pas d’attirer l’attention de Kenji, qui l’observa discrètement de haut en bas, les yeux grands ouverts. Kimitsu s’assit énergiquement en tailleur autour de la table, et prit ses aises. Cela ne servait à rien de demander ce qu’elle faisait là, de toute façon, elle ne répondrait pas.
- C’est bien que tu sois là, Kimi-chan, s’enquit Zurui, en s’asseyant à son tour. Avec tout le monde au complet, je pourrai mieux travailler.
- Travailler ? répéta Yuugiri.
Personne ne lui répondit, alors le jeune homme aux cheveux bleu nuit chercha le regard de Ryoumi. Mais celle-ci gardait le visage baissé dans sa tasse de thé, et les doigts enroulés nerveusement dans ses mèches blondes.
- Mmm…
Sous les regards interrogatifs, Zurui, parfaitement à l’aise, mit ses lunettes au bord de son nez, et parcouru le cahier page après page.
- Bien, reprit-il en levant la tête, Yuugiri, depuis que tu as retrouvé la mémoire, es-tu allé revoir Akito ?
Le prénom du chef de famille provoqua une drôle de réaction générale : Kenji recracha sa gorgée de thé, Kimitsu se leva brusquement, puis se rassit, et Ryoumi entortilla avec encore plus de force ses cheveux fins. Seul Yuugiri paraissait impassible : ses yeux tristes dégageaient une expression profondément mélancolique, mais un léger sourire au bord de ses lèvres le rendait moins sinistre.
- Je ne l’ai pas vue, souffla tout doucement le jeune homme. Mais j’ai l’intention de le faire.
Un lourd silence s’abattit de toute sa puissance sur la scène, et personne n’osa parler, ni même bouger. Seul Zurui paraissait tranquille, et hocha la tête, tout en notant quelque chose dans le cahier bleu.
- Très bien, marmonna-t-il, très bien. Lorsque tu l’auras vue, il faudra que tu me détailles tout s’il te plaît. Ryoumi, ça avance avec Kyô ?
Le garçon leva les yeux sur sa cousine et lui fit un grand sourire. La jeune fille jeta un regard froid autour d’elle et se redressa. Elle était élégante et frêle, comme une poupée fragile.
- Je ne sais pas, avoua-t-elle d’une voix étrangement calme, je lui ai présenté mes excuses, et je pense qu’il les a acceptées. Seulement, il est impossible de savoir exactement ce qu’il pense.
Kimitsu sourit. Oui, il était impénétrable…Un peu comme elle, selon certains…
- Bon, ponctua Zurui, toujours en écrivant frénétiquement sur les pages jaunies du cahier bleu. C’est un bon début. Et toi Kimi ?
- Ça te regarde ? protesta vivement la jeune fille.
- En l’occurrence oui, répondit calmement Zurui. Alors ?
- Je sors avec lui, si tu veux tout savoir.
Les yeux du blondinet s’illuminèrent tout d’un coup d’une lueur vive et inhabituelle. Les mains portées au menton, il s’accouda à la table et approcha son visage de celui de Kimitsu d’un air entendu.
- Excellent, souffla-t-il. Excellent…
Kimitsu détourna les yeux, un peu gênée et s’écria :
- Mais quoi, à la fin ? C’est notre bonheur qui t’intéresse ou tes petites affaires ?
Zurui échappa un petit rire sarcastique et regarda sa cousine avec tendresse.
- Kimi enfin, depuis le temps que tu me connais, tu devrais connaître la réponse, ne ?
Kimitsu jeta un regard de dédain au garçon et pinça les lèvres. Oui elle connaissait la réponse, c’est bien ça qui l’inquiétait.
- Bien, reprit Zurui sans prêter attention à l’expression courroucée de la jeune fille, j’ai presque fait le tour là. Ah, oui, Kenji ? Alors ? Tu as retrouvé Kana ?
- Tu crois que c’est facile ? Je suis en fugue, je te rappelle. Si ma sœur me voit, elle va appeler les parents. Il faut que je trouve un moyen de ne pas éveiller ses soupçons, alors laisse- moi un peu de temps s’il te plaît.
- Ok, ok, se défendit Zurui. Il n’y a pas de problème. Nous ne sommes pas pressés. Prends ton temps.
Sur ces mots, il se leva puis quitta la pièce, laissant le cahier soigneusement fermé, sur le bord de la table. Ryoumi suivit Zurui du regard, puis jeta ses yeux nerveux sur l’objet. Ce cahier…Il était…Etrange. Chaque fois qu’elle l’observait, la jeune fille était envahie d’une vague de souvenirs indéfinissables et impossibles à identifier. Mais elle sentait que ce cahier possédait en lui une grande force, reliant la jeune fille à une histoire plus grande et plus intense que ce qu’elle vivait.
Ryoumi regarda ses cousins. Aucun ne semblait ressentir la même chose qu’elle : Yuugiri ne quittait plus son assiette vide des yeux et Kenji regardait par la fenêtre, ses yeux pâles perdus dans la faible lumière du dehors. Quant à Kimitsu, elle n’était même plus là, mais allongée dans un coin de la pièce, le visage vers le plafond.



Avril 1996


- Vous voyez, ça, c’est la clé de notre réussite ! s’écria Zurui en brandissant fièrement un cahier bleu.
Tout le monde le regarda avec surprise. Les enfants étaient installés au milieu d’un parc un peu abandonné ; les herbes jaunies de la pelouse étaient mal taillées, et protégeaient le petit groupe des regards. Les garçons portaient tous les trois des bermudas qui laissaient découvrir leurs genoux maigres et sales. Même Yuugiri, nettement plus vieux et propre sur lui, s’était laissé emporter dans cette « vie d’aventuriers ».
Zurui et Kenji étaient des gamins échevelés, aux sourires malicieux. C’étaient des Sômas venant d’une branche de la famille particulièrement riche, mais ils paraissaient issus d’un milieu déshérité, comme abandonnés à eux-mêmes et à leurs problèmes. Il faut dire que ce n’était pas facile d’avoir des pouvoirs si étranges. Eux-mêmes s’isolaient du reste, se sentant trop bizarre pour être acceptés par les autres enfants. Seuls des maudits comme Momiji, Haru, et tous les autres, pouvaient à la limite comprendre ce qu’ils étaient.
Yuugiri avait le même problème. Seulement, son amour pour Akito l’avait doublement enfermé dans une douce torpeur, un peu destructrice. Réussir par un simple pouvoir psychique à calmer une personne aussi brutale et nerveuse que la jeune chef de famille, n’était pas de tout repos, et influait parfois sur ses humeurs.
Les deux petites filles, Kimitsu et Ryoumi, semblaient plus éloignées de cette vie aventureuse et pleine d’embûches. En rencontrant Kyô, Ryoumi avait bien été obligée de l’ouvrir au monde, et d’oublier ses propres « bizarreries ». Kimitsu, elle, s’isolait bien évidemment, en allant voit Yuki presque tous les jours. Mais son affection pour le petit garçon lui donnait envie de se battre, et d’affronter l’extérieur. Chaque fois qu’elle visualisait cette horrible prison, qui enfermait la plus innocente des personnes, un haut-le-cœur l’empêchait de sourire aux autres. La douleur de Yuki la transportait, mais la rendait plus malheureuse. C’était « à double tranchant » avait-elle dit une fois avec ironie.
Et ce matin-là, Zurui avait montré aux autres un cahier bleu flambant neuf, comme s’il était un trésor rempli de mille secrets. Les autres avaient souri, touchés par la personnalité charismatique du garçon. Ses cheveux blonds et bouclés encadraient un petit visage plein d’assurance qui suscitait de l’admiration. Il avait son cahier, et c’était le chef. Tout le monde s’était entendu pour que ce soit lui qui détienne ce rôle. Chef de quoi ? Aucun ne le savait vraiment. C’était un jeu, pour rire. Mais ça avait tout son sens pour de jeunes enfants.




Mai 2005


Tu es un chef, et rien d’autre. Ton ambition va au-delà de tes belles actions. Tu ne penses qu’à toi, et à ta mission…Je t’aurai un jour.


Shibai s’étira longuement, et se leva pour aller répondre au téléphone. Si c’était Ren, il avait une réponse toute prête, qui ne lui ferait pas forcément plaisir, d’ailleurs. Si c’était Akito, il fallait être plus délicat. Elle pouvait encore servir. Et surtout, Yuugiri représentait un danger certain.
Mais il n’eut pas besoin de réfléchir à ce qu’il allait répondre. Ou plutôt, il n’eut pas à réfléchir comme il le faisait d’habitude. La voix à l’autre bout du fil lui parlait avec son cœur, et Shibai, en l’écoutant, frissonna malgré lui.
- Tohru-kun ?
- Oui, c’est moi. Je…J’aimerais te voir.
- Bien-sûr s’enquit vivement Shibai. Cet après-midi si tu veux !
Il y eut un silence éloquent pendant quelques secondes. Shibai se mordit les lèvres. Il avait envie de la voir, juste pour profiter de son sourire ; après, promis, il s’attaquerait à elle.
- Shibai-kun, j’aimerais te voir cet après-midi, mais caché. Il ne faut pas qu’on nous voit ensemble.
- Je…
Shibai réfléchit un moment avant de répondre complètement. Se voir en cachette ? Soit Tohru n’avait plus le droit de le voir, soit elle lui tendait un piège. Dans les deux cas, elle avait découvert son double jeu.
- Je veux bien. Je connais un parc près d’un lac où personne ne vient jamais. On se retrouve dans deux heures ? Ça te dit ?
- D’accord. Envoie moi l’adresse exacte par SMS s’il te plaît : Shigure-san arrive, il faut que je te laisse. ndlr pour les pointilleux : oui, Tohru s’est modernisée dans la nuit…(ben ouais mais c’était plus pratique comme ça, alors attention, avec vos regards réprobateurs !)
Sur ces paroles, Tohru raccrocha. Shibai resta avec le combiné sur le cœur quelques instants, un peu chamboulé par cette conversation. Il fallait prendre ses précautions, mais ne surtout pas lui faire peur ; c’était un mauvais calcul, et puis il n’en avait pas vraiment envie.

Tohru ne s’assit pas tout de suite, elle préférait attendre que Shibai arrive à son tour. Autour d’elle s’étendait à perte de vue une pelouse mal entretenue d’herbes folles. Le lac dont avait parlé Shibai au téléphone n’était qu’une mare noirâtre. En effet, personne ici ne serait venu, à part eux.
Tohru sursauta. Le souffle de Shibai était parvenu jusqu’au creux de sa nuque, puis dans un geste tendre il lui avait prit les épaules pour qu’elle se retourne. Ses beaux yeux gris lui faisaient face, comme deux petites billes brillantes, et Tohru se demanda alors pourquoi tout le monde se méfiait de lui.
- Ko…Kon’nichiha, bredouilla-t-elle.
- Kon’nichiha, répondit Shibai dans un murmure. Je suis content de te revoir, Tohru-kun. Pardon de t’avoir mené dans un endroit si laid, mais c’était le seul moyen pour nous de se cacher.
- Bien sûr, s’empressa de dire la jeune fille. Et puis il est très joli ce parc, vraiment ! Ne t’inquiète pas.
Les yeux de Shibai s’écarquillèrent sous la surprise. Ce n’était pas la première fois qu’il se sentait déstabilisé lorsque Tohru lui parlait. Elle était si différente de lui…C’était étrange.
Ils s’assirent lentement, et Tohru poussa un cri de surprise : plus personne ne pouvait les voir à présent, tant les herbes autour d’eux étaient hautes.
- La cachette idéale n’est-ce pas ? fit Shibai en souriant. Il fut un temps, où lorsque certains de la famille étaient enfants, ils allaient s’y faufiler.
- De la famille ? Des Sôma que je connais ?
- Entre autres, répondit Shibai en soupirant. Kyô et Ryoumi y allaient tout le temps, par exemple.
Shibai s’interrompit un instant et regarda Tohru en coin. Il avait remarqué que lorsqu’il prononçait le prénom du maudit du chat, le visage de la jeune fille passait rapidement du jaune sombre au rouge carmin.
- Oh, mais certains reviennent aussi quelques années plus tard, à ce que je vois !
Tohru sursauta, et regarda Shibai. Le garçon avait dit cela en regardant par-dessus les herbes et les roseaux. De qui parlait-il ?
- Ano…Shibai-kun ? Qui est ici ?
- Zurui Soma, rétorqua Shibai, toujours en train d’observer au loin, les yeux brillants. Il s’agit
toujours de Zurui Sôma.
Il eut un petit rire froid. Tohru soupira, et prit les mains du garçon. Elle sentait tant de colère et de haine en lui, qu’elle aurait dû ne pas le fréquenter, comme le lui avait demandé Shiguré. Mais c’était plus fort qu’elle. Il l’attirait, et aussi présomptueux que cela puisse paraître, elle avait l’impression que malgré lui, il ressentait la même chose.
Les mains chaudes de la jeune fille contre la peau froide, presque glacée de Shibai, le fit sursauter. Il observa Tohru à la dérobée, puis lui fit un faible sourire. Mais un sourire franc, cette fois-ci, presque involontaire.
- Shibai-kun, souffla Tohru, je ne sais pas qui est là-bas. Mais je suis heureuse d’être avec toi, et je ne voudrais pas perdre ce moment.
- Je…
Shibai déglutit, sans trop savoir quoi ajouter. Tohru serra plus fort les mains du garçon, puis posa sa tête contre son épaule.
Un contact serein, tendre, presque beau, qui l’enivrait…Tout ce qu’il n’espérait jamais…Et pourtant, cet après-midi…
Shibai caressa de ses doigts tremblants les cheveux de la jeune fille, puis tous deux basculèrent l’un sur l’autre, écrasant au passage quelques tiges d’herbe, jaunies par le temps.

Chapitre 31 : De sortie.
Ou comment se faire entraîner dans une histoire impossible par un blondinet hystérique (lol)
(Par Allie-chan)

Mai 2005 :

Tohru se dandina d’un pied sur l’autre, pensive. Depuis sa dernière rencontre avec Shibai, quelques jours plus tôt, elle n’arrivait plus à penser à autre chose.
Elle voulait le revoir.
Ça ne lui ressemblait pas, pourtant. D’habitude, elle ne se reposait pas ainsi sur quelqu’un… Mais là… Il lui manquait trop.
Ils continueraient à se voir en cachette. Ils l’avaient déjà prévu.
Elle ne voulait pas inquiéter Shiguré, Yuki, Kyô et Saki, alors ils ne sauraient rien. C’était la meilleure solution… La jeune fille retint un soupir. Qu’est-ce qui lui prenaient ? Les Soma étaient plus que gentils avec elles ; Saki était une de ses amies ; Shiguré l’hébergeait chez elle, et elle, elle ne trouvait rien d’autre à faire que de leur mentir.
C’était égoïste. Elle n’avait pas le droit de faire ça. Elle ne devrait pas, elle le savait, mais, mais, mais… il y avait Shibai.
Elle voulait… elle voulait l’aider. Elle voulait en apprendre plus sur lui. Savoir pourquoi il détestait Zurui. Savoir d’où venait cette haine si profonde que Saki avait senti. Savoir pourquoi Shiguré avait eu l’air si inquiet…
Tohru cilla. Deux yeux noisettes la fixait droit dans les yeux.
« - Tohru, et toi tu n’es pas contente ? demanda Momiji. »
Tohru sursauta et regarda autour d’elle. Tout le monde s’était tourné vers elle. Elle remarqua que Kyô et Yuki semblaient passablement exaspérés.
« - Ah euh je… pardon, Momiji… je n’écoutais pas vraiment… »
Momiji sourit à Tohru, puis se reprit aussitôt pour faire des yeux de chien battu.
« - Ils n’aiment pas mon idée…
- Moi, ça me plait, fit remarquer Ryoumi.
- Mais Kyô et Yuki n’ont pas l’air d’aimer ça… et toi, Tohru, tu n’es pas contente ? s’enquit de nouveau le blondinet.
- Ah… Si, bien sûr ! répondit Tohru, tout en se demandant où Momiji pouvait bien les emmener, en fait. »
Momiji battit des mains.
« - Ça va être bien, hein, le karaoké !
- Oui…
- C’est vrai ? Alors tu chanteras, hein, Tohru ?
- Euh… »
Kyô et Yuki poussèrent un long soupir : la journée allait être longue.

Izumi appuya la joue contre la vitre du train, et ferma les yeux. Elle avait désobéi à Ren pour la première fois depuis longtemps.
Ren voulait qu’elle ne bouge pas. Qu’elle surveille Shibai, au cas où. Mais Izumi avait une chose à faire…
Depuis deux jours, elle n’arrivait pas à se l’ôter de l’esprit. Son visage paraissait toujours danser à la limite de la vision, trop vague pour être vraiment vu, mais encore trop précis pour pouvoir l’ignorer. Elle avait vite compris ce que ça voulait dire.
Elle voulait le revoir.
Elle s’était renseigné : apparemment, il était reparti aider sa mère à la station thermale, ça faisait un peu plus d’une semaine.
Le jour où ils s’étaient revus.
Izumi soupira.
Pourquoi fallait-il qu’elle y repense tout le temps ?
Parce qu’il était le seul… qui l’ait jamais comprise ? Oui, c’était ça.
Finalement, elle avait cessé de lutter et avait pris le premier train qui la mènerait là-bas. Au moins, elle pourrait le voir. Lui parler. Arrêter de penser à lui, peut-être…
Peut-être…

Rin repoussa ses cheveux noirs en arrière, et tourna vers la maison un regard déterminé. Elle n’espérait qu’une chose : que Zurui soit là, et qu’il soit seul. Elle avait croisé Kenji en sortant du manoir Soma, et après de longues négociations, elle avait réussi à obtenir l’adresse actuelle de Zurui…chez ledit Kenji.
C’était normal, quand elle y repensait. Après tout, Zurui n’avait pas le droit de revenir ici. Il prenait des risques et il le savait.
Et elle, elle prenait des risques en venant le voir. Elle lui en faisait prendre, aussi. Mais de toute façon, elle s’en foutait. Elle voulait juste savoir…
S’il avait déjà trouvé ce qu’elle cherchait depuis des mois, ou pas.
Rin soupira et sonna. Des pas précipités se firent entendre, et la porte s’ouvrit sur un jeune homme bien plus vieux qu’elle, aux cheveux bleu nuit.
Rin fronça les sourcils. Il lui rappelait quelqu’un, mais sans plus. Et… il dégageait une impression incroyable de calme… C’était étrange…
« - Zurui est là ? lâcha-t-elle en guise de bonjour. »
Le jeune homme hocha la tête et s’écarta pour la laisser passer.
Rin entra à l’intérieur au moment ou Zurui arrivait.
« - Rin ? s’étonna-t-il. Qu’est-ce que tu as fais à tes cheveux ?
- Je t’en pose moi, des questions ? grommela l’interpellée.
- Non, mais je suppose que ça ne va pas tarder, puisque tu es venue jusqu’ici. »
Zurui s’approcha d’elle et pencha la tête sur le côté, l’air perplexe.
« - Quoi ? demanda Rin.
- Je croyais que tu ne te couperais jamais les cheveux… »
Rin se demanda un moment s’il valait mieux le gifler ou lui écraser le pied, les deux alternatives étant aussi tentantes l’une que l’autre.
« - Va te faire voir !
- … mais je vois que le caractère, lui, n’a pas bougé, acheva Zurui. »
Rin poussa un soupir exaspéré.
C’était toujours pareil : Zurui avait le don de lui faire perdre son sang froid en quelques minutes. Il était trop calme, toujours.
« - Je ne viens pas pour ça… souffla-t-elle. »
Zurui hocha la tête. Ça, il s’en doutait.
Yuugiri était toujours derrière Rin, et son regard passait de ses deux cousins à la porte d’entrée, hésitant visiblement sur la nécessité de sa présence ici.
« - Oh, Yuugiri, voici Isuzu Soma, s’écria brusquement Zurui. »
La jeune fille se retourna et hocha vaguement la tête.
« - Enfin, bon, tout le monde l’appelle Rin, précisa Zurui. Je ne sais pas si vous vous connaissez, parce que… elle ne s’entend pas très bien avec Akito… »
Rin grimaça en entendant ce nom. Yuugiri hocha la tête : la jeune fille lui disait quelque chose ; il avait déjà du la croiser, mais il était sûr de ne jamais lui avoir parlé.
« - Et… qu’est-ce que tu voulais ? demanda Zurui.
- Je voulais savoir… si tu avais trouvé un moyen pour… »
Le reste n’était qu’un chuchotement inaudible.
« - Pardon ? s’étonna Zurui.
- Si tu avais trouvé un moyen de briser la malédiction… répéta Rin, à peine plus fort.
- Désolé, tu pourrais parler plus…
- Si tu avais trouvé un moyen de briser cette foutue malédiction !!! cria Rin. »

Chapitre 32 : Face à face
Où comment être le miroir de l’autre
(Par Bulle)

Décembre 1998


Yuki entendit le bruit feutré des pieds frôlant le sol, et sentit son cœur battre plus vite dans sa poitrine.
Des mains douces derrière sa tête argentée, et le petit garçon tourna les yeux sur Kimitsu. Deux visages se croisèrent un instant, les yeux profondément plongés dans ceux de l’autre. Depuis que les enfants se voyaient en cachette, les moments qu’ils partageaient étaient devenus plus fort et plus intenses, au fur et à mesure qu’ils grandissaient et qu’ils comprenaient ce que le mot « amour » voulait dire. Pourtant, ils ne parlaient jamais de ça, et les gestes tendres étaient bien rares ; Kimitsu était trop sauvage. Mais certains silences lourds de sens, ou quelques longs regards, comme celui qu’ils partageaient en ce moment, suffisaient à établir entre eux deux une proximité presque palpable.
Kimitsu s’installa sur les genoux, et observa Yuki avec gravité. Celui-ci écarquilla les yeux de surprise, un peu effrayé par cette soudaine expression. Puis la petite fille aux yeux dorés ouvrit la bouche.
- Yuki-kun, ferme les yeux.
- Que…
- Allez, s’il te plaît, ferme les yeux.
Yuki hocha la tête et obéit. Ses paupières tremblaient sous l’anxiété : il allait se passer quelque chose, sans qu’il n’ose vraiment savoir quoi. Puis il frissonna de plaisir, en goûtant le doux contact des lèvres de Kimitsu sur les siennes, premier baiser furtif de deux préadolescents un peu effarouchés.
Yuki ouvrit les yeux, et observa Kimitsu avec embarras. Celle-ci rougissait, mais soutenait le regard du jeune garçon ; elle voulait le faire une bonne fois pour toute, depuis le temps. Le rat lui sourit, d’un sourire plein d’émotion, prit entre ses mains le visage de Kimitsu, qui étouffa un cri de surprise, et l’embrassa à son tour, plus longuement, et avec plus de force.
La porte s’ouvrit sèchement, et cogna contre le mur blanc de la petite pièce. Les enfants sursautèrent et levèrent les yeux. Yuki sentit son visage se vider de son sang, tandis qu’il croisait le regard d’Akito.
La chef de famille tremblait de rage, ses yeux noirs allumés d’une lueur hypnotisante. La fureur lui nouait la gorge, et elle ne réussit même pas à parler. Alors d’un geste vif, avant même que les deux enfants ne s’en aperçoivent, elle attrapa Kimitsu par ses cheveux rouges, et la souleva du sol. Celle-ci poussa un hurlement de douleur, qui fit sursauter Yuki. Akito eut un rictus de satisfaction et colla le visage de la petite fille contre son ventre, pour mieux la maintenir. Yuki se leva à moitié, ses yeux à la hauteur de ceux de Kimitsu, pleins de détresse.
- Paye pour ton arrogance, souffla Akito.
Avec rapidité, elle attrapa un petit couteau à lame fine, et entailla profondément la commissure des lèvres de la petite fille. Le sang coula à flot, et retomba en goûtes épaisses, sur les genoux du rat. Kimitsu s’immobilisa, trop surprise par la douleur pour échapper un cri ; Yuki, lui, était muet par l’effroi.
- C’est de ta faute Yuki, hurla Akito. Elle est défigurée maintenant ! Regarde la, allez !
Regarde la ! C’est de ta faute ! De ta faute !! Tu as blessé ma petite sœur !



Mai 2005


Yuki colla son visage contre le dos nu de Kimitsu. Les deux jeunes gens étaient enlacés dans le lit du rat, en chien de fusil, séparés par un drap, et lui se réveillait à peine. Doucement, il déposa un baiser sur l’épaule de sa compagne, et soupira d’aise.
Kimitsu se retourna face à lui, et Yuki rougit en constatant la nudité franche de la jeune femme. Si le rat semblait un peu embarrassé par ce premier réveil en commun, Kimitsu n’était nullement gênée par cette intimité. Le regard un peu dur, elle enroula entre ses doigts fins les mèches argentées du garçon. Yuki sourit, ému par ce contact, et frôla de ses mains la cicatrice encore très visible au bord des lèvres de la jeune fille.
- Désormais, j’empêcherais quiconque de te faire du mal, murmura-t-il.
Kimitsu écarquilla les yeux par la surprise, et sourit. Avec sobriété, elle se leva du lit, enfila un long tee-shirt, et quitta la pièce : manière un peu surprenante de montrer ses émotions.
Arrivée dans la cuisine, elle croisa Kyô, occupé à préparer le petit-déjeuner. Le chat se tourna vers la jeune fille, et chacun observa l’autre du même regard froid et dur, mais rempli de respect.
- Tu fais à bouffer aux autres, toi maintenant ?, demanda Kimitsu d’un ton sarcastique.
- Je le fais car Tohru est malade, marmonna-t-il en lui tournant le dos à nouveau. Et crois pas que je vais préparer quelque chose pour toi et ton sale rat.
- Comme c’est étonnant…
- Je sais pas comment tu fais pour sortir avec lui, d’ailleurs. Avec ton caractère…Moi je
supporterai pas quelqu’un d’aussi mollasson. C’est une vraie mauviette !
- Mais tu sais même pas de quoi tu parles, renifla Kimitsu avec mépris. Tu verras, toi, le
jour où tu rencontreras quelqu’un de tendre…D’ailleurs Ryoumi est pas mal dans le genre « fleur bleue ».
Le prénom de la petite blonde figea Kyô, toujours le dos tourné vers ses fourneaux. Kimitsu sourit, et reprit :
- Oh, pardon, j’avais oublié que tu étais lâche, et que tu avais renoncé à te mettre avec
elle…
Kyô ne la laissa pas terminer et plaqua sa main ferme contre la gorge de la jeune fille, pour la maintenir contre le mur. Kimitsu ne cilla pas.
- La ferme, hurla le chat, ne parle pas de ça ! Je ne t’épargnerais pas sous prétexte que
t’es une fille !
- Retire ta main, baka neko, siffla Kimitsu, tu sais de quoi je suis capable quand je
m’énerve.

Ryoumi soupira, et se laissa tomber contre le dossier de sa chaise. Elle n’aimait pas les dimanches matin : il ne se passait jamais rien.
Accoudés à la table, elle et Kenji ne parlaient pas, patientant que Zurui se lève à son tour.
- C’est quand même lamentable qu’on soit pas fichus de faire la cuisine nous même,
soupira Kenji
- Et oui, répondit Ryoumi sur le même ton. Que veux-tu, je suis une vraie empotée pour
toutes les tâches ménagères ou culinaires.
- Et moi donc…
Il y eut un silence, entrecoupé par quelques chants d’oiseau. Puis Ryoumi se lança.
- Heu…Kenji ?
Le petit brun leva ses yeux gris sur la jeune fille.
- Oui ?
- Tu as remarqué le cahier qu’avait Zurui l’autre jour ?
- Heu, ouais. Mais pourquoi ?
Ryoumi plia, et replia un petit napperon qu’elle avait déposé sur sa jupe plissée. Un peu gênée, elle n’osait pas regarder Kenji franchement.
- Hum, et bien…Ce cahier…Il ne te rappelle rien ?
- Bah, c’est un cahier quoi. Parce que toi, il t’évoque quelque chose ?
- Justement, je…Ne me souviens plus…Mais j’ai l’impression.
Kenji haussa les épaules, et ne répondit pas. Il jeta son regard par la fenêtre, et parcourut les arbres verts éclairés par les premiers rayons de soleil de la journée.
Ryoumi leva les yeux sur le garçon, et l’observa. Les sourcils froncés, il semblait plus distrait par la nature environnante que par ce qu’elle venait de lui dire. Mais d’un coup, une lumière passa dans son regard bleuté, et il tourna vivement sa tête sur la petite blonde.
- Qu’y a-t-il ?, demanda Ryoumi.
- Je…
Kenji s’interrompit, comme saisi par ses propres pensées, puis reprit dans un murmure :
- Je viens de me souvenir d’un truc…


Juin 1994


Zurui s’allongea sur l’herbe tendre, et ouvrit son cahier. De sa main gauche, il attrapa un stylo, et commença à écrire, en s’appliquant le plus possible, d’un trait maladroit.
- Qu’est-ce que tu fais ?
Zurui repoussa ses mèches blondes, et leva les yeux : Shibai était debout devant lui, les bras croisés, et le regard accusateur. Alors il referma vivement le cahier, et le dissimula sous sa poitrine.
- Rien qui t’intéresse, souffla-t-il.
Les deux garçons se toisèrent du regard. Il y avait toujours eu entre eux une rivalité non dissimulée.
- Bien sûr, rétorqua Shibai d’un ton moqueur. Fais attention à ce que tu fais quand
même.
Puis dans un dernier sourire, le petit brun tourna les talons et s’éloigna.


Mai 2005


- Je ne sais pas ce que ce cahier comportait, mais il intéressait Shibai, fit Kenji d’une
voix tremblante. Ça l’intéressait à un tel point, que Zurui eut peur de lui.
Ryoumi frissonna à son tour. Pour que Zurui craigne quelqu’un, il fallait se lever tôt. La jeune fille réfléchit à toute vitesse, puis se mordit les lèvres.
- Je crois que si Zurui a été expulsé de la résidence des Sôma, ce n’est pas seulement
parce qu’il a découvert la malédiction.
- Il a été expulsé par ce que ses parents ont refusé de lui sucrer sa mémoire, rappela
Kenji.
- Oui, répondit Ryoumi. Mais pas pour des raisons aussi simples. Ce cahier bleu
enferme la prophétie et tout son mécanisme.
- Mais on la connaît, nous.
Ryoumi fixa Kenji d’un regard grave et inhabituel.
- Je ne pense pas que l’on connaisse tout. Il se passe quelque chose entre Shibai et Zurui
qui nous dépasse. Seulement, je ne sais pas encore quoi.



Juin 1994


Zurui grogna d’impatience en regardant Shibai s’éloigner. Puis il rouvrit son cahier, et se relu. Le style était celui, maladroit, d’un garçon de 8 ans.
« Ryoumi est comme Yuki, et Kimitsu est comme Kyô. Ils ont le même caractère. Si Ryoumi aime Kyô, et si Kimi aime Yuki, Yuki et Kyô vont s’aimer entre eux. Et ils arrêteront de se battre.
Et si le chat et le rat arrêtent de se disputer, la malédiction est en danger. Mais il faut encore beaucoup beaucoup d’autres choses pour qu’elle s’arrête complètement. J’y arriverai. Il le faut. Sinon, j’ai perdu. »

Chapitre 33 : Trahisons
Ou comment s’embrasser deux fois en un chapitre.
(Par Allie-chan)

Mai 2005 :

Izumi s’approcha de la fenêtre et laissa son regard errer sur le paysage. Ça n’avait pas changé depuis sa dernière visite, bien sûr. Après tout, il était rare que les montagnes décident de déménager…
La jeune femme sourit intérieurement. La mère de Ritsu n’avait pas changé non plus. Elle l’avait accueilli tout à fait poliment, l’air épuisée, et s’était montré parfaitement courtoise jusqu’à ce que Ritsu arrive… et panique en voyant Izumi.
Sa mère avait alors paniqué à son tour, s’excusant auprès de tout ce qu’elle pouvait trouver (dans le désordre : tous les habitants de la terre, le ciel, tous les habitants de la ville, toutes les personnes portant le même nom qu’elle, tous les habitants du pays, et Izumi) de ne pas l’avoir reconnue.
Izumi avait eu beau lui assurer que ça ne faisait rien ; que depuis le temps, c’était même normal, rien n’avait pu la calmer.
La jeune femme ferma les yeux. Elle avait toujours adoré cet endroit. Ritsu l’y avait invité souvent, quand ils étaient plus petits. Un sourire amer apparut sur les lèvres d’Izumi. Ses parents n’avaient jamais remarqué qu’elle partait un week-end sur deux. Ils étaient trop occupés pour ça.
Un raclement de gorge attira l’attention d’Izumi. Elle pivota pour se retrouver face à Ritsu, et rougit légèrement. Le jeune homme lui avait monté sa valise.
« - Merci, souffla-t-elle. »
Il ne répondit pas.
Izumi détourna les yeux. Elle ne savait toujours pas ce qui l’avait poussée à venir ici. Ren lui avait demandé de surveiller Shibai. Reihai-sama, l’ancienne chef de famille dont le fantôme lui fournissait habituellement toutes les informations possibles, lui avait conseillé de surveiller Ren.
Et au lieu de ça, elle partait aux sources chaudes…
En fait, il fallait bien dire aussi que l’ancienne chef de famille et la mère de l’actuelle chef de famille commençaient toutes les deux à lui taper sur les nerfs. Jamais une idée qui soit la même, jamais une demande qui aille dans le même sens, non, ça serait trop simple. Alors oui, Izumi en avait marre d’hésiter entre obéir aux ordres de Ren et suivre les conseils de Reihai, surtout que les deux possibilités lui semblaient mauvaises.
Non. C’était faux. Ce n’était pas pour ça qu’elle était partie. Elle voulait voir Ritsu, tout simplement…
Izumi sourit au jeune homme et le retint quand il fit mine de sortir de la pièce.
« - Attends… s’il te plait… »
Ritsu se tourna vers elle, l’air profondément surpris.
Izumi se mordit les lèvres.
Elle voulait s’excuser. Ironique, non ? D’habitude, c’était lui qui en faisait une maladie, devenant hystérique au moindre problème. Mais aujourd’hui… C’était à elle…
Enfin, peut-être pas vraiment, mais quand même…
Si elle avait été moins désobéissante…

Décembre 1998 :

Izumi ouvrit la fenêtre. Elle était au premier étage, mais ce n’était pas grave : d’abord, une épaisse couche de neige recouvrait déjà le sol, et ensuite, ce n’était pas elle qui allait descendre.
Elle hésita à peine, prenant juste le temps de vérifier qu’elle n’avait rien de fragile dans son sac, et le laissa tomber.
Puis elle se redressa, ôta ses chaussures qu’elle avait mises pour une obscure raison, et descendit l’escalier à pas de loup. Elle entendait les voix de ses parents s’élever du salon. La voix froide de sa mère, et celle de son père, rendue rauque par la cigarette…
Elle se mordilla les lèvres.
Ils étaient rentrés, pour une fois. Ça lui semblait tellement bizarre… Elle n’était pas seule dans cette grande maison. Ses parents étaient là. Elle pouvait encore changer d’avis. Reprendre son sac. Rentrer. Essayer de leur parler, essayer de leur expliquer qu’elle se sentait seule, toujours…
Izumi soupira. Sa mère l’embrasserait sur la joue, lui dirait qu’elle était désolée, mais que leur travail leur prenait trop de temps pour qu’ils puissent s’occuper de ce genre d’enfantillages. Et elle se retrouverait seule, encore.
Alors que si elle sortait…
Elle devait aller dans les sources thermales, avec Ritsu. Sa mère y était gérante. Elle devait y passer le week-end, encore une fois. Bien sûr, elle n’avait pas prévu que ses parents seraient rentrés. Ça changeait beaucoup de choses…
Non. Ça ne changeait rien de tout. De toute façon… ils ne se souvenaient de l’existence de leur fille que quand ça les arrangeait…
Izumi sortit aussi discrètement que possible.

Izumi avait récupéré son sac et se dirigeait vers leur point de rendez-vous. Elle était en retard, mais au moins elle était sure d’elle.
Ses parents ne remarqueraient rien. Il fallait s’en convaincre.

Manque de chance, la mère d’Izumi allait justement dire à sa fille qu’ils allaient repartir en fin de matinée, et voulait savoir si elle allait bien. Ne voyant pas sa fille dans sa chambre, elle sentit une vague angoisse monter en elle, et commença vraiment à s’inquiéter en constatant que l’adolescente n’était nulle part dans la maison.

Izumi sourit. Elle se sentait bien, avec Ritsu, et elle se demandait si c’était pareil pour lui. En fait… En fait, elle aurait voulu…
Izumi se rapprocha légèrement de son ami.
« - Ri-chan… je… »
Lentement, elle se hissa sur la pointe des pieds et tendit une main.

Elle s’arrêta net. Sa fille était là, dressée sur la pointe des pieds, ses cheveux châtains tombant sur ses épaules, lui tournant le dos. Et en face d’elle, presque collée à sa fille, il y avait une autre adolescente, aux longs cheveux blonds tirant sur le châtain, et aux yeux noirs agrandis par la surprise.
Une minute !
Ce n’était pas vrai, n’est-ce-pas ?
Si. C’était idiot de se dire ça. Elle en avait bien assez vu comme ça.
Sa fille embrassait une autre fille. Sa fille embrassait une autre fille. Sa fille embrassait une autre fille !!!
Elle resta un moment immobile, comme ça, à les observer. Elle ne savait pas comment réagir. Etait-elle censée mal le prendre ? Etait-elle censée interdire à sa fille de la revoir ? Ou bien est-ce que elle devait les laisser tranquille ? Elle ne savait vraiment pas.
Elle s’approcha légèrement des deux fillettes.
« - Izumi… »
L’interpellée sursauta et se retourna, l’air étonnée.
« - M.. maman ?
- Izumi, viens, ordonna sêchement sa mère.
- Hein ? Mais… oh… euh… attends, maman, c’est pas ce que tu crois…Ri…
- Izumi, on rentre. Maintenant. »
Izumi se mordit les lèvres et se tourna vers l’autre.
« - Désolée, fit-elle. »
Puis elle suivit sa mère en silence, laissant derrière elle un Ritsu encore pétrifié par la surprise. Ils ne devaient plus se revoir avant des années…

Mai 2005 :

Izumi s’avança vers Ritsu se hissa sur la pointe des pieds, et passa sa main sur sa joue, comme avant.
Comme avant, Ritsu la regarda, surpris. Comme avant, il ne semblait pas savoir comment réagir. Comme avant, il la laissa faire.
Elle l’embrassa doucement.
Puis elle sentit une main caresser ses cheveux…

Décembre 1998 :

Sa mère était au téléphone avec Ren. Assise en haut de l’escalier, Izumi entendait très bien ce qu’elle disait et imaginait sans mal les réponses de la mère du chef de famille…
« - Oui, je ne sais vraiment pas comment réagir. Je… Ritsu Soma. C’est ce qu’elle m’a dit…
- …
- Ren-sama ?
- Eloignez la. Eloignez la d’ici, autant que possible. »
Izumi enfouit sa tête entre ses bras.
Ren ne laisserait jamais aucune faille se former dans la malédiction. C’était fini. Elle ne reverrait plus Ritsu.
Et elle ne pouvait rien y faire…

Mai 2005 :

Izumi s’écarta légèrement.
« - Je suis désolée, souffla-t-elle. »
Pour ce qui s’est passé… Et pour Ren, aussi. Je n’ai pas été très sage…
Désolée.
Mais je crois que Zurui va gagner.

Chapitre 34 : Chaleur étouffante
Où comment survivre pendant la période la plus chaude de l’année
(Par Bulle)

Ce dimanche après-midi, la maison de Shiguré rassemblait tous ses habitants. Pourtant, un silence de plomb envahissait l’espace, comme si tout le monde l’avait quitté. Le soleil était écrasant, et l’air, irrespirable. Plus personne n’osait bouger, s’activer, ou même seulement échanger des discussions. Mieux valait économiser son énergie, et parvenir à trouver le sommeil.
Kyô s’était endormi, mais sans vraiment sans rendre compte, si bien qu’il gisait au milieu du salon, les bras en croix, et la tête penchée sur le côté. Tohru n’essayait même plus de s’agiter, et seuls les mouvements de son éventail prouvaient qu’elle était encore réveillée. Chacun tentait de se distraire comme il le pouvait, par un livre, un manga, une musique. Mais personne n’était vraiment à l’aise, et quelques profonds soupirs scandaient le silence général.
On frappa à la porte, et Shiguré, Tohru, Yuki et Kimitsu levèrent leur tête dans un même mouvement. Un événement qui les tirerait de leur léthargie pouvait être appréciable, mais tout dépendait du nouveau venu.
Shiguré se leva avec difficulté, enjamba Kyô au passage, alla ouvrir, croisa le regard triomphant de Momiji, et referma la porte aussi vite. Yuki fronça les sourcils, et regarda son cousin d’un air interrogateur.
- Mais c’était qui ?
Shiguré fit volte-face, et porta son doigt devant la bouche
- Chhht ! Si ça se trouve, il ne m’a pas vu !
- Arrête ça, grommela Kimitsu, si tu l’as vu, il t’a vu…Baka…
Shiguré prit une expression faussement dramatique, et soupira :
- Ces jeunes, ils ne sont pas assez malhonnêtes, c’est tellement regrettable.
On sonna de nouveau à la porte, et Yuki soupira avant d’aller ouvrir. Momiji l’observait de ses deux grands yeux noisette, un peu perplexe.
- Pourquoi Shiguré ne m’a pas ouvert ?
- Par ce que tu fais trop de bruit, rétorqua Yuki en s’écartant pour laisser passer son
jeune cousin.
Momiji ignora la remarque acide du rat, et tandis les bras dans un large mouvement.
- Vous êtes prêts ?!
Kimitsu le toisa avec mauvaise humeur.
- Pourquoi ?
- Le karaoké gémit le blondinet. À chaque fois, je répète la même chose !
- Mais il fait au moins 40 degrés !
- L’endroit est climatisé, assura Momiji, qui avait toujours réponse à tout.
Tohru et les Sôma se regardèrent un instant, presque intéressés par le projet.
- Moi je ne vais pas y aller, précisa Shiguré. Ce soir, je vois Aya et Hatori. Mais ça
m’aurait bien plu.
- J’exècre les karaokés, marmonna Kimitsu, mais je vais venir si c’est climatisé. Par
contre, il est hors de question que je chante.
- Je viens aussi, soupira Yuki.
- Et toi Tohru ?, demanda Momiji d’un voix sonore, c’est sûr alors, tu viens ?
- Oui, oui, assura la jeune fille, je te l’avais dis !
- Très bien.
Momiji baissa les yeux, et aperçut Kyô allongé à ses pieds, même pas réveillé par l’entrée fracassante du jeune garçon. Lentement, Momiji se baissa pour porter son visage à sa hauteur, et cria :
- Kyô ! TU VIENS, HEIN !?
Kyô ouvrit à peine les yeux, attrapa le visage de Momiji, et le poussa avec violence.
- La ferme ! Je viens !
Et comme si le chat ne s’était jamais réveillé, il retomba dans un profond sommeil.

Zurui s’adossa contre un arbre, et souffla sur ses quelques mèches blondes qui retombaient sur son visage. Il faisait vraiment trop chaud, et sortir par ce temps était presque risqué. Mais il voulait la voir.
Le garçon avait hésité un long moment avant de l’appeler. Ce soir, il viendrait au karaoké, et elle aussi. Tout le monde venait d’ailleurs, sauf les plus grands. Et il voulait la voir avant la grande réunion du soir, juste pour profiter d’un instant privilégié avec elle, après de si longues années d’absence.
Zurui sentit son cœur s’arrêter lorsqu’il aperçut sa frêle silhouette arriver au loin. D’un geste, elle lui fit signe, puis accourut en souriant, sa robe verte dansant autour de ses jambes. Zurui déglutit et sourit à son tour. C’était bien la seule personne avec qui il perdait ses moyens.
- Kon’nichiha…Kagura-chan.
- Kon’nichiha, lança gaiement la jeune fille. Depuis quand es-tu là ?
- Quelques jours, souffla Zurui. Akito ne doit pas le savoir, ni Shiguré ou Hatori. C’est
très important.
Kagura ouvrit de grands yeux et hocha la tête.
- Biens sûr, dit elle à voix basse. Pourquoi as-tu répété ce que tu avais vu ? rajouta-t-elle
sur un ton de reproche.
Zurui jeta sa tête en arrière, et éclata de rire. Il était sûr qu’elle lui parlerait de ça…De ce
jour où il l’avait vu se transformer, sous ses yeux.
- Kagura, c’est du temps révolu tout ça. Je n’ai pas été prudent, c’est tout. L’essentiel
est qu’on ne m’ait pas effacé la mémoire…
- À quel prix !, coupa Kagura, les sourcils froncés.
Le sanglier observa le garçon avec une certaine tristesse. Zurui déglutit de nouveau, et
garda son visage impassible. Ne jamais trop montrer ses émotions, il l’avait toujours appris.
- J’ai envi de te serrer dans mes bras, s’écria Kagura avec force. Mais je ne peux pas, ça
m’énerve !
Pour ponctuer sa phrase, elle donna un coup de pied dans l’arbre sur lequel était appuyé
son cousin.
Zurui l’observa, et sourit tristement. Oh, lui aussi il en avait envi. Depuis très longtemps, presque depuis toujours. Mais elle…
- Toujours sur Kyô ?, lâcha-il.
- Non, je…
Kagura baissa la tête, puis la secoua négativement. Non, elle ne voulait pas parler de tout ça. Elle avait eu trop mal.
- Laisse tomber, souffla-t-elle. Kyô-kun prend un chemin, moi, un autre. Je l’ai accepté,
c’est terminé.
Sur ces mots, elle releva son visage, puis sourit au garçon. Zurui serra les poings, un peu trop tendu pour ne pas exprimer d’une façon ou d’une autre ses émotions.
Alors…Peut-être que cette fois-ci…
- Kagura ?
- Oui ?
- Tu viens au karaoké alors ce soir ?

Shibai avança jusqu’au parc, enfin, jusqu’à ce que lui appelait à l’époque, « le terrain vague ». Ca ne plaisait pas à Zurui qu’il le qualifie de cette façon. « Espèce de snob, criait-t-il. Va te prélasser dans ton manoir pourri, avec tes potes pourris ! Tu nous ennuies là ! »
Shibai avait reculé, étonné qu’il lui parle ainsi ; pour que Zurui s’énerve comme ça, il avait dû peut-être été aller trop loin. Kimitsu et Kenji l’avaient toisé du même regard méprisant, et il n’avait pas insisté.
Shibai s’arrêta devant le lac, et lâcha un profond soupire. C’est vrai qu’il n’avait pas été très gentil avec eux. Mais Zurui n’était qu’un sale petit manipulateur, qui ne valait pas plus que lui, alors il n’allait pas le plaindre. Avec son aura de chef ridicule, et ses projets à la mord moi le noeud…Il pouvait se les garder.
Shibai serra les poings, puis relâcha tout de suite la pression. Mais pourquoi s’énervait-il tant contre lui, après toutes ces années ? Sa mission finissait par vraiment lui tourner la tête. Il aurait bien voulu en parler avec Zurui, justement. Savoir si lui aussi en devenait presque fou. La compétition était rude, mais passionnante. Tellement passionnante, que Shibai n’était même pas aller dire à Akito que Zurui était de retour. Que Ren le sache, c’était une chose. Mais Akito pourrait le tuer de ses propres mains. C’était trop risqué. Il avait besoin de Zurui, jusqu’à ce qu’il gagne. Jusqu’à ce que la prophétie se brise. Sinon, il n’y avait plus de jeu.
Puis il songea de nouveau au cahier bleu. Ce fameux cahier bleu que Zurui n’avait jamais voulu lui montrer. Oh, bien sûr, lui aussi connaissait la prophétie sur le bout des doigts. Mais certains détails devaient probablement lui manquer, et le cahier bleu pourrait le renseigner. Car cette sale petite fouine de Zurui enregistrait tout, et à une vitesse faramineuse. Les phrases, anodines comme essentielles, les chiffres, les actes, les visages, tout. Alors…Il avait un avantage sur lui, forcément.
Shibai sourit doucement, et croisa les bras. Il lui fallait ce cahier.



Mai 1993


Zurui s’assit en souriant et observa Kenji et Ryoumi tour à tour, les yeux plissés. Il avait tapé juste en expliquant qu’il avait trouvé « un truc incroyable ».
- Mais pourquoi tu veux pas nous dire ce que c’est ?, s’écria Kenji. On est tes amis
pourtant.
- C’est trop tôt, assura Zurui en souriant. De toute façon vous saurez. Tout est ici.
D’un geste, il désigna du menton un cahier bleu tout neuf, qu’il venait de déposer entre lui et ses cousins. Ryoumi étouffa un cri d’admiration, mais Kenji haussa les épaules.
- C’est nul ton truc ! C’est pas par ce que toi tu sais écrire que tu vas m’impre
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Bulle
posté Jan 12 2006, 02:32 PM
Message #6


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Les Ecorchés

Part. V


TROISIEME PARTIE : MINOUE - ...et fin

Chapitre 35 : Rendez-vous
ou comment (presque) tous se retrouver.
(Par Allie-chan)

Mai 2005


Hiro sonna à la porte. La mère de Kisa vint rapidement lui ouvrir, lui sourit et appela sa fille. Hiro se sentit rougir quand sa cousine apparut, ses cheveux dorés encadrant son visage pale. Elle était tellement mignonne…
« -Merci d’être venu me chercher, Hiro-chan ! »
Le garçon rougit d’avantage et marmonna quelque chose proche du « c’est normal », encore que c’était dur à comprendre.
Kisa sourit.
« - On y va ? demanda-t-elle.
- Oui…
- C’est une bonne idée, tu ne trouves pas ? poursuivit Kisa
- Si…, répondit Hiro, tout en sachant parfaitement qu’il n’aurait jamais approuvé l’idée de ce lapin débile si Kisa n’avait pas eu l’air si contente. »
Les deux adolescents se dirigèrent vers le karaoké devant lequel Momiji leur avait donné rendez-vous. Ceux qui étaient déjà là s’étaient apparemment planqués immédiatement à l’intérieur, sauf Momiji qui attendait patiemment que tout le monde soit là, et Tohru qui parlait avec Momiji.
Hiro se demanda vaguement combien d’entre eux avaient accepté de venir uniquement parce que l’endroit été climatisé. Beaucoup, sans doute. C’était vraiment stupide.
« - Grande sœur ! s’écria Kisa. »
Tohru sursauta, se retourna, légèrement rouge, puis sourit et se pencha pour enlacer Kisa.
« - Mais pourquoi il faut qu’elle soit là, elle ! ne put s’empêcher de râler Hiro.
- Hiro-chan… souffla Kisa. »
Le jeune garçon se mordit la lèvre. Et voilà, il lui avait encore fait de la peine… Il détourna les yeux… les posant ainsi et totalement involontairement sur le visage de Tohru. Mais pourquoi elle avait l’air si gênée, la niaise ?

Shiguré et Ayamé sonnèrent chez Hatori. Le médecin ouvrir la porte, l’air accablé par la chaleur.
« - Tori-san, c’est nous ! claironna Shiguré. Nous venons t’annoncer notre mariage ! »
Hatori poussa un long soupir et s’écarta pour les laisser passer. Shiguré ouvrit des yeux ronds.
« - Tori-san, tu es sûr que ça va ? Normalement, tu nous aurais claqué la porte au nez… »
Shiguré et Ayamé entrèrent dans la pièce et s’installèrent tous deux sur une chaise. Hatori réfléchit un moment à la question de Shiguré. Est-ce que ça allait ? En fait…
« - Kenji est revenu, annonça-t-il. »
Shiguré faillit s’étrangler, Ayame ouvrit des yeux ronds. Pour une fois, aucun d’entre eux ne songea à faire une remarque sans intérêt.

Yuki était adossé au mur, à l’intérieur du bâtiment. Ils attendaient encore Kagura, Zurui, Kenji et Ryoumi. Tohru et Momiji attendaient dehors depuis tout à l’heure et il se demandait comment ils faisaient pour supporter la chaleur. Lui s’était réfugié immédiatement dans le hall climatisé, avec les autres.
Kisa et Hiro venaient d’arriver. La fillette paraissait vouloir rester avec sa « grande sœur » alors que son cousin essayait désespérément de la convaincre d’attendre à l’intérieur.
Kimitsu s’appuya à côté du mur, juste à côté de Yuki. Le jeune homme rougit légèrement, ce qui fit sourire sa cousine. Il n’avait vraiment pas changé…
Kyô poussa un long soupir.
« - Il fait trop chaud, fit-il remarquer.
- Tu préfèrerais qu’il pleuve, baka neko ? demanda Yuki.
- La ferme ! Moi au moins je ne… »
Il s’interrompit soudainement. Yuki ne chercha même pas à relancer ce passionnant débat sur la pluie et le beau temps. Il faisait trop chaud, même à l’intérieur. Ils n’avaient même plus le courage de se battre.
Kimitsu fronça les sourcils. A l’extérieur, Hiro avait pris Kisa par la main, et la fillette se laissait entraîner vers le bâtiment. Quand les deux adolescents entrèrent dans le hall, Kimitsu put voir Tohru se tourner vers Momiji, son visage trop sombre pour être tranquille.
Kimitsu grimaça. C’était mauvais.

Tohru avait longuement hésité avant de parler de Shibai à Momiji. Prétextant ne pas vouloir le laisser attendre seul, elle était restée avec lui quand les autres étaient rentrés dans le hall climatisé de l’immeuble. Elle se sentait gênée d’être restée pour ça, mais elle avait besoin de lui demander…
Quand elle avait mentionné le nom de Shibai, Momiji n’avait pas paru inquiet, ce qui l’avait poussée à continuer.
Elle voulait juste savoir une chose.
Pourquoi est-ce que Shibai et Zurui se détestaient-ils ?
Les deux jeunes gens s’étaient interrompus quand Kisa et Hiro étaient arrivés.
Puis Momiji se tourna de nouveau vers Tohru.
« - En fait, je ne connais pas trop Shibai. Je ne suis même pas sûr de l’avoir déjà vu. Par contre, Kenji m’en avait parlé, une fois… »

Juin 1993 :

Momiji avait rejoint Kenji. Les deux garçons avaient un an de différence et jouaient souvent ensemble.
Mais cette fois, il y avait autre chose dans l’air…
Momiji était très excité, comme toujours, et finit par poser une question à son ami…
« - Dis, tu connais Zurui ?
- Bien sûr ! répondit aussitôt Kenji
- Je l’ai rencontré hier ! Mais c’est drôle, il m’a parlé comme s’il connaissait la… »
Momiji s’interrompit brusquement.
« - La quoi ? demanda Kenji
- Oh, rien, rien. »
Kenji fronça les sourcils.
« - Il est sympa, Zurui, non ? enchaîna Momiji, apparemment plus pour changer de sujet qu’autre chose.
- Oui. A part Shibai, je crois qu’il s’entend avec à peu près tout le monde…
- Shibai ? C’est un Sôma ? demanda le blondinet. »
Kenji hocha la tête.
« - Pourquoi ils ne s’entendent pas ? poursuivit Momiji. »
Kenji haussa les épaules. Il n’en savait rien, lui !
« - Je ne sais pas trop. Mais il m’a parlé d’un pari qu’ils avaient fait… »

Mai 2005 :

« - Un pari ? répéta Tohru, surprise.
- Oui. Je ne sais pas ce que c’est. J’ai demandé à Zurui mais il n’a rien voulu me dire. C’est bizarre, d’habitude il est incapable de garder ce genre de chose pour lui… »
Les deux jeunes gens s’interrompirent de nouveau en voyant que Ryoumi approchait.

« - Mais, au fond, ce n’est pas plus mal, non ? acheva Ayamé. »
Hatori et Shiguré se tournèrent vers lui, le premier ayant l’air particulièrement exaspéré.
« - Elle est mariée, Aya, soupira-t-il. Tu crois vraiment que ça lui ferait plaisir de retrouver la mémoire dans ces conditions ? »
Ayamé fit la moue. Shiguré porta lentement sa cigarette à ses lèvres et exhala un long nuage de fumée.
« - Au fond, il n’y a pas de raison de s’inquiéter, souffla-t-il.
- Ah, tu trouves ? marmonna Hatori.
- Mais oui ! Après tout, Kenji ne ferait jamais de mal à Kana, pas vrai ? C’est un garçon intelligent. S’il pense que Kana est plus heureuse comme ça, il la laissera…
- Bien sûr ! Haha, Gure-san, tu as vraiment de bonnes idées…commença Aya
- Non. Vous vous trompez. »
Ayamé et Shiguré se tournèrent d’un même mouvement vers leur ami.
« - Kenji ne supporte pas l’idée qu’on puisse effacer la mémoire de quelqu’un contre son gré, soupira Hatori. A plus forte raison s’il s’agit d’un de ses proches. Il n’hésitera pas une seule seconde à rétablir la mémoire de Kana… Il ne doit pas l’approcher. »
Ayamé soupira. Mais que la mémoire de Kana soit rétablie… était-ce vraiment un mal ?

Tout le monde était finalement arrivé, et Momiji les dirigeaient vers la salle qu’il avait loué pour cette soirée.
Tohru marchait volontairement à un rythme lent – assez pour être derrière le groupe sans pour autant se laisser distancer.
Elle n’arrêtait pas de se poser des questions sur Shibai. Et puis… ce pari… qu’est-ce que c’était ? Elle aurait voulu en parler au jeune homme mais… est-ce que ça n’était pas trop indiscret ? Elle le connaissait à peine ! Il pourrait le prendre mal et et et… elle ne le supporterait pas…
« - Tohru ! Tu viens ? l’interpella une voix. »
Tohru sursauta et se rendit compte qu’elle avait dépassé la salle où les autres étaient rentrés. Kyô et Yuki s’étaient approchés de la porte et l’observait avec inquiétude. Momiji était ressorti pour l’appeler.
Tohru rougit, bredouilla des excuses peu cohérentes mais de toute façon inaudibles, et rentra enfin dans la salle.

Chapitre 36 : Le marché
Où comment être très persuasif
(Par Bulle)

Yuugiri inspira un grand coup. Voilà, il était seul. Entre assister à un karaoké et rester à croupir dans sa chambre, il n’aurait pas dû hésiter. Pourtant, une autre idée lui était venue en tête aujourd’hui.
Yuugiri poussa de nouveau un profond soupir, et sentit sa gorge se nouer. Il fixa longuement le téléphone de ses deux yeux sombres, puis se mordit les lèvres. Etait-ce vraiment raisonnable ? Sûrement pas, se dit-il en secouant la tête. Mais peu importe : là, il voulait agir avec son cœur.
Le jeune homme regarda à droite, puis à gauche, comme s’il se sentait surveillé. Pourtant, les trois autres étaient au karaoké depuis un certain temps: il ne prenait donc aucun risque. Et puis, ce qu’il voulait faire n’était pas interdit. Seulement, il voulait se cacher des autres, comme il avait pris l’habitude de le faire toute son enfance.
Yuugiri parcourut une dernière fois l’appartement de l’oncle de Kenji. Le salon était dépouillé, très bien rangé. A droite, la table basse ; à gauche, le sofa, puis derrière, une grande armoire. C’était tout. D’une main tremblante, il décrocha le combiné, et manqua de le faire tomber, tant son geste était fébrile. Puis il composa le numéro lentement, chiffre après chiffre, en réfléchissant à toutes les conséquences que ce coup de fil pouvait provoquer.
Une première tonalité, puis une seconde. Yuugiri comprit dès lors, que sa vie n’allait plus être comme elle était.

Akito ne retira pas la main qui protégeait ses yeux. D’un geste las, elle décrocha de son autre bras, le téléphone posé sur la petite table près du sofa. Puis dans un profond soupir, elle approcha le combiné tout près de son oreille.
- Moshi moshi ?

Yuugiri tressaillit en entendant la voix froide et glaciale se répercuter jusqu’à ses oreilles.
- A…Akito-san ?
Un silence. Très lourd silence. Presque palpable.
- Yuugiri ?
Yuugiri frissonna. Akito avait prononcé son prénom. Comme avant…
- Oui, c’est moi.
Le jeune homme se mordit les lèvres à s’en faire saigner : il voulait empêcher les larmes de s’échapper de ses yeux.
- Je me souviens de toi, Akito…
- Viens tout de suite
Yuugiri raccrocha sans répondre. Tout de suite. Très bien…

Les Sôma, ainsi que Tohru, s’étaient enfin réunis autour de la table. Pour le moment ils regardaient, mais peut-être que l’un d’entre eux se lancerait pour aller chanter. Momiji avait déjà affirmé que, non non, il était hors de question pour lui de rester les bras croisés. Et avec un peu de persévérance, Tohru l’accompagnerait probablement. Kyô et Yuki s’étaient alors redressés de toute leur fougue, en criant sur le blondinet qu’il ne fallait pas la forcer à faire des choses qui ne lui plaisaient pas. La réaction du chat et du rat avaient étonné tout le monde : Zurui eut un sourire entendu, Ryoumi baissa les yeux un peu en colère, et Kimitsu marmonna quelque chose comme : « ça va, elle peut se débrouiller toute seule ».

Shibai ne tenait plus en place. Il lui fallait trouver un plan, mais sûrement pas trouvé à la va-vite. L’essentiel était d’approcher Zurui sans qu’Akito ou Ren ne sachent qu’il était revenu. Et ce n’était pas facile, car paradoxalement, leur aide lui aurait été profitable.
Seulement là…Il était seul contre tous les autres. Zurui était probablement protégé, surprotégé même.
Shibai s’arrêta net, comme pour essayer de se concentrer davantage. Les doigts profondément enfoncés dans sa chevelure lisse, il semblait vouloir recueillir entre ses mains le maximum d’idées qui pouvaient lui passer par la tête. Mais rien ne sortait. Toute ébauche de plan retombait lourdement. Il fallait pourtant récupérer ce cahier, c’était primordial.
Un temps court passa. Puis Shibai s’effondra découragé. La chaleur lui faisait tourner la tête, et Tohru lui manquait. Il lui fallait prendre l’air.

Yuugiri leva les yeux sur les portes sombres du manoir. Elles semblaient impénétrables, un peu comme le regard d’Akito. Seulement lui avait réussi à ouvrir les deux, sans qu’il ne sache pourquoi.
Le garçon alla frapper prudemment à la porte, mais une main ferme l’en empêcha. Yuugiri tourna ses yeux bleu nuit avec effroi, et frémit : Akito était là, son corps tout près du sien. D’un geste rapide, elle l’entraîna plus loin, derrière les allées visibles du manoir.
En quelques minutes, Yuugiri fut conduit à travers la forêt environnante. Puis ils s’arrêtèrent tous les deux ; Akito se tint face à lui, et lui prit ses deux mains.
- Mais enfin, que se passe-t-il ?, s’écria Yuugiri.
- Shhht, siffla Akito. Ne parle pas trop fort. Personne ne doit nous voir.
Yuugiri baissa les yeux en signe de soumission. Il avait oublié l’enfer qu’il avait dû traverser en ayant la mauvaise idée de tomber amoureux d’elle. Il avait oublié sa mère, impitoyable et cauchemardesque, accompagné de ses terribles suppôts. Il avait oublié son rival, Shiguré, qui avait participé à sa perte. Mais là, tout lui revenait, et il comprenait.
- Bien, murmura Akito. Je ne sais pourquoi tu es revenu. Tu n’obtiendras rien de moi,
Sache le.
Yuugiri frémit en plongeant ses yeux dans les prunelles ébène de la jeune femme. Ce visage, contrairement au reste, il avait l’impression de ne l’avoir jamais oublié.
- Akki, je t’aime, souffla-t-il.
Akito sursauta, et lui aussi n’en revenait pas. Comment osait-il dire cela, après tant d’années ? L’envie lui avait donné des ailes, mais il savait qu’en volant trop haut d’un seul coup, il pouvait se brûler au contact du soleil.
- Pardon, je…se reprit-il en bafouillant.
- Ne me dis plus ce genre de chose, répliqua Akito d’une voix dure et tremblante. Tu
n’as pas le droit. PAS LE DROIT…Et moi non plus.
Yuugiri déglutit. A nouveau, il ressentit ce profond désir le submerger et dépasser de loin ses convictions. D’un geste tendre, il caressa les cheveux de la jeune femme, qui ne sut se détacher de son étreinte. C’était toujours ainsi. Il la calmait, comme une drogue délicieuse.
Akito ferma les yeux, et sentit contre ses lèvres, celles de Yuugiri s’y presser doucement. Elle avait oublié à quel point il lui avait manqué.

Ryoumi se leva fermement de sa chaise et appuya son regard sur Kyô, assit en face d’elle.
- Ben quoi ? demanda Kyô avec brutalité.
- Tu veux bien venir avec moi dehors s’il te plaît ? questionna Ryoumi, sans ciller.
- Ho, il fait chaud dehors !
- Arrête avec tes excuses, s’écria Ryoumi d’une voix sonore qui attira les regards de
tout le monde. Viens avec moi, j’ai à te parler.
Kyô hésita, puis soupira.
- Très bien, dit-il ombrageux.
Il ne valait mieux pas discuter lorsqu’elle le toisait de cette façon.
Les deux adolescents quittèrent la pièce, puis s’installèrent devant l’entrée. Kyô fuyait
avec habileté, le regard de Ryoumi, mais la jeune fille ne perdait pas son sang-froid. Les humeurs de Kyô elle se les étaient coltinées pendant cinq ans. Alors…
- J’aimerais que tu arrêtes de faire comme si je n’existais pas, expliqua Ryoumi d’une
voix faible.
- Tu n’existes pas, répliqua Kyô.
Ryoumi sursauta par la raideur de ces paroles. Elle crut un instant qu’elle avait mal entendu.
- Pardon ?, demanda-t-elle incrédule.
- Tu n’as plus aucune valeur pour moi à présent. Je ne veux plus rien connaître de toi…
- …Kyô, si c’est à cause de ta troisième forme, sache que…
- …Non, ça n’a rien à voir. Tu ne m’intéresses pas, c’est tout. Je ne veux plus te voir.
Ryoumi porta ses mains à sa bouche, et écarquilla les yeux. Des larmes commençaient à couler lentement le long de ses joues, avant même qu’elle comprenne qu’elle était en train de pleurer.
Kyô frémit en voyant l’expression de la jeune fille, puis se leva.
- Je vais y aller, ça vaut mieux. Passez une bonne soirée.
Sur ces paroles, le rouquin disparut dans l’obscurité naissante du soir ; Ryoumi abasourdie, rentra à l’intérieur.

Shibai s’arrêta net et sourit. Décidément, se promener dans la résidence principale de cette chère famille était une activité fructueuse.
- Tiens donc, des amoureux cachés, souffla-t-il.
Yuugiri et Akito sursautèrent en même temps, puis firent volte-face.
- Shibai ? s’écria Akito, saisie par l’effroi. Mais qu’est ce que tu fabriques ici ? Qui t’as
permis ?
Shibai s’avança calmement près du couple, le regard doucement porté sur la jeune femme. Arrivé à leur hauteur, il s’inclina profondément.
- Akito-san, souffla-t-il, je me promenais pour trouver de l’inspiration.
- Bon, très bien, disparais maintenant, siffla la chef de famille, visiblement irritée par le
jeune homme.
- Seulement…
Shibai observa tour à tour Akito, puis Yuugiri. Un vague sourire apparut sur ses lèvres. Était-il ironique ou bienveillant ? Aucun des deux ne pouvait vraiment le savoir.
- Seulement, ce que je viens de voir est bien embarrassant, poursuivit le jeune homme
aux yeux gris perle.
- Ou veux-tu en venir ? ponctua Akito en croisant les bras. Ne joue pas avec moi,
Shibai.
- Oh, mais loin de moi cette intention, se défendit le garçon, les yeux imbibés
d’innocence. Simplement, il faut être réaliste. Ren m’a demandé de veiller sur vous, et sauf votre respect, je lui obéirais avant tout.
- Tu n’es qu’un lâche, observa Akito. Qui te retient auprès d’elle ?
- Je ne sais pas vraiment, avoua Shibai, le regard porté au loin. Enfin, peu importe, je
serait obligé de lui dire ce que je viens de voir.
- Espèce…
- A moins que…
Il y eut un silence. Que voulait proposer Shibai ?
- A moins que vous m’offriez quelque chose en échange de mon silence, Akito-san.
- Je t’écoute.
Shibai regarda Akito avec étonnement. Un petit rire sortit de sa bouche, et devint de plus en plus fort.
Yuugiri recula, un peu effrayé par la démence qui pouvait se lire dans les yeux du garçon. Puis Shibai s’arrêta net, et poursuivit
- Vous ne pensez pas sérieusement que je vais vous en parler devant Yuugiri-san ?
- Oui, c’est vrai, reconnut Akito. Vas-t-en, murmura-t-elle en se tournant vers Yuugiri.
Cela vaut mieux pour toi.
Yuugiri hocha tristement la tête et se retira.
Une fois parti, Akito vérifia qu’il ne se cachait nulle part, et jeta un regard noir sur Shibai.
- Toi, espèce de petit morveux, tu vas me dire ce que tu me veux, et vite !
- Ne vous énervez pas, Akito-san, s’écria Shibai. Je ne veux rien d’autre que votre
silence. S’il vous plaît.
- Je t’écoute, coupa Akito d’une voix brusque.
- Zurui est de retour.
Akito faillit perdre l’équilibre en entendant ce prénom. Zurui…Ce terrible garçon si redoutable était toujours là. Mais alors…
- Je comprend mieux pourquoi Yuugiri a récupéré la mémoire, soupira-t-elle. Cette
ordure est revenue, et Kenji aussi je suppose.
Shibai hocha la tête.
- Oui, ils sont de nouveau là. Seulement, je vous demanderais de ne rien faire contre
Zurui pour le moment. J’aimerais m’en occuper moi-même.
- Non mais tu es inconscient ? hurla Akito. C’est de moi et de mes maudits dont il
s’agit, et pas de toi ! Il est hors de question que tu te mêles de cette histoire !
Shibai observa Akito avec intensité. Avec l’âge, il avait pris une certaine assurance devant
elle. Finalement, elle n’était peut-être pas aussi redoutable que lui.
- Je vous l’apporterais sur un plateau d’argent au moment venu. Je ne peux rien vous
dire, mais moi aussi je tiens à cette foutue malédiction…
- Peu importe, coupa Akito hors d’elle. Disparais !
- Et puis…Poursuivit Shibai, impassible, Et puis vous m’avez promis. Si vous vous en
prenez à Zurui, je parle de vous et de Yuugiri à votre mère.
Akito recula d’un pas. Il l’avait eue. Entre Zurui et Yuugiri, elle n’hésiterait pas.
- Soit, souffla-t-elle, d’une voix presque inaudible. Mais prends garde à ce que je ne te
vois plus trop dans les parages, de peur que je ne t’attrape.
Doucement, la jeune femme approcha son visage de celui du garçon, puis tendit ses lèvres tout près de son oreille.
- Je pourrais te faire ce que j’ai fait à Yuki…Ou à Rin…Ou à Kisa…Ne l’oublie pas.
Shibai se mordit les lèvres, mais ne cilla pas lorsque Akito croisa son regard. Il ne fallait pas qu’elle voit ce qu’il ressentait. Un joueur ne devait jamais montrer ses émotions.
- Ecoutez, assura-t-il, je ne veux que du mal à Zurui, et je l’éliminerais. Seulement, j’ai
besoin de votre aide. Ce soir, il est allé à un karaoké avec les autres maudits. Savez-vous où se trouve cet endroit ?
Akito hésita un moment, puis sourit. Shibai faisant une petite entrée auprès des autres, ça pouvait être drôle.
- Oui, je sais ou ils sont, Shiguré me l’a dit.

Chapitre 37 : Enervement
ou comment faire voler les vases
(Par Allie-chan)

Mai 2005 :

Kyô sortit du karaoké, poings et dents serrés. Il ferma les yeux et donna un grand coup dans une pierre qui passait par là et qui ne demandait rien d’autre que vivre sa vie de pierre tranquillement. Mais ça ne changeait rien. Derrière ses paupières closes, les prunelles noisettes de Ryoumi le fixaient toujours avec cet air suppliant… Ce regard empli de larmes… Par sa faute…
Désolée, Ryoumi-chan. Je n’avais pas le choix.

Shibai s’approchait du karaoké. Bon, à partir de là, ce serait facile. Zurui n’essaierait rien tant que les autres seraient présents…
Le jeune homme sourit. Il avait eu du flair en allant voir Akito. Il n’aurait pas cru avoir la chance de surprendre une scène pareille… Apparemment, son talent pour dégotter ce genre de surprise était toujours aussi efficace…
Il releva la tête et fronça un sourcil. Ce rouquin qui se dirigeait vers lui sans paraître le voir, c’était ce monstre de chat ? Qu’est-ce qu’il faisait là ? Il aurait dû être au karaoké avec les autres, non ?
« - Bonsoir, Kyô-kun, le salua-t-il au passage. »
Kyô sursauta et regarda avec effarement cet inconnu aux yeux gris qui l’avait interpellé comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Réflexion faite, ce n’était pas tout à fait un inconnu. Il était même sûr d’avoir déjà croisé ces yeux froids et où dansait une lueur de folie… Un jour… Mais quand ?
« - Qu… commença-t-il
- Tu n’es pas avec ta Ryoumi-chan ? demanda le presque-inconnu
- Hein ? Mais qu’est-ce que ça peut te faire ? Et t’es qui ? s’indigna Kyô »
Le jeune homme ignora superbement ses questions et le dépassa.
Kyô le suivit un moment des yeux. Il se dirigeait vers le karaoké ? C’était mauvais, ça. Il soupira et s’éloigna de nouveau.
Shibai atteignit le bâtiment, songeur. Alors Kyô délaissait Ryoumi ? ça ne plairait pas à Zurui, ça.
Le jeune homme poussa la porte et entra dans le hall climatisé.
Ils me facilitent vraiment les choses…

Un vase s’écrasa sur le mur le plus proche.
« - Pourriture !!! Espèce de… »
Akito s’interrompit en constatant qu’il n’y avait presque plus rien d’intact dans la pièce. En revanche, le sol, à sa droite, était jonché d’éclats de verre. La jeune femme tremblait encore de rage. Elle s’adossa lentement au mur et ferma les paupières, très fort. A défaut de pouvoir se ruer sur Shibai pour l’écorcher vif, elle s’était défoulée sur une pièce choisie presque au hasard.
Akito serra les poings.
Shibai… Elle ne pouvait plus supporter ce type ! Pourtant, lors de leur première rencontre, alors que ce sale hypocrite avait tout juste une dizaine d’années, elle avait cru qu’il serait facile de se servir de lui…
Ç’avait sans doute été la plus belle erreur de sa vie. Au moins, ça lui avait appris à être plus prudente dans le choix de ses conseillers…
Et maintenant, il la tenait. Il savait bien que tant que pèserait sur sa tête la menace que sa rencontre avec Yuugiri parvienne aux oreilles de Ren, elle ne tenterait rien contre lui. Elle ne pouvait pas.
Une nouvelle bouffée de rage s’empara d’elle, et elle donna un coup dans le mur, de toutes ses forces.
« - Akito… »
La jeune femme sursauta et rouvrit les yeux.
Kureno se tenait dans l’encadrement de la porte et la regardait avec effarement. En fait, il regardait surtout la pièce ravagée.
Akito déglutit péniblement, traversa la pièce à grandes enjambées, et se serra contre le jeune homme.
« - Kureno…, souffla-t-elle »
Il ne dit rien, se contentant d’enlacer doucement la jeune femme qui tremblait dans ses bras.
Kureno…
Lui seul ne l’avait jamais trahie… Jamais, pas même quand il s’était vu libéré… Il ne l’avait pas laissée… Il ne la laisserait pas…
Ah non ? Et cette fille, alors ?
Akito s’agrippa de toutes ses forces à la chemise de son maudit, essayant de chasser ses pensées, d’éteindre cette voix qui résonnait dans sa tête…
Il reverra cette fille…
Il te laissera, comme tous les autres…
La malédiction sera perdue, et toi avec…
Non. C’était faux. Il y avait quelqu’un d’autre qui ne l’avait jamais trahie. Quelqu’un d’autre qui n’avait jamais cherché à la blesser d’avantage.
Yuugiri.
Là, c’était elle qui avait tout gâché…

Juin 1995 :

« - VA-T-EN ! »
L’adolescent avait sursauté. Il ne s’attendait pas à ça. Akito était toujours calme quand il était là ; elle ne s’était encore jamais énervé contre lui. C’était la première fois qu’elle lui criait dessus.
« - Akki, qu’est-ce qui se passe… »
Akito serra les poings. Ce qui se passait ? La malédiction s’effaçait, et c’était sa faute ! Et il osait demander ce qui se passait ? Elle n’en pouvait plus…
Le lien… le lien disparaissait… Tout allait se terminer… Elle allait se retrouver toute seule…
Non !
Akito prit une grande inspiration. Elle devait le faire. Sinon, quelqu’un d’autre s’en chargerait, et les choses s’aggraveraient encore. Elle devait le faire. Pour le protéger.
« - VA-T-EN !! cria-t-elle de nouveau. JE NE VEUX PLUS TE VOIR ! VA-T-EN ! JE N’AI PLUS BESOIN DE TOI, JE N’AI PLUS BESOIN DE TOI… »
Va-t-en…
Yuugiri tendit une main vers elle.
« - Akki… »
Elle le gifla, de toutes ses forces. Yuugiri la regarda un moment, choqué. Puis il tourna les talons et quitta la pièce.
Un moment, elle avait cru voir une larme rouler sur sa joue.
Akito fit un effort démesuré pour se calmer et décrocha le téléphone. Elle devait parler à Hatori.
« - Yuugiri est en train de partir, souffla-t-elle d’une voix éteinte. Efface lui la mémoire. »
Sans prendre garde à la réponse du jeune médecin, la chef de la famille Soma raccrocha et se laissa tomber à genoux.
Et éclata en sanglots.

Mai 2005 :

Momiji allait lancer la première chanson, soutenu par Kisa et Tohru, quand Ryoumi entra dans la pièce.
Tout le monde se tourna aussitôt vers elle, la moitié notant illico ses yeux rouges et brillants.
« - Où est passé Kyô ? demanda Momiji »
Ryoumi haussa les épaules.
« - Oh, c’est dommage ! reprit le blondinet. Je suis sûr qu’on aurait pu le faire chanter pour soutenir Tohru ! »
Ryoumi serra les dents. Doucement, elle releva la tête et posa les yeux sur Tohru. La jeune fille frémit. Pourquoi la blonde la regardait-elle comme ça ?
Ryoumi détourna les yeux et s’adossa au mur, près de Kimitsu. Elle ne voulait pas penser à ça. Pas maintenant.
Elle ne voulait pas croire que Kyô pouvait aimer Tohru et… pas elle…

Momiji lança la musique, prit un des micros… Et quelqu’un frappa à la porte.
Un des employés du karaoké passa la tête à l’intérieur de la salle.
« - Excusez moi mais… Il y a un Zurui Soma, ici ? »
Zurui hocha la tête, surpris.
« - On vous demande à l’accueil, lui dit l’employé. »

Chapitre 38 : La découverte interdite
Où comment se faire rattraper
(Par Bulle)

Zurui soupira, puis se leva. Quelqu’un le demandait ? Il y avait beaucoup de chance pour que ce soit lui…
Le jeune garçon repoussa ses cheveux blonds en arrière, et prit son regard le plus décidé possible. Oui, c’était sûrement Shibai qui l’attendait. Ils étaient liés, ce n’était pas pour rien. Et après tout, s’ils devaient s’affronter, il ne pouvait pas reculer.
Zurui avança prudemment jusqu’à l’accueil. La salle, déjà étroite, paraissait encore plus petite, en raison de la faible lumière qui s’en dégageait. Une lumière rougeâtre, étouffée, et peu adéquate pour une salle d’accueil.
Il frémit. Pourquoi cet éclairage, et surtout, pourquoi ce silence…Étouffant, inhabituel, inquiétant…
- Bonsoir, Zurui-kun.
Le garçon au catogan sursauta tellement qu’il crut sentir son cœur s’échapper de sa poitrine. Il parcourut son regard d’acier autour de lui, puis se raidit : face à lui, dans la pénombre, se tenait Shibai, appuyé nonchalamment contre le mur. Son sourire et son regard dur ne présageaient rien de bon.
- ‘Soir, marmonna Zurui. Je suppose que tu sais depuis longtemps que…
- Que tu es là ? compléta Shibai. Oh, oui. Pardonne- moi, mais ta discrétion laisse à
désirer.
Shibai le toisa de toute sa hauteur, et Zurui serra les poings.
- Tu sais, poursuivit Shibai, en s’observant discrètement les mains, j’ai compris quelque
chose d’essentiel ce soir. Tu sais tout, et moi je ne sais rien, ou presque. Et pour une compétition, c’est un peu injuste, tu ne trouves pas ?
Zurui ne répondit pas. Les ongles enfoncés dans sa peau jusqu’à son faire mal, il ne lâchait pas ses yeux de ceux de son rival. Rien ne devait sortir de sa bouche, ni de sa tête. Oui, il avait l’avantage sur lui, depuis toujours. Mais s’il le lui prenait…
- Tu l’as sur toi ? demanda Shibai.
Zurui ne répondit pas. Shibai sourit et inclina la tête. Oui, il l’avait. Même lorsque les
gens ne disaient rien, il savait dévoiler la vérité.
- Bien…murmura-t-il dans un souffle presque inaudible. Très bien…Depuis le temps
que je le cherchais.
Zurui déglutit. Son cahier bleu…Dans sa poche…Pourquoi cette manie de toujours le
garder sur lui ? Il aurait dû le laisser chez lui, le cacher quelque part…Mais là, c’était trop tard. Cette pièce d’accueil n’était pas sombre pour rien. Le silence qui pesait sur eux n’était pas naturel. Il avait été imposé par Shibai. Impitoyablement imposé. Et cette lumière rougeâtre ne s’expliquait que par une odeur…Moite, collante, écœurante…L’odeur du sang.
Zurui sursauta, et fit volte-face. Il aurait dû s’en rendre compte dès le début. Un accueil
possède toujours une hôtesse. Seulement, ce soir, Shibai était entré, et n’avait pas hésité.
Zurui étouffa un cri, et plaqua ses mains devant sa bouche pour ne pas vomir. A ses pieds, dans un coin sombre de la pièce, était étendu le corps d’une jeune femme, perdu dans une mare de sang.
- Ne t’inquiète pas, souffla Shibai. Elle n’est pas morte. Bon, le coup que je lui ai donné
était un peu trop fort, je l’avoue. Mais lorsque j’en aurai fini avec toi, j’appellerai la police pour qu’elle soit transportée aux urgences.
- Shibai…articula enfin Zurui, toujours le dos tourné et les yeux braqués sur la jeune
femme, tu es complètement dingue. Et si quelqu’un décidait d’entrer ici ? Que ferais-tu ?
- C’est pour cela que je ne veux pas perdre plus de temps avec toi.
Zurui se redressa. La voix de Shibai s’était soudainement rapprochée. Le garçon se tourna
lentement, et soupira. Son ennemi était juste derrière lui, sa bouche presque collée à la sienne, tant il était proche. Un léger rictus se forma sur le coin de sa bouche, et Zurui écarquilla les yeux. Il n’eut pas le temps de réagir.

Kyô s’allongea sur son lit, et braqua ses yeux grands ouverts sur le lustre du plafond. La lumière aveuglante l’empêchait de trop réfléchir. Mais seulement un temps. Trop d’émotion l’avait submergé ces derniers jours.
Ryoumi… Kyô l’avait tout de suite aimé. Elle était belle cette petite blonde. Et si froide. Comme un flocon glacé qui se dépose dans le creux de la nuque. C’était rafraîchissant. Peut-être un peu trop.
Kyô fronça les sourcils. Il l’aimait de tout son cœur Ryoumi-chan. Mais elle lui avait tellement rappelé Yuki…Surtout ces derniers temps. L’avait-t-elle trompée ? Non. Pas elle. En tout cas, si elle avait voulu se moquer de lui, elle n’aurait pas fait tout ce cinéma. Il fallait donc la protéger. Peu importe ce que disait cette foutue prophétie dont il avait entendu parler la veille au soir. Il préférait crever plutôt que de laisser son petit flocon en danger.

Un jour auparavant

Kyô s’écarta doucement pour ne pas être vu. Depuis que Kimitsu et Ryoumi étaient revenues, le jeune chat soupçonnait beaucoup de « non-dit » et de secrets. Alors, espionner Shiguré parler au téléphone, était la meilleure des occasions pour tout comprendre.
Kyô essaya de faire le moins de bruit possible, et respira à peine. Il fallait tendre l’oreille, et écouter ce que Shiguré racontait.
« Oui, bien sûr, je comprends. Seulement, il faut que je t’explique. Ryoumi et Kimi-chan sont là pour de bonnes raisons. Elles sont liées à Kyô et Yuki. Pourquoi ? Non, ça je ne sais pas…Mais s’il l’apprenait…Hoho…Oui, comme tu dis…Ce serait terrible…Mais elles iront jusqu’au bout, je les connais. Oh, oui, je t’assure…Ryoumi aime trop Kyô pour le laisser tomber. Au prix de sa vie, elle serait capable de le sauver… »
Le chat s’effondra sur le sol.
Au prix de sa vie, elle serait capable de le sauver…
Sa respiration se fit difficile, et il sentit l’appartement de Shiguré danser autour de lui, comme une ronde infernale.
Au prix de sa vie, elle serait capable de le sauver…
Il ne fallait pas…
Au prix de sa vie, elle serait capable de le sauver…
Il ne fallait pas qu’elle y parvienne…Sinon, elle mourra…



Kenji se leva d’un coup. Un cri…Il avait entendu un cri…Il en était sûr.
- Que ce passe-t-il ?, questionna Hatsuharu. C’est la chanson qui ne te plaît pas ? Bon,
j’avoue, elle chante comme une casserole, mais bon…
Kenji regarda la vache avec effarement. De quoi parlait-il ?
- Kenji-kun ? s’écria Ryoumi, se redressant elle aussi. Que se passe-t-il ?
Sur ces mots, Kimitsu se leva à son tour.
- T’as ressenti un truc ? demanda-t-elle de son ton abrupt.
Kenji posa tour à tour son regard glacé sur ses trois amis. C’était Zurui qui l’appelait…
- Zurui…souffla-t-il.
- Allons-y !, cria Kimitsu.
Sans attendre, elle fut suivie de Kenji et Ryoumi, et tous les trois se ruèrent vers la sortie.
Kenji s’arrêta net en entrant dans la salle d’accueil. Ryoumi poussa un cri, et Kimitsu se tint en arrière, les pupilles dilatées par l’effroi.
A leur pied, une jeune femme inconsciente, dans une mare de sang. Et à ses côtés, le
ruban de Zurui qui tenait habituellement son catogan.
Kimitsu se baissa et attrapa l’étoffe de couleur bleue, qui gisait sur le sol, comme le
symbole d’une lutte impitoyable.
- C’est un signe, souffla-t-elle. Zurui a été enlevé, et son ruban a été laissé exprès par
son ravisseur pour nous le faire comprendre.
Kenji se mordit les lèvres à s’en faire mal, et s’effondra sur le sol, les yeux à l’affût d’une trace, ou d’un signe. Puis, soudain, il plaqua les mains sur son crâne.
- K’so ! hurla-t-il. Mais pourquoi on l’a laissé sortir ? Il est perdu !

Shibai se délecta un instant en observant Zurui inconscient à ses pieds. Il ne pensait pas qu’il parviendrait à le traîner jusqu’à chez lui sans qu’il se réveille. Il n’était pas si résistant finalement.
Après un temps d’observation, Shibai s’agenouilla, puis passa un jambe par-dessus le corps de Zurui, et s’assit sur lui. Ainsi, il ne pouvait plus bouger.
- Mon petit Zurui, murmura-t-il d’une voix suave, tu es trop impulsif. Tu devrais
d’avantage réfléchir.
D’un geste vif, il fouilla dans la grande poche du manteau rouge sombre de sa victime, et en retira le cahier bleu.
- Depuis le temps…
Shibai parcourut frénétiquement du regard les pages jaunies par le temps, et s’arrêta net
sur la première information importante.
Le garçon frémit de plaisir. Il ne pensait pas tomber sur si gros.


« Aujourd’hui, elle m’a réveillé dans mon sommeil. Je ne suis qu’un pauvre écorché,
victime d’une déesse implacable. Mais sa mission sera toujours plus noble que celle de son frère, même s’il ne s’agit que d’un vulgaire pari. Alors…Je lui obéirai. Et puis, j’avoue qu’elle m’a donné son goût du jeu. Je suis lié à elle…Pour toujours.
Cette nuit, donc, elle m’a forcé à me réveiller, et j’ai croisé ses yeux bleu ciel, qui
flottaient comme deux pierres précieuses au-dessus de mon lit. Puis, j’ai entendu une voix glacée, comme un souffle irrésistible qui s’est emparé de mon corps. Je l’ai écouté, et elle m’a transporté dans ses songes.
Des images sont alors apparues au-dessus de ma tête, comme des projections de film.
C’était très étrange. Je voyais tout. D’abord Yuugiri qui embrassait Akito avec fermeté. Le reste m’a fait rougir. L’un et l’autre se perdaient dans de tendres et douloureuses effusions, trop intimes pour être regardées par le jeune adolescent que je suis. Mais Ea voulait absolument me le montrer. Je compris plus tard que c’était l’élément déclencheur, ce qui avait en parti saper la malédiction : Akito, en acceptant son corps de femme à ce garçon aux pouvoirs étranges, abandonnait son autorité légendaire.
L’image qui suivit celle des deux amants représentait une scène qui se déroulait au même
moment : Kureno, le maudit du coq, cessait d’être possédé. Je le compris, car Ea me le murmura à l’oreille. Le visage de Kureno était à la fois surpris et heureux. Mais pour Akito, c’était une catastrophe…Et elle en était la cause.
« Nous avons gagné », me murmura Ea au creux de mon oreille. Je sentis alors mes
cheveux blonds se dresser sur le sommet de mon crâne, tant sa voix était puissante et acide.
Oui, nous avons gagné…Mais seulement pour Kureno…Parviendrais-je à chasser toute la
malédiction ? »


Shibai resserra les pages du cahier bleu contre sa poitrine.
« Si tu n’avais pas été chassé, tu aurais réussi, Zurui. »
Il observa un temps le visage d’ange inconscient qui gisait sous ses yeux.
« Quel phénomène…Tu es redoutable, je dois l’admettre. »


QUATRIEME PARTIE : Le dénouement

Chapitre 39 : Panique
Ou comment ne plus savoir quoi faire
(Par Allie-chan)

Quand la sirène d’une ambulance parvint à leurs oreilles, les trois Soma échangèrent un long regard. Est-ce que l’ambulance venait vraiment pour eux ? Mais dans ce cas là, qui avait pu l’appeler ? Et si elle ne venait pas ici, est-ce qu’ils devaient en appeler une, ou bien…
La sirène s’arrêta, et ils entendirent le bruit d’une portière qui claque.
« - On ne devrait pas rester ici, souffla Ryoumi. Si on nous trouve là… On va avoir des ennuis…
- Nous avons déjà des ennuis, Ryoumi-chan, répondit placidement Kimitsu.
- Non, c’est Zurui qui en a, répondit la blonde.
- Ce n’est pas trop le moment, fit remarquer Kenji.
- On va retrouver les autres ? demanda Ryoumi »
Kenji et Kimitsu hochèrent la tête. Inutile de se faire remarquer en restant dans un hall sombre, près d’une jeune réceptionniste qui baignait dans son propre sang.
Kimitsu empocha le ruban, et les trois jeunes gens quittèrent le hall.

Zurui ouvrit lentement les yeux. Il était allongé à même le sol, dans une pièce qu’il ne connaissait pas. Tout ce qu’il pouvait voir, c’était le plafond, d’un blanc immaculé. Il voulut se relever, mais quelque chose lui pesait sur l’estomac. Un rire moqueur salua sa tentative.
Un rire ?
Zurui se contorsionna pour apercevoir… Shibai, tranquillement assis sur lui, lisant son carnet. Le jeune homme sentit une poigne glacée lui étreindre le cœur. Son carnet. Oh, c’était vraiment tout ce qui leur manquait : Shibai savait, maintenant.
Et c’est ma faute, se reprocha Zurui. On a pas idée de tenir un cahier pareil, aussi…
Shibai releva la tête en sentant son prisonnier remuer.
« - Enfin réveillé ? ricana-t-il. »
Zurui grimaça. Il avait un mal de tête atroce qu’il pouvait à coup sur attribuer à Shibai. Ce dernier lui adressait un sourire sadique qui n’avait rien d’encourageant.
« - Où sommes nous ? demanda le blond
- Chez moi, bien sûr. »
Shibai se pencha sur son cousin.
« - Et estimes toi heureux de ne pas être chez Akito… Il t’en veux un peu, tu sais. »
Zurui se mordit la lèvre. Un peu était un superbe euphémisme. Akito devait lui en vouloir à mort : d’abord, lui et ses parents lui avaient désobéi, s’enfuyant en emportant avec eux le secret des Soma. Ensuite, il était censé briser la malédiction à laquelle Akito s’accrochait depuis toujours.
Il n’y avait pas grand chose à répondre à ça, mais Zurui avait l’impression que Shibai attendait une réflexion.
« - Et… pourquoi ne suis-je pas chez Akito ? demanda-t-il enfin
- Parce que je suis curieux, répondit Shibai. J’aimerais savoir comment vont réagir tes petits copains en trouvant ton ruban. »
Le jeune garçon sourit, passant sa mais dans les cheveux de Zurui, qui grimaça de dégoût. Lentement, le doigt de Shibai glissa le long de la mâchoire de son prisonnier.
« - Ils comprendront tout de suite, bien sûr. Tu crois qu’il réussiront à te retrouver ? Evidemment, Ryoumi-chan pourrait les amener ici. Ils viendront te sauver, à ton avis ? »
Zurui frémit.
Non ! Maintenant qu’il connaissait le rôle des autres, il ne devait plus les approcher ! Sinon, il allait les…
« - Mais de toute façon, toi, tu n’en sauras rien, susurra Shibai. »
Ses doigts se refermèrent autour de sa gorge, et il serra doucement – pas trop fort : il ne voulait pas le tuer. Enfin pas pour l’instant.
Juste avant de sombrer de nouveau dans l’inconscience, Zurui entendit Shibai murmurer une ultime phrase :
« - Ea croyait pouvoir tricher en envoyant ses anges… mais elle se trompait… oh oui, elle se trompait lourdement… »

Ils regardaient tous Kenji, Kimitsu et Ryoumi avec un mélange de stupeur, d’effroi et d’incompréhension.
Ils auraient mieux fait de cacher la disparition de Zurui, songea amèrement Kenji. Mais alors ils auraient eu du mal à expliquer le départ du blondinet, surtout auprès de Kagura.
Ce qui l’embêtait le plus, c’était la petite Kisa qui avait l’ai positivement effrayée (nda : ce qui est une expression stupide, puisque ça n’a rien de positif, en fait), s’accrochant de toutes ses forces au bras de « grande sœur » Tohru.
Tohru qui, elle, avait eu l’air très choquée d’apprendre que c’était sans doute Shibai qui avait enlevé Zurui…
Ryoumi grimaça. Tohru lui plaisait de moins en moins. D’abord, il y avait cet attachement sans limites que Kyô semblait avoir pour elle, et ensuite, il y avait l’attachement qu’elle semblait porter à Shibai…
Mais moi aussi, je me suis attachée à lui…
Ryoumi baissa la tête. Encore maintenant, elle avait du mal à croire que le Shibai dont on lui parlait était celui qu’elle avait connu, celui qui était toujours gentil avec elle, celui qui l’avait toujours réconfortée quand elle était petite…
Sauf quand j’ai vu Kyô…Quand il a perdu son bracelet…
Ryoumi frémit. Le vrai Shibai, est-ce que c’était celui qu’elle avait vu ce jour là ? Ou bien…
Tohru se mordit les lèvres.
Ils avaient tous entendu l’ambulance arriver et l’agitation qui avait suivi, dans le hall. Et maintenant, elle apprenait que Zurui avait disparu, apparemment à cause de Shibai.
Elle n’arrivait pas à y croire.
Pas Shibai. C’était impossible. Le Shibai qu’elle connaissait n’aurait jamais fait ça. Pas lui. Pas le Shibai qu’elle aimait…

Les yeux noirs d’Izumi se perdirent dans le vague. Elle venait d’avoir un énorme frisson. Quelque chose était arrivé…
Elle ne savait pas quoi. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle voulait retourner là-bas, près du manoir Soma.
Ça n’avait aucun sens. Elle était bien, ici. Ici, personne ne cherchait à la manipuler. Ici, elle était près de Ri-chan…
Quand Izumi se retrouva à faire son sac presque contre sa volonté, elle dut bien se rendre à l’évidence.
Quelque chose l’appelait là-bas.
Elle poussa un soupir. Bon. Inutile de résister, pas vrai ?
Restait à savoir si elle rejoindrait Zurui ou Shibai…

Yuugiri ouvrit des yeux ronds, ne parvenant pas à croire ce que Kenji, Ryoumi et Kimitsu lui avaient appris.
Zurui… enlevé ?
C’était tout simplement catastrophique pour eux, d’autant que c’était Zurui qui connaissait les clés de la malédiction…
Le jeune homme baissa la tête et haussa un sourcil pensif.
« - Alors ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? demanda Ryoumi d’une voix faible. »
Yuugiri grimaça en comprenant que la jeune fille commençait à paniquer, et soupira en s’apercevant qu’il était le plus âgé du groupe, donc le plus mur, logiquement, et le plus apte à savoir quoi faire dans un cas pareil.
Le premier réflexe de Yuugiri aurait été d’appeler la police, mais il se voyait mal expliquer que son cousin avait été enlevé à cause d’une malédiction qu’il voulait briser.
« - Il doit bien être quelque part, soupira-t-il. »
Les quatre cousins se plongèrent un moment dans un silence méditatif.
« - Shibai aurait pu tout simplement l’emmener chez lui, non ? proposa finalement Kenji. »

Chapitre 40 : Jalousie
Où comment comprendre qu’on est de trop
(Par Bulle)

Juin 2005

Shiguré Sôma s’étendit sur son lit, et soupira. Il avait un peu trop bu avec Hatori et Ayamé, et l’alcool lui montait légèrement à la tête. Le goût âcre du tabac froid qui se répandait dans sa bouche ne l’encourageait pas à se sentir plus à l’aise. Il avait l’impression d’être sale, et un peu perdu.
Alors comme ça, Kenji était là, lui aussi. Et si tout recommençait ? Et si la prophétie n’arrivait que maintenant, et non au moment où ils avaient été tous chassés les uns après les autres ? Dans ce cas…Zurui était certainement là, lui aussi. Et Akito ne devait probablement pas le savoir puisque sinon, il serait déjà mort.
Shiguré fronça les sourcils, et réfléchit. Zurui était certainement de retour, sinon, pourquoi tous les autres étaient-ils revenus ? Et le pire dans tout ça, c’est qu’aucun des maudits, à l’exception peut-être d’Hatori, ne lui fournirait cette information. Il faut dire que tout le monde lui en avait beaucoup voulu, lorsque, par sa faute, Zurui avait dû prendre la fuite.
Un faible sourire apparut sur les fines lèvres du jeune homme. Un sourire un peu triste, un peu moqueur, parfaitement adéquat à la situation. Oui, il en avait fait du mal. Surtout par amour, certes. Et si Zurui était là, alors…Lui aussi. Ça n’avait pas de sens que tout le monde soit de retour sauf lui
Shiguré frémit, et se leva d’un coup. S’il était de retour, il fallait intervenir. Dans quel sens, il n’en savait rien, mais il était hors de question qu’il reste là à ne rien faire : il avait une place à conserver dans le cœur d’Akito, alors, il fallait tenter le tout pour le tout.

Ryoumi s’adossa contre le mur du salon, et pencha la tête en arrière. Elle n’avait plus de force. D’abord Kyô qui coupait les ponts…la prophétie n’avait plus de sens s’il ne voulait plus d’elle. Pire : sa principale raison de vivre s’envolait avec lui. Et puis Zurui qui se volatilisait, enlevé, mort peut-être. Zurui…Son grand frère, son meilleur ami, son tendre confident…Il n’était plus là.
Alors…Il valait mieux s’arrêter un instant, et ne penser à rien. Juste laisser couler des larmes de fatigue, sans se retenir.
Ryoumi sursauta. Deux mains fermes lui encerclèrent la taille, et la jeune fille fut traînée en avant. Elle leva les yeux et croisa le regard doux de Yuugiri : le garçon l’avait prise dans ses bras, et lui souriait doucement.
- Ryoumi-chan, murmura-t-il, je ne te connais pas très bien, mais je tiens à toi. Il ne faut
pas que tu te laisse aller maintenant.
Ryoumi baissa les yeux, et soupira.
- Je n’ai plus envie de vivre, murmura-t-elle.
Un voile d’impatience traversa le regard bleu nuit du jeune homme.
- Écoute, lorsque vous êtes rentrés du karaoké, je revenais juste de chez Akito. Nous
avons pu nous voir une dernière fois…Elle était terriblement nerveuse, mais j’ai réussi à la calmer. Je peux la sauver, Ryoumi. Seulement, il ne faut pas lâcher prise. Et essaye de comprendre une bonne chose : ce n’est pas par ce que tu ne veux plus avancer, que le monde s’arrêtera de tourner avec toi. Tu ne peux pas renoncer maintenant. On a un ami à aller sauver, alors viens avec nous.
Les larmes aux yeux, Ryoumi observa avec surprise Yuugiri, qui lui prit la main pour l’entraîner à l’extérieur. Kenji et Kimitsu attendaient, impatients, leurs sourcils habituellement froncés par la mauvaise humeur.
Yuugiri observa tour à tour ces trois cousins, et tout le monde lui répondit par un air entendu. Une vivacité inédite avait parcouru son visage, lui d’habitude si triste et mélancolique. Maintenant que Zurui était en danger, c’était à lui de récupérer le flambeau.
- Allons chez Shibai, souffla-t-il.
Les autres hochèrent la tête, et tous quittèrent les lieux d’un pas rapide.

Shiguré poussa la porte du manoir, et rentra d’un seul coup dans la grande salle. Il voulait pouvoir la surprendre avec lui pour qu’elle ne puisse plus rien dire. S’il devait la questionner, elle le piègerait, donc seul le flagrant délit était possible.
Mais Akito était seule. Etendue sur son futon, elle se laissait bercer par le doux souffle du ventilateur qui caressait sa chevelure sombre. Lorsque Shiguré entra, les yeux hagards, elle sourit froidement, comprenant immédiatement pourquoi il était venu si brusquement.
- Tu ne m’appelles plus lorsque tu viens me voir, maintenant ? demanda-t-elle d’une voix doucereuse.
- Je…
Shiguré déglutit, s’assit sur le futon, et s’appuya contre le mur. Akito l’observa un temps, puis s’installa entre les jambes du jeune homme. Lui n’était pas tranquille : elle était bien douce ce soir, presque docile. D’un geste tremblant, il caressa les mèches de la jeune femme qui retombaient dans le creux de son cou. D’habitude, Akito détestait lorsqu’il faisait ça : ça la chatouillait. Mais là, elle ne disait rien.
Shiguré soupira. Seule une personne avait pu la rendre aussi calme. Et pour que l’effet soit si frappant, il venait de la quitter. Si seulement il était arrivé une demi-heure plus tôt…
- Yuugiri est revenu, murmura Akito.
Shiguré tressaillit, puis grimaça. Elle le lui avouait ? C’était encore pire. Il aurait préféré
qu’elle lui mente. Si elle ne voulait pas lui cacher cela, c’est qu’elle accordait peu d’importance à leur relation.
- Je vois, souffla le jeune homme.
Akito sourit, mais ne répondit pas. De toute manière, Shiguré n’avait pas terminé. Comme
d’habitude, il ne disait rien pendant un temps, puis osait enfin donner son avis.
- Faites attention, poursuivit-il.
Akito soupira.
- A quoi ?
- Vous savez ce qu’il peut se passer si vous restez trop avec lui. Kureno a été victime de
votre relation, et…
- Ce n’était pas qu’à cause de nous, coupa la jeune femme avec fermeté. Kureno n’est
plus possédé en raison de tout un faisceau d’événement. Tout est de la faute de Zurui, et de ses maudits plans.
- Oui, mais Yuugiri en fait partie…
- Tais-toi ! Je ferai tout mon possible pour empêcher ces petits morveux de mettre un
terme à la malédiction. Mais Yuugiri reste sous ma protection. Ne le touche pas.
C’en était trop. Shiguré se leva d’un bond, et se dressa devant Akito.
- Je vous aime, souffla-t-il.
Puis sans attendre qu’elle lui réponde, il pivota, et quitta la salle à grands pas.
Ce soir, la chaleur était un peu retombée. Un léger vent balayait le paysage, et caressait les yeux tristes de Shiguré. Il ne savait pas vraiment si c’était le temps frais, ou le chagrin, qui faisait couler des larmes le long de ses joues. Mais il était déterminé.
Ma jalousie surpasse l’obéissance que je dois à un chef de famille dont l’autorité est déjà bien entamée. Tant pis, j’éliminerai Yuugiri moi-même.


Shibai releva avec difficulté le corps inerte de son cousin, et le colla contre le sien. Pendant un court instant, il caressa son visage en l’observant, puis l’entraîna doucement vers la sortie.
- Je pense que pour être sûr que tu ne te réveilles pas trop tôt, il faut que j’achève ce que
j’ai terminé.
Lentement, le jeune homme attrapa une lourde lampe qui se trouvait dans son vestibule, et
frappa d’un coup sec le crâne de Zurui.
Shibai recula pour observer le jeune homme, qu’il portait à bout de bras.
Il n’est pas encore mort…Mais…
Sans attendre, il ouvrit la porte, et le déposa devant chez lui. Puis il attrapa ses affaires, et
quitta son appartement.
Zurui se retrouva seul, sur le perron, les cheveux blonds encadrant son visage blanc.


Octobre 2000


Momiji sursauta, et leva la tête du jeu de cartes ; Hatsuharu et Kenji froncèrent les sourcils à leur tour.
- Que ce passe-t-il Momiji-kun ?, demanda Kenji.
- Kagura…j’ai entendu Kagura pleurer.
Les autres enfants n’eurent pas besoin d’attendre une explication, car le jeune sanglier accourrait vers eux, le visage effectivement inondé de larmes.
- Il faut l’aider, hurla-t-elle, il faut l’aider !
Hatsuharu se leva d’un seul coup, et empoigna les épaules de la fillette.
- Kagura! De qui parles-tu ?
- Zurui…Hoqueta-t-elle entre deux sanglots…Akito sait qu’il sait !
- Qu’il sait quoi ?, demanda Kenji, surpris.
- Rien du tout, coupa Hatsuharu, qui lui, savait très bien de quoi parlait Kagura. Comment le sais-tu ?
- J’ai entendu Akito en parler. Il veut retrouver Zurui. Il va le tuer ! IL VA LE TUER !!!
- Calme toi, Kagura-chan, souffla Momiji.
- Ce n’est pas moi, s’écria-t-elle, en ignorant le blondinet. Je vous jure : je n’ai pas dit
qu’il était au courant !
- Je sais, souffla Haru en baissant la tête…Zurui en a parlé à d’autres gens…Une
histoire pareille, ça se répète…
- Il l’a dit à Shiguré-san, compléta Momiji avec tristesse.



Juin 2005



Ryoumi, Kimitsu, Yuugiri et Kenji arrivèrent en trombe devant le corps inerte de Zurui.
Les quatre jeunes gens s’agenouillèrent auprès de lui, et Yuugiri l’observa avec gravité.
- Il est dans un sale état, souffla-t-il d’une voix tremblante. Il ne faut pas que nous le
bougions nous-même. Il est peut-être dans le coma.
Ryoumi étouffa un cri, Kimitsu grimaça d’horreur, et Kenji porta ses mains à la bouche.
- Il faut prévenir un médecin alors, suggéra vivement Kimitsu.
Yuugiri hocha calmement la tête.
- Je pense que le mieux serait d’appeler Hatori. De toute façon, Zurui est cuit, Akito
doit savoir qu’il est ici…Et puis…Cela nous empêchera d’avoir des explications avec la police. S’ils doivent l’hospitaliser, Hatori s’en chargera.
Tous les autres acquiescèrent, et sans attendre, Ryoumi téléphona au médecin des Soma. Il
ne fallait pas attendre une minute de plus : les jours de son cousin étaient en danger.
Une fois le coup de fil passé, la jeune fille observa longuement le jeune homme, et caressa
son beau visage du bout de ses doigts. Quelques-unes de ses larmes coulèrent sur le visage immaculé du garçon.
- Zurui…Qu’est ce qu’on deviendra sans toi ?, souffla-t-elle.


Octobre 2000


Hatsuharu soupira.
- Tu pourrais au moins me regarder quand je te parle, fit-il remarquer.
- Tu es en danger, ajouta Kagura avec nervosité. Il faut que tu te soumettes ! Si Hatori
t’effaces la mémoire, l’histoire sera oubliée !
Les deux jeunes enfants attendirent une réponse, mais rien ne venait. Le blondinet
aux cheveux longs, leur tournait toujours le dos, bien loin devant eux. Le vent vif couvrait leur voix, ce qui les obligeait à crier.
- Viens nous voir, supplia Kagura.
Zurui serra les poings, et se tourna enfin vers ses interlocuteurs. Un léger sourire
malicieux ornait ses lèvres, ce qui surprit beaucoup les deux autres. Pourquoi avait-il l’air si serein, alors que…
- Je n’oublierai jamais l’origine de cette malédiction parce que j’en suis l’un des
détenteurs, que je le veuille ou non. Donc, ils peuvent me tuer s’ils le veulent, mais personne ne me fera oublier quoi que ce soit…
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Bulle
posté Jan 12 2006, 02:59 PM
Message #7


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Les Ecorchés

Part. VI


QUATRIEME PARTIE : LE DENOUEMENT - suite...

Chapitre 41 : Chassé-croisé
Ou Les persos se suivent et ne se ressemblent pas…
(Par Allie-chan)

Les poings serrés, la mâchoire contractée, Shiguré ne savait plus trop où il allait. Tout ce qu’il voyait, c’était le regard d’Akito, empli d’amour pour un autre. Tout ce qu’il entendait, c’était la voix d’Akito lui annonçant calmement qu’il était revenu. Tout ce qu’il sentait, c’était son parfum entêtant de puissance, de haine, et de cèdre, presque masculine, maintenant mêlée à une odeur de vanille et lavande qui lui était insupportable. Son odeur.
Comment pouvait-elle encore l’aimer ? Alors qu’il lui avait pris tout ce qui comptait pour elle, alors qu’il l’avait abandonnée quand elle avait le plus besoin de soutien, alors que lui, lui, il avait toujours été là pour elle, c’était Yuugiri qu’elle préférait, encore et toujours…
Elle l’aimait. C’était visible dans l’éclat particulier de ses yeux, dans la courbe légère qui ornait ses lèvres, sourire à peine ébauché, dans tous les pores de sa peau, elle l’aimait, elle l’aimait, elle l’aimait, et il était jaloux, et ses joues commençaient à brûler, et son front, et tout son corps, et si Yuugiri s’était trouvé devant lui à cet instant, il l’aurait tué sans hésiter, d’un coup, d’un seul, ou bien lentement, pour lui faire subir au moins un millième de la douleur qu’il ressentait.
Shiguré s’aperçut que ses pas l’avaient inconsciemment mené chez Hatori.

Shibai s’éloignait rapidement de son appartement, quand une silhouette se dressa devant lui. Tohru. Shibai cilla, surpris pour la première fois depuis longtemps. D’ailleurs, Tohru était la seule qui ait jamais pu le surprendre, Tohru et Akito, une seule et unique fois.
« - Tohru-kun… »
La jeune fille rougit et détourna les yeux. Elle s’était esquivée alors que les autres rentraient chez Shiguré. Elle voulait le revoir. Elle n’arrivait pas à penser à autre chose. Lentement, elle s’avança vers lui. Un pas. Un deuxième. Shibai sourit et tendit une main, lui caressant doucement la joue.
Tohru se tendit à son contact. Un frémissement presque imperceptible qui parcourait son corps. Shibai en conclut qu’elle savait, pour Zurui.
« - Shibai… »
Le jeune homme sourit et se rapprocha un peu d’elle. Ils étaient maintenant les yeux dans les yeux, à quelques centimètres à peine l’un de l’autre.
« - Pourquoi ? demanda-t-elle.
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? »
Le sourire de Shibai se fit plus… malsain. Tohru frémit de nouveau, malgré elle. C’était étrange… Il avait l’air tellement différent du Shibai qu’elle avait rencontré pour la première fois alors qu’il venait voir Ryoumi…
« - Zurui. Les autres. Pourquoi ? »
Shibai se pencha vers elle.
« - Parce que nous avons fait un pari, il y a longtemps. Très longtemps.
- Un pari ? répéta-t-elle.
- Un pari. Zurui contre moi. Un jeu.
- Un jeu… ça n’est que ça, pour toi ? »
Shibai fronça un sourcil. Que ça ? Elle ne savait vraiment pas de quoi elle parlait…
« - Et nous ? souffla-t-elle, un peu trop tristement.
- Nous ?
- Nous. Ce n’est rien d’autre qu’un jeu, ça ? »
Shibai sourit et se pencha encore un peu sur elle, avec un sourire digne d’un prédateur.
« - Nous, c’est peut-être la seule chose qui compte dans tout ça, Tohru-kun, répondit-il avec une sincérité qui l’étonna lui-même. »
Depuis quand est-ce qu’il pensait ça ? Et plus encore, depuis quand est-ce qu’il disait ce qu’il pensait ?
Il se pencha vers elle et s’empara doucement de ses lèvres.

Kenji faisait nerveusement les cent pas. Assise par terre, adossée au mur, Kimitsu le suivait des yeux avec un agacement croissant. De l’autre côté de la pièce, Ryoumi s’était lovée dans un fauteuil, près de Yuugiri. Le jeune garçon avait fermé les yeux, essayant de penser à autre chose qu’au visage blafard de Zurui, ses cheveux blonds poissés de sang encadrant son visage, le liquide rouge s’écoulant lentement de sa tempe…
Il frémit. Toute cette histoire prenait un tour bien trop sombre. Il y avait des limites à tout ce qu’on peut supporter, et là, elles avaient largement été dépassées : il n’y avait qu’à voir l’état dans lequel ils étaient, tous.
Kimitsu releva brusquement la tête.
« - Hey, t’as pas mieux à faire ? lança-t-elle à Kenji.
- Non.
- Essaie de trouver quand même, tu me tapes sur les nerfs !
- Et alors ? »
Kimitsu bondit sur ses pieds.
« - zut, Kenji, tu le fais exprès ?!
- Oui. »
Kimitsu allait répliquer quand la porte du cabinet s’ouvrit, les faisant tous sursauter.
« - Alors ? demandèrent quatre voix, parfaitement synchronisées. »
Hatori soupira.
« - Il s’en sortira. Mais vous l’avez trouvé juste à temps.
- Il se réveillera bientôt ? demanda Kimitsu
- Ça, par contre, ça m’étonnerait. Il a reçu un sacré choc. »
Les quatre cousins échangèrent un long regard. Sans Zurui, qu’est-ce qu’ils pouvaient faire ?
« - Hatori… il ne faut rien dire à Akito, souffla Kimitsu. »
Tous se figèrent. En amenant Zurui chez Hatori, ils n’avaient pas pensé à ça, mais le médecin pouvait fort bien le dénoncer au chef de famille.
Hatori soupira.
« - Je devrais le faire, remarqua-t-il.
- Mais tu ne le feras pas ? demanda Ryoumi, les yeux brillants.
- Pas la peine. »
Tout le monde se tourna vers Yuugiri.
« - Comment ça « pas la peine » ? demanda Kenji
- Il ne dira rien à Akito, poursuivit son aîné. Parce que c’est moi qui le ferait. »
Trois paires d’yeux se tournèrent vers Yuugiri : ceux d’une Ryoumi choquée, d’une Kimitsu incrédule et d’un Kenji qui semblait se demander s’il avait bien entendu.
« - Yuugiri… Sans vouloir te vexer… Je ne suis pas sûr que ce soit une excellente idée, fit remarquer ce dernier.
- Que ce soit par moi ou par quelqu’un d’autre, Akito finira par savoir ce qui s’est passé. Elle finira aussi par savoir que Zurui est ici. Donc il vaut mieux que ce soit moi qui aille lui dire.
- Mais si Akito sait que Zurui est là… gémit presque Ryoumi.
- Si c’est moi qui lui apprend, je pourrais aussi la retenir…
- Mais… »
La porte d’entrée s’ouvrit. Tout le monde se tourna vers le nouvel arrivant, qui claqua la porte tout aussi vite, sans même entrer dans la pièce.
Hatori soupira.
« - Shiguré… »
Il grimaça. Et maintenant, Shiguré savait que Yuugiri était revenu. Donc il devait se douter que lui et Akito recommençaient à se voir, et c’était sûrement loin de lui plaire…
Se tournant vers Yuugiri, le médecin constata qu’il était arrivé à la même conclusion.
« - Je vais voir Akito, souffla le jeune homme. Maintenant.»

Shiguré s’éloignait à grand pas du cabinet d’Hatori, ne s’arrêtant que lorsqu’il jugea la distance assez grande. Il inspira un grand coup. Se calmer. Au moins pour l’instant.
Il ne s’était pas attendu à la rage qui s’était emparé de lui quand il avait aperçu la silhouette de son rival, tranquillement campé au centre de la pièce.
Le jeune écrivain qui d’habitude maîtrisait si bien ses émotions avait dû faire un effort pour ne pas se jeter sur Yuugiri pour l’étrangler.
S’il voulait que le jeune homme disparaisse définitivement de sa vie – et surtout de celle d’Akito -, l’agresser alors qu’il était entouré de trois de ses cousins, plus Hatori, ne lui semblait pas la meilleure solution.
Une dernière inspiration, et il acheva de se calmer. Lentement, il leva les mains et les fixa jusqu’à ce qu’elles arrêtent de trembler. Voilà. Maintenant, il pouvait espérer se retrouver en face du jeune homme sans tenter de l’écorcher vif. Il y avait peut-être mieux à faire.
Il ne pouvait plus espérer miner la confiance qu’Akito plaçait en Yuugiri.
Peut-être que, en revanche, il pouvait les empêcher de se revoir…
Peut-être qu’il devrait faire intervenir Ren…

Izumi descendit sur le quai et jeta un regard autour d’elle. Bien. Maintenant, il fallait qu’elle rejoigne les autres. Zurui, de préférence.
Elle ferma les yeux un moment.
Une légère brise agita ses cheveux. Elle entendait toujours ce même appel qui l’avait poussé à revenir jusqu’ici. Est-ce que les autres l’avaient ressenti aussi, ou bien est-ce qu’ils étaient trop proches des deux principaux concernés pour être affectés ?
Elle rouvrit les yeux et prit le chemin du manoir.

Rin avait quitté l’enceinte du manoir et marchait un peu au hasard, profitant de la brise à peine perceptible, mais pourtant agréable, qui balayait la ville, agitant ses cheveux courts.
Elle tourna au coin d’une rue…
… et se figea.
Non. Impossible. Elle ne pouvait pas croire ce qu’elle voyait.
Tohru. Dans les bras de ce sale hypocrite. Et ils s’embrassaient.
Rin écarquilla les yeux.
La main de Tohru se crispa sur la chemise de Shibai. Le jeune homme leva une main, la passant dans ses cheveux. Son autre main se posa sur sa gorge, puis glissa langoureusement – plus bas, un peu plus bas…
« - HEY !!! »
Les deux amoureux sursautèrent, se séparèrent et se tournèrent d’un même geste vers Rin. La jeune fille s’avança vers eux d’un pas vif, pris Tohru par le poignet, et l’éloigna rudement de son cousin.
« - Qu’est-ce qui te prends ? gronda-t-elle. Ne t’approches pas de ce type ! »
Tohru allait protester, quand un ricanement moqueur s’échappa de la gorge de Shibai.
« - Isuzu-chan, c’est un plaisir de te revoir, lança-t-il.
- Va te faire foutre !
- T-t. Ce n’est pas très poli, ça, fit remarquer Shibai, sarcastique. Moi qui pensait qu’avec le temps, tu aurais appris… »
Son regard se posa un moment sur les cheveux courts de Rin.
« - Apparemment non. »
Il s’inclina légèrement devant Tohru.
« - Tohru-kun, je viendrais te revoir bientôt. »
Il fit demi-tour et s’éloigna lentement. Il avait encore des choses à régler, de tout manière.

Chapitre 42 « Reste ! »
Où comment veiller l’un sur l’autre
(Par Bulle)

4 octobre 2000, 17h20



Elle passa vite devant lui, comme un souffle de vent, et il écarquilla les yeux, se demandant ce qu’elle pouvait bien faire là, sous cette pluie froide. Sans réfléchir, il hurla son prénom, et commença à la poursuivre ; ses cheveux lourds et humides lui fouettaient les joues, et l’empêchaient de voir correctement où il allait.
Arrivé à sa hauteur, il lui attrapa les bras, et la cloua au sol, son visage se retrouvant alors tout près du sien.
Deux regards clairs qui se croisent, et une douzaine d’émotions qui s’entrechoquent. Le jeune garçon se racla la gorge, en marmonnant une vague excuse, puis aida sa cousine à se relever.
Tous deux se regardèrent une dernière fois, et lui, remarqua immédiatement les griffures profondes sur les joues de la jeune fille. Celle-ci tourna violemment la tête, mais une main ferme l’attrapa par le menton, pour qu’elle croise à nouveau le regard d’acier de son cousin.
- Tu es écorchée, murmura-t-il. C’est Akito ?
L’adolescente ouvrit des yeux ronds, et s’enfuit en courant. Lui laissa glisser une injure entre ses dents, et recommença à la poursuivre de plus belle. Cette fois-ci le choc fut trop violent, et tous deux tombèrent sur le sol fraîchement boueux. Le blondinet entendit une explosion, puis plus rien. Il était seul, à plat ventre sur le sol alors que quelques secondes plus tôt, il encerclait de ses bras sa cousine.
Le jeune garçon s’agenouilla, et poussa un cri de stupeur. À ses côtés, gisait un marcassin inconscient.

juin 2005

Zurui eut un soubresaut, le premier depuis vingt-quatre heures. Immédiatement, Kagura se pencha davantage sur lui, essayant de lui arracher ne serait-ce qu’un battement de cils. Mais plus rien. Ce devait être un rêve…Ou bien, la proximité soudaine entre elle et lui.
Kagura soupira, et tout en gardant sa main serrée dans celle de Zurui, se retourna sur ses cousins.
- Que doit-on faire maintenant ?
Kenji et Kimitsu s’échangèrent un bref regard, mais ne répondirent pas à la jeune fille.
- Je crois qu’il faut espérer, souffla Hatori, en s’asseyant près de Kagura. Il est
malheureusement possible que le coup qu’il a reçu sur la tête soit très dangereux.
Kagura grimaça, et tourna ses yeux à nouveau sur le doux visage de son ami. Même
inconscient, Zurui gardait un visage vif et lumineux.




4 octobre 2000, 17h05

Kagura sursauta. Un violent grondement avait fait trembler tous les murs du manoir. Dehors, le paysage semblait être devenu celui d’une apocalypse, tant la lumière s’était assombrie. La seule chose qui transperçait le silence était le bruit de la pluie battante, et des coups répétés du tonnerre, furieux et imposant.
La jeune adolescente cala ses quelques mèches brunes derrière ses oreilles, et avança à petit pas dans les couloirs de la large demeure. Arrivée sur le seuil de la grande salle, Kagura se recroquevilla sur elle-même et observa.
Deux ombres, assez frêles, parlaient entre elles avec force. La première fut vite reconnaissable : une voix rauque, un nez pointu, un long kimono, c’était Akito, le terrible chef de famille. Mais à côté, qui était ce jeune garçon un peu vif, et aux gestes nerveux ? Impossible de voir son visage tant la lumière s’était affaiblie. En revanche, leurs voix étaient totalement perceptible.
- Akito-san ! Ecoutez-moi ! Je ne suis là que pour vous servir, je vous le jure ! Regardez
plutôt !
- La ferme ! Je ne veux plus t’entendre !
Kagura frissonna, et enfouit sa petite tête dans le creux de ses mains. Les grondements du tonnerre couvraient les voix des deux jeunes garçons, et les forçaient à élever la voix.
- Que…Que fais-tu ?
- Je vous montre la preuve de ma bonne foi…
Kagura leva les yeux, effrayée et tremblante. L’image qu’elle eut alors devant elle fit bondir encore davantage son cœur dans sa poitrine. Le jeune garçon aux côtés d’Akito était enveloppé d’une aura bleue éblouissante. Lentement, il leva la tête. Le ton de sa voix était tellement inquiétant, qu’il paraissait être atteint d’une quelconque démence.
- Ô, puissant Marduk, Seigneur des Cieux, explique-lui mes desseins ! Explique-lui que
je ne veux qu’aller dans son sens, et empêcher ces maudits de se libérer !
C’en était trop. Kagura poussa un hurlement, tellement strident, qu’il fit disparaître la lumière surnaturelle qui émanait du garçon. Lui et Akito se tournèrent sur la jeune fille, puis se figèrent.
Il y eut un silence de quelques secondes, ou l’on entendait que la pluie, quelque peu diminuée. Kagura ne parvenait toujours pas à discerner les traits de celui qui était avec Akito, mais ne bougea pas, trop apeurée pour faire un mouvement.
Alors, comme pour briser le silence, la silhouette du jeune inconnu se déplaça à une vitesse folle, et sans que Kagura puisse avoir le temps de le réaliser, deux mains froides se refermèrent sur son cou.
Kagura écarquilla les yeux, saisis par la terreur.
- Ça t’amuse de venir nous espionner, sale petite peste ?, susurra-t-il, toujours dans la
pénombre.
Ses doigts relâchèrent doucement le cou de la fillette, et caressèrent ses cheveux
bruns.
- Va-t-en d’ici, tout de suite ! hurla le garçon.
D’un geste vif, il gifla le visage de Kagura, en laissant une large traînée de sang sur son
visage. La petite brune se tint la joue, et gémit quelques mots inaudibles, puis tous deux s’observèrent quelques instants, sans qu’elle ne puisse toujours le reconnaître.
Tout à coup, comme si cet instant devait arriver, un éclair transperça la pièce, au rythme du tonnerre assourdissant, et éclaira le visage froid du jeune garçon…Un visage froid, sans âme, aux yeux gris perle. Shibai…
Kagura hurla de plus belle, et s’enfuit en courant, laissant tomber quelques gouttes de
sang dans le creux de sa nuque.
Dans le jardin, elle ralentit doucement sa course, essoufflée et complètement ébranlée. Le
paysage paraissait désolé, dépouillé par la pluie et par le vent. Kagura marcha alors, traînant des pieds, et ignorant la pluie battante fouetter ses cheveux fins. Puis elle se figea à nouveau. Un autre petit garçon se tenait là, sous un porche, dans ce même jardin. Lui, elle le reconnut tout de suite, car c’était Zurui, son ami. Mais elle en avait trop vu pour l’instant, et recommença à courir.
- Kagura !
Kagura se retourna, et s’enfuit de plus belle : le blondinet avait eu la mauvaise idée de lui
courir après.
-Kagura ! Kagura !!


juin 2005

Kagura soupira à nouveau, et caressa le visage de Zurui. Elle n’y prêtait que peu d’importance à l’époque, mais à présent elle comprenait. Il avait toujours veillé sur elle, et maintenant qu’il était de retour depuis ces si nombreuses années d’absence, elle sentait enfin toute la reconnaissance qu’elle lui devait.



16 octobre 2000


Shiguré tourna la tête avec lenteur. Qui sonnait à une heure si matinale ?
Le chien se leva avec nonchalance, et alla ouvrir.
- Tiens, ça m’aurait étonné, soupira-t-il en tournant le dos à son invité pour aller se
rasseoir.
Zurui entra, et fronça les sourcils.
- Ben c’est comme ça que tu m’accueilles ?
- Oh, disons que je commence à être fatigué par ta bonne humeur matinale, voilà tout,
riposta Shiguré avec légèreté.
- Je peux m’asseoir ? demanda Zurui, comme s’il n’avait pas entendu les sarcasmes du
jeune homme.
- Bien sûr. Il y a même du thé pour toi !
- Merci, souffla le jeune adolescent, en se versant une tasse. Alors, comment se passent
tes journées ?
Shiguré inclina la tête en observant son interlocuteur.
- Zurui, tu es vraiment mature pour son âge, je suis parfois admiratif. Mais tu es
transparent à souhait, pardonne-moi de te le dire. Si tu veux devenir adulte, il faudra que tu montres moins tes émotions. Tu as quelque chose à me dire, je l’ai senti dès que tu es arrivé.
Zurui détourna le regard, et laissa échapper un petit rire ironique. Ses quelques mèches
blondes tentaient vainement de dissimuler son visage empourpré.
- Et bien…murmura-t-il…J’ai promis de ne pas le dire.
- Maintenant c’est trop tard, déclara Shigure en feuilletant distraitement un livre. Donc,
vas-y, je t’écoute.
Zurui serra les dents. Impossible de garder un secret. Il voyait d’ici le regard glacial de
Ryoumi peser sur sa pauvre personne. Elle avait raison : ce n’était qu’un gamin pourri gâté qui ne pensait jamais aux conséquences. Et une fois de plus, il se laissait guider par son envie de tout répéter.
- Je sais pour la malédiction, lâcha-t-il enfin d’une voix rauque. Je sais que vous vous
transformez lorsqu’une personne du sexe opposé vous approche d’un peu trop près, et je sais aussi pour toutes les conséquences que cela engendre.
Shiguré recula légèrement, mais aucune émotion ne trahit son visage.
- Je vois, souffla-t-il. Ca, on peut dire que c’est une belle confidence.
Zurui émit un petit rire, mais ne répondit rien. Si seulement il savait que ce qu’il lui avait dit n’était qu’une infime partie de ce qu’il connaissait. Depuis que Kagura lui avait tout avoué, il s’était vu être responsabilisé d’une mission, trop lourde pour lui. Alors…Etait-ce le destin qui l’avait poussé à découvrir cette terrible malédiction ? Ou avait-il été choisi par hasard ?



juin 2005


Zurui étouffa un cri, se redressa d’un bond, et écarquilla ses grands yeux clairs. Puis, aussi vite qu’il s’était réveillé, le jeune homme retomba lourdement sur le lit, les paupières closes, et le front imbibé de sueur.
Kagura n’eut même pas le temps de réagir. Durant le bref instant où Zurui s’était réveillé, avait-il vu qu’elle était à ses côtés, assise sur le même lit ?
La jeune fille appela Hatori, un peu paniquée.
- Hatori-san ! Il s’est réveillé, puis il est retombé !
Personne. Aucune réponse. Elle n’avait même pas remarqué que les autres avaient quitté
la pièce.
Kagura fronça les sourcils, et voulut se lever. Doucement, elle lâcha la main de Zurui,
toujours fermement pressée contre la sienne, et se redressa. Mais une main tremblante lui pris le bras comme pour la retenir.
Kagura sursauta, et tourna la tête : Zurui l’observait de nouveau, le visage décidé.
- Reste avec moi, s’il te plaît…

Chapitre 43 : Erreur
Ou comment oublier quelqu’un qui ne devrait pas être oublié.
(Par Allie-chan)

ai 2005 :

Shibai s’adossa à un mur et soupira d’aise. Il faisait chaud, mais pas assez pour que ça soit insupportable. De plus, penser que Zurui n’était sans doute pas encore réveillé lui procurait un sentiment d’intense satisfaction. Si seulement le jeune blondinet pouvait ne jamais se réveiller…
Shibai fronça les sourcils. Ses pensées venaient de partir toutes seules, son cœur manquant un battement. Parce que, pendant trente secondes, il avait vu très clairement Zurui mort, ses cheveux blonds encore maculés par le sang, ses yeux clos sur l’éternité. Et Zurui mort, le pari était fini. Gagné. Définitivement.
Et le pari fini, qu’est-ce qu’il lui restait à faire ?
C’était la première fois que cette pensée atteignait son esprit. La fin du pari, la fin de cette histoire. Plus de malédiction, ou bien une malédiction implantée définitivement au cœur de la famille Soma. Plus de Zurui. Plus de défi, plus de surprises, la fin, la fin, la fin.
Shibai laissa échapper un ricanement d’auto apitoiement. Qu’est-ce qui lui prenait, tout à coup ? Comme si tout ça avait de l’importance…
Comme si ça ne suffisait pas qu’il lui arrive de sourire sincèrement quand il se trouvait face à Tohru, voilà qu’il devenait sentimental.
Mais tout de même, voir mourir Zurui laisserait un vide en lui, même si cette issue était probablement inévitable.
Il se détacha du mur et reprit sa marche. Apparemment, l’air chaud-mais-pas-insupportable ne lui réussissait pas tellement. Il ferma les yeux un moment. La mission. Le pari. Il devait penser à ça, et à rien d’autre.
C’était son œuvre. Tout le reste n’avait pas d’importance. Tout le reste pouvait être brisé, balayé, reconstruit à l’infini, mais pas ça. La malédiction était la seule chose à préserver à tout prix. La seule chose qui semblait parfaite dans cette univers.
Parfaite, car l’œuvre de Marduk. Peut-être. Parfaite, car douloureuse à souhait. Sans doute.
Shibai rouvrit les yeux et tourna ses prunelles gris perle vers le ciel. Il lui restait à décider que faire maintenant. Il aurait bien fait payer Rin de l’avoir interrompu, avec Tohru. Il aurait bien été voir Akito, aussi, ne serait-ce que pour la voir tenter de retenir sa colère. Mais là, ç’aurait été dépasser les bornes. Il ne fallait pas tenter le diable, surtout quand le diable en question était le chef de la famille Soma et était presque aussi dangereuse que lui. Peut-être plus. Parce que Akito n’avait pas à doser ses actes en fonction de leurs répercussions. Où en tout cas, ne s’en souciait pas.
Les pensées du jeune homme revinrent à Tohru. La jeune fille était prise dans ses filets, il en avait eu la confirmation la veille. Elle ne pouvait plus se défaire de lui maintenant. Elle ne pourrait pas vivre avec son absence, ce vide dans le cœur qui la dévorerait peu à peu…
Il lui aurait suffi d’un geste pour l’avoir, au fond. Un geste, un mot, un moment qui l’éloignerait définitivement des Soma, les empêchant de subir de nouveau cette influence, cet espoir insoutenable qu’elle avait réussi à infiltrer en chacun d’eux, oui, même Akito, même la redoutable chef de la famille Soma s’était laissée avoir, même si elle refusait de l’admettre ou même de laisser quiconque le voir. Mais lui l’avait bien senti, ce doute imperceptible qui s’était introduit en elle, fissurant légèrement ce mur d’insensibilité qui l’entourait depuis tant d’années, depuis le départ de Yuugiri…
Shibai se laissa aller en sourire en songeant à Zurui. Jamais le jeune blond n’aurait pu imaginer que le déclencheur de la prophétie ne viendrait pas de lui. Pourtant, le véritable départ, ce qui leur avait permis à tous de s’approcher de nouveau des maudits, même après que la faille ayant provoqué l’envol définitif de l’oiseau se soit refermé, c’était l’arrivée de Tohru dans cette famille. C’était cette tendre affection que la jeune fille semblait avoir pour tous, sans aucune exception. Même pour ceux qui ne le méritaient pas. Même pour Akito. Même pour lui.
Même pour lui…
Un rire un peu trop aigu, un peu trop fou, s’éleva dans les airs. Finalement, la vrai clé, personne ne l’avait vue arriver. Personne ne la verrait repartir.
Le pari était déjà gagné.

Izumi frissonna en entendant un rire s’élever dans les airs, un rire sans joie, un rire qui ne portait que la démence, la haine, et une passion trop forte pour être saine, trop brute pour être humaine.
Elle tourna au coin de la rue, dans la direction du bruit, et se retrouva face à un jeune homme qui devait avoir son âge, à peu près. Des cheveux noirs comme le jais. Des yeux gris perle. Shibai.
Elle le reconnut aussitôt. C’était le genre de personne qu’elle ne pouvait pas oublier, même si, en l’occurrence, elle ne l’avait jamais vraiment connu. Et le rire, surtout, lui était familier, ce rire désagréable qu’elle avait entendu si souvent durant son enfance, alors que Ren la faisait attendre pour une autre « mission »…
Elle recula d’un pas, et se le reprocha aussitôt. C’était idiot. Il ne pouvait pas la reconnaître, parce qu’il ne l’avait jamais vu. Jamais.
Elle était sans doute la seule d’entre eux à ne s’être jamais fait voir, d’ailleurs. Shibai et Zurui semblaient avoir oublié jusqu’à son existence. Très bien. Ça pouvait servir.
Elle se moquait de cette prophétie. Elle se moquait de ce que Ren pouvait dire. Elle se moquait de ce que « ils », les autres, ceux qu’elle était la seule à voir, pouvaient dire. Elle ne laisserait personne faire du mal à Ritsu. C’était tout ce qui comptait.
Elle sourit, se redressa, et passa devant Shibai sans un mot. Inutile qu’il sache qu’elle aussi était impliquée. Inutile qu’il sache qu’elle était là.
Elle devait parler à Zurui. Très vite.

Shibai fronça légèrement les sourcils. Cette fille… Cette fille aux cheveux châtain et aux grands yeux très noirs, très sombres, qui venait de passer devant lui sans un mot…
Il s’arrêta de marcher. Il y avait quelque chose avec elle, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Peut-être le regard qu’elle lui avait lancé. Peut-être l’hésitation qu’il avait lu dans ce simple geste qu’elle avait amorcé, presque inconsciemment semblait-il. Comme si…
Comme si elle le connaissait…

Juin 1997 :

Izumi attendait dans l’antichambre. Ren parlait avec quelqu’un d’autre, un petit garçon très mignon, de son âge, qu’elle avait vu plusieurs fois auparavant mais qu’elle ne connaissait pas. C’était étrange, d’ailleurs. Sa mémoire retenait sans problèmes les informations très importantes, mais laissait souvent passer tout le reste. Pourtant, elle se souvenait toujours du visage de ce garçon, alors qu’elle ne savait même pas son nom.
La porte était entrouverte. Ren ne s’en était probablement pas rendu compte. Izumi grimaça. Ecouter aux portes, ce ne serait pas mignon. Pas mignon du tout. Mais Ren non plus n’était pas mignonne. Elle la faisait toujours attendre des heures, alors que elle, elle aurait voulu aller voir Ritsu, plutôt.
L’adolescente s’approcha de la porte et jeta un œil rapide à l’intérieur.

Ren passa une main sur la joue de Shibai. Le garçon lui plaisait. Il était intelligent et faisait ce qu’elle lui demandait sans poser de questions. Une mine d’informations intarissable, vraiment, tout ce dont elle avait besoin. Avec lui et Izumi, elle avait tout ce qu’il lui fallait, pour surveiller sa fille, entre autres.
« - Tu ne me trahiras jamais pour Akito, n’est-ce-pas, Shibai-kun, susurra-t-elle. »
Shibai sourit. Un sourire qui ne reflétait aucune joie, mais qui faisait parfaitement l’affaire, en l’occurrence. Ren était toujours si facile à manier, bien qu’étant persuadée du contraire.
Un jeu d’enfant, pensa-t-il, non sans ironie.
Il s’inclina légèrement devant elle.
« - Jamais. Je ne pourrais jamais servir qui que ce soit d’autre, souffla-t-il, songeant qu’il venait de dire la même chose à Akito. »
Il releva la tête…
Et fronça un sourcil, pendant une fraction de seconde, avant de reprendre un air impassible. Quelqu’un était en train de les observer par l’entrebâillement de la porte. Ce n’était pas un des maudits. Ce n’était pas un des larbins de Zurui. Alors ça n’avait aucune importance.
Il ne servait à rien de retenir ces grands yeux noirs…

Mai 2005 :

Shibai se tendit brusquement. Ren. C’était là qu’il avait croisé ce regard pour la première fois. Le jeune homme réprima un frisson en comprenant qu’il venait de commettre une erreur pour la seconde fois en dix-neuf ans de vie.
Et, encore une fois, l’erreur détruirait tout ce qu’il avait bâti.
Il fit demi-tour et courut après la jeune femme, tournant au coin de la rue, derrière elle. Mais elle avait déjà disparu.

Chapitre 44 Retrouvaille
Où comment un frère et une soeur s'échangent des souvenirs.
(Par Bulle)

Les grands yeux noirs de la jeune femme s'animaient doucement au rythme du thé qui s'écoulait dans le fond de sa tasse. Mais comme l'épaisse fumée brûlante commençait à lui piquer le nez, Izumi recula un temps du bar devant lequel elle s'était installée, en attendant que le restaurateur ait terminé de la servir.
- Dômo, souffla-t-il
- Arigatô, répondit Izumi en souriant faiblement.
Avec précaution, elle saisit la tasse désormais pleine, puis commença à boire lentement. Le liquide chaud et fort la rassurait un peu.
Un coup d'oeil à gauche, puis un autre à droite... C'était bon. Il ne l'avait pas poursuivi. Ou peut-être l'avait-elle réellement semé... Les conseils des esprits étaient parfois de bon augure...
- Tu avais raison, murmura-t-elle dans le vide sans réfléchir, cet endroit est une bonne
cachette. Merci, tu es mignon.
Le bruit régulier du couteau martelant la planche de bois s'arrêta tout à coup. Le restaurateur, occupé de l'autre côté du bar à découper des morceaux de poissons crus, leva son regard effaré sur Izumi.
- Que... Qu'avez-vous dit? articula-t-il.
Izumi sursauta : par réflexe sûrement, l'homme avait pointé son couteau sur le visage de la jeune femme.
- Olala, c'est pas mignon de brandir une arme comme ça, releva-t-elle en riant. Et puis, je n'ai
rien dit!
L'homme à la toque blanche recula d'un pas, visiblement persuadé qu'Izumi était complètement folle. La jeune femme s'en aperçut, et soupira. Il n'avait peut-être pas tort...

Kenji inspira un grand coup, tendit non sans crispation son index, puis le dirigea lentement vers la sonnette. Mais il n'arrivait toujours pas à appuyer. C'était la troisième fois qu'il faisait une tentative pour se rétracter au dernier moment.
Kenji soupira profondément et s'assit sur les marches qui donnaient au jardin. La tête prise entre ses deux mains, il tenta de reprendre son calme et ses esprits. Il fallait bien prendre une décision : ou bien il sonnait une bonne fois pour toute, ou il s'en allait. Pas besoin de rester planté là toute la nuit. L'adolescent se mordit les lèvres, puis se releva, les jambes chancelantes. D'un coup d'un seul, il appuya sur le bouton. C'était ridicule... Le bruit était trop faible, personne de l'autre côté de la porte n'avait dû l'entendre, mais il ne parvint pas à sonner une seconde fois. Il examina ses chaussures quelques secondes, instant bref qui lui parut néanmoins très long, puis la porte s'ouvrit doucement.
- Oh, je me disais bien que quelqu'un avait frappé, fit une voix féminine.
Kenji leva brusquement sa tête baissée, et comprit aux yeux écarquillés de la jeune femme, qu'elle ne l'avait pas reconnu tout de suite. Les yeux bleus glacé du garçon se posèrent avec force sur ce visage surprit, avant que sa bouche ne s'ouvre.
- Nee-san... Souffla-t-il.
- Kenji-kun, répondit-elle sur le même ton, que fais-tu ici?
Kenji eut un sourire gêné, puis s'approcha de Kana. D'habitude, c'était toujours elle qui le prenait dans ses bras lorsqu'ils se voyaient : lui était trop froid et trop pudique pour faire le premier pas. Mais ce soir, la stupéfaction se lisait tellement sur le visage de sa grande soeur, qu'il ouvrit maladroitement les bras pour la serrer contre lui.

Hatori fouilla dans sa mallette, et saisit un petit marteau.
- Et si je tape là?
- Bof.
- Et là?
- Mouais.
- Et là?
- Ouch!
- Bon, tes réflexes marchent parfaitement. La tête qui tourne?
- Oui, mais rien à voir avec tout à l'heure.
- Bien. Nausées?
- Heu non.
- Incline la tête... Merci. Respire... Plus fort... Merci. Est-ce que ça fait mal?
- Un peu...
- Fait "Aaaa"
- AAAAAA...
Zurui se redressa du lit sur lequel il se faisait ausculter, et observa le médecin d'un regard accusateur.
- Hé, mais pourquoi tu veux m'examiner la gorge? Quel est le rapport avec un coup sur la
tête?
Hatori haussa un sourcil.
- Aucun, et justement, j'attendais que tu le relèves. C'est bien, tu ne sembles pas avoir perdu
de vivacité dans tes réactions.
- Heureusement, lâcha Kimitsu d'une voix acide, sinon, il ne serait plus rien resté.
La jeune fille aux cheveux bleus était adossée à la fenêtre, quelque peu dissimulée derrière le voile de fumée que provoquait sa cigarette.
- Kimi, répliqua fraîchement Zurui, oublies-moi, tu veux?
Il fronça les sourcils, se tue quelques secondes, puis d'une voix sourde demanda:
- Ou est Kenji?
Un silence accueillit sa réponse. Il savait que l'évocation du jeune homme embarrasserait Hatori, et visiblement, Kimitsu préférait respecter cette gêne avant de prendre la parole.
La jeune femme aspira deux longues bouffées de cigarette, puis répondit très vite :
- Il... Il est allé faire une course...
- Et il m'a demandé de lui envoyer un message dès que tu te réveillerais, précisa Kagura
docilement installée près de Zurui, et je l'ai fait.
- Un message, hein? releva le garçon au catogan avec un sourire ironique. Il ne voulait pas
que vous l'appeliez? Pour ne pas être dérangé, je suppose.
Zurui parcourut brièvement le regard atterré de Kagura, le visage froid de Kimitsu et l'expression figée d'Hatori. Peut-être que c'était le moment de lancer le sujet.
- Kimi, Ha-san serait-il intéressé par l'endroit où est Kenji actuellement?
Les lèvres pincées de la jeune femme remplacèrent une réponse affirmative.
- Je vois, souffla-t-il en souriant. Ha-san, ajouta-t-il en tournant ses yeux bleus vif sur le
médecin, Kenji est chez Kana. Tu devrais y aller, toi aussi.

- Tu aimes toujours le thé à la vanille?, lança joyeusement Kana de la cuisine.
- Toujours, confirma Kenji, installé sur le sofa.
- J'ai du gingembre confit en plus, renchérit sa grande soeur en passant la tête par
l'embrasure de la porte.
- Oh, non merci, je n'ai pas faim, répondit le garçon d'une voix faible.
Son estomac était noué par l'émotion : ce qu'il devait faire l'obsédait.
Kana apporta deux tasses fumantes, puis s'assit en face de Kenji. Son sourire n'était qu'une illusion : en levant la tête, elle jeta un regard sévère sur l'adolescent, qui déglutit difficilement.
- Tu es complètement inconscient ou quoi? s'exclama-t-elle. Les parents ne savent
absolument pas ou tu es passé : ils m'ont appelé à plusieurs reprise cette semaine, morts d'inquiétude!
- S'ils avaient un peu mieux cherché, ils m'auraient trouvé, rétorqua Kenji avec mépris. Je
suis encore surpris qu'ils n'aient pas eu l'idée d'appeler Shiguré, ou un autre Sôma habitant ici. Cette piste était la plus probable, il me semble...
- Apparemment, ils l'ont fait, coupa Kana. Mais Shiguré n'en savait rien.
- Tiens donc. Shiguré veut me couvrir? Ou bien, peut-être que ma discrétion a-t-elle été plus
efficace que je ne pensais...
- Pardon?
Kenji jeta à sa soeur un oeil troublé, comme s'il ne s'était pas rendu compte qu'il avait pensé à voix haute.
- Hum laisse tomber, trancha-t-il d'une voix presque inaudible. Écoute, je les appellerai, mais
par pitié, ne t'en occupes pas.
Kana répondit par un faible sourire, puis décida de changer de sujet.
- Alors, que viens-tu faire ici?
- J'ai... J'ai eu quelques petites affaires à régler, répondit Kenji, le regard porté au loin. Et toi,
comment vas-tu?
- Je suis bientôt en vacances. Et je suis heureuse,avoua-t-elle.
- Oh... Tu es fiancée, n'est-ce pas?
- Bientôt mariée. J'ai justement envoyé le faire part de mariage aux parents il y a quelques
jours.
Kenji s'enfonça plus profondément sur le sofa, puis jeta à sa soeur un regard entendu.
- Je suis content pour toi, répondit-il dans un murmure.
- Je te crois, admit Kana en buvant une gorgée de thé. Mais tu as l'air préoccupé par quelque
chose.
Kenji baissa la tête en signe de soumission. Oui, quelque chose n'allait pas, et pour cause : Kana allait bien, elle se mariait, Hatori n'était pour elle que son ancien patron, rien de plus. Et lui s'en fichait d'ailleurs pas mal de ce que ce médecin avait pu ressentir. Tout ce qui comptait c'était sa soeur, et rien d'autre. Seulement... Son pouvoir de restitution de la mémoire ne lui avait pas été légué par hasard.
"Tant que la prophétie n’aura pas abouti, tu ne pourras pas te délier de ta mission".
Cette voix... Il ne savait même plus à qui l'attribuer : à Zurui? À l'un de ses sbires? Ou bien à Ea elle-même?
- Kenji? Kenji! Tu m'entends?
Kenji releva brusquement les yeux, et frissonna. Il comprit, à l'expression inquiète de sa grande soeur qu'il ne devait pas avoir l'air en forme. De larges gouttes de sueur perlaient sur son front, et lui piquaient les yeux, alors que le sang semblait se vider de son crâne.
- Pardonne-moi nee-san mais il faut que je te le dise : on t'a effacé la mémoire.

Izumi leva les yeux au ciel, un peu agacée par l'expression sceptique que lui lançait le restaurateur. Elle avait beau lui expliquer que non, non, elle n'était pas folle mais juste un peu dans la lune, l'home n'avait cessé depuis vingt minutes de la surveiller, sursautant à chaque fois qu'elle poussait le moindre soupir.
- Bon, ça suffit comme ça, souffla-t-elle, le visage assombri.
La jeune femme fouilla dans son sac pour en sortir son portefeuille. Elle avait toujours rangé ses affaires n'importe comment, et chaque fois qu'elle se lançait à la recherche d'un objet quelconque, cela lui prenait un certain temps. Inclinée d'avantage sur son siège, elle retourna avec précaution tout ce que son sac contenait, en poussant de profonds soupires tintés d'exaspération, jusqu'à ce qu'une main douce et froide enveloppe sa nuque, et interrompt sa recherche. Izumi se redressa lentement, les yeux fermés par la concentration, mais tous ses sens en éveil. Elle n'osa pas tout de suite se retourner.
- Shibai? dit-elle dans un terrible murmure.
- Alors tu connais mon prénom? répondit la voix froide tout près de la nuque de la jeune
femme. Enchanté. Izumi-san, c'est bien cela?
Izumi tourna brusquement la tête, le visage profondément crispé, mais déterminé. Elle voulut faire un geste, se lever de son tabouret, ou seulement lui coller une gifle. Mais Shibai, comme s'il avait pu lire dans ses pensées, attrapa avec calme les deux bras de la petite brune, puis les plaqua le long de son corps.
- Tututut, tout doux ma belle. Tu ne voudrais tout de même pas que quelqu'un nous remarque
ici, mmm? Viens avec moi.
Izumi acquiesça, le visage sans expression. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais tout chez Shibai lui faisait peur. C'était comme ça depuis qu'elle était toute petite, et avec le temps, les craintes ne s'étaient pas estompées.

Izumi suivit prudemment Shibai à travers les ruelles sombres. Lui la tenait toujours par la main, une main étonnement froide pour un si chaud climat. Son pas était vif, et sa démarche assurée, mais son regard circulaire, qu'il jetait sans cesse à droite et à gauche, trahissait son anxiété.
- Tu as peur qu'on soit suivis? risqua Izumi.
- Oui et non, gronda-t-il.
Il portait un tee-shirt blanc, très court au niveau des manches, et qui contrastait singulièrement avec sa peau mâte. S'il n'avait pas cet éclair de démence au fond des yeux, elle l'aurait trouvé terriblement attirant.
Izumi sentit soudain cette main froide et inconnue se refermer avec plus de vigueur contre la sienne, et déglutit difficilement. Shibai se tourna avec violence, le visage livide de colère, et l'empoigna pour mieux la bloquer contre le mur d'une maison isolée.
- Non, pitié, arrêté, gémit Izumi, visiblement terrorisée.
La jeune femme ferma les yeux aussi fort qu'elle pu et pinça les lèvres : elle ne voulait plus rien voir ou entendre. Shibai ignora ses plaintes, et passa de chaque côté d'elle l'un de ses bras, afin de l'immobiliser totalement. Alors à nouveau, il maîtrisait la situation pleinement, et son sourire acide réapparu sur le coin de sa bouche.
- De quel côté es-tu? demanda-t-il avec force.- Il s'approcha plus près d'elle, et lui
écarta avec délicatesse les cheveux bruns qui lui retombaient sur le visage. - Et j'aime autant te prévenir, poursuivit-t-il d'une voix suave, je ne supporte pas les mensonges.

La porte s'ouvrit dans un souffle, puis se referma dans un claquement sourd. Les pas d'Hatori retentirent dans le couloir, puis s'évanouirent. Un courant d'air décoiffa les mèches blondes de Zurui qui étaient lourdement réparties autour de son visage. Kimitsu l'observa, ses yeux d'or si violemment écarquillés par la colère.
- Mais tu es idiot, ou quoi? Pourquoi tu le lui as dit? Ne me dit pas que c'est ta pu*ain d'envie
de tout répéter qui t'as poussé à le faire!
- En effet, ce fut un soulagement pour moi, admit Zurui, le regard perdu dans le vague. Mais
détrompe-toi, tout était prévu. Hatori va aller chez Kana, et il y trouvera Kenji. Maintenant, je ne sais pas s'il arrivera avant ou après qu'elle récupère ses souvenirs.
- Et en quoi cela peut-il être utile? cracha Kimitsu, visiblement hors d'elle. Tu t'amuses à
jouer le prophète comme ça, mais sais-tu seulement les cataclysmes que tu risque de provoquer en t'organisant tes sensations fortes? Ton petit jeu commence à devenir pénible; tout le monde dans cette foutue famille pourrait en témoigner!
Ces allusions firent rougir Kagura, qui s'éclipsa avec discrétion dans la cuisine. Zurui ouvrit un peu plus les yeux, et les braqua sur Kimitsu. Un voile triste passa sur son visage, un peu désespéré. Même son sourire ironique avait disparu.
- Oui, énonça-t-il platement, je provoque toujours un cataclysme, Kimi-chan. Je suis comme
ça. Pourquoi crois-tu qu'Akito veuille ma mort? Même à Tohru, il ne veut pas lui faire autant de mal - il eut un petit rire sans joie. Seulement, là où tu fais erreur, c'est que je ne joue pas. Je ne joue plus. La prophétie est ce qu'elle est, et moi, j'en suis son instrument, voilà tout. Il était prévu qu'Hatori soit là au moment où Kenji et Kana devaient se retrouver, et si je n’étais pas intervenu, un autre procédé aurait mené au même résultat.
Zurui observa Kimitsu du coin de l’œil, et laissa passer quelques secondes avant de poursuivre.
- Crois-moi si tu veux, lui confia-t-il enfin, mais je ne veux faire de mal à personne.
Un lourd silence ponctua ses paroles. Dehors, le doux roulis des voitures berçait le rythme un peu enivrant du soir. Kimitsu ne dit plus rien, et s'approcha de son cousin.
- Pardon, je suis stupide, soupira-t-elle.
Puis dans un élan un peu maladroit, elle prit Zurui dans ses bras, qui accueillit avec générosité la maigre tendresse qu'elle lui donnait.

Chapitre 45 : Mensonge.
Ou comment hésiter entre une erreur et une erreur.
(Par Allie-chan)

Mai 2005 :

Izumi retint sa respiration, incapable de trouver une réponse. Dans quel camp était-elle ? Elle ne savait pas vraiment. Ils l’avaient tous parfaitement oubliée, en fait. Comme si son rôle dans tout ça ne pouvait rien changer à l’issue du pari.
Enfin, oubliée n’était pas le mot exact. On oublie pas quelqu’un qu’on a jamais connu…
La jeune fille ferma les yeux, incapable de regarder une seconde de plus ces prunelles grises qui la fixait, paraissant lire chacune de ses pensées. Maintenant, elle savait ce qu’une souris pouvait ressentir sous le regard d’un serpent…
Même s’il l’avait lâchée, elle aurait été incapable de faire un geste, pour se défendre ou s’enfuir. Et elle ne disait toujours rien, même si elle savait qu’il fallait qu’elle réponde, vite, qu’elle réponde n’importe quoi, mais quelque chose, parce que sinon il allait perdre patience, et elle sentait qu’il ne serait pas bon que Shibai perde patience, surtout pour elle, parce que il était plus jeune qu’elle, mais là, avec ce regard de fou, il était capable de tout, qu’elle lui mente ou lui dise la vérité.
Une vérité qu’elle n’était pas sûre de connaître.
Izumi tenta de réfléchir à toute vitesse. D’abord, elle était au service de Ren, et Ren n’accepterait pas que la malédiction s’efface, jamais, donc elle devait être du côté de Shibai. Oui mais il y avait Ritsu, Ritsu qu’elle connaissait depuis toujours ou presque, Ritsu qui était son seul ami, et plus encore, et elle ne voulait pas qu’il souffre, alors elle devait vouloir que la malédiction s’efface, et donc elle était du côté de Zurui.
Très vite, elle en arriva à une conclusion : quelle que soit sa réponse, elle avait besoin d’aide.

Yuugiri avait attiré Akito sur ses genoux et serrait doucement la jeune femme contre sa poitrine. A son grand soulagement, elle n’était pas devenu hystérique quand il lui avait appris que Zurui était chez Hatori. Elle n’était pas non plus entrée dans une colère noire, elle n’avait pas tenté de se ruer chez le médecin pour étrangler son patient sans autre forme de procès. D’ailleurs, la pièce était encore intacte.
En revanche, elle était fiévreuse.
Yuugiri soupira. Il s’inquiétait énormément pour Akito. La malédiction dévorait la jeune femme, c’était évident. Il voulait faire quelque chose contre ça.
Akito marmonna quelque chose et sa main se crispa sur la chemise du jeune homme. Elle remua légèrement et ses paupières se fermèrent.
« - Yuugiri… souffla-t-elle.
- Shhh. Dors. »
Dors et repose-toi.
Il resserra doucement son étreinte sur le corps fin d’Akito. C’était tellement étrange de la voir ainsi, si faible, elle qui faisait toujours la forte…
Elle a peur. Elle a peur de ne plus rien avoir si cette malédiction s’achève.
Akito le lui avait dit, des années plus tôt, même si elle l’avait probablement oublié.

Novembre 1993 :

Yuugiri était assis presque au centre de la pièce. Juste devant lui, Akito s’était affalée sur le sol, ne parvenant pas à rester assise. Le jeune garçon soupira. Elle n’aurait pas dû essayer de se lever. Elle avait encore de la fièvre.
Etre malade était devenu une habitude, pour Akito. A chaque hiver, sa santé se dégradait à une fréquence telle que ç’en était effroyable.
Pas qu’en hiver, d’ailleurs, songea Yuugiri.
Il se demandait vraiment si Akito serait condamnée à passer de fièvre en maux de têtes jusqu’à la fin de ses jours. Tout ça à cause de cette malédiction…
C’était injuste.
Il passa doucement ses doigts sur le front de la jeune fille, écartant ses mèches d’ébène.
« - Yuugiri… souffla-t-elle. »
Le jeune garçon soupira. Akito semblait prête à perdre conscience d’un moment à l’autre. Son front était brûlant de fièvre. Il savait qu’il aurait dû appeler Hatori, mais il savait aussi que jamais la jeune fille ne lui aurait pardonné ça.
« - … reste… »
Les yeux bleu nuit s’écarquillèrent légèrement. Il ne comptait pas partir. Pourquoi…
Il étouffa un nouveau soupir en comprenant qu’Akito délirait.
« - … ils vont tous partir… la malédiction… brisée… plus rien… seule… »
Yuugiri se tendit quand la jeune fille commença à sangloter. Il ne savait pas quoi faire. De toute évidence, Akito était à peine consciente de sa présence. Il ne pouvait pas…
Quand les frissons se changèrent en convulsions, Yuugiri paniqua et, sans même y penser, attira Akito dans ses bras.
Il la tint contre lui jusqu’à ce qu’elle se calme…

Mai 2005 :

Lui, jamais il ne l’abandonnerait. Jamais il ne pourrait. Cette pensée ne lui aurait même pas effleuré l’esprit.
Il fallait juste qu’elle le comprenne…

Ryoumi s’était arrêtée à quelques mètres de la maison de Shiguré. Elle voulait parler à Kyô. Elle le voulait de toutes ses forces mais… elle n’osait pas. Elle ne voulait pas le déranger. Il avait été assez clair à ce sujet, non ? Il ne voulait plus la voir, c’était tout. Elle n’avait pas à y retourner.
Mais pourquoi est-ce que ça lui faisait si mal ? Elle n’arrivait plus à penser à autre chose. Depuis qu’il lui avait dit ça…
Elle n’existait plus pour lui. Ce n’était pas si compliquer à comprendre. Alors pourquoi est-ce qu’elle ne pouvait pas l’admettre.
Ryoumi recula, se dissimulant dans l’ombre des arbres, quand Kyô sortit. Le jeune homme rejoignit Tohru, qui se tenait juste devant la porte, l’air ailleurs. Il lui posa une main sur l’épaule.
Ryoumi serra les poings.
Tohru sursauta et s’écarta vivement, visiblement surprise par la présence de Kyô. Les deux jeunes gens échangèrent quelques mots, puis Tohru hocha la tête et suivit Kyô alors qu’il s’éloignait de la maison.
Ryoumi se mordit les lèvres pour ne pas hurler. Sans trop savoir pourquoi, elle sentit soudain une bouffée de haine meurtrière pour Tohru. Il lui fallut un certain temps pour comprendre qu’elle était maladivement jalouse de la jeune fille.

Kyô avait proposé à Tohru de marcher un peu, et la jeune fille avait acquiescé.
Mais elle était ailleurs. Il y avait quelque chose qui la troublait, c’était évident, et Kyô aurait voulu savoir quoi, ne serait-ce que pour pouvoir l’aider.
Il lui devait bien ça, non ? Après tout, elle l’avait aidé à accepter sa troisième forme, quand même Ryoumi…
Arrête de penser à elle ! Elle ne doit pas être impliquée dans tout ça…
« - Rin avait l’air plutôt fâchée… »
Tohru se tourna vers lui, surprise. A vrai dire, Kyô lui-même ne savait pas trop où il avait voulu en venir en commençant cette phrase.
« - Quand elle t’a raccompagnée, l’autre soir, poursuivit-il toutefois. »
Tohru rougit comme une tomate et hocha faiblement la tête.
Rin était loin d’apprécier Shibai, apparemment. Comme beaucoup de monde – tous ceux qui le connaissait, apparemment. Et Tohru les comprenait, à vrai dire. Si tout cela était vrai – et ça l’était…
Tohru soupira. Elle se doutait bien qu’elle aurait dû les écouter. Si même Shiguré s’en méfiait, il devait bien y avoir une raison. Mais elle ne pouvait pas s’en empêcher…
« - Je crois que je l’aime, souffla-t-elle sans se rendre compte qu’elle parlait à voix haute. »
A côté d’elle, Kyô marqua un temps d’arrêt.
« - Rin ? demanda-t-il doucement
- Ah, non, non ! Ce n’est pas ce que je voulais dire !!! Je n’aime pas Rin, enfin si, je l’aime bien, mais euh… »
Kyô laissa échapper un rire, à côté d’elle.
« - Ça va, souffla-t-il. J’ai compris. »
Tohru rougit de nouveau.

Ryoumi avait fui. Encore. Elle ne savait rien faire d’autre, pas vrai ? Elle n’avait même pas la force de se battre pour garder Kyô près d’elle…
Elle n’en avait même pas le droit. Il ne voulait pas d’elle il ne voulait pas d’elle il ne voulait pas d’elle. Ryoumi se passa cette phrase en boucle, comme si le répéter pouvait rendre les choses plus faciles.
Ryoumi s’arrêta en s’apercevant qu’elle s’était écartée du chemin. Et voilà. Maintenant, en plus, elle allait se perdre.
La jeune fille soupira. Il ne manquerait plus que ça…
Elle hésita un moment, puis décida de rebrousser chemin. Elle finirait bien par retrouver sa route…
La jeune fille cilla en s’apercevant qu’à défaut de trouver son chemin, elle avait au moins trouvé quelque chose.
Un jardin potager s’étendait devant elle. Et, juste là, il y avait…
« - Yuki-kun ? s’étonna-t-elle. »
Le jeune homme se retourna, visiblement étonné de voir quelqu’un ici.
« -Ryoumi ? »
Elle hocha la tête, réussit plus ou moins à afficher un sourire, et le rejoignit doucement.
« - C’est toi qui as… »
Elle laissa sa phrase en suspens, la ponctuant d’un geste vers le potager. Son interlocuteur hocha la tête, et un long silence s’installa, aucun des deux ne trouvant autre chose à dire.
« - Ryoumi… qu’est-ce qui se passe ? demanda finalement Yuki »
Il la regardait avec des yeux inquiets, et Ryoumi eut un instant de panique pendant lequel elle se demanda s’il avait entendu quelque chose à propos de Zurui ou de ce qu’il voulait faire, et si oui est-ce que c’était grave, et si oui est-ce que…
Elle sentit quelque chose de mouillé sur sa joue et compris qu’elle était simplement en train de pleurer. Encore.
Elle baissa la tête et s’essuya rapidement les yeux.
« - Ce n’est rien, souffla-t-elle. »
Rien du tout…
Tu n’es rien pour moi…
« - C’est juste un idiot ! explosa brusquement Ryoumi »
Yuki sursauta, saisi par l’exclamation brutale de la jeune blonde. C’était tellement rare de la voir perdre son calme…
« - Kyô… comprit-il. »
Ryoumi haussa les épaules, une moue boudeuse de petite fille plaquée sur son beau visage.
« - C’est un idiot, répéta-t-elle avec nettement moins de conviction.
- Vous vous êtes disputés ? »
Ryoumi secoua la tête après un instant de réflexion. Non, on ne pouvait pas vraiment appeler ça une dispute. Pas de cris, pas de répliques cinglantes…
Juste ces mots et le gouffre qu’ils avaient crées.
« - De toute façon, ce n’est pas important, murmura-t-elle. Il ne veut plus me voir, c’est tout.
- Comment le sais-tu ?
- Il me l’a dit.
- Ce n’est pas parce qu’il l’a dit qu’il le pense. »
Ryoumi haussa un sourcil, déconcertée par cette nouvelle théorie. Elle n’y avait pas pensé. Mais…
Non. Il y avait eu trop de sincérité dans sa voix et dans ces yeux pour qu’elle y croit encore…

Kana releva la tête, saisie, et fixa son jeune frère pendant un moment.
« - Quoi… Kenji… De quoi… »
De quoi est-ce que tu parles ?
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Bulle
posté Jan 12 2006, 07:55 PM
Message #8


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Les Ecorchés

Part. VII


QUATRIEME PARTIE : LE DENOUEMENT - encore la suite...

Chapitre 46 : Yela.
Où comment un chat et un rat se font secoués par un petit diable.
(Par Bulle)

Yuki Sôma entra avec précaution chez Shiguré, sans faire de bruit. Les événements parlaient d’eux-mêmes : l’heure n’était plus aux disputes.
Comme il ne vit personne, Yuki escalada le toit sans même réfléchir. Kyô était bien là, les genoux repliés contre sa poitrine, et le visage de cendre. Ses yeux carmin semblaient refléter une intense réflexion qui le taraudait depuis sa conversation avec Ryoumi. Yuki l’aurait juré. Un instant, le jeune home se pinça les lèvres, hésitant, prêt à fuir devant son pire ennemi. Mais son envie d’arranger les choses entre cet imb*cile et sa cousine, si gentille et si proche de lui, le décida.
- Tu comptes rester là toute la nuit ? lâcha Yuki d’un ton abrupte.
Kyô ne tourna même pas les yeux. Peut-être d’ailleurs savait-il déjà que son cousin l’observait depuis quelques minutes. S’il ne répondait plus à ses provocations, c’est que ça ne devait vraiment plus aller.
Yuki soupira, et s’assit près du rouquin à contrecœur. Mais aucune colère ne se fit sentir, ni en lui, il en était sûr, et ni peut-être en Kyô.
- Si tu supportes ma présence, c’est que tu l’aimes, pas vrai ? risqua Yuki en jetant un
regard oblique sur son cousin.
Kyô releva distraitement la tête, et fixa les arbres assombris par la lumière chaude du soir.
Il semblait indifférent à toute proximité ou à tout dialogue avec Yuki. Puis machinalement, il prit la parole.
- Je m’en fiche de toi. Mais je connais le lien qui nous unis à tous les quatre, toi, moi,
Kimitsu et Ryoumi. Alors tu as peut-être raison. Si je supporte ta présence c’est que la malédiction est en danger. – Il laissa échapper un rire amer. – Mais Akito nous l’en empêchera. Et Ryoumi sera victime de la responsabilité qui pèse sur ses épaules. Je veux la laisser en dehors de tout ça. Tant pis pour la malédiction.
Yuki écarquilla les yeux, surpris. Son cousin avait parlé avec sagesse, même si il se trompait, c’était évident. Son esprit borné et impulsif, qu’il avait toujours détesté, prenait ce soir une autre dimension. Il y voyait à présent de la détermination, et une volonté sans borne, un peu comme Kimitsu.
Le rat tressaillit. Comme Kimitsu. . C’était peut-être pour cela qu’il appréciait davantage Kyô. Il en était presque peiné.
- J’ai bien peur que tu ne puisses rien faire pour empêcher tout ça, expliqua Yuki d’une
voix sobre.
- Il a raison.
Les deux adolescents sursautèrent dans un même mouvement. Cette voix rauque provenait du toit, mais en regardant autour d’eux, ils ne trouvèrent personne.
- Qui est là ? demanda Kyô avec chaleur.
- Je suis ici, reprit la voix grave.
Zurui s’installa confortablement aux côtés de Yuki comme si de rien n’était. Il ne le
regarda pas, mais un large sourire fendait son visage malicieux.
- Comment es-tu arrivé là? s’écria Kyô, les sourcils froncés.
- Par le même moyen que vous, rétorqua Zurui en haussant les épaules. Je crois bien
qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure, poursuivit-il en s’allongeant sur le dos, les bras croisés derrière la tête. Kyô, j’admire ton courage, mais laisse-moi te dire une chose. Lorsqu’une prophétie ne peut aboutir, alors des événements inverses se produisent. Or ceux qui sont prévus ne sont pas de bon augure. – il frissonna, puis secoua la tête, comme pour chasser des pensées sombres. – Je n’ose savoir ce qui arrivera à tous ceux qui sont destinés à briser la malédiction, si elle ne se brise pas. En d’autres termes, si tu refuses d’accepter tes sentiments pour Ryoumi, elle mourra peut-être. Ou pire.
Kyô se leva d’un bon, le visage rougit par la colère. Une douzaine d’expressions défilèrent sur son visage avant qu’il ne puisse prendre la parole. Zurui leva ses yeux gris sur le rouquin, le visage impassible.
- Je ne te connais pas, hurla Kyô, les poings serrés. Ne te mêle pas de tout ça, sinon…
- Sinon quoi ? fit une autre voix.
Kyô sursauta à nouveau, et Yuki poussa un cri étouffé. Au-dessus d’eux se tenait un jeune
garçon, très jeune même, aux cheveux noir de jais et aux yeux verts. Il flottait dans les airs avec une aisance déconcertante, et observait les trois garçon avec un sourire moqueur. Son visage, son corps, et son attitude étaient tous les trois emprunts à une farouche insolence, inhumaine et insultante. Seul Zurui paraissait ravi de son arrivée.
- Yela ! s’exclama-t-il avec un grand sourire en se redressant.
- La ferme toi !, siffla-t-il , le visage amusé. T’es toujours en train de te vautrer dans des
situations pas possibles à ce que je vois ! t’as pas de chance quand même, d’avoir été affublé de cette mission. Faut dire qu’ils ont la tête dure, ces abrutis !
Yela prit un air faussement dramatique, et porta sa main blanche à son front bordé de
cheveux noirs.
- Oh mon Dieu, dit-il en jouant la comédie, je suis un maudit, j’ai plein de problèmes,
aidez-moi !!
Yuki et Kyô eurent un mouvement de recul, trop surpris par l’attitude de ce gamin. Zurui,
en revanche, paraissait de plus en plus amusé par la situation.
- Tu veux pas la fermer deux minutes, suggéra-t-il en riant.
Yela éclata de rire et s’assit près de Yuki, en lui ébouriffant les cheveux.
- Salut fillette !, lui lança-t-il avec insolence. Alors, on commence à sourire ? C’est pas
trop tôt au bout de 17 ans dis-moi ! Et toi ? demanda-t-il d’un ton abrupte en désignant Kyô du menton, enfin sorti de ta crise d’adolescence ? Tu vas mieux maintenant ? Les hormones te bouffent plus trop ?
- Que…Que…Kyô ne savait pas quoi répondre. Il se sentait à la fois déconcerté par le
ton insultant que prenait la conversation, et surpris que ce sale gamin le connaisse.
- Ça c’est de la réplique constructive, sussura Yela en lançant un regard moqueur. Bon,
c’est pas tout ça, mais il va falloir agir les enfants. Ea est complètement hystérique ces derniers temps. Elle trouve que tu fais mal ton boulot, Zurui. Prends garde à ce que ça ne te retombe pas dessus. T’es plutôt drôle comme gars, je serait chagriné d’apprendre que toute cette bande de tarés te tombe dessus.
- Eh ! Tu diras à Ea que si son idiot de frère arrêtait de me foutre des bâtons dans les
roues, j’y arriverai davantage !
Yela dévisagea Zurui avec surprise, et éclata d’un rire grinçant.
- Non mais je rêve ? explosa-t-il, hilare. Marduk t’empêche de briser cette malédiction,
mais en même temps c’est un peu logique, non ? C’était leur pari à tous les deux, je te rappelle. Oui, c’est un peu ennuyeux les jeux des dieux, je le conçois, ajouta-t-il d’un ton badin en observant Yuki.
- Je te rappelle que je n’ai pas eu le choix, insista Zurui.
- Ben voyons ! C’est une excuse peut-être ? T’as été choisi, un point c’est tout. Depuis
quand un vulgaire être humain pourrait-il résister aux choix des dieux ? Enfin, ce n’est pas tout. Je suis pas venu pour t’engueuler, l’autre folle le fera très bien sans moi.
Yela se tourna à nouveau sur Kyô. Son visage de petit démon lançait toujours cet éclat
provocateur, mais quelque chose dans ses paroles révélaient une certaine gravité.
- Bon, alors, on est love love ? demanda-t-il au rouquin. Va falloir que t’arrêtes de jouer
le super héros mon grand.
- Il a raison intervint Zurui, Ryoumi t’as choisi, malgré les atteintes de Shibai.
- Ah je l’avais oublié, celui-là cracha Yela. Mais quel cr*tin invertébré ! Il a encore
moins à gagner que toi dans cette histoire, c’est pitoyable ! Faut dire que même lorsqu’il s’est arrangé à ce que Ryoumi voit Kyô sous sa troisième forme, il s’est royalement vautré !
- Shibai ? interrogea Kyô incrédule ? Mais il n’a rien fait pour…
- Mon petit père, coupa Yela d’un geste sec, il faut bien que tu sache un truc : tout le
monde ici est manipulé. Donc crois-moi : c'était prévu que Ryoumi se trouve devant ta troisième forme.
- Seulement, Shibai espérait qu’elle prendrait la fuite pour de bon, ajouta Zurui.
- Ouais, et sur ce coup-là, t’as gagné mon vieux ! renchéri Yela en s’adressant à Zurui. Même avec cette odeur qui fait dégueuler, elle a voulu rester près de Kyô. C’est beau l’amour, chantonna-t-il d’un ton moqueur.
Kyô eut envie de répondre quelque chose, mais rien ne pouvait sortir. Il fallait dire que Yela avait réponse à tout. Et quelque part, il appréciait sa franchise. Yuki de son côté observait la scène avec méditation. Un voile de mépris couvrait ses yeux argentés. Il ne supportait pas la vulgarité, et Yela en était son incarnation vivante.
- Alors si on récapitule, déclara le petit démon en jetant un regard circulaire, ça avance
mollement.
- Je ne te permet pas, coupa Zurui d’un ton léger.
- Ecoute ma grande, tes problèmes d’ego, on en parlera devant une petite bière le
moment venu. Mais pour l’instant, récapitule- moi tout. On va voir si rien ne m’a échappé.
- Eh bien, commença Zurui, Yuugiri a retrouvé la mémoire par Kenji, et il file le parfait
amour avec Akito.
- Si il veut, remarqua Yela en haussant les épaules. Après tout, se recevoir des vases sur
la tête peut être un loisir comme un autre.
- Kimitsu sort avec Yuki.
- Ah ouais ?, s’étonna le démon. C’est étrange, lança-t-il en observant Yuki de ses yeux
perçant. Elle t’écrase pas trop avec son caractère de chiotte ?
- Kenji est en train de révéler à Kana qu’elle a perdu la mémoire. Je me suis arrêté là
avant de venir ici.
- Oui, justement, je voulais te parler de ça, s’écria Yela, soudain plus sérieux. C’est un
foutoir sans nom cette affaire ! Kana ne veut pas croire Kenji, et Hatori a finalement décidé de pas se ramener. Peut-être bien qu’il espère y réchapper. Va falloir lui forcer la main mon cher.
- J’en été sûr, cracha Zurui en colère. C’était la partie de la prophétie la plus délicate à
accomplir. Or sans ça, tout est fichu.
- Hep hep hep !, tu oublies encore une chose, petit. Akito est pas prête de laisser derrière
elle son autorité. Yuugiri fricote avec elle, mais je crois qu’il a un peu tendance à oublier ce qu’il doit vraiment faire.
- Il est amoureux, laisse-le faire comme il l’entend, répliqua fraîchement Zurui.
- Comme tu veux, rétorqua Yela avec dédain. Bon, c’est pas tout ça, mais il est tard. Ea
va encore gueuler sur moi si je revient après la nuit.
- Marduk rôde toujours ? demanda Zurui inquiet.
- Plus que jamais, répondit Yela, ombrageux. Il est dans une crise de narcissisme
intense. Il sent bien qu’Ea risque de gagner, et ça lui fout grave les boules. M’est avis que Shibai va pas tarder à gicler.
- S’il s’en débarrassait, je n’aurais plus d’adversaire.
- Si, répliqua Yela dans un sourire mauvais. Marduk en personne, chérie ! Donc je te
conseille de vite te grouiller avec cette prophétie à la mord moi le noeud si tu veux pas disparaître de la surface de la terre. Sur ce…
Yela fit une courbette ironique, et disparut dans un nuage de vapeurs.
Kyô et Yuki restèrent bouche bé quelques instants. Tout ce que Yela et Zurui avaient dit sur Akito, Kana, et tous les autres, leur étaient méconnus jusqu’alors.
- Maintenant que Yela vous a fait témoin de toute la prophétie, votre rôle sera des plus
utiles, soupira Zurui sans conviction.
Yuki grimaça, et Kyô quitta le toit sans préavis.

Chapitre 47 : Toux
Ou comment apprécier beaucoup les baskets à semelle épaisse.
(Par Allie-chan)

« - Tu devrais dire la vérité ! s’écria une voix enjouée. »
Izumi cilla. Le fantôme d’une fillette aux grands yeux verts la regardait fixement. La jeune femme soupira. Elle était mignonne, celle là, mais suivre les conseils d’une enfant de sept ans, ce n’était pas toujours l’idéal. Encore que les enfants ont souvent de meilleures idées que les adultes.
Enfin, là, ce n’était pas trop la question, et quelque chose disait à Izumi que le moment était mal choisi pour s’égarer dans ce genre de débat, surtout quand il n’y avait personne pour en discuter avec elle.
A part le fantôme, bien sûr.
« - Je… souffla-t-elle. »
Elle s’interrompit. Allez, du courage ! Il fallait bien qu’elle dise quelque chose…
« - Je suis avec Z… »
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase : la main de Shibai se porta à sa gorge, et Izumi sut que ça y est, c’était fini, elle était morte.
« - HEY ! »
Izumi sursauta. Surpris, Shibai s’était retourné à moitié.
Ritsu se tenait de l’autre côté de la rue, un peu tremblant, un peu hésitant, et surtout très peu menaçant, surtout qu’il était, une fois n’est pas coutume, habillé en fille. Mais ça suffit à distraire Shibai.
L’espace d’une seconde, l’arrière de la rotule de Shibai et ses propres baskets à semelles épaisses s’additionnèrent dans l’esprit d’Izumi, et sans plus réfléchir, presque par automatisme, elle frappa un grand coup, en y mettant tout son poids, parce qu’elle n’avait jamais été très forte, et Shibai dut être surpris ou déséquilibré pendant quelques instants, parce qu’elle sentit la prise sur son cou se relâcher.
Aussitôt, Izumi se contorsionna pour contourner le jeune homme, rejoignit Ritsu, le prit par le poignet et commença à courir aussi vite que possible.
Et cette fois-ci, quelque chose lui disait qu’elle avait tout intérêt à ne pas être rattrapée.

Shibai soupira. Ça commençait à ne plus être drôle. Il n’allait tout de même pas courir après cette fille toute la nuit ?
Il fit un pas en avant…
… et s’interrompit alors qu’une douleur sourde remontait le long de sa poitrine, compressant ses poumons, sa gorge, jusqu’à ce qu’il se retrouve plié en deux par une quinte de toux effroyablement violente.
Shibai frémit. Marduk commençait à s’impatienter, apparemment…

Izumi ne s’arrêta de courir que quand elle fut sûre de ne pas pouvoir faire un pas de plus. Lentement, elle desserra ses doigts, toujours crispés sur le poignet de Ritsu. Elle se força à respirer calmement, tentant de reprendre son souffle. Ce ne fut que quand la main du jeune homme se posa sur son épaule qu’elle se tourna enfin vers lui.
« - Izumi-chan…
- Ri-chan… Qu’est-ce que tu fais là ?
- Et toi ?
- Tu m’as suivie ?
- Un peu. Pourquoi tu es partie ? »
Izumi rougit. Elle ne savait plus trop. Pourquoi est-ce qu’elle avait quitté les sources ? Là-bas, au moins, elle était relativement à l’abri.
« - J’ai quelque chose à faire, souffla-t-elle après un long moment. Ri-chan ? Tu peux m’aider à trouver Zurui ? »

Les yeux de Kenji s’agrandirent sous le choc. Il s’était attendu à tout, depuis la stupéfaction à la crise de nerfs, mais pas, sûrement pas, à ce que sa sœur ne le croit pas. Ça ne lui était même pas venu à l’esprit.
Après tout, elle le connaissait, non ? Elle devait bien savoir que ce n’était pas son genre d’inventer des histoires pareilles !
Alors…
Kana cilla. Kenji… Il n’avait pas l’habitude de faire des farces idiotes comme ça, pourtant… Au fond, elle devrait plutôt le croire, mais…
Tout ça, c’était tellement absurde…
Elle n’aurait pas pu oublier une histoire pareille ! Surtout pas ! On n’effaçait pas la mémoire des gens comme ça, c’était absurde…
Vraiment…
Vraiment…
Kana secoua mentalement la tête. Non. C’était impossible. Elle aimait son futur mari, elle allait l’épouser, et c’était ça qui était vrai. Ça sur quoi elle devait s’appuyer.
« - Kana… commença son frère.
- Kenji, c’est impossible ! Effacer la mémoire des gens…
- C’est possible ! Je te dit que c’est son pouvoir…
- Des gens avec des pouvoirs, ça n’existe pas… »
Kenji serra les poings. Kana lui parlait avec douceur, comme si elle essayait de raisonner un petit garçon, comme quand il était petit et qu’il faisait des cauchemars…
Mais il n’était plus un enfant.
Et cette fois-ci, il n’allait pas se réveiller en sachant que ce n’était qu’un rêve.
« - Kana, il faut que tu me crois… Tu es sortie avec Hatori pendant un an… Vous vous aimiez… Vous alliez vous marier !
- Non ! C’est vrai qu’il me plaisait mais… ça n’a jamais… »
Ça n’aurait jamais été possible entre nous…

Hatori alluma une cigarette, la porta à ses lèvres et, exhalant un nuage de fumée, regarda les volutes s’élever dans le ciel du soir.
Finalement, il n’irait pas voir Kana.
Il avait pensé la rejoindre pour une seule et unique raison : empêcher Kenji de lui redonner la mémoire. Mais il n’était plus très sûr d’avoir envie de retenir Kenji. Et puis, le jeune homme serait déterminé. Il ne pourrait pas le faire changer d’avis comme ça. Et il se voyait mal se lancer dans une argumentation là-dessus devant Kana.
Et puis…
Si elle le revoyait, comme ça… ça pourrait être suffisant pour lui redonner la mémoire, et dans ce cas…
Hatori ferma les yeux.
Plus que tout, il ne voulait jamais revoir cette expression sur le visage de Kana. Quoiqu’il advienne, il ne voulait pas être là quand elle retrouverait la mémoire – si elle retrouvait la mémoire, corrigea-t-il mentalement –, il ne voulait pas voir ses yeux s’obscurcir sur le poids des souvenirs…
Il ne voulait pas savoir qu’elle serait sa réaction. Parce que c’était sa réaction qu’il craignait plus que tout autre chose…
Il n’irait pas.

Zurui soupira. Bon, maintenant, il fallait qu’il réussisse à convaincre Hatori d’aller retrouver Kana et son frère. C’était encore leur meilleure chance de réussir. Sans ça…
Un bruit de pas le poussa à se retourner.
Une jeune fille se tenait devant lui, le fixant de ses grands yeux noirs en partie cachés par une frange. Derrière elle se tenait Ritsu.
Zurui fronça les sourcils.
Cette fille…
« - Zurui, souffla-t-elle. C’est bien toi, Zurui ? »
Le jeune homme hocha vaguement la tête. Elle parut soulagée.
« - Je m’appelle Izumi Soma. Contente de t’avoir enfin trouvé. »

Chapitre 48 : Troubles et persuasions.
Où la prophétie prend une autre tournure.
(Par Bulle)

Juin 2005



Il fallut peu de temps à Zurui pour comprendre ce qu’il se passait. Izumi Sôma, l’une de ses pires ennemies, avait renoncé. Renoncé à Ren, renoncé à Shibai, renoncé à Marduk. Tout cela avait son importance, mais une chose le tracassait. Une chose qui pouvait tout changer.
« Izumi-san, commença Zurui d’une voix atone, je ne m’attendais pas à ce que vous
veniez jusqu’à moi. »
Izumi rougit, puis baissa la tête.
Zurui haussa un sourcil, et jeta son regard métallique sur le garçon qui se trouvait à ses
côtés. Malgré ses vêtements, il savait : c’était Ritsu Sôma, le maudit du singe. Complètement « névrosé et parano », l’avait prévenu Yela, mais visiblement sincère et sensible. Et s’il était aux côtés d’Izumi à cet instant, ce n’était pas par hasard.
Soudain, Zurui eut un sursaut, comme un déclic, qui le fit basculer de l’étonnement à la compréhension la plus totale. La zone d’ombre de la prophétie s’éclaircissait enfin.
« Izumi, Ritsu…Vous avez une liaison ? demanda-t-il très vite. »
Il était un peu gêné de devoir aborder un tel sujet devant les intéressés.
La jeune femme ne cilla pas, et releva ses yeux noirs sur lui. Un bref hochement de tête confirma ce qu’il pensait.
« Je vois, constata Zurui dans un sourire désabusé. »
Alors c’était ça ? Izumi était tombée amoureuse de l’un des Sôma, et tout s’inversait ? La prophétie avait été court-circuitée, n’était pas parvenue à s’imposer sur la vie de chacun ? Le destin n’était pas immuable, et certains pouvaient se détacher de ce qui était écrit ?
Izumi n’aurait jamais dû aimer Ritsu, et lui, n’aurait jamais dû s’en accommoder. Tout cela pouvait aller à l’avantage de Zurui pour qu’il accomplisse son but, pour qu’il défende la prophétie - celle de la chute de la malédiction. Mais si cet événement transformait tout ? Il fallait en parler à Ea, ou du moins au démon Yela.
- Restez à mes côtés tous les deux, ordonna-t-il avec fermeté. Désormais, je ne vous
quitterais pas d’une semelle. Vous irez habiter chez l’oncle de Kenji Sôma, avec moi.
- Pardon ? demanda Izumi, un peu outrée.
Elle ne devait pas être habituée à être harponnée de cette façon.
- Je vais être obligé, expliqua Zurui sur un ton pédagogue. Il n’y a pas d’autres
moyens.
- Pardonne-moi, répliqua Izumi, mais il est hors de question que nous habitions chez
cet homme, que je ne connais pas d’ailleurs. J’ai une vie, et Ritsu aussi.
- Il le faudra pourtant, assura Zurui en haussant les épaules. Il n’y a pas d’autres choix.
Izumi écarquilla les yeux, visiblement surprise par l’indifférence déconcertante que le
jeune garçon affichait. Elle secoua la tête comme pour accuser le coup, puis reprit la parole.
- Tu as besoin de soutien Zurui-kun, constata-t-elle avec une légère condescendance, et
je suis prête à t’aider. Pas à rester à tes côtés nuit et jour.
Zurui plissa les yeux, qu’il braqua avec courroux sur la jeune femme. Il commençait à
perdre patience. Les gens n’étaient pas obligés de comprendre le fatalisme de cette histoire, mais il n’allait pas essayer de convaincre tout le monde que leur vie dépendait de cette prophétie. Sans cela, personne n’avancerait.
- Il ne faut pas faire les choses à moitié, répondit-il sèchement. Ou bien vous m’aidez, et
dans ce cas, tout ce que je vous dis doit être accepté, ou bien vous rejoignez Shibai, et je vous éliminerai comme lui. Et puis, si vous êtes vraiment amoureuse de Ritsu, vous pouvez au moins faire ça pour lui, non ?
Zurui s’étonna lui-même du ton qu’il avait employé. Lui, d’habitude si patient, était en train de secouer une pauvre jeune femme complètement perdue. Un peu plus, et elle aurait pleuré.
À son étonnement, les mots qu’il avait utilisés furent efficaces. Izumi grimaça et hocha brièvement la tête. Elle parla à Ritsu quelques instants à son oreille, et lui, approuva par un léger baiser, qu’il déposa sur son front. Tous deux commencèrent alors à suivre Zurui dans un mutisme inébranlable.

Kenji entortilla nerveusement une mèche de cheveux auburn, qui retombait avec souplesse sur son visage. Il pensait avoir atteint la limite de l’insupportable en lui avouant tout. Mais là…Affronter son regard clair, se lever, empoigner son visage contre son gré, coller la main sur son front brûlant, attendre, puis la laisser lentement s’écrouler le long de ses jambes pour s’endormir aussitôt…Rien n’était moins difficile à assumer.
Et pourtant, il l’avait fait. Elle était étendue là, à ses pieds, le visage fermé, inconscient. Kenji ne s’était pas évanoui cette fois-ci, peut-être par ce qu’il avait acquis une certaine habitude. Le garçon grimaça à cette idée. Ça n’avait rien de glorieux.
Mais ce jour-là, Kenji comprit. Il comprit pourquoi Hatori acceptait son pouvoir, pourquoi il prenait la responsabilité d’effacer la mémoire des gens. Car lui ressentait la même chose. Un pouvoir était ce qu’il y avait de plus précieux, et ne pas l’accepter pouvait tout mettre en branle, bouleverser le cours des choses, déplacer les évènements. Kenji venait de faire du mal à sa sœur, certes, mais il n’avait pas le choix.
Jusqu’au bout. Il irait jusqu’au bout, par ce que la malédiction devait s’arrêter.

Shibai s’agrippa avec grande peine au tronc d’arbre le plus proche, et enfonça profondément ses ongles dans l’écorce épaisse pour ne pas s’écrouler. Une nouvelle quinte de toux l’avait saisie, et sentait une drôle d’odeur : celle du châtiment. Le garçon crut sentir ses côtes se briser au fur et à mesure que la crise s’amplifiait. Puis, sa respiration devint plus régulière, quoi que cette fois-ci, il crut vraiment que ses dernières minutes de vie arrivaient.
Le front humide de sueur, Shibai commença à avancer, doucement, pour ne pas provoquer une troisième crise, qui pourrait lui être fatale. Il fallait rentrer au plus vite chez lui, et parler à Marduk. Seul le dialogue pourrait encore le sauver. Et encore, il n’en était pas vraiment sûr.


Mars 1991

C’était donc lui ? Shibai écarquilla les yeux par la surprise. Le « Zurui » dont il avait entendu parler, n’était que ce petit nabot aux cheveux à la couleur étrange ?
Le petit garçon aux yeux gris perle s’approcha plus près, alors même que Zurui n’avait pas encore remarqué sa présence. Assis contre le tronc d’un arbre qu’il devait affectionner particulièrement, l’enfant lisait un livre d’image, ses petites jambes salies par la terre. Vraiment, il n’avait aucune grâce, ni dignité. Ses cheveux longs retombaient négligemment de chaque côté de son visage rond, et les bords de ses manches étaient déchirés.
- Excuse-moi…lança Shibai, d’un ton agressif.
Le regard que Zurui lui lança le fit frémir. Il comprit aussitôt que ce petit morveux devait
cacher un grand potentiel. Il restait à espérer que Zurui ait eu la même impression en le regardant. Mais celui-ci ne paraissait pas apeuré ; aucun trouble ne se lisait à la surface de son visage.
Un visage d’ange réalisa Shibai avec dégoût. C’était peut-être pour cela qu’il avait été choisi…
- Bonjour, répondit Zurui. Ça y est, tu es devenu méchant ?
Shibai jeta au petit garçon un regard dédaigneux. Il ne supportait pas sa façon de ne pas articuler ses mots, c’était insupportable.
- Je ne vois pas de quoi tu parles, lança-t-il sèchement. Je ne te connais pas, donc un
petit peu de respect, s’il te plaît.
Zurui haussa les sourcils. La surprise pouvait enfin se lire sur son visage.
- On se connaît pas ? releva-t-il. Je crois que si, au contraire…
- Raconte ce que tu veux, coupa Shibai avec froideur. La seule chose que je sais de toi,
c’est qu’il faut que je t’élimine. Alors tiens-toi prêt.
A ces mots, le petit garçon s’éloigna, bien déterminé à ne pas laisser répondre son rival. Marduk allait être content.


Juin 2005


Shibai ouvrit les yeux avec difficulté, et leva la tête lentement. Son corps ne put suivre ce mouvement, et resta immobile, allongé. Sur quelle surface, il n’en avait aucune idée.
Ses yeux contournèrent la pièce familière, celle de sa maison. Comment était-il arrivé là, il ne savait pas, ou ne savait plus. Du moins jusqu’à ce qu’il regarde droit devant lui.
- Si tu voyais ta tronche ! s’esclaffa Yela.
Shibai fut tellement surpris par sa présence qu’il parvint à décoller son dos du lit, pour tenter de dégager le petit démon. Mais avec une force surprenante, Yela attrapa les deux bras du jeune homme, et s’assit encore plus confortablement sur son ventre.
Il était si petit, et si léger…Comme une plume, peut-être encore moins. Shibai inclina la
tête pour l’observer : il n’avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois.
- Qu’est ce que tu fous là ? lança Shibai d’un ton abrupt.
- Hep, minute ! C’est moi qui t’ai aidé à venir jusqu’ici, donc surveille ton langage,
gamin.
- Gamin ? répéta Shibai, le visage indigné.
- J’ai quatre mille cinq cent ans, tu sais, rétorqua Yela avec exaspération. Donc, du haut
de tes dix-neuf ans, crois-moi, tu pèse pas lourd.
Shibai parut déstabilisé, puis secoua la tête, comme pour reprendre ses esprits.
- Enfin bref ! trancha-t-il, je te pose de nouveau la question : qu’est-ce que tu fabriques
ici, sur mon ventre?
- Je te l’ai déjà dit, s’enquit Yela avec force, je suis venu t’aider par ce que tu étais en
train de claquer, mon vieux ! C’était assez pitoyable à voir, d’ailleurs. Je sens que Marduk va te faire mourir d’une façon ridicule, du moins, c’est l’impression que j’ai eue en te voyant te contorsionner comme une gonzesse.
Yela eut un petit rire mauvais. Cependant, il n’y avait pas de méchanceté en lui, se dit
Shibai, il était seulement détestable. C’était pire.
- Bien, je te remercie, maintenant tu peux disposer.
Le petit démon s’arrêta de rire aussitôt. Les traits de son visage se figèrent, et seul son
regard devint expressif. Shibai déglutit malgré lui.
- Comme tu voudras, répartit Yela d’une voix doucereuse. Mais réfléchis bien à ce qui s’est passé : ta crise, ton évanouissement, ton rêve sur ta rencontre avec Zurui…
- Comment tu sais que…
- T’occupes ! Tu me prends pour qui ? Je connais tout de toi, jusqu’à tes pensées les
plus brèves. D’ailleurs, au passage, ajouta-t-il sur un ton plus confidentiel, au lieu de fantasmer sur Tohru à longueur de journée, tu devrais aller la voir une bonne fois pour toutes. Enfin, moi je dis ça, je dis rien !
- Bon, bonne soirée, répliqua Shibai avec lassitude.
- C’est ça, souffla Yela. Et au fait, juste une chose.
- Vas-y, l’invita Shibai d’un geste évasif.
- Lorsque tu as laissé Zurui contre son arbre, il voulait te dire une chose avant que tu
partes.
Shibai fronça les sourcils, mais ne répondit pas.
- « Je te connais déjà, puisque avant nous étions amis », voilà ce qu’il a dit, poursuivit
Yela. A ça aussi, tu devrais y réfléchir.


**********************

Zurui, qui s’était assoupi, fut réveillé par le doux frottement de la porte en papier de riz. Il se leva de son lit, puis entra dans le salon.
Un instant, il fut saisi par l’expression presque tragique qui se lisait sur tous les visages. Ryoumi observait la scène de son regard triste, Yuugiri paraissait songeur, mais toujours aussi calme. Ritsu et Izumi observaient quant à eux les deux nouveaux arrivants.
Zurui suivit du regard ceux dont il était question, et sursauta. Son visage prit d’emblée un teint crayeux, qui trahit son mal aise soudain.
Face à lui, Kenji lui jetait en plein visage son regard bleuté, si impitoyablement intense. Il tenait fermement dans sa main, celle de sa grande sœur, qui quant à elle, était pétrifiée.
Instinctivement, Zurui s’approcha d’elle, et voulut lui saisir les épaules. Mais Kana recula avec violence, et s’appuya contre le mur dans un geste désespéré.
- Ne me touche pas, lança-t-elle d’une voix blanche.
- Elle se rappelle de tout, Zurui, expliqua Kenji.


*********************


- Alors tu lui as tout dit ?
- Ben, disons que j’ai été le plus rassurant possible, soupira Zurui, en reposant sa
chope de bière. Yuugiri lui a expliqué qu’il était en train d’apprivoiser Akito, que leur amour était l’un des piliers qui pouvaient menacer la malédiction, que c’était très important, bla bla bla…
- Et elle vous a cru ?
- Plus ou moins. Elle se repose à présent. Le plus dur est d’aller voir Hatori. Mais il n’a
plus trop le choix maintenant.
- Oh, c’est quand même trop fort ! s’exclama Yela, après une longue gorgée de bière. A
peine Kenji lui donne sa mémoire perdue, qu’elle apprend qu’il existe une prophétie, des dieux et des démons partout, un pari débile, et des oiseaux qui font cui-cui ! Veille à ce qu’elle ne devienne pas folle, tu en as encore besoin !
- J’y veille, j’y veille, assura Zurui, dans un hochement de tête automatique.
Normalement, tout va bien. Yuugiri va jouer le grand jeu à Akito demain, et tout rentrera en ordre…Ou presque.
- Presque ? répéta Yela d’un ton sceptique. Tu crois vraiment qu’Akki-chou va renoncer
à son pouvoir pour un beau brun ? En plus, tu as oublié une chose, mon cher…
Zurui observa Yela avec effarement, le temps que l’information monte au cerveau. Yela eut un sourire moqueur.
- Shiguré…Souffla Zurui.
- Bravo, tu as enfin réalisé ! Prends garde, la jalousie dévaste tout.

Chapitre 49 : Va-t-en.
Ou comment approcher de la fin.
(Allie-chan)

Mai 2005 :

Tohru reposa le dernier bol. Elle avait fait la vaisselle du repas auquel personne, d’ailleurs, n’avait vraiment touché, étendu le linge et rangé ses affaires. C’était tout pour aujourd’hui. La jeune fille suspendit un moment son geste.
L’espace d’une seconde, sans qu’elle puisse dire pourquoi, un visage dévoré par des yeux gris perle venait de traverser son champ de vision.
Shibai…
C’était étrange. Elle le connaissait depuis à peine deux semaines. D’accord, un peu plus. Peu importe. Pas longtemps, en tout cas.
Pourtant, elle ne pouvait plus penser à autre chose. Cela faisait quoi, une journée à peine ? Et déjà, il lui manquait. C’était comme un vide effroyable, une peine atroce qui lui déchirait le cœur.
Elle avait besoin de le revoir.
Encore et encore.
Même s’il était dangereux, malgré tout ce qu’il faisait, malgré les avertissements de Saki, et ceux de Shiguré, et ceux de Rin, elle voulait le revoir.
C’était idiot, non ? Elle connaissait Saki depuis plusieurs années. Elle connaissait Shibai depuis quelques semaines.
Mais même ça n’arrivait pas à la convaincre.
Peut-être aussi qu’elle ne le voulait pas. Peut-être qu’elle ne voulait pas croire à ce qu’il avait fait et à ce qu’il pouvait faire, parce qu’elle ne voulait pas devoir s’en éloigner…
Tohru laissa son regard errer en direction de la fenêtre. Shiguré était sorti. Yuki était avec Kimitsu. Kyô était on ne savait où. Qui s’en préoccuperait, si elle sortait ?
Non. Ce n’était pas question qu’ils s’en préoccupent ou pas. C’était question qu’ils le remarquent ou pas. Elle ne voulait pas les inquiéter. Elle ne voulait pas se montrer ingrate, après tout ce qu’ils avaient fait pour elle.
Mais elle voulait le revoir…

Yuki descendit dans la cuisine se servir un verre d’eau et fut surpris de n’y trouver personne. Il n’avait pourtant pas entendu Tohru monter. Elle était sortie ? Mais ça ne lui ressemblait pas vraiment de sortir aussi tard, et sans prévenir qui plus est…
Le jeune homme porta un regard inquiet vers la fenêtre. La nuit était tombée…
« - Elle est partie ? »
Yuki se retourna vers Kimitsu et hocha la tête. Apparemment, oui.
Kimitsu soupira.
« - Tête de mule. Je lui avais dit de ne rien faire qui puisse… »
Elle s’interrompit et grimaça.
Rien qui ne puisse vous mettre en danger, toi et Kyô. Rien qui ne puisse vous faire du mal.
Tohru en était capable, si elle le désirait. Même si elle ne le désirait pas, d’ailleurs. Elle était capable de précipiter la prophétie, c’était certain.
De quel côté, ça, c’était un autre problème…

Mai 1990 :

Deux petits garçons étaient assis dans le terrain vague. Ce n’était pas un endroit particulièrement agréable, mais l’herbe était haute et personne ne pouvait les voir de l’extérieur.
C’était leur coin secret, juste pour eux.
L’un d’eux – un petit blondinet qui ne devait pas avoir plus de trois ans – se tourna brusquement vers l’autre.
« - Dis, dis, Shibai, tu continues à faire ce rêve ? »
L’autre petit garçon était à peine plus âgé, mais déjà on pouvait voir une lueur étrange danser dans ses prunelles – folie ? ou autre chose de plus bizarre encore ?. Il hocha vaguement la tête.
« - Ils sont de plus en plus forts…
- Moi aussi, j’en fais ! »
Shibai haussa un sourcil surpris. Cela faisait plusieurs mois que lui-même faisait des rêves étranges, paraissant presque réels, mais Zurui, lui, n’en avait encore jamais parlé.
« - Quel genre ? demanda-t-il. »
Zurui hésita un moment.
« - Je ne sais pas trop, dit-il. Je crois qu’il y a une très belle dame qui est venu me parler. »
Le petit garçon pencha la tête sur le côté.
« - Tu crois que ça va se passer ? »
Shibai rit.
« - Si oui, je deviendrais méchant, fit-il remarquer. »
Zurui parut réfléchir intensément à ce nouveau point de vue sur la question. Puis il hocha la tête et sourit à Shibai, l’air décidé.
« - Si tu deviens méchant, je te ferais revenir ! déclara-t-il. Parce qu’on est amis ! »

Mai 2005 :

Shibai rouvrit péniblement les yeux. Ce rêve…
Zurui…
Shibai cilla. Il se souvenait vaguement… Il avait rencontré Zurui il y avait longtemps, très longtemps… bien avant cette histoire de pari… bien avant Marduk…
Shibai ferma de nouveau les yeux. Comment avait-il pu oublier ? Zurui…
Pourquoi…
Shibai réalisa alors deux choses.
Il s’était de nouveau évanoui.
Quelqu’un appliquait un chiffon gorgé d’eau fraîche sur son front.
Il se mordit les lèvres. Pourvu que Yela ne soit pas encore là… Que ce soit n’importe qui, mais pas lui…
Il rouvrit les yeux.
Et croisa les prunelles bleues de Tohru.

Kimitsu s’adossa au mur, ferma les yeux et se laissa aller. La fin approchait. La jeune fille fronça les sourcils et se demanda d’où lui venait cette certitude. Une sensation, peut-être. Celle que demain, tout serait fini.
Inconsciemment, elle chercha la main de Yuki à tâtons. Le jeune homme comprit et prit sa main, sans un mot.
Kimitsu sourit.
« - Kimi-chan… »
La jeune fille rouvrit les yeux. Yuki avait détourné le regard, hésitant apparemment sur ce qu’il allait lui dire.
« - Quand la prophétie se sera réalisé, qu’est-ce qui se passera ? »
Kimitsu sursauta. Il savait ? Comment ?
« - Depuis quand sais-tu ? grogna-t-elle. »
Yuki ne répondit pas tout de suite. Il refusait toujours de la regarder dans les yeux. Kimitsu soupira. Il avait l’air inquiet. Elle détestait quand il était inquiet, surtout pour elle. Ce n’était pas comme si elle était incapable de se défendre…
« - Fais pas cette tête là, souffla-t-elle. J’ai horreur de ça. »
Un demi-sourire apparut sur les lèvres du jeune homme.
« - Je sais, répondit-il. Tu n’a jamais aimé qu’on s’inquiète pour toi.
- Je suis une grande fille, ironisa-t-elle.
- Je sais. »
Kimitsu soupira de nouveau.
« - Je l’ai appris grâce à… quelqu’un… »
Il avait grimacé en disant ça, et Kimitsu fronça les sourcils. Il disait ça comme si ce « quelqu’un » ne lui avait pas vraiment plu. Décidant que ça n’avait sans doute que peu d’intérêt, elle haussa les épaules et se pencha légèrement vers Yuki. Doucement, elle l’embrassa. Ou bien c’était lui qui l’embrassait. Elle s’en foutait.
« - Ne t’occupe pas de ça, finit-elle par dire. »

Yuugiri longeait l’enceinte du manoir, songeur. Il devait revoir Akito. Quelque chose l’attirait vers elle. La prophétie, peut-être. Peut-être autre chose. Il ne savait plus vraiment et s’en moquait.
Tout ce qu’il savait, c’était qu’à cet instant précis, il ne voulait que caresser ses cheveux, encore une fois, s’emplir de son odeur, encore une fois.
Etre avec elle.
Lentement, se faisant aussi discret que possible, il parcourut le chemin qui le séparait du manoir.
Un craquement, sur le côté, attira son attention, et il se retourna à temps pour voir une forme se jeter sur lui, mais pas à temps pour éviter le premier coup.

Shibai resta un moment stupéfait. Il ne s’attendait pas à ça. Il ne s’attendait plus à la revoir. Pas comme ça. Pas après tout ça.
Le jeune homme sentit son corps frémir, et soudain, il eut l’impression de ne pas l’avoir vue depuis une éternité. Une éternité pendant laquelle il n’avait vécu que pour cette seconde, que pour l’instant où elle se tiendrait devant lui comme ça, que pour l’instant où il pourrait de nouveau plonger dans ses grands yeux si bleus…
Lentement, il tendit une main vers elle et lui caressa les cheveux.
Tohru sursauta. Apparemment, elle n’avait pas vu qu’il était réveillée. Elle rougit et bredouilla quelques syllabes, l’air paniquée. Shibai la trouva positivement adorable.
Le jeune homme cilla.
Adorable ?
Est-ce qu’il avait vraiment pensé adorable ?
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne lui ressemblait pas vraiment… Mais c’était toujours l’impression qu’il avait quand il pensait à elle…
« - Tohru-chan…
- Désolée ! Je-je ne voulais pas m’imposer mais euh… un jeune homme… bizarre… m’a ouvert et… »
Elle rougit à ce souvenir, et Shibai se demanda un moment ce que Yela avait pu lui dire.
« - Euh… Shibai… qu’est-ce que… »
Qu’est-ce qui t’arrive ?
Shibai frémit. Non… Il ne fallait pas qu’elle reste là… Si elle restait, elle serait en danger, elle aussi…
Marduk…
Lentement, il se redressa sur un coude. Sa main se posa sur la joue de la jeune fille.
« - Ne t’inquiète pas, souffla-t-il. »
Elle ne devait pas rester…
Elle ne devait pas…
Doucement, leurs visages s’approchèrent…
« - Va-t-en, murmura Shibai.
- Pourquoi ? »
Shibai sentit son souffle se mêler au sien et frémit.
« - Ne pose pas de questions. Va-t-en. »
Tohru le regarda dans les yeux, sans ciller. Puis elle secoua la tête. Shibai leva les yeux au ciel. C’était bien le moment de devenir obstinée…
« - Tohru-chan…
- Qu’est-ce qui se passe, Shibai-kun ? demanda-t-elle finalement. Pourquoi… »
Pourquoi tout ça ?
Pourquoi…
Shibai ne répondit pas.

Chapitre 50 : Crise de nerf
Où comment Ryoumi sort de ses gonds
(Par Bulle)

Tohru se tut quelques secondes. Ce temps bref lui laissa le loisir de réfléchir très vite. Il voulait qu’elle parte ? C’était attristant, certes, mais avant tout surprenant. Shibai avait toujours été tendre et affectueux avec elle. Pas un seul mot n’était plus haut que l’autre. Son regard doux l’apaisait doucement, malgré toutes les horreurs qu’on lui attribuait sans cesse.
Seulement, en cet instant, Shibai paraissait fermé, froid, distant, impassible, et presque insultant, tant l’indifférence pouvait se lire sur son visage. Ses yeux gris perle étaient verrouillés, et ne brillaient plus du tout. La jeune fille frissonna malgré elle, déstabilisée par ce changement d’attitude. Pourtant, elle demeura face à lui, sans bouger.
- Je ne vais pas te le répéter une nouvelle fois, siffla Shibai les sourcils froncés. Il faut
que tu partes immédiatement, tu ne pourrais pas comprendre ce qu’il m’arrive.
Tohru haussa les sourcils et entrouvrit la bouche. Elle se retint pour ne pas s’excuser, demander pardon, s’incliner une bonne dizaine de fois, et quitter précipitamment la pièce en se maudissant intérieurement de l’avoir dérangé, que maman disait toujours qu’il ne fallait pas insister lorsque l’autre se sentait importuné, etc. Oui, en temps normal elle aurait réagi de cette manière, et ses joues s’enflammèrent à cette idée. Mais elle tenait bon. De fines larmes commencèrent alors à couler doucement le long de ses joues sans qu’elle ne puisse les maîtriser. Mais de cela aussi, elle s’en fichait. Sa seule préoccupation pour le moment était Shibai, et son désarroi. Elle n’avait jamais eu vraiment confiance en elle, mais ce qu’elle savait, c’est qu’il l’aimait. Oui, il l’aimait, elle en était sûre. Alors ce qu’il lui disait devait forcément être guidé par une certaine peur, ou pire, par un désespoir. Shibai allait mal, très mal, et elle ne savait pas pourquoi ; le regard implacable qu’il lui lançait lui faisait comprendre qu’elle ne le saurait jamais.
- Tohru, s’il te plaît, murmura Shibai plus doucement mais la tête tournée pour qu’elle
ne puisse pas voir son regard, je veux que tu t’en ailles.
Tohru hocha lentement la tête. Aujourd’hui elle ne pouvait rien tirer de lui. Mieux valait partir.

Shibai laissa ses yeux braqués sur le sol, tandis que Tohru quittait la pièce, s’engouffrait dans le couloir et ouvrait la porte. Son claquement sourd le fit frémir, comme s’il avait eu l’impression que c’était la dernière fois que la jeune fille passait son seuil. Mais il avait bien fait, se dit-il avec fermeté. Il ne pouvait plus continuer à manipuler tout le monde, aimer cette fille, et douter de sa mission en laquelle il avait toujours cru, les trois à la fois ! Chaque chose en son temps. Ne pas sourire à Tohru n’était rien, comparé à l’affrontement avec Marduk auquel il devait se préparer.

Kyô ne trouvait pas Ryoumi. Ni chez Kazuma, ni même chez l’oncle de Kenji. Cette idée le mettait en colère. Il s’était déjà fait violence pour se rendre dans une maison qu’il ne connaissait pas, et parler à ce Zurui, à cet étrange garçon aux yeux de loup. La dernière fois qu’il l’avait vu, c’était sur un toit, sans d’ailleurs savoir exactement comment il avait atterri dessus, en compagnie d’un petit démon, amusant certes, mais casse-pieds. Alors se rendre auprès de lui pour savoir où était la petite blonde n’avait pas été une partie de plaisir. Les yeux brillants de malice qu’il lui avait lancé étaient agaçants, et le comble, c’est qu’il ne savait même pas où Ryoumi pouvait être. « Alors pourquoi tu fais durer le suspense » lui avait hurlé Kyô à la figure. Zurui l’avait observé en souriant, en murmurant quelque chose comme « je comprends pourquoi Kagura te colle des tartes », s’était excusé, et avait refermé la porte.
Le rouquin rentrait alors bredouille, un peu désespéré par la situation. En temps normal, il serait rentré chez Shiguré, aurait lu ou mangé, et n’y aurait plus pensé. Mais il fallait croire qu’il n’y avait plus de « temps normal » depuis quelques jours déjà. Kyô voulait à tout prix retrouver Ryoumi, et il s’en chargerait toute la nuit s’il le fallait.
Soudain il eut un déclic. La petite blonde lui avait vaguement parlé d’un endroit où elle et toute sa bande se retrouvaient. Un endroit déserté, laid, mais qui lui plaisait. Kyô, qui avait un bon sens de l’orientation, le retrouva sans peine, et arriva en peu de temps dans ce terrain vague mal famé.
Les yeux carmin du garçon parcoururent quelques instants le paysage désolé, puis les grandes étendues d’herbes, jaunies par le temps mais longues à l’infini. Son regard s’arrêta sur une touffe blonde qui en dépassait, et ses lèvres s’élargirent en un mince sourire. C’était presque trop facile. Il l’avait trouvé là où il s’attendait, il se serait presque cru dans un film. C’est toujours avec le sourire qu’il s’assit près d’elle, sans mot dire.

Ryoumi sursauta violemment puis se retourna. Kyô l’observait, un sourire aux lèvres, qu’en passant, elle trouva ironique. Cette attitude l’irrita, et elle en oublia sa surprise.
- Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-elle d’une voix calme mais glaciale.
Même si elle avait une mission à remplir, il était hors de question qu’elle se laisse faire. Kyô lui avait terriblement mal parlé la dernière fois qu’ils s’étaient vu, dans ce karaoké sordide, et après l’étonnement, puis la tristesse, la colère l’avait gagné. A présent, elle n’avait plus aucun mal à l’envoyer royalement se faire voir. Il y avait des limites à l’amour et à l’humiliation !
- Rien, je voulais te voir, répondit simplement Kyô.
Ryoumi pinça les lèvres. Vraiment, il ne manquait pas d’air. Quelques mots d’excuse
auraient été la moindre des choses.
- Désolée, mais j’aimerais être seule.
- Pardon ?
- Tu m’as très bien comprise.
Kyô se leva d’un bond, un rictus de colère au coin de ses lèvres.
- Tu te fous de moi ou quoi ? hurla-t-il en dévisageant Ryoumi, qui elle, ne s’était pas
donné la peine de se lever. Je t’ai cherché toute la journée ! Je suis même allé voir tes potes que je ne connais pas pour savoir où tu étais ! Il est hors de question que je parte maintenant.
Ryoumi se leva à son tour, et braqua sur le chat un regard dur.
- Ne me parles pas comme ça, murmura-t-elle d’une voix doucereuse.
- Mais tu m’écoutes à la fin ? protesta Kyô. Je voulais te revoir, je ne pensais pas un
traître mot de ce que je t’ai dit ! Qu’est ce que tu peux être bornée et stupide !
- NE ME PARLES PAS COMME ÇA !
Kyô eut un geste de capitulation.
- Ça y est, ça commence, maugréa-t-il.
- Non, rien ne commence, poursuivit Ryoumi, frémissante de rage. Si tu ne veux pas
partir, je le ferai à ta place !
- C’est ça, casse-toi, cracha Kyô.
- Ah oui, vraiment ? vérifia Ryoumi.
Kyô ne répondit pas, et la jeune fille observa longuement son regard fuyant. Puis, d’un
geste vif, elle tourna les talons, et commença à avancer d’un pas rageur.
- Ryoumi !
Ryoumi tourna la tête, le visage grave. Kyô ne paraissait plus en colère, seulement
angoissé. Les pupilles rétrécies, il l’observait avec avidité, comme quelqu’un qui redoute de perdre une partie de lui-même.
- Ne fais pas ça ! hurla-t-il.
- Ne fais pas quoi, répéta Ryoumi avec froideur.
- Reste ! ordonna le garçon en s’approchant d’elle avec force.

Zurui esquiva avec habileté les bras de Kagura. Les yeux écarquillés, elle l’observa avec méfiance.
- Ben qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle abruptement.
- Kagura, soupira Zurui un peu amusé, un peu flatté aussi, tu oublies toujours. Si tu me
prends dans tes bras, tu te transformes. Ce n’est vraiment pas le moment de nous faire remarquer ici, nous sommes en territoire conquis.
A ses propres paroles, Zurui eut comme un sursaut, puis parcourut brièvement les
environs du manoir Sôma. C’était complètement inconscient de venir se balader par ici, mais avec les derniers événements, sa présence devenait indispensable. Yuugiri devait retrouver Akito, et quelque chose lui intimait que ce ne serait pas facile pour lui.
- Gomene, s’écria Kagura. Et elle émit un petit rire argentin. J’oublie toujours, et je suis
tellement heureuse de te voir sur pied…Zurui-chan.
Les yeux du petit blond s’écarquillèrent. Zurui-chan?Elle ne l’avait jamais appelé
comme ça. Oh, si, peut-être une fois ou deux, lorsqu’ils étaient petits. C’était tout.
- Haha, ce n’est pas grave, riposta Zurui, très mal à l’aise. Bon tu viens ? Ajouta-t-il
d’un ton nerveux et faussement enjoué. Il faut que je trouve Yuugiri.
- Pas la peine.
Zurui se figea. La voix de Kagura était devenue atone, tremblante. Son regard lui-même,
porté au-delà de l’épaule du garçon, paraissait vide d’expression. Étrangement, Zurui hésita avant de tourner la tête pour voir ce qu’il se passait derrière lui de si troublant. Un peu comme s’il redoutait le pire.
Puis il le vit. Étendu sur l’herbe, abandonné comme un mort, inerte et presque paisible.
Yuugiri.
Zurui s’élança en poussant un juron bien choisi, et s’agenouilla près de son cousin
inconscient. De nombreux hématomes parsemaient son visage blanc, mais c’était tout. Pas de sang, pas de fracture. L’agresseur s’était défoulé, mais n’avait pas essayé de le tuer.
- L’enfoiré, lâcha Zurui entre ses dents.
Lentement, il souleva le visage de Yuugiri, qui reprenait vie peu à peu.
- Il ne doit pas être loin, hoqueta le garçon au catogan, en jetant un coup d’œil menaçant
aux alentours comme s’il espérait croiser son regard.
- Zurui ?
Zurui baissa les yeux sur le jeune homme. Sa voix était faible, mes ses yeux étaient
parfaitement ouverts. Il allait bien.
- C’est Shiguré ? questionna le garçon, certain de la réponse.
Yuugiri acquiesça lentement, et Kagura poussa un cri étouffé.
- Shi-chan ? Mais…Mais…
- Il n’était pas dans son état normal, ajouta très vite Yuugiri en se rasseyant, les doigts
posés sur ses tempes un peu gonflées. Et puis il m’a laissé là, au milieu du jardin, comme si d’un coup il regrettait.
- Tu ne vas pas prendre sa défense, non plus ! accusa Zurui, son regard braqué
sur son cousin.
Yuugiri eut un petit rire amer.
- Je lui ai pris sa place, expliqua-t-il. Et tu étais le premier à savoir qu’il allait agir de
cette façon. Ça aussi c’était écrit, n’est-ce pas…Zurui-kun ?
Zurui eut un petit sourire insolent, et hocha la tête.
- Peut-être, admit-il. Mais j’éprouve une rancœur personnelle envers ce type.
Le ton qu’il avait employé était dur, presque agressif. Ça ne lui ressemblait pas.

Shibai eut un rire sans joie. Voilà, les premiers signes de son trépas arrivaient. La gorge le
brûlait continûment depuis maintenant vingt minutes, et cela allait en s’amplifiant. Pris alors d’une violente quinte de toux, il se plia en deux, les larmes au coin de l’œil, tant le choc était violent. Marduk ne le pardonnait pas. Oh, c’était vain d’espérer le contraire, mais il y avait tout de même pensé.

Tohru s’arrêta de marcher, se tourna lentement, et observa les fenêtres qui donnaient sur l’appartement de Shibai. Les rues étaient impitoyablement désertes et silencieuses, seul le vent sifflait dans le creux des oreilles de la jeune fille. Longtemps elle contempla se calme qui s’offrait autour d’elle, à la fois dans les rues, et à travers ces fenêtres étroites. Le silence n’était pas toujours bon signe. Surtout lorsqu’il s’accompagnait de l’inactivité la plus totale.
Tohru respira un grand coup, puis d’un pas rapide revint sur ses pas. Elle avait un mauvais pressentiment.
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Bulle
posté Jan 12 2006, 08:09 PM
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Les Ecorchés

Part. VIII


QUATRIEME PARTIE : LE DENOUEMENT - les trois derniers chapitres =__=

Chapitre 51 : Torture
Ou comment se défouler sur ses persos.
(Allie-chan)

Tohru commença à courir. L’impression, le pressentiment, était devenu oppressant, au point qu’elle en avait du mal à respirer.
Du mal à penser.
Une seule chose lui venait à l’esprit : elle n’aurait pas dû partir. Elle ne pouvait pas partir comme ça ! Pas sans être sûre qu’il aille bien – elle était sûre que ce n’était pas le cas – , pas sans savoir ce qui se passait exactement, pas sans lui avoir dit.
Pas sans qu’il sache.
Tohru frémit et trébucha sur une pierre, tombant à genoux. Elle resta une minute, comme ça, tremblante, à bout de souffle, à genoux sur le sol, totalement incapable de se relever. Doucement, elle porta une main à son front, repoussant une mèche de cheveux derrière ses oreilles, essuyant du même coup quelques gouttes qui perlaient au coin de ses yeux. Elle n’arrivait plus à s’arrêter de pleurer.
Elle ne voyait pas non plus de raison de le faire.
Lentement, elle se releva et reprit la direction de l’appartement.

Shibai s’était effondré, parcouru de spasmes de plus en plus violents. Il ne contrôlait plus son corps, il ne contrôlait plus son esprit, sa seule pensée consciente était que Marduk était en colère, très en colère, et qu’il n’allait pas lui échapper comme ça, non, il faudrait un miracle, et aussi qu’il ne voulait pas mourir. Pas encore. Pas avant d’avoir dit certaines choses…
A Tohru.
A Zurui, peut-être.
Juste quelques mots, encore une fois…
Finalement, il n’aurait peut-être pas dû chasser la jeune fille comme ça. Pas alors qu’il savait très bien qu’il ne passerait pas la nuit.
Shibai ferma les yeux. Non. Là, il avait eu raison. C’était peut-être la seule fois de sa vie où il avait eu raison, au fond. Parce Marduk était furieux, d’accord, mais si, en plus, il avait su pourquoi son pion avait échoué, Tohru non plus n’aurait pas survécu.
Shibai commençait à comprendre que, sans Tohru, il aurait eu une chance de gagner…

Doucement, Zurui aida son cousin à se relever et, Yuugiri s’appuyant très fortement sur le jeune homme, l’entraîna vers l’extérieur du manoir. Kagura les suivait pas à pas, ne pouvant pas aider Zurui sans risquer de se transformer.
« - Zurui-chan, je vais chercher Hatori, déclara-t-elle brusquement. »
Zurui s’arrêta et plongea un moment ses yeux dans ceux de sa cousine. Il devait réfléchir très vite. Yuugiri avait besoin de soins, et il avait aussi besoin de voir Akito. Hatori pouvait soigner Yuugiri, et il pouvait aussi…
« - Fais vite, demanda-t-il. Ramène le chez l’oncle de Kenji ! »
Kagura hocha la tête et partit en courant sans rien ajouter.

La porte d’entrée s’ouvrit, mais Shibai n’était plus en état de l’entendre. Pas plus qu’il n’entendit les pas pressés qui s’approchaient de lui, ni le cri d’angoisse pure qui s’échappa des lèvres de sa visiteuse.
Tout ce qu’il voyait, c’était la jeune fille aux cheveux bruns et aux grands yeux qui s’était accroupie près de lui.
Tohru…
Non ! Pourquoi était-elle revenue ? Elle ne comprenait pas… Si elle restait, elle était en danger…
« - Shibai… »
La voix de Tohru était étranglée par l’émotion, son beau visage noyé par les larmes. Shibai voulut lui répondre, lui dire de ne pas s’inquiéter pour lui, de ne pas pleurer surtout parce que, franchement, ça n’en valait pas la peine, mais seul un faible gémissement franchit ses lèvres.
Il était pathétique.
Lentement, il leva une main et voulut caresser les mèches de Tohru. Malgré lui, sa main se cramponna à ses cheveux. Il devait lui faire mal, mais elle n’en laissa rien paraître. Doucement, elle posa sa main sur celle de Shibai et la serra, très fort.
Shibai força son corps à se détendre. Il devait réussir à parler, au moins pendant un moment…
« - Tohru-chan… »
La main de la jeune fille se resserra encore.
Shibai s’interrompit de nouveau. Bien, c’était déjà ça. Maintenant, il devait…
« - Tohru-chan… je… »
Ses spasmes l’interrompirent de nouveau, et il attendit un moment, s’accrochant à la main de Tohru comme si sa vie en dépendait, ce qui, quelque part, était peut-être le cas, que la crise se calme.
« - Va… chercher Zurui… souffla-t-il. »
Tohru ouvrit des yeux ronds. Mais… Zurui et Shibai étaient ennemis pourtant, et ça ne lui semblait pas une excellente idée d’aller le chercher maintenant.
Shibai gémit de nouveau.
« - Tohru… chan…
- Je ne peux pas te laisser ! s’écria la jeune fille
- … c’est important… s’il te… plait… »
Shibai ferma de nouveau les yeux. Si elle refusait, il ne pourrait jamais voir Zurui, il ne pourrait pas lui dire… tout ça…
La main de Tohru, chaude et ferme contre la sienne, resserra de nouveau son étreinte, avant de le lâcher totalement. L’espace d’une seconde, Shibai paniqua et voulut se rattraper à Tohru, d’une façon où d’une autre, puis il réalisa que Tohru ne l’aurait jamais lâché, à moins d’accepter ce qu’il lui demandait.
Elle allait le chercher. Elle allait chercher Zurui.
Et elle le trouverait forcément.

Yuugiri était à moitié allongé sur le sofa, un bandage autour du front et un bras en écharpe. Shiguré y avait vraiment été fort.
Ils n’avaient pas dit à Hatori ce qui s’était passé, bien sûr. Lui annoncer qu’un de ses meilleurs amis était responsable de ça, ne paraissait pas être la meilleure idée au monde. Surtout avec ce que Zurui avait prévu pour lui…
De toute façon, le médecin devait se douter de quelque chose. Il savait de quoi Yuugiri était capable. Il aurait pu calmer n’importe qui, mais là…
La colère de Shiguré avait été bien trop intense pour lui…
Le jeune homme sentit un poids se poser sur le bord du canapé, juste à côté de lui. Il sourit et se tourna doucement vers Kagura. La jeune femme le regardait, ses yeux gris légèrement agrandis par l’inquiétude.
« - Je vais bien, la rassura doucement Yuugiri. »
Elle hocha la tête, mais ne paraissait pas convaincue.
Lentement, sans faire de geste brusque, Yuugiri se leva. Il sentit aussitôt ses jambes trembler violemment et s’agrippa au bord du canapé.
Kagura se leva, visiblement plus agacée qu’autre chose – à vrai dire, Yuugiri était persuadé qu’elle l’aurait frappé s’il n’était pas déjà blessé.
« - Et tu penses aller où ? Hatori t’as dit de rester tranquille, alors reste tranquille ! »
Yuugiri sourit.
« - Je ne peux pas, répondit-il. Je dois aller voir Akito. »
Les yeux de Kagura s’écarquillèrent d’avantage.
« - Tu comptes aller au manoir ?
- Oui.
- Voir Akito ?
- Oui.
- Maintenant ? Dans cet état ?
- Oui.
- Tu es cinglé !
- Sans doute, oui. »
La jeune femme poussa un soupir exaspéré qui ne réussit pas à altérer le visage souriant de Yuugiri.
« - Zurui va râler, dit-elle.
- Non. Zurui sait pourquoi je dois y aller. Et puis, il a d’autres chats à fouetter. »
Kagura n’aimait pas ça, mais elle devait bien admettre que c’était vrai. Tout ça semblait représenter bien plus qu’elle ne pouvait se l’imaginer. Il y avait autre chose là-dessous, forcément, mais de là à savoir quoi…
En général, elle aurait pu avoir l’information par Zurui, mais elle sentait que ce secret-là, il parviendrait à le garder.
Kagura soupira de nouveau et tourna le dos à Yuugiri.
« - Tu as intérêt à revenir entier ! l’avertit-elle.
- Et sinon ? demanda Yuugiri.
- Sinon, je te frappe ! promit Kagura.
- Je m’en souviendrais. »
Yuugiri se débrouilla pour avancer jusqu’à la porte de la terrasse et se dirigea de nouveau vers le manoir.

Zurui avait raccompagné Hatori jusqu’à la porte et le retenait depuis dix minutes maintenant. Il préférait être sûr que le médecin ne remarque pas Yuugiri si celui-ci partait, ce qu’il ferait certainement. Et puis, il y avait autre chose qu’il devait faire…
« - Veillez juste à ce qu’il ne se lève pas tout de suite. Il a besoin de repos, répéta pour la énième fois le médecin, suite à une question que lui avait posé pour la énième fois son jeune cousin. »
Il se retourna, marmonna vaguement un « au revoir », et commença à s’éloigner.
« - Salut. Oh, au fait, Kenji à rendu sa mémoire à sa sœur, déclara négligemment Zurui. »
Hatori s’arrêta net et lentement, très lentement, se retourna, le visage blanc comme neige et aussi figé que celui d’une statue.
« - Quoi ?
- Kenji. A rendu. Sa mémoire. A sa sœur, répondit obligeamment Zurui. J’ai pensé que tu aimerais être au courant. »
Zurui observa pendant une poignée de secondes les émotions se succéder sur le visage du médecin, puis fit mine de rentrer et de refermer la porte.
« - Où est-elle ? demanda Hatori. »
Sa voix s’était réduite à un murmure, comme si prononcer ces mots à voix basse pouvait leur ôter de leur importance.
C’était plus qu’une simple question qu’il posait. C’était sa décision qui était prise.
« - Dans la chambre de Kenji, répondit Zurui. Avec Kenji, d’ailleurs. »
Le jeune homme sourit innocemment au médecin.
« - Oh, tu veux la voir, peut-être ? »

Shiguré entra lentement dans la pièce, se dirigeant vers la silhouette accoudée à la table.
« - Akito-san… appela-t-il dans un souffle. »
La jeune femme se tourna vivement vers lui, l’air furieuse.
« - Va-t-en, siffla-t-elle. J’attends quelqu’un.
- Oh, vraiment ? »
Akito serra les poings. Shiguré recula prudemment d’un pas. Il ne tenait pas particulièrement à recevoir un vase sur la tête.
« - Il ne viendra pas, dit-il. »
Le poing d’Akito s’abattit sur la table avec force alors que la jeune femme se levait d’un bond.
« - TAIS-TOI ! hurla-t-elle. »
Elle sentit son corps trembler et pria pour que Shiguré ne s’en rende pas compte. Qu’il ne se rende pas compte qu’il avait touché un point sensible. Qu’il ne se rende pas compte que c’était ce qu’elle avait craint toute la soirée, qu’il ne vienne pas ce soir, qu’il ne vienne plus, jamais, qu’il la laisse, comme tous les autres…
« - Tais-toi… répéta-t-elle. »
Sa voix s’était brisée.
Yuugiri était en retard, et c’était tout ce qu’elle voyait. Il n’avait jamais été en retard avant, jamais…
S’il ne venait pas…
Il ne lui restait plus rien…
Shiguré sentait la colère monter en lui, prête à exploser. Mais ça ne devait pas se faire devant Akito. Surtout pas devant Akito. Pourtant…
Comment est-ce qu’elle pouvait faire ça ? Comment est-ce qu’elle pouvait aimer ce type à ce point, alors que tout ce qu’il faisait, c’était l’utiliser, se servir d’elle pour arriver à ses fins – ou plutôt à celles de Zurui – , se servir d’elle pour mettre fin à la malédiction…
Oh, bien sûr, ce n’était pas un mal en soi, mais…
La malédiction finie… Akito ne serait plus la même…
Elle ne serait plus liée à lui, non plus.
Plus jamais…

Hatori ouvrit doucement la porte de la chambre. Kana était assise sur le lit, ses yeux brillants de larmes contenues, ses cheveux un peu trop ébouriffés. Kenji était accroupi devant elle, lui tenant les mains, lui parlant à voix basse.
Le jeune homme se retourna en entendant la porte s’ouvrir. Son regard s’assombrit quand il reconnut Hatori. Il n’était pas sûr de pouvoir pardonner au médecin pour ça. Pour avoir effacer la mémoire de sa sœur. Pour avoir cherché à sortir de sa vie, alors que c’était lui, sa vie.
Il se leva lentement, lâcha les mains de sa sœur et se dirigea vers la porte.
« - Fais attention à ce que tu vas lui dire, souffla-t-il à Hatori en passant à côté de lui. »
Il sortit sans un mot de plus.
Hatori hésita longuement, mais il ne pouvait plus vraiment reculer, maintenant. Il fallait y penser avant.
Il s’approcha de Kana et s’accroupit doucement devant elle.

Zurui sourit et retourna dans le salon. Hatori était en haut avec Kana. Kenji ne descendrait pas avant un moment. Il était sûr que le jeune homme resterait près de la porte de sa chambre jusqu’à ce qu’il soit sûr que sa sœur ne serait pas blessée d’avantage.
Zurui s’assit à côté de Kagura. La jeune femme lui jeta un regard un peu agacé.
« - Yuugiri est parti, fit-elle remarquer.
- J’ai vu.
- Il n’aurait pas dû.
- Peut-être.
- Arrête de parler comme ça !
- Pourquoi ?
- Parce que ça m’énerve. »
Zurui fit mine de réfléchir un moment.
« - C’est une bonne raison, admit-il finalement. Je ne voudrais pas t’énerver. Je tiens à la vie.
- Méchant ! rit Kagura. »
Zurui lui adressa un sourire éclatant et se rapprocha un peu d’elle.
« - Kagura… je voulais te dire… »
Des coups violents retentirent dans la pièce. Zurui et Kagura échangèrent un regard, puis se levèrent d’un même mouvement pour se diriger vers la porte d’entrée.
Sur le seuil de la maison se tenait une Tohru essoufflée, en larmes et visiblement au bord de l’hystérie.
« - Tohru ? s’étonna Kagura. Qu’est-ce qui se passe ?
- Zurui… articula Tohru entre deux sanglots. Il faut… Shibai… il… »
Kagura grimaça au nom de Shibai. Elle ne le connaissait que de nom, mais savait qu’il avait causé pas mal d’ennuis à Zurui, entre autres en lui ouvrant à moitié le crâne il n’y avait pas si longtemps, ce qui ne le rendait pas très sympathique aux yeux de la jeune femme et la fit se demander ce que Tohru pouvait bien avoir à faire avec lui.
Mais Zurui, lui, semblait plutôt inquiet.
« - Qu’est-ce qui lui arrive ?
- Il… je dois… »
Tohru secoua vivement la tête, cherchant visiblement à formuler clairement sa penser, sans y arriver. Zurui prit la jeune femme par le menton et la força à relever les yeux pour le regarder.
« - Tohru, dis-moi ce qui se passe !
- … Il veut vous voir… il… »
Tohru inspira, tentant de se calmer assez longtemps pour terminer sa phrase.
« - Il veut vous voir, répéta-t-elle. Il… il est en train de mourir. »
Et elle éclata en sanglots, glissant dans les bras de Zurui.

Chapitre 52 « Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient) »*
Où comment se déclanche la colère des dieux
(Par Bulle)

Shiguré baissa les yeux, puis les releva. L’ombre qu’il avait cru entrapercevoir appartenait bien à celui qu’il présumait : Yuugiri était revenu, malgré ses menaces, malgré ses coups – qu’il regrettait déjà – malgré sa détresse. Cet homme n’avait même pas essayé de penser à son amour, à sa jalousie. Personne donc ici n’essayait de le comprendre ? Shiguré laissa échapper un rire éclatant de toute son amertume. Évidemment non…Akito aimait Yuugiri. Mieux valait partir. Mieux valait oublier. C’était écrit. Zurui l’avait prévenu.

Zurui Sôma attrapa les épaules de Tohru, la redressa, et l’observa, incrédule. Il ne comprenait pas pourquoi c’était lui qu’elle venait voir. Tout d’abord, Shibai était invincible. Donc les propos de Tohru devaient être relativement exagérés. Ensuite, n’importe qui sur cette terre en ce moment même, savait que la dernière personne qui compatirait pour Shibai était bien lui !
- Tohru, excuse-moi mais ce ne sont pas mes affaires, expliqua Zurui avec
froideur.
- Mais…
Le jeune homme au catogan détourna ses yeux de la jeune fille. Le regard humide qu’elle
lui lançait était insoutenable.
« Va voir quelqu’un d’autre, murmura-t-il. N’importe qui. Mais pas moi. »
À ces mots, Zurui serra les poings comme pour essayer de contrôler sa voix tremblante,
mais en vain.
« Zurui-chan ! »
Zurui sursauta en entendant cette voix familière, tout près de son oreille. L’adolescent se
retourna, et sourit à Kagura qui s’accrochait à son bras. Son visage était rassurant.
- Si Shibai te demande, tu dois aller voir ce qu’il veut, ordonna-t-elle en fronçant les
sourcils.
- Mais…
- Elle a raison, une fois de plus !
Zurui, Kagura et Tohru levèrent leurs yeux dans un même geste. Yela s’inclina avec son
ironie habituelle, puis jeta sur le sanglier un regard entendu.
- Tu n’as pas perdu ton mordant, Kagura, fit-il remarquer avec une pointe d’admiration
dans la voix. Mais ce n’est pas le moment de nous lancer des roses. Zurui, Tohru a raison : Shibai s’éteint par ce que toi et Ea êtes en train de gagner.
- Je suppose que c’était inévitable, répondit Zurui d’un ton qui ne souffrait pas de
réplique.
Mais sa voix était tout aussi mal assurée.
« baka ! » siffla Yela entre ses dents. Le démon s’approcha de Zurui, ses puissants
yeux verts braqués sur le visage de l’adolescent.
« Shibai se meurt par ce qu’il n’a pas obéi à Marduk. Il a refusé de tomber plus bas que
terre. Je dois avouer qu’il me surprend, ce bon à rien. Maintenant, allons-y, tous les quatre, lança-t-il avec force. Et tu ne discutes pas ! »

Zurui réalisa pour la première fois, en arrivant sur le perron, que la maison de Shibai était tout près de celle de l’oncle de Kenji, c’est-à-dire là où il vivait, là où il avait à peu près caché tout le monde durant plusieurs semaines.
« Oui, tu n’as pas été très prudent » fit remarquer Yela comme s’il avait lu dans ses pensées.
- Comment allons-nous rentrer s’il ne peut pas répondre ? s’enquit Kagura.
- On ne va pas s’embarrasser avec des formalités, rétorqua Yela, on a pas le temps.
Excusez-moi, je passe.
Le petit démon se fraya un chemin entre les trois jeunes gens, puis tendit les paumes de ses mains noueuses contre la porte. Il y eut une explosion, puis celle-ci s’ouvrit en grand sur le vestibule, prêt à les accueillir. Tous entrèrent précipitamment.
Ce que Zurui ressentit en entrant dans le salon resta figé dans sa mémoire toute sa vie. Shibai, son pire ennemi, son double, était étendu là, à ses pieds, inconscient et pathétique. Comme lui, lorsque ce misérable l’avait emprisonné, puis jeté avec mépris sur le perron. Le garçon au catogan eut un rictus de satisfaction.
Cependant, les choses ne furent pas aussi simples lorsque la victime commença à parler.
« Zurui… », murmura Shibai, les yeux à demi clos.
Zurui se raidit, puis croisa les bras. Yela tiqua, visiblement agassé par l’attitude du garçon.
- Bon ! s’écria le démon, en jetant un regard courroucé en direction de Zurui, si tu ne
réagis pas, je vais le faire ! Aidez-moi toutes les deux ordonna-t-il à Kagura et Tohru, nous allons le transporter dans le jardin. Il sera mieux dehors.
Shibai n’entendait qu’à demi-mot la conversation qui s’animait autour de lui. Mais il sentit que plusieurs mains le soulevèrent pour l’entraîner à l’extérieur. Il bénit intérieurement celui qui avait eu cette idée. Le vent frais qui soufflait sur son visage le réveilla un petit peu, et il s’aperçut avec joie en étant étendu sur l’herbe, qu’il pouvait sentir le contact du sol contre sa peau, chose encore impossible lorsqu’il était chez lui.
- Il reprend des couleurs, murmura une voix familière.
Shibai ouvrit grand les yeux, et sentit son ventre se contracter. Tohru lui caressait les
cheveux, son regard tendre posé sur lui. Le garçon eut un mouvement vers elle. Il voulait l’embrasser, la prendre dans ses bras. Mais une puissance inanimée le cloua au sol, et saisit sa gorge avec force. Tohru poussa un cri de terreur en voyant ainsi Shibai se contorsionner pour échapper à la douleur, mais lui comprenait très bien ce qui se passait. Zurui aussi, apparemment. Il s’agenouilla près de lui à son tour, les yeux écarquillés par la surprise ; la colère ne voilait plus son regard.
- Ça alors ! Shibai ! s’écria-t-il.
- Eh oui, répliqua Shibai avec amertume. Marduk me laisse le choix, si l’on peut appeler
ça un choix.
Zurui regarda Yela avec effarement. Il ne pensait pas que Shibai s’écarterait un jour de
Marduk. C’était imprévu, se dit-il.
- Que veux-tu, l’amour est plus fort que tout, susurra Yela d’un ton qui se
voulait parfaitement ironique.
Tohru fronça les sourcils. De quoi Shibai, Zurui et Yela parlaient-ils ?
- De quel choix est-il question ? demanda Kagura, qui visiblement ne
comprenait rien non plus.
- Pas le temps de t’expliquer, renchérit Yela en se levant.
- Ou vas-tu demanda Zurui inquiet.
- Parler avec Marduk, rétorqua Yela en s’élevant dans les aires. Je reviendrai le plus vite
possible.

Ryoumi sursauta. Reste? Elle n’y avait jamais pensé. Avec Kyô, il fallait toujours partir
au contraire. Mais là…
Kyô s’approcha d’elle, le visage fermé. Ses yeux pourpres se durcissaient au fur et à mesure qu’il avançait, comme s’il n’était plus vraiment là.
- Kyô-chan ? interrogea Ryoumi.
- Je…
Kyô s’arrêta, maintenant à cinq centimètres d’elle, puis se courba lentement.
« Kyô, que ce passe-t-il ? » s’écria la jeune fille affolée.
Kyô ne répondit pas. Il demeura dans cette position quelques secondes, la tête résolument
baissée, et les genoux fléchis. Puis il leva enfin les yeux, et Ryoumi lâcha un profond soupir de soulagement. Pendant un instant, elle avait eu la naïve impression qu’il ne l’entendait plus. Le rouquin se redressa, et entrouvrit la bouche. Son visage était surpris, comme s’il avait eu un choc. Ryoumi cilla, mais ne dit rien. Visiblement, Kyô n’était pas apte à expliquer tout de suite ce qu’il lui arrivait. Lentement, sans même la regarder, il enlaça son amie, et la serra tout contre son cœur.
Ryoumi ne réagit pas tout de suite. Étrangement, elle trouvait cela naturel, alors qu’en y repensant plus tard, elle s’était rendu compte que ça avait été la première fois de sa vie que lui et elle étaient si proche.
Le déclique vint ensuite, lorsque secoué par l’émotion, Kyô enfonça profondément ses ongles dans les épaules de la jeune fille.
- Je suis…, murmura-t-il, je suis…
Ryoumi hocha la tête en souriant. Elle n’avait pas besoin d’écouter ce qu’il allait dire.
Kyô Sôma n’était plus maudit par le chat du Juunishi.

Sans même s’annoncer, Yuugiri entra lentement dans le manoir Sôma, et se faufila dans la pénombre. Plus le soleil était fort à l’extérieure, plus Akito se calfeutrait dans l’obscurité.
Elle, lui tournait le dos. Elle ne devait pas l’avoir vu. Ses cheveux de jais étaient négligemment jetés sur ses épaules, et Yuugiri, lentement, les caressa. Ils avaient poussé, suffisamment pour qu’elle ressemble à une femme. A une femme.
- Et si tu l’avais finalement accepté ? dit Yuugiri, comme s’il avait pensé tout haut.
Akito ne sursauta pas. Même lorsqu’elle avait senti les doigts de Yuugiri glisser dans ses
cheveux, elle n’avait pas réagi.
- Enfin, tu es là, souffla-t-elle d’une voix brisée.
- Pardonne-moi.
Lentement, elle se retourna, puis tressaillit. Le jeune homme était blessé.
- Je ne veux même pas savoir qui t’as fait ça, lâcha-t-elle en détournant la tête,
écoeurée.
Yuugiri esquissa un sourire.
- Il ne vaut mieux pas, c’est vrai. Je crois que tes maudits se libèrent.
- Comment le sais-tu, riposta Akito, un air de défis dans la voix.
- Je n’en sais rien.
Mais je le sens, se dit-il.
- Je suppose que je suis moi aussi coupable de ce qui arrive.
- Pas seulement. Tu m’oublies, dans l’histoire.
Akito esquissa un sourire. Un premier sourire. Sincère.

- Tu sais, murmura Shibai, j’ai rêvé de toi. Je me suis rappelé que nous avions été amis.
Zurui, penché sur le garçon, hocha lentement la tête.
- Je comprends, souffla-t-il. Ea t’as rendu tes souvenirs. Elle a triché.
Il eut un petit sourire diabolique.
- Oui, approuva Shibai de plus en plus faible, mais elle avait commencé à tricher dès le
départ…
- …Lorsqu’elle a utilisé d’autres gens que moi, compléta Zurui.
- Tu veux parler de Kimitsu, Ryoumi et des autres ? demanda Tohru qui commençait à
comprendre.
- Oui, répondit Shibai, en se tournant vers la jeune fille. Ea et Marduk avaient parié : Ea
devait libérer les Sôma de la malédiction, et Marduk devait l’en empêcher. Mais Ea est fourbe. Elle n’a pas utilisé que Zurui, mais d’autres personnes. Marduk n’en savait rien. Lorsqu’il a compris la supercherie, c’était trop tard. Il a bien essayé d’utiliser Izumi, mais elle s’est retournée contre lui.
- Je vois, murmura Tohru.
Shibai lâcha un cri étouffé, et se tordit dans de nouvelles convulsions. Il avait trop parlé.
Son corps tremblait maintenant de partout, sans qu’il puisse se contrôler.
- Je ne veux pas que tu me voies comme ça, dit-il à Tohru entre deux crises.
- Shibai, tiens bon ! cria Zurui, paniqué. C’est vraiment pas le moment.
- Désolé, expliqua le garçon en souriant. J’ai fait mon choix.
- Mais quel choix ? demanda Tohru avec force.
- Yela, hurla Zurui, les yeux rivés vers le ciel, grouille-toi ! Il est en train de nous
claquer entre les doigts !
Il y eut un bruissement, puis un lourd fracas. Le petit démon retomba lourdement sur le
sol et poussa un juron. Son visage était tuméfié et pleins de larmes.
- Enfoiré, lâcha-t-il. Il n’a rien voulu entendre.
- Je vois ça, fit remarquer Zurui.
- Pas le moment de faire de l’esprit, marmonna Yela.
Tohru ignorait leur querelle. Shibai s’était arrêté de trembler, et ne bougeait plus. La jeune
fille tâta son pouls : tout était normal. Alors, doucement, elle prit le visage du garçon, puis le posa sur ses genoux. Lui, sourit mais n’ouvrit pas les yeux.
Il y eut quelques minutes où Tohru n’entendait plus que sa respiration mêlée à celle de
Shibai. Le silence s’était fait, sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi. Elle ne voyait plus Kagura, elle ne voyait plus Zurui, elle ne voyait plus Yela. Peut-être étaient-ils partis, ou peut-être pas. Peu lui importait. Seul le silence de la nature l’occupait. Et elle était incapable de savoir combien de temps elle était resté là, dans cette position, avant que Shibai ne dise ses premiers mots.
- Tohru ? murmura-t-il.
- Oui ?
- Je suis content, par ce que Marduk m’aura laissé ce dernier moment avec toi.
- Qu’est-ce que tu dis ?
- Il a respecté mon choix.
Shibai referma les yeux, mais cette fois sa tête tomba lourdement sur son épaule. Il était
mort.
Alors Tohru vit enfin ce qui se passait autour d’elle. Yela l’observait, une certaine
pudeur inhabituelle dans ses yeux verts. Lui aussi semblait bouleversé.
- Shibai devait choisir, expliqua-t-il. Ou bien tuer Zurui et tous les autres, ou bien rendre
son âme à Marduk. Il a fait son choix. Grâce à toi, la malédiction est brisée, Tohru.


*titre de l'album de Noir Désir©, dont est d'ailleurs tirée la chanson "Les Ecorchés" ^^

Chapitre 53 : Cœur de folie
Ou comment vivre, après.
(Par Allie-chan)

Hatori s’agenouilla prudemment devant Kana. La jeune femme le fixait sans ciller, l’air totalement pétrifiée. Le jeune médecin ne put retenir un frisson. Il avait toujours détesté la voir comme ça. Que Kana, si belle, si fraîche, si joyeuse et pleine de vie, puisse avoir l’air si abattue, si triste… l’idée en elle-même était terrifiante.
Puis un frémissement parcourut le corps de la jeune femme, ses yeux s’emplissant de larmes, et Hatori dut se faire violence pour ne pas la serrer dans ses bras, mais vraiment, elle n’avait pas besoin de le voir se transformer en plus.
« - Kana… je…
- Hatori, je suis désolée ! le coupa brusquement Kana. »
Hatori cilla, un peu rassuré de l’entendre parler. Mais son soulagement fut aussi intense que bref : c’était ce qu’il craignait, qu’avec la mémoire ne lui revienne la culpabilité. Que tout recommence. Qu’elle se détruise de nouveau.
« - Désolée… poursuivit la jeune femme. Si j’avais été plus forte… tu n’aurais pas eu à… »
Elle s’interrompit et laissa échapper un sanglot.
« - Ce n’est pas de ta faute, souffla Hatori. Tu ne pouvais pas… »
Le médecin s’arrêta à son tour, réalisant qu’elle ne parlait pas de son œil mais des souvenirs qu’elle avait perdu.
« - Je ne t’ai pas laissé le choix, reprit-il. Ce n’est pas de ta faute.
- Non ! J’aurais pu… j’aurais pu… »
Kana se tut de nouveau et enfouit son visage dans ses mains. Hatori leva une main hésitant, frôlant les cheveux châtains de la jeune femme.
« - Kana… »
Et puis, il le sentit.
La malédiction…
« - … je… »
… était…
… finie ?
Doucement, le médecin attira Kana dans ses bras.
« - Pardon, lui souffla-t-il à l’oreille. Pardon. »
Pardon de ne pas avoir su te protéger…
Pardon de t’avoir fais subir tout ça…
Pardon…

Kenji se détacha du mur et s’éloigna de la chambre. Tout avait l’air de bien se passer. Il fallait sans doute qu’il cesse de s’inquiéter pour sa sœur. Et puis, il n’avait pas envie d’entendre la suite.
Le jeune homme se rendit à la cuisine et se servit un café, noir et fort, qu’il but lentement. Il se sentait bizarre. Pas exactement bien, mais pas vraiment mal non plus. Quelque chose avait dû se passer.
Zurui avait gagné, probablement.
Kenji reposa sa tasse et, après une brève hésitation, en servit deux autres. Hatori et Kana en auraient sans doute besoin quand ils descendraient. A compter qu’ils descendent alors que le breuvage était encore chaud.
Puis il prit sa veste et sortit.

Akito se laissa aller dans les bras de Yuugiri. C’était étrange… La malédiction était finie. Comme ça, tout simplement. Malgré elle, la jeune femme frémit. Aussitôt, les bras de son amant raffermirent leur prise sur son corps frêle.
Akito se blottit un peu plus dans ses bras et un fantôme de sourire apparut sur son visage pâle. La fin de cette malédiction qui planait sur la famille Soma…
Pour elle, ça avait signifié tellement…
La fin de la malédiction, c’était la fin de sa vie.
C’était le moment où elle devenait inutile. Le moment où elle était seule.
Mais le bras qui enserrait sa taille, la main qui lui caressait tendrement les cheveux, lui disait le contraire. Elle n’était pas seule.
La malédiction était levée.
Elle se sentait bien.

Rin sentit ses jambes se dérober sous son poids. Comme ça, sans vraie raison, mis à part cette sensation poignante qui venait de l’envahir. Un sentiment de plénitude teintée d’une perte douloureuse.
Un lien brisé.
Un bras entoura sa taille et une main se saisit de son poignet, et elle se retrouva adossée au torse de celui qui avait retenu sa chute.
« - Haru… »
Le jeune homme répondit quelque chose qu’elle n’entendit pas. Tout ce qui lui venait à l’esprit, c’était ça : ça y était, enfin, la malédiction était levée, enfin, ils étaient libre. Cette liberté qu’elle avait cherché depuis si longtemps, non pas pour elle, mais pour Haru…
« - C’est fini… souffla-t-elle. »
C’était fini. Elle pouvait s’arrêter.
Une larme coula le long de sa joue.

Shiguré sentit toute sa colère, tout sa haine et toute sa jalousie être balayées par une vague d’indifférence. Ça lui semblait tellement vain, soudain. De toute façon, ce n’était pas comme s’il pouvait forcer Akito à se détourner de Yuugiri. Ce n’était pas comme si…
Une porte s’ouvrit, sur sa droite, sur Kureno.
L’ancien maudit du chien ressentit pendant une seconde une certaine satisfaction à l’idée que Kureno, libéré depuis des années, ne devait pas l’avoir sentie, la fin.
Qu’il ne savait pas que le lien avait disparu.
Qu’il ne savait pas qu’il n’avait plus besoin de faire semblant.
Mais même la pensée de laisser Kureno se débrouiller avec ça ne le réjouissait pas.
Shiguré soupira et passa devant Kureno pour quitter la pièce.
« - Akito nous à laissés, souffla-t-il à l’ancien coq en passant. Tu devrais partir, toi aussi. »
Et il sortit, laissant Kureno à sa stupéfaction.

Izumi se balançait légèrement sur sa chaise. Finalement, « squatter » chez l’oncle de Kenji n’avait rien de désagréable. Même s’ils avaient été chassés un peu plus tôt que prévu par Kenji qui avait insisté pour laisser Kana et Hatori seuls.
De toute façon, elle aimait autant ça. Au moins…
Un bruit de verre brisé la fit sursauter. Ritsu venait de laisser échapper sa tasse.
« - Aah ! Gomen ! Je… »
Izumi sourit. Elle connaissait depuis longtemps la litanie des excuses de Ritsu et n’y prêtait plus attention. Et puis, cette fois…
La jeune femme posa une main sur la nuque de Ritsu et l’embrassa doucement, le réduisant efficacement au silence.

L’archet dérapa brusquement, ripant sur les cordes du violon. Momiji cilla. Même s’il ne prenait plus de cours, il s’entraînait tous les jours, et il était rare qu’il fasse une fausse note, mais là… Là, la sensation l’avait submergé, mélange de peur et de joie et de peine et de douceur, et il avait tout de suite compris, sans savoir comment.
Il était libéré.
C’était fini.
Et il en pleurait.

Hiro s’assit derrière Kisa, faisant mine de s’intéresser à l’épisode de Moguéta qu’elle regardait alors qu’en fait, c’était surtout l’adolescente qui l’intéressait, depuis longtemps. Toujours, peut-être.
Longtemps aussi qu’il gardait tout ça pour lui. Il ne savait pas encore combien de temps il pourrait contenir ses sentiments, mais… il ne voulait pas la faire fuir. Pour l’instant, il voulait se contenter de ce qu’elle lui donnait.
Hiro tendit une main hésitante et saisit celle de Kisa. L’adolescente parut surprise mais ne retira pas sa main. Hiro sourit.
Pour l’instant…

***

Kagura soupira et s’approcha de Zurui. Le jeune homme était assis sur le canapé du salon de la maison de l’oncle de Kenji, maintenant presque abandonnée.
Vingt-quatre heures. Ça faisait vingt-quatre heures que tout était fini, vingt-quatre heures qu’ils étaient libres, vingt-quatre heures que Shibai était mort.
Vingt-quatre heures que Zurui parlait à peine, partagé entre le soulagement, la joie d’avoir gagné qui lui transmettait Ea, et ses propres sentiments.
Kagura s’assit à côté de son cousin et l’observa avec attention pendant une minute avant de prendre la parole.
« - Zurui-chan… tu es triste ? Pour Shibai ? »
Zurui réfléchit. La question ne lui semblait pas facile.
« - C’était mon ami, finit-il par répondre. Il y a longtemps, précisa-t-il.
- Ça veut dire oui ?
- Oui. »
Kagura sourit et reposa sa tête contre l’épaule du jeune blond.
« - C’est bizarre, mais ça me rassure, murmura-t-elle. »
Ils restèrent un long moment comme ça. Puis, lentement, Zurui passa un bras autour des épaules de sa cousine pour la serrer dans ses bras.

***

Yuki étouffa un bâillement alors qu’il descendait les escaliers, se dirigeant vers la cuisine. Il entra dans la pièce et se figea un moment. Kyô était assis à table, seul, grignotant ce qui avait dû être une boulette de riz. Yuki s’assit en face du rouquin et tous deux restèrent silencieux un long moment. Même si leur besoin de se battre s’était à peu près éteint, ils n’étaient pas encore assez à l’aise pour que l’un d’entre eux n’engage la conversation. Sauf cas exceptionnel.
« - Ils ne sont toujours pas descendus, n’est-ce-pas ? demanda Yuki. »
Kyô secoua la tête. Cela faisait trois jours, depuis qu’ils étaient libérés de la malédiction, que Tohru était enfermée dans sa chambre, refusant tout contact. Shiguré, lui, n’apparaissait que pour manger et son mutisme était inquiétant. Aucun d’eux n’avait donné la moindre explication.
« - Kimitsu dort encore, je suppose ? demanda Kyô. »
Yuki acquiesça vaguement.
« - Et Ryoumi ? »
Kyô lui jeta un regard plus surpris qu’agacé.
« - Elle ne vit pas ici, fit-il remarquer.
- Oh. Elle passe ses journées ici.
- Hm.
- Et ses soirées.
- Hm.
- Tout le temps. »
Kyô haussa les épaules. Mais il ne put retenir un sourire à la pensée de la jolie blonde qui dormait paisiblement dans sa chambre. Ou peut-être pas, la jolie blonde en question venant d’apparaître dans l’encadrement de la porte, guidée par Kimitsu. Cette dernière mena sa cousine ensommeillée à la table et jeta un regard éloquent à Yuki dont les yeux étaient embrumés.
« - C’est à cette heure-ci qu’on voit un air de famille, remarqua-t-elle. »
Kyô ne répondit pas, surtout parce que Ryoumi, à moitié endormie, s’était blottie contre lui. Yuki sourit et prit discrètement la main de Kimitsu.
Et Tohru entra dans la cuisine.

Tohru s’assit, parfaitement consciente d’être fixée par quatre paires d’yeux, quatre regards anxieux et tendus. Elle savait aussi qu’ils attendait qu’elle parle, et que donc elle allait devoir parler, pour les rassurer à défaut de leur expliquer.
Etrangement, elle se sentait parfaitement calme. Presque en paix. Il fallait dire aussi qu’elle avait beaucoup pleuré. Pendant deux jours. Et puis elle avait dormi, longtemps.
Et puis elle avait décidé qu’elle vivrait.
C’était tout.
Ses lèvres tremblaient, mais elle se débrouilla pour sourire.
« - Ohayô, dit-elle. »
Elle déglutit.
« - Désolée de vous avoir inquiétés. »
Tohru fut surprise de constater que sa voix sonnait tout à fait normalement. Comme avant.
L’important, c’est de continuer à avancer…

Shiguré venait d’entrer dans la cuisine, aussi silencieux que d’habitude, quand la cloche d’entrée retentit.
Il y eut un moment de battement, avant que Tohru ne se lève pour aller ouvrir.
Drapé dans un long manteau rouge, ses cheveux argentés flottant derrière lui, Ayamé la dépassa et entra dans la cuisine d’un air royal.
« - Bonjour à tous ! »
Cinq regards plus ou moins stupéfaits se tournèrent vers lui.
« - Vous en faites une tête ! Haha !
- Mais c’est toi qui débarque sans prévenir ! lâcha Kimitsu.
- Qu’est-ce que tu fous là ? grogna Kyô. »
Yuki soupira. Ryoumi secoua la tête. Tohru se rassit, encore un peu sonnée par l’apparition d’Ayamé à laquelle elle était loin de s’attendre, surtout maintenant.
« - Moi ? Mais je viens juste prendre des nouvelles de mon petit frère adoré ! s’exclama un Ayamé presque pas faussement indigné.
- Baka, lâcha Yuki dans un souffle. »
Kimitsu ne prit pas la peine d’essouffler un ricanement.
« - Le « petit frère adoré » n’a pas l’air d’accord, fit-elle remarquer. »
Ayame poussa un soupir tragique.
« - Ah, quelle tristesse ! Gure-san, ils sont tellement cruels avec moi… »
Shiguré cilla, puis un sourire un peu forcé orna ses lèvres. Il posa une main sur l’épaule d’Ayamé dans un geste dramatique.
« - Ne t’occupes pas d’eux, tu sais que je serais toujours là pour toi, Aya ! déclara-t-il. »
Les deux amis échangèrent un regard et un sourire.
« - Nous sommes vraiment…
- Les meilleurs ! »


Prologue : "Que même la fin soit terminée"*
(Par Allie-chan et Bulle)

Shiguré balança la tête en arrière et sourit. C’était étrange, comme la douleur pouvait se calmer, même quand on croyait qu’elle allait être la plus forte. Certaines personnes feraient-bien d’en prendre de la graine.
« - Ne, Mi-chan ? lança-t-il comme si elle avait pu suivre le fil de ses pensées.
- Senseiiiiiiii ! gémit son attachée d’édition, à genoux – et en larmes – derrière lui. »
Le sourire de Shiguré devint machiavélique.
« - Allons, allons, vous devez bien comprendre que mon pauvre cœur brisé n’a pu me permettre de finir ce manuscrit… »
Le discours de Mitsuru devint alors incroyablement rapide, et l’écrivain ne put qu’en saisir les mots habituels : maison d’édition, salaire, retard, renvoi, feuilles blanches, sadisme, suicide…
« - Mais non, mais non, pontifia Shiguré. »
Mais cela ne parut pas calmer la jeune femme, loin de là.
« - Comment pouvez vous être aussi cruel ?! Vous ne pouvez pas !!!! Remplissez vos pages ! Senseiiiii !!!!!!! »
Shiguré soupira.
« - Mi-chan, tu as l’air nerveuse, fit-il soudain remarquer. Tu devrais prendre des vacances, tu ne crois pas ?
- Comment pouvez vous pensez à des vacances dans un moment pareil ?! L’heure est grave !
- Mais oui, mais oui, dit Shiguré. »
L’ancien maudit du chien se leva, saisit doucement mais fermement Mitsuru par le poignet et, lui plaçant une main dans le dos, entreprit de la pousser vers la porte.
« - Mi-chan, de toute évidence, tu es surmenée. Hors, loin de moi l’idée de te pousser au suicide ! »
Bizarrement, la jeune femme ne parut pas convaincue par cette affirmation.
« - Mais… mais… mais…
- Prends dons des vacances. Je te rendrais mon manuscrit dés mon – euh, je veux dire ton retour, bien sûr. »
Shiguré lâcha le dos de Mitsuru, la retenant toujours par le poignet, et fit coulisser la porte. Il cilla. Une fois, deux. Mais Mayuko était bel et bien là, apparemment. En tout cas, elle ne disparaissait pas, ce qui était un indice majeur.
Mayuko haussa un sourcil réprobateur en apercevant Mitsuru, qui était toujours en larmes et que Shiguré retenait toujours par le poignet. L’écrivain s’en aperçut et, avec un sourire un peu pervers, poussa son attachée d’édition dehors.
« - Repose-toi bien ! lui conseilla-t-il. Mayu-chan, bienvenue dans mon humble maison ! »
Mayuko soupira. Elle commençait à croire qu’elle n’aurait vraiment pas dû mettre les pieds ici.
Malgré tout, elle entra, pendant que l’autre femme s’éloignait en pleurant. Mayuko retint une grimace. Elle avait l’impression d’être la prochaine victime d’un vieux pervers.
« - C’est si rare de te voir ici, se plaignit faussement Shiguré. On dirait presque que tu m’évites, Mayu-chan !
- Quelle lucidité, laissa échapper Mayuko.
- Oh, je suis blessé ! Moi qui pensais que tu tenais à moi…
- Baka, souffla la professeur.
- Huh ?
- Si je ne tenais pas à toi, je ne serais pas là, fit-elle remarquer. »
L’espace d’une seconde, Shiguré parut déstabilisé. Puis il reprit son expression habituelle.
« - La femme est un mystère insondable, fit-il brusquement remarquer. Même moi, je n’arrive pas à savoir si tu vas me frapper ou pas, parfois.
- Et aujourd’hui ?
- Aujourd’hui ? Tu meurs d’envie de m’étrangler, Mayu-chan, reconnais-le au moins. »
Mayuko ne répondit pas.
« - Et alors ? Que me vaut l’honneur de cette visite ?
- Hatori et Ayamé m’ont appelé, répondit-elle. Ils ont dit que tu allais mal.
- Oh, vraiment ?
- Apparemment, ils avaient tort.
- Aw, Mayu-chan… soupira Shiguré, son sourire de nouveau pervers. »
Mayuko ferma les yeux.
Maintenant, elle était sûre qu’elle n’aurait pas dû venir.

Kimitsu éclata de rire.
« - T’es vraiment pas doué, baka neko ! lâcha-t-elle.
- La ferme ! Ne crois pas avoir déjà gagné ! répliqua Kyô. »
Yuki et Ryoumi échangèrent un bref regard, et soupirèrent.
« - Ils font beaucoup de bruit, fit remarquer la jeune fille. »
Yuki approuva. Kyô et Kimitsu s’étaient à moitié levés, comme s’ils allaient se lancer dans un combat dont leur vie dépendait, et le jeune homme commençait à penser que celui qui avait proposé une partie de grand clodo, quel qu’il soit, n’avait pas eu conscience de la portée de son acte.
Le bruit de pas légers descendant l’escalier le poussa à relever la tête.
« - Tohru ? s’étonna-t-il. »
Kyô se désintéressa aussitôt du duel avec Kimitsu pour se tourner vers la jeune fille. Kimitsu et Ryoumi échangèrent un regard perplexe, puis se tournèrent à leur tour vers Tohru. La jeune fille portait un sac qui semblait contenir des affaires pour plusieurs jours.
« - Je… commença-t-elle. Je pars. »
Les yeux de Yuki et de Ryoumi s’écarquillèrent. Kyô en resta sans voix ; Kimitsu, elle, laissa échapper un « baka », mais le cœur n’y était pas.
« - Et où tu vas aller ? grommela-t-elle. »
Tohru rougit violemment.
« - Je… Peu importe. Je serais absente quelques jours, pas plus. Ne vous inquiétez pas. »
Tohru quitta la maison sans un mot de plus, sous le regard inquiet des deux garçons.

Ryoumi et Kimitsu échangèrent un nouveau regard. Pourtant, ces trois derniers mois, Tohru était restée la même, agissant comme s’il ne s’était rien passée. Elle n’avait pas changé. Juste un peu moins souriante. Juste un peu moins sociable.
Alors, qu’elle parte comme ça, sans dire où, sans dire pourquoi, en expliquant juste qu’elle serait absente quelques jours…
Ce n’était pas normal.
Kimitsu haussa les épaules. Ryoumi secoua la tête. Puis elles essayèrent de ramener l’intérêt des garçons sur le jeu. Yuki et Kyô auraient sans doute préféré rattraper Tohru, mais…
Il valait mieux la laisser faire…

Zurui poussa un grand soupir de satisfaction lorsque son corps s’étendit sur l’herbe fraîche. Il ne faisait plus très chaud en cette saison, mais ce n’était pas pour déplaire à l’adolescent, lui qui aimait le froid. Kenji s’assit auprès de lui, les genoux repliés contre son corps. Ses sourcils habituellement froncés surmontaient un regard pensif et anxieux.
-Je crois qu’il est temps que je parte, dit-il d’un ton solennel.
Zurui écarquilla les yeux, puis observa son cousin avec stupeur.
-Tu en es sûr ? demanda-t-il un peu anxieux.
Kenji hocha lentement la tête sans répondre. Zurui réfléchit à ce qu’il venait de lui dire. Il avait lui-même presque oublié l’endroit où il habitait. Maintenant que Kagura était devenue sa petite amie, il n’était plus question pour lui de partir. Du moins pas pour l’instant. Mais avait-il beaucoup de choses à garder, ici ? Si Kenji partait, il ne verrait plus grand monde. Alors…
Les deux jeunes garçons furent interrompus dans leur pensée par une venue assez inattendue : Yuki et Kyô Sôma se placèrent timidement devant eux, puis d’un geste, évoquèrent la permission de s’asseoir à leur côté.
-Bien sûr ! fit Zurui d’une voix sonore.
Il voyait d’ici l’air peu accueillant de Kenji, et il valait mieux être le plus aimable possible « pour compenser ».
-Merci bredouilla Kyô
-Comment allez-vous ? renchérit Yuki.
Zurui était satisfait. Les deux anciens rivaux étaient devenus amis. Parfois, cela faisait du bien de se sentir utile. Durant toutes ces années il n’avait pensé qu’à sa mission, à son intérêt. La chute de la malédiction avait été juste un moyen de gagner, et accessoirement, d’échapper à la colère d’Ea. Mais, après tous ces évènements, la mort de Shibai, la tristesse de Tohru, les chagrins des uns et des autres, et les bonheurs issu de ce pari, Zurui ne pensait plus comme avant. Lui aussi était libéré depuis la fin de sa mission. Enfin, il pouvait penser comme un être humain, prendre le temps de s’attacher aux gens, et surtout, ne pas savoir ce qui « était écrit » ou ce qui risquait de ne pas l’être.
-Je vais bien, souffla-t-il en regardant Yuki droit dans les yeux. Je vais bien.
Yuki sourit à Zurui, puis parut soudain embarrassé.
-Qu’est ce qui se passe ? demanda Kenji d’un ton abrupt.
Quel tact, se dit Zurui amusé.
-Hum, marmonna Yuki, nous aimerions savoir si vous savez quelque chose à propos de…A propos de…
Zurui haussa un sourcil.
-Ben vas-y, dit nous ! lança Kenji.
Kyô sursauta.
-Où est passée Tohru ? demanda-t-il sur le même ton.
Zurui sourit. Au moins, entre eux deux, le dialogue était plus bref et direct.
-C’est encore une longue histoire, dit-il en soupirant.
Zurui ne savait pas retenir les secrets qu’il devait garder. Tout le monde le savait ici. Alors à quoi bon se retenir ?

-Je sais, je suis en retard.
Tohru fit un bond de deux mètres, prit le temps de reprendre son souffle puis se retourna. Yela l’observait de ses grands yeux verts étincelants. Elle ne l’avait pas vu venir.
-Fais pas cette tête, railla-t-il. Bon, t’es toujours sûre de venir ?
Tohru hocha la tête, puis sourit enfin au petit démon.
-Oui, dit elle comme pour accentuer son choix.
-Tu es sûre ? Non que je sois un partisan du «réfléchir avant d’agir » mais mieux vaut te prévenir : tu risque d’être encore plus triste lorsque tu le quittera.
-Ça, ce n’est pas possible, répondit-elle à voix basse.
-Je vois, dit Yela d’un ton neutre. Bon, allons-y alors, on va être en retard sinon.
Tohru suivit le démon à travers plusieurs rues désertes, puis tous deux se faufilèrent dans la forêt, là où les arbres étaient les plus resserrés. La jeune fille observa, anxieuse, les alentours : après tout, la maison de Shiguré n’était pas loin, et elle n’avait aucune envie de donner une quelconque explication.
Mais elle n’eut pas le temps de se poser d’avantage de questions. Devant elle, surgit de nulle part, la plus belle créature qu’elle n’ait jamais vue de sa vie, une grande femme dont le halo surnaturel éclairait la nature environnante comme pour la nourrir de son pouvoir. Les animaux s’étaient arrêtés de remuer, voire de respirer, juste pour contempler cette divine personne. Ses cheveux blonds, brillants comme de l’or, retombaient en cascade jusqu’au creux de ses reins. ; son visage serein était hypnotisant. Tohru était incapable de regarder autre chose. Le regard qu’elle posait sur elle était éclatant, bien plus que celui de Yela, et pétillant de malice.
-Alors, commença-t-elle, et sa voix faisait trembler chaque partie du corps de Tohru, tu es en retard, Yela. Je parie que tu as fais le tour des tavernes avant de venir.
Yela s’inclina profondément devant la superbe jeune femme, et pour la première fois l’on vit toute son humilité.
-Pardonnez-moi Ea. Oui, je l’avoue.
Ea sourit, comme si elle appréciait sa franchise.
-Bien, je crois que nous pouvons y aller. Tohru, ajouta-t-elle en regardant la jeune fille, tu pourras voir Shibai deux jours, mais seulement deux. Mon frère ne m’autorisera pas plus. Il est déjà suffisamment furieux comme ça.
Tohru sentit ses jambes se dérober. Même si elle était en colère contre ces dieux qui lui avait arraché l’homme qu’elle aimait, elle ne pouvait s’empêcher d’être fascinée par Ea.
La déesse prit sa main, et l’entraîna avec elle. Tohru eut à peine le temps de dire au revoir à Yela.
Deux jours, seulement deux. Laissez-moi le temps de lui parler, une dernière fois.

Resté seul, Yela soupira.
« - Ils sont tous tellement coincés, lâcha-t-il. Ça aurait pu être beaucoup plus simple. »


*Noir Désir - Les Ecorchés
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Bulle
posté Jan 12 2006, 10:01 PM
Message #10


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SOLITUDE



Il resta allongé dix minutes, sans vraiment réfléchir
C’était trop long, trop étouffant
Il faisait trop noir, et trop froid
Plus personne maintenant
Seul contre tous, au milieu d’une pièce trop vaste, pour un aussi petit garçon

Un bruit…
Son cœur tambourina si fort, qu’il avait mal à la poitrine
C’était tous les jours la même chose
Chaque mouvement qu’il entendait le pétrifiait
Chaque mouvement qu’il entendait, présumait un coup, un énième coup

Mais là, il n’aurai même pas pu crier
Le dernier qu’il avait reçu l’assommait encore
Ses yeux restaient à demi clos, inconscients, dans le noir
Il sentait encore le sang couler derrière son crâne,
Salir ses cheveux, et les agglutiner entre eux, comme de la sève

Peut-être qu’il fallait mieux mourir
Peut-être qu’il fallait mieux se laisser bercer par la chaleur de ses blessures
Et ne plus penser à Akito, à ses yeux fous et brillants

Il pleura doucement, sans trop savoir pourquoi
Mais c’était rassurant, il sentait encore quelque chose, depuis toutes ces années,
à ne pas voir le jour, à attendre un nouveau coup, une nouvelle phrase assassine…
Qui le tuait peu à peu, lui pourtant si jeune

Il aimait la vie autrefois, et même les gens qui l’entouraient
Et là il regrettait d’être le « favori », la première des créatures divines
Il était victime de son statut
Et souffrirai toute sa vie, prisonnier des chaînes de celui qui l’avait pris sous son bras

S’il pouvait s’envoler, comme l’oiseau au-dessus de sa chambre,
Qu’il apercevait à travers les grillages…
Il soupira
Oui, être un oiseau, libre,
Quelqu’un de normal
Juste de normal
Il n’en demandait pas beaucoup,
Seulement qu’on lui fiche la paix

Un nouveau bruit…
Il se redressa, tremblant, et comprit qu’il avait encore assez de force pour réagir
Tant pis, ce n’étais pas pour ce soir qu’il pourrait tout oublier

La porte s’ouvrit, et une grande ombre noire avança doucement vers lui
Il entendait le bruit des souliers cogner sur le plancher
Sans pouvoir rien faire
Ce devait être Akito…
Mais derrière, ce petit garçon, qui était-il ?



L’homme lui pris la tête
Et lui parla tout près de l’oreille
« Tu viens chez moi, à présent, c’est terminé »


Yuki leva les yeux, ultime effort avant de perdre connaissance
Et pu voir Shigure, le visage grave, cachant derrière lui Haru, qui l’observait timidement,
les yeux humides d’espoir

Puis il ferma les yeux, enfin rassuré
Et se laissa transporter par des mains fermes et rassurantes
Qui, pour une fois, n’étaient pas froides et sans vie, comme celle qu’il avait bien connu

Il sentaiT enfin l’air caresser son visage
Il sourit, mais n’ouvrit pas les yeux
Il voulait apprécier cette sensation de liberté, sans même regarder,
pour mieux accueillir les frissons qui chatouillaient son corps
C’était la première fois depuis des années,
Et c’était à peine croyable
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Bulle
posté Jan 13 2006, 09:12 AM
Message #11


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Voici un oneshot sur Kyô et Tohru...Attention, histoire triste :(


Il la regarde



Il la regarde, perdu dans ses souvenirs
Comprenant à cet instant, qu’ils ne sont plus que des rêves oubliés, partis trop brusquement, et sans prévenir

Il se souvient, il y a longtemps de cela
Peut-être deux ans, peut-être un peu plus
Elle le regardait de ses grands yeux doux, comme pour le rassurer
Par sa présence, il réussissait à s’aimer, au moins à se regarder


Elle marche seul, devant lui, qui reste assis là, sur son banc, la tête entre les mains
Il la regarde, sans cesse, sans mot dire, mais elle ne le voit pas.
On lui répète qu’il ne faut pas la revoir, et encore moins l’approcher
Mais pourtant…Il est revenu dans ce parc, où il peut l’observer tous les jours
« Juste une dernière fois »

Il se souvient de ces premiers moments, ensemble, assis sur ce toit, à discuter, sans qu’il ne fasse d’effort pour être à l’aise
Elle le rassurait et le comprenait et c’était bien comme ça.
Il s’attachait de plus en plus, encore et encore, à en crever
Il l’aimait presque trop, c’était un peu douloureux
Mais elle ne le rejetait pas, se rapprochait de lui, toujours plus


Elle sent bien qu’il la regarde, depuis tout à l’heure
Tournant les yeux, elle lui sourit timidement
Kyo sursaute et détourne les yeux
Elle le voit enfin, depuis le temps qu'il vient ici, assis sur ce banc, dans ce maudit parc

Il avait fini par l’embrasser, tremblant de désir pour elle
Et elle lui avait rendu son baiser, presque aussi violemment
C’était fort, tellement fort, qu’il n’en dormait plus la nuit
Maintenant il pouvait vivre en paix



Il devrait cacher sa tristesse, se recueillir dans un coin sombre, et se faire oublier
Mais ces souvenirs, et cette lumière du soir, douce et mélancolique
Tout cela lui fait tourner la tête, comme une drogue trop dure
Alors il pleure doucement, là, devant elle, qui lui avait souri
Et il pleure encore, sans s’arrêter

Elle n’avait pas eu le temps de réagir
Lui non plus d’ailleurs
Akito avait attrapé la jeune fille par les cheveux, et l’avait frappé, encore et encore, jusqu’à sentir le sang chaud couler entre ses doigts
Elle, n’avait pas crié, n’avait pas pleuré
Elle avait t juste pensé à ce qu’il devait arriver ensuite, ce qu’elle avait terriblement redouté


Tohru écarquille les yeux en voyant ce jeune rouquin pleurer devant elle
Sa tristesse l’interpelle, sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi
Elle s’approche doucement, et s’agenouille pour se mettre à sa hauteur
Ses beaux yeux rubis la fait tressaillir, et elle ouvre la bouche pour lui parler


On avait effacé la mémoire de Tohru, sous les yeux de Kyo
Ce n’était qu’un monstre, il ne devait rien vivre d’autres
C’était comme ça, c’était écrit
Alors il avait assisté à la pire des tortures. Tohru, s’était effondrée, inconsciente, et ne s’était réveillée que bien plus tard
Ses joues étaient pâles, comme si tout en elle s’était éteint



Kyo la regarde, et sourit tristement
C’est si doux de la sentir près de lui, une fois encore, depuis tout ce temps
Il aurai pu mourir pour vivre ça
Ou alors ne pas exister pour fuir cette douleur
Il ne sait pas trop

Elle avait regardé Kyo, étonnée, et s’était demandée ou elle était
Kyo n’avait pas cillé, n’avait pas posé de question
Il lui avait répondu calmement ce qu’elle devait entendre
Qu’elle s’était évanouie, qu’elle était dans la famille Soma qui l’avait recueillie ; et qu’elle pouvait rentrer, si elle le voulait


Tohru se lève enfin, après lui avoir demandé, l’air inquiet, pourquoi il paraissait si triste
Il lui sourit, mais ne dit rien
Alors elle s'en va, un peu chamboulée, les jambes chancelantes
Demain elle retournera dans le parc
Juste pour voir…




Alors j'ai écrit ça d'une traite et je me suis rendue compte que j'avais involontairement fait des rimes partout.
Il parait que les gens qui font rimer leur phrases sans faire expres, sont skyzophrenes ^^
Oui, avec le recul, ça ne m'étonne pas de moi...
:p
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Bulle
posté Jan 13 2006, 09:14 AM
Message #12


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C'est sur Hatori, cette fois-ci. J'ai eu l'inspi en écoutant "Avec le temps" de Léo Ferre (ce qui explique les paroles en italiques)
Je vous préviens d'avance : je reviens de la mer, j''étais en trip "bad Bulle", donc ca promet pas d'être gai, lol ^^. en plus, les paroles de Léo aident pas ^^



L'oubli

Avec le temps…
Avec le temps va, tout s’en va
On oublie le visage et l’on oublie la voix
Le cœur quand ça ne bat plus
C’est pas la peine d’aller chercher plus loin…


Il regarda le ciel comme s’il pouvait lui apporter une réponse
Cela faisait quatre ans maintenant
Quatre ans…
Après toutes ces années à noyer son chagrin dans le travail
Il redevenait froid comme la neige, glacial comme un souffle hivernal
Terriblement teinté par l’indifférence

…Faut laisser faire et c’est très bien


Avait-il encore des souvenirs?
Il suffisait pour lui de fermer les yeux, et tout revenait, comme un boulet de canon
Qui explose dans le cœur, et qui s’éparpille déjà
Oui, il se souvenait d’elle, de son sourire, et de sa voix

L’autre qu’on adorait, qu’on cherchait sous la pluie
L’autre qu’on devinait au détour d’un regard,
Entre les mots, entre les lignes, sous le phare d’un serment maquillé
Qui s’en va faire sa nuit


Mais son visage n’était plus qu’un souvenir, douloureux, mais oublié
Etouffé dans les nouvelles expériences de sa jeune vie
Comme s’il avait accepté qu’elle eût tout oublié
Comme s’il avait accepté qu’il pouvait oublier, lui aussi

Avec le temps, tout s’évanouit

Hatori était venu ici, au bord de la mer
À fixer les bateaux, et les marins bourrus, qui s’engourdissent par le froid
Qui se réchauffent tant bien que mal, en frottant les bras contre leurs épaules
Hatori était venu là, par ce qu’il y avait été avec Kana
Au meilleur moment de leur histoire, lorsque lui et elle étaient inconscients et sereins
Ils étaient restés cinq jours dans ce port, à se promener, sans vraiment parler
Il sentait seulement sa main chaude contre la sienne, et souriait, sans même vraiment s'en apercevoir

Avec le temps…
Avec le temps va, tout s’en va
Même les plus chouettes souvenirs
L’autre à qui l’on croyait pour un rhume pour un rien
L’autre à qui l’on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l’on eu rendue son âme
Devant qui l’on se traînait, comme traînent les chiens



C’était triste de ne plus être triste
Kana avait coloré toute sa vie, pour un temps court, certes
Peut-être trop court
Mais tant pis, mais tant mieux
Il n’y pensait plus, et elle l’avait oublié depuis trop longtemps

Avec le temps va, tout va bien


La douleur l’avait enveloppé pour un temps, puis l'avait quitté
Comme le mugissement du vent
Que l’on entend sans cesse tambouriner à sa porte
Et qui s’envole enfin


Avec le temps
Ave le temps, va, tout s’en va
Et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l’on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l’on se sent tout seul peut-être oui
Mais pénard


Il pouvait la regarder et dire : « je t’ai oublié…Moi aussi »
Il pouvait regarder ces marins fumer leur pipe en commentant le filet de pêche
Et écouter le bruit de la mer, partir, puis revenir

Hatori soupira, et alluma une cigarette
Le doux grésillement de la braise le rassurait, comme un vieux compagnon
Il avait réussi à retourner là, dans ce port
Et il gardera ces souvenirs tout au fond de lui
Comme un précieux document
Mais qui a été souillé par le temps

Alors vraiment, avec le temps
On aime plus
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Bulle
posté Jan 13 2006, 09:18 AM
Message #13


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Bon, pour ceux qui ont lu "Kyoutsuu", ça ressemble pas mal à mes "entre-deux". Sauf que j'ai ajouté des paroles de chanson (vous me direz : il y en avait déjà dans "Yoko")
Alors voilà, mon Oneshot s'appelle "retour", et c'est la "suite" de ma premiere fic, "Yoko".
La chanson est de Gérald Depalmas (comme c'est étonnant!), elle s'appelle Tellement





RETOUR


Il restait assis, perdu dans un jardin, à attendre un signe
Chaque jour, il retournait, juste cinq minutes
Pour voir
Pour vérifier
Mais il ne l’a trouvais pas
Trop occupée ? Trop apeurée ?
Ou pire encore…


Tes cheveux roux, ta peau diaphane
Je devenais fou, ça tournait
Je ne dormais plus
Pour ne pas rêver
Je n’y croyais plus
Tu m’avais quitté


Elle marchait seule, hésitante, le cœur battant
Sentant la peur prête à bondir, comme une main glacée
Et l’entraîner en arrière

Mais un jour, elle accepta
Elle ferma les yeux sur sa peur et son dégoût
Et prit le train


Shigure leva les yeux
Non, il n’y croyait plus
Et pourtant
Elle était là, comme un mirage
Ses cheveux roux caressant ses épaules
Sa démarche maladroite, son sourire malicieux

Si forte, et si fragile
Elle était là, tout près de lui

Tu m’as manqué
Tellement, tellement
Je n’aurai jamais cru
Autant, autant
Tu m’as manqué
Tellement, tellement
J’en viens à me demander
M’aurais-tu ensorcelé ?


Yoko resta sans mot dire
Attendant qu’il parle, qu’il trouve quelque chose à dire
Elle était comme ça
Prisonnière de ses angoisses,
elle préférait rester silencieuse
Pour ne pas trop risquer
Pour ne pas trop succomber

Alors il parla
Sans vraiment rien dire
Juste des mots qui se suivent, sans se correspondre
Mais sa voix tremblait
D’émotion, oui,
mais de détermination, aussi

Il n’était plus maudit depuis deux ans maintenant
Il pouvait la prendre dans ses bras, la serrer tout contre lui
Et rester des heures durant, avec elle

Il lui prit la main
Peut-être un peu trop fort
Mais il ne pouvait plus résister
Elle ne devait pas repartir
Non, plus jamais

Tu fais du feu
Avec tes doigts
Tu t’en vas seule
À travers les bois
Ce que tu y fait
Je ne le sais pas
Mais souvent j’ai peur
Que tu ne reviennes pas


Yoko écarquilla les yeux par la surprise
Il l’avait serré tout contre elle
Le plus fort qu’il pouvait
Mais elle se laissa bercer, malgré tout
Heureuse d’être là, heureuse de le voir à nouveau
Shigure…

Tu m’as manqué
Tellement, tellement
Je n’aurai jamais cru
Autant, autant
Tu m’as manqué
Tellement, tellement
J’en viens à me demander
M’aurais-tu ensorcelé


Il sentit les joues humides de Yoko, bien fort,
contre son cou
Et lui aussi pleura
Doucement, sans rien dire
Puis il osa enfin
Il baissa la tête, et plongea son regard dans ses yeux verts
Si étranges, si surnaturels
Éclairés par une lumière un peu folle

Personne ne crois plus aux sorcières
Ne t’inquiète pas
Je saurai me taire
Je dirais même
Que je suis fier
D’être pour toi
Ton homme à tout faire
À tout faire



Yoko sourit, et l’embrassa
Elle y pensait depuis deux ans

Shigure tressaillit
Il n’y croyait plus
Et il n’y croyait toujours pas


Valàààà.
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posté Jan 13 2006, 09:21 AM
Message #14


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Bon, ben voilà, Allie a fait son one sur son perso préféré, à moi de faire le mien sur mon chouchou : j'ai nommé Zurui (IMG:https://subafuruba.com/forums/style_emoticons/default/38.gif) . Désolée pour tous ceux à qui j'avais promis un one sur FMA, je préfère attendre d'avoir l'inspi pour en faire un bien (et vous remarquerez que Zurui n'estp as le contraire de Ed physiquement, looool).



Pensée





Il détacha lentement ses cheveux, qu’il laissa pendre de chaque côté de son visage. Ses yeux bleu vif reflétaient une lumière crue, comme si trop de pensées l’empêchaient encore de réfléchir. Il paraissait vide, éteint, mais pourtant…Ce jour était certainement celui auquel il avait le plus réfléchi. Sa mission était terminée, envolée. Le voilà qu’il pouvait penser librement, sans se soucier du lendemain. Être ignorant, pour une fois, ignorant de ce que l’on va vivre, de ce qu’il risque d’arriver. Ignorant pour aimer, ignorant pour garder espoir. Voilà tout ce à quoi il espérait goûter, une fois la malédiction brisée.
Zurui se leva lentement, et traîna les pieds sur le sable fin. Ce terrain vague représentait maintenant trop de souvenirs pour qu’il puisse y rester longtemps sans se sentir mal. Alors l’adolescent se mit à courir, de plus en plus vite, comme si échapper à cet endroit était ce qu’il y avait de plus important au monde, de plus vital.
Et il courait, et il courait, ne sentant presque plus ses pieds toucher le sol tant ses jambes le portait. Il jetait même ses bras en avant pour tenter d’aller plus vite, encore, toujours. Essoufflé, il s’arrêta enfin, interrompant sa course effrénée en accrochant ses mains à l’écorce d’un arbre. Zurui colla son visage contre le tronc rugueux, et reprit son souffle, les larmes aux yeux, la bouche sèche, et les poumons brûlants. Mais tout ça lui faisait du bien. Ses cheveux collaient sur ses joues, il se sentait purifié, nettoyé.
Alors il marcha de nouveau, d’un pas tranquille.

Elle le rejoint, quelques minutes après l’heure exacte du rendez-vous. Elle avait toujours l’habitude d’arriver en retard, c’était donc prévisible. Ses grands yeux gris observèrent Zurui avec attention, comme si ce premier « vrai » rendez-vous devait être savouré à chaque instant. L’unique moment où l’on découvre son partenaire, avant que l’habitude prenne le pas sur la nouveauté.
Zurui déglutit, en sentant Kagura se coller contre lui et l’embrasser tendrement. Il s’attendait à cette marque de tendresse, il l’avait lu dans ses yeux deux jours auparavant. Mais rien n’aurait pu lui faire penser que le choc aurait été si violent. Il s’appuya davantage contre l’arbre, ses jambes ne le tenaient plus.
Timidement, lorsqu’il se fut stabilisé, il prit les épaules de la jeune fille, et les serra contre lui. Alors enfin, il put se laisser aller dans ce baiser infini et électrique.

Kagura décolla son visage du garçon, puis sourit en lui caressant les cheveux. Zurui ferma les yeux, bercé par cette douceur. Il se sentait tellement bien, qu’il n’entendit pas tout de suite qu’elle l’appelait.
-Zurui, tu m’entends ?
-Hein ?
Zurui ouvrit grand ses yeux métalliques, et comprit que Kagura attendait qu’il lui réponde.
-Est-ce que tu te sens mieux, maintenant ?
Il hocha la tête, en souriant doucement. Même si ce n’était pas tout à fait vrai, il ne voulait rien lui avouer. Cela faisait presque dix ans qu’il était amoureux d’elle, attendant patiemment qu’elle le regarde enfin. Maintenant qu’il était avec elle, il savourait pleinement chaque seconde, en se promettant que toujours, il s’occuperait d’elle. Que toujours, elle et lui partageraient un bonheur sans faille. La réalité ne ressemble jamais à ce que l’on espère. Et justement, c’est ce qu’il attendait. Ne plus rien savoir sur l’avenir. Se laisser porter.
Il la regarda longuement, au point de la faire rougir. Amusé, il émit un léger rire, puis lui embrassa tendrement le front.
-Je suis là pour te protéger, souffla-t-il.

Zurui regarda le ciel, maintenant seul. Il aimait être aveuglé par le soleil, comme pour oublier que sa douleur était ce qu’il y avait de pire.
Mais être ébloui, ne changeait rien. De belles larmes coulèrent le long de ses joues, pour mourir au coin de ses lèvres rouges. Elles étaient salées, et un peu chaudes.
Je pense à toi, tous les jours. Je suis heureux de ne pas être à ta place, mais par pitié, n’envie pas la mienne. Je regrette tout ce qui s’est passé. J’aurais voulu m’en rendre compte. J’aurais voulu réaliser qu’en toi criait encore une toute petite voix, parmi la folie qui t’envahissait. J’aurais dû réaliser que cette petite voix, c’était vraiment toi, Shibai.
Je pense à toi.



Voilà, j'espère que cette dernière trace des Ecorchés vous aura plu. ^^
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Bulle
posté Jan 13 2006, 09:23 AM
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Bon, j'ai décidé d'écrire un oneshot sur FMA.
Autant vous prévenir tout de suite : je n'ai encore vu que deux épisodes sur les 52 qui m'attendent, donc je connais pas encore grand chose. Mais je suis totalement tombée sous le charme, donc j'ai craqué, et meme si mon oneshot ne reflète qu'une infime partie de la série, je le publie quand meme, lol. Donc soyez indulgents XDDDD

Je rappelle pour ceux qui conaissent pas (sinon zallez rien comprendre) _ MAIS NE LISEZ PAS SI VOUS VOULEZ RIEN SAVOIR! :
Edward (le garçon que je fais parler) et son petit frère Alphonse (Al), décident de "recréer" leur mère défunte, à l'aide de l'alchimie (en utilisant une masse équivalente à celle du corps humain). Mais l'expérience se passe très mal : Edward perd une jambe et un bras, et Al, perd son corps en entier. Edward a seulement le temps de récupérer l'âme de son petit frère, et de l'installer dans une machine qu'il crée (il ressemble donc à un robot géant, vide à l'intérieur). Donc globalement : ca commence très mal, lol.


Et voici mon oneshot ^^:


La résignation



1910



Aveuglé par le soleil, je laisse promener mes yeux sur les cerisiers en fleur ; leur couleur vive se mélange à la lumière crue de cette journée.
Il fait si beau…Et c’est presque insultant.
Je maudis ce soleil triomphant. Derrière ce bel écran limpide, il cache la pire des souffrances. Souffrance qui restera à jamais gravée dans ma tête, et dans mon cœur.

Je pense à mon frère, si pur, et si innocent. Il n’est plus rien, ou presque.
Si jeune, et pourtant…Son âme s’égare parmi les mécanismes d’une machine inhumaine, qui l’encombre, et qui l’étouffe.
Je ne saurais jamais ce qu’il ressent vraiment.
Il aura beau dire : si je dois trouver un moyen de nous sauver, ce sera toi, Al, qui passeras avant moi.
J’ai encore la chance d’avoir des yeux qui reflètent ma pensée, une poitrine, pour respirer, et une bouche pour sourire.
Mais toi…
Tu n’es plus rien…
Seule ta voix et ta pensée peuvent s’exprimer librement. Le reste n’existe plus.
À ta place, j’en serais peut-être mort, de tristesse, et de résignation.


Je vaincrais pour toi, petit frère. Et j’espère que tu ne m’en voudras pas trop, si un jour, ma vie vient à tomber pour te sauver.
Ton enveloppe charnelle doit exister à nouveau. Qu'elle te soulève, et qu'elle te transporte, comme elle l'avait fait auparavant.
Je souhaite plus que tout croiser tes yeux doux, apprecier ton sourire tendre, et toucher tes mains d'enfant. Comme autrefois.
Je t’aime …
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posté Jan 13 2006, 09:25 AM
Message #16


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Ça y est, Neith, Louna, et tous les autres qui l'attendait : mon nouveau one sur FMA est là!
Je n'ai pas pu en faire un sur Greed, mais j'en ai fait un sur Roy et Hugues, thème qui m'est très cher.
Soyez indulgent, svp, j'ai tjrs bcp de mal avec les one sur des persos qui ne m'appartiennent pas >__

/!\ SPOILER/!\
Je déconseille vivement ceux qui n'ont pas vu l'épisode 25, de lire ce one! *regard innocent*




Partout et Toujours



Partout et toujours, des gens nous surprennent. Leur souvenir reste gravé dans notre cœur, même si la mort vient à nous séparer d’eux.

Une boule dans la gorge.
Un bouquet de nerf.
Une plaie béante, et le désespoir qui s’infiltre comme un poison violent.
Voilà tout ce à quoi je pense.
J’ai tué.
J’ai massacré.
Je ne mérite plus de vivre. La vie n’a plus de goût, sauf celui du remord.

Assis à sa table, Roy attendait fiévreusement l’instant où il se sentirai prêt.
Un peu de courage, avant de tomber.
L’homme se renversa sur sa chaise, la tête basculée en arrière, et éclata d’un rire sans joie. Du courage ? En avait-il eu, le jour où lui et l’armée les avaient massacrés ? Était-ce de la bravoure, ou bien…De la lâcheté ?
De la lâcheté de ne pas avoir refusé cette corvée.
De la lâcheté d’accepter de se sentir prisonnier des militaires, comme un boulet sur une cheville fragile.
De la lâcheté de ne pas avoir regardé en face ces familles qu’il avait tuées.

Roy s’observa dans le miroir, une dernière fois
Ses traits étaient creusés, tirés, et respiraient la tristesse. Les yeux gonflés par les larmes, il ne se reconnaissait plus, lui, l’homme si froid et impassible qu’il était.
Plus rien n’avait d’importance, si lui-même ne se supportait plus.
Alors…
Il fallait en finir…
Très vite…
Jusqu’à ce que…
Un bruit l’interrompit.

J’ai hésité à aller ouvrir. Et puis, entraîné par un désir irresistible, je me suis levé. J’ai compris ensuite que c’était l’envie de vivre qui m’avait décidé.
Et je t’ai vu. Tu me souriais. Derrière tes lunettes, j’ai pu apercevoir ton regard ferme et déterminé. Tu ne m’aurais jamais laissé mourir, jamais.
Et moi, je n’ai pas réussi à te sauver.

C’était un enterrement monochrome, blanc comme la neige. Le défilé militaire était impeccable, sans débordement.
On aurait presque eu l’impression d’assister à une cérémonie classique, sans tristesse.
Mais les larmes coulaient, doucement. Et l’incompréhension se lisait sur tous les visages.
Hughes était mort. Si vite, si brusquement…Comme un souffle glacé.

Dis-moi, Hughes, est-ce que tu m’en veux ? Me regardes-tu, de là où tu es, du même sourire moqueur ? Pense-tu que je suis un lâche, par ce que je n’ai pas été là pour toi ?
Pardonne-moi.
Pardonne-moi.
Tu méritais de vivre. Toi tu n’as jamais baissé les bras.

Partout et toujours, des gens vous surprendront. Il suffit juste de s’en rappeler.
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Bulle
posté Jan 13 2006, 10:45 AM
Message #17


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Kyoutsuu

Ou la nouvelle malédiction


Part. I



Avant-propos

Les personnages m’appartiennent totalement, en revanche la malédiction des 13 signes est toujours là. Mais je l’a présente ici de manière TOTALEMENT DIFFERENTE.

Je dois préciser une chose importante : ce qui arrive aux personnages n’est que pure fiction, en revanche je me suis inspirée largement de gens que je connais, et avec qui j’entretiens une forte amitié ^^
Chaque personnage a donc une personnalité forte, un rôle bien particulier, et chaque détail compte.
Pour cela, et là je m’adresse à Allie-chan, gomen gomen ! mais je me permets d’emprunter la même technique que toi, en faisant des fiches de personnages, sinon, je pense que ce sera trop dur pour vous y retrouver…Ça ne te dérange pas trop ?

Rajout, suite à la nouvelle MaJ du 13/01/2006 : veuillez m'excuser pour les fautes d'orthographes. A l'époque ou j'avais écrit cette fic, je n'étais pas encore totalement rôdée ^^


PROLOGUE

Dans des temps très anciens, les douze animaux de l’astrologie chinoise, avaient pour habitude de se réunir au temple de Kyoutsuu*. Depuis quelques années, le Chat les avait rejoint, car leDragon, qui était bon et généreux, l’avait accepté dans leur réunions.
A Kyoutsuu, on aimait discuter du sort des hommes et de l’évolution de l’humanité en général. Les débats animés qui occupaient les réunions, portaient sur des considérations philosophiques ou métaphysiques.

Le Coq et le Dragon, présidents de l’Assemblée, réunissaient les onze autres signes dans le but de créer, ensemble, un monde meilleur.
Mais, malheureusement, les Animaux Sacrés ont de fortes personnalités, et très vite, des clans commencèrent à se former.
Le Singe, le Mouton, la Vache et le Serpent, Animaux moqueurs et sarcastiques, se plaisaient à provoquer les autres membres de Kyoutsuu.
Ils exaspéraient le Tigre, le Chat et le Sanglier, trois animaux au grand cœur mais au tempérament nerveux.
Face aux nombreuses disputes entretenues par ces deux « clans », le Chien, le Cheval, le Lapin et le Rat, animaux calmes et discrets, avaient décidé de s’écarter des réunions lorsqu’elles devenaient trop tendues. Si bien qu’ils abordaient souvent une attitude hostile à l’égard des autres Animaux.



Osaka (Japon), septembre 2005

Mugen ouvrit les yeux difficilement. Sa chambre était encore noire, mais la radio braillait à côté de ses oreilles.
-Mrfff….
Mugen donna un coup violent sur le poste, se retourna, et s’enfouit sous les couvertures en grommelant.

-Mugen !!!! Mugen !!!! Et le lycée ?!
Mugen fut réveillée en sursaut et bondi de son lit, l’air hébété. En face d’elle, sa mère la toisait d’un œil sévère.
Affolée, la jeune fille regarda autour d’elle.
-Quoi ?! Quoi ?! Il est quelle heure, là ?
-L’heure de prendre ta douche, et de filer tout de suite sans prendre de petit-déjeuner !
-Aaaargh, mais c’est pas vrai !! Ça commence bien !!!
Sept minutes plus tard, Mugen courrait à toute vitesse vers son lycée. Elle s’était habillée presque intégralement dans l’ascenseur.

Tsukyo s’était appuyé contre la vitre du bus : le doux roulis des voitures la berçait doucement. Ses deux grands yeux bleus étaient presque fermés.
Ne pas m’endormir, ne pas m’endormir.
Tsukyo releva sa tête d’un coup, puis respira un grand coup.
De toute façon, je suis déjà arrivée.

La cour du lycée était remplie de nouveaux élèves que Mugen n’avait encore jamais vus. Probablement les secondes, se dit-elle.
-Ohayou ! Mugen ! Par ici !
Au fond, assises sur un banc, l’attendaient deux grandes jeunes filles, chacune de la taille de Mugen, à peu près.
-Ohayou Tsoukyo ! Ohayou Hyouri.
Tsoukyo frotta énergiquement les cheveux roux de Mugen, et Hyouri éclata de rire.
-Toi, vu ta tête, ça ne fait pas longtemps que tu t’es réveillée !
Mugen fronça les sourcils, elle n’aimait pas qu’on se moque d’elle.
-Oui, bon, je me suis levée un peu tard. Quelle heure est-il au fait ?
-Encore tôt, déclara Tsoukyo. D’ailleurs je crois que j’ai oublié la moitié de mes affaires…Pas terrible pour une rentrée !
Mugen releva la tête vers le ciel, et grimaça.
-Pourvu qu’il ne pleuve pas, murmura-t-elle.

Heikou s’était appuyé contre le mur en attendant de rentrer en salle. Ses yeux bruns sombres scrutaient chaque élève qui rejoignaient le couloir. Puis il sursauta : trois jeunes filles bruyantes avançaient vers lui en faisant de grands gestes. Visiblement, elles étaient dans sa classe. La première, un peu plus petite que les autres, mais assez grande pour son âge, avait de longs cheveux roux mal coiffés. Elle ne semblait pas écouter ce que racontait la seconde, une belle blonde énergique qui plaisantait avec la troisième, une jolie brune aux yeux sombres.
Lorsque la rouquine frôla Heikou, elle le regarda un moment, l’air étonné, puis lui tourna le dos pour entrer en classe. Lui resta planté là, mais elle se retourna une dernière fois, étonnée qui ne bouge pas.
-Salut ! tu ne rentres pas ?
-Hein, ah, heu, si…Si, bien sûr !
Heikou inspira un grand coup, et entra dans la salle. Une nouvelle année commençait.


*Kyoutsuu : la communauté


Première partie

Chapitre 1 : Kiniwa et Nenuki
Heikou poussa la porte de la salle de classe avec appréhension. Le temps de lancer un rapide coup d’œil sur l’ensemble des élèves, il repéra une place où il pourrait être relativement isolé.
Assis, le dos appuyé contre le mur, il observait ses nouveaux camarades. Puis il ferma les yeux, et soupira : deux jeunes filles avaient déjà commencé à l’observer en chuchotant.
C’est pas vrai, à chaque fois c’est la même chose !
Heikou était un garçon plutôt discret, mais ses yeux rouge foncé suscitait, partout où il allait, la curiosité, voir même la crainte.
La fille blonde qu’il avait vue tout à l’heure le regardait aussi, mais pas tout à fait de la même manière. Il lui sourit, et spontanément elle lui répondit. À ses côtés, la rousse qui lui avait parlé ne semblait pas l’avoir remarqué : les yeux dans le vague, elle hochait parfois la tête pour faire croire au professeur qu’elle écoutait.
Vieille technique,pensa-t-il.

La porte s’ouvrit brutalement. Un grand garçon entra si rapidement dans la salle, qu’il fit sursauter le professeur.
-Gomen nasai ! Je suis en retard ! »
Puis il se tourna vers la classe
« Konishiwa, je m’appelle Pokan’to Kiniwa. Pardonner moi d’arriver si brutalement ! »
Tsukiyo, Mugen’ et Hyouri se regardèrent, puis éclatèrent de rire : jamais un élève n’avait fait une pareille entrée. Mais Pokan’to parut amusé par leur réaction et lança à Hyouri un sourire radieux.
Mugen le suivi du regard, pendant qu’il rejoignait le garçon aux yeux rouges de tout à l’heure.
-Qui c’est celui-là encore ?
Tsukiyo plissa les yeux
-Je ne sais pas, mais il a une tête qui me revient…
-Et ben, pas moi, justement !, grommela Mugen.

-Oy !
-Oy…
Pokan’to s’assit près d’Heikou.
-J’ai cru que tu ne viendrai jamais…
-Oui, mais alors, il faut que je t’explique…
-Pas maintenant, coupa Heikou
« Pokan’to, dans cette classe…Il y a quelque chose… »
Pokant’to sourit
-Et que comptes tu faire
-Je scrute. Nous verrons bien. On se présente aux élections pour les délégués, comme on a dit. Ça nous permettra de les approcher de plus près.
-Tu sais, je ne vois pas pourquoi ils seraient dans cette classe, d’ailleurs…
-Monsieur Kiniwa ! Être en retard ne vous dispense pas de m’écouter !
Pokan’to se tourna vers le professeur, se leva et s’inclina
-Veillez m’excuser madame !
Le sourire du jeune homme était tellement déconcertant qu’elle ne répondit pas.
Pokan’to se rassit
-Bon, alors je te disais…
-On parlera de ça plus tard, grinça Heikou.



À la pause de midi, Tsukiyo, Mugen et Hyouri se posèrent sur l’herbe pour prendre leur déjeuner.
-Oh, mais ce sont les gars de ce matin ! , s’écria Tsukyo.
-Et alors ?, marmonna Mugen’ ?
-Et bien il faut les inviter ! »
Et avant que Mugen ou Hyouri puissent protester, Tsukyo agita les bras vers eux
-Eeey !
Étonnés, les deux garçons s’arrêtèrent. Le brun sourit, mais ne bougea pas, le roux accoura immédiatement vers elles.
-Konichihua ! Nous sommes dans la même classe, c’est bien cela ?
-Oui, et nous voudrions vous inviter à déjeuner. Je m’appelle Tsukiyo Nenuki, et voici Mugen’ et Hyouri Nenuki.
Heikou, qui s’était approché, se présenta à son tour
-Je m’appelle Heikou Kiniwa.
-Vous êtes donc de la même famille, fit remarquer Hyouri.
Heikou s’inclina en riant
-En effet nous sommes cousins. Et je vous renvoie la remarque.
Pokan’to était un beau garçon, mais Heikou dégageait quelque chose de tout à fait particulier, une chaleur et une profondeur qui suscitaient la curiosité des trois jeunes filles.


Lorsque les cours fut fini, ils se retrouvèrent tous les cinq dans la cour du lycée.
Tsukiyo, comme à son habitude, rentra vivement, sans dire en revoir, vite accompagnée d’Hyouri.
Mugen’ se retrouva seule avec ses deux nouveaux amis.
Elle n’avait pas beaucoup envi de parler : d’un naturel assez sauvage, elle mettait du temps à s’adapter aux gens qu’elle rencontrait. Mais Heikou ne semblait pas prêter attention à son air grognon, ce qui quelque part, la rassurait. Au contraire il l’observait en souriant, et Mugen’ eut l’impression, en l’espace d’un instant, qu’il l’a connaissait, qu’il l’avait toujours connu.
Ils étaient déjà entrains de marcher vers la sortie du Lycée, lorsque Pokan’to sursauta et s’élança vers la sortie. Puis, comme s’il avait oublié quelque chose, il se retourna vers les deux autres, et leur fit un grand signe de la main
-J’y vais, je viens de voir mon bus passer !
Mugen’ éclata de rire : à part Tsukiyo, elle n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi dynamique. Puis elle se tourna vers Heikou, et rougit
-Heu…Je rentre à pied. J’habite à côté. Je passe par là. »
Mugen’ montra timidement du doigt la rue par laquelle elle rentrait d’habitude.
Heikou sourit.
-Je rentre par là moi aussi. »

Ils parlèrent un peu de tout et de rien, sans vraiment savoir ce que l’autre pensait. Chacun angoissait à chaque fois qu’il parlait, ayant peur de dire une bêtise. Mais si Mugen’ avait un tempérament vif et nerveux, Heikou était tout le contraire, et montrait une sorte d’assurance pour dissimuler son mal aise.
Au moment de se quitter, ils s’arrêtèrent quelques instant. Heikou plongea ses yeux carmin dans ceux de la jeune fille.
Qui es-tu, Mugen’ ?
Mugen’ sursauta. Elle crut entendre quelqu’un lui parler, mais elle n’en était pas sûre.
De quoi as-tu peur ?
-Je…Je… » Mugen’ balbutia ces mots sans vraiment savoir pourquoi. Étrangement d’ailleurs, Heikou ne parut pas étonné par cette réaction.
-Oui ? Tu veux me dire quelque chose ?
-Parfois, accepter d’être complètement seule, c’est insupportable
Mais qu’est ce que je dis moi ? tu es complètement folle ou quoi ?
Mugen frissonna. Une substance glacée venait de pénétrer dans le col de son chemisier.
La pluie…
Ses yeux s’écarquillèrent de terreur.
-Je suis désolée, je dois partir ! À demain»
Heikou n’eut pas le temps de lui répondre : Mugen s’était déjà élancé vers le parc.


Heikou entra chez lui essoufflé et trempé. Il ne prit pas la peine de retirer son manteau, et se jeta sur le téléphone.
-Moshi moshi ? » la voix de Pokan’to résonnait à l’autre bout du fil.
-Pokan’to !
Heikou s’arrêta un instant pour reprendre son souffle.
« Elle en fait partie. Je le sais ! »



Les treize signes chinois qui formaient la Kyoutsuu, possédaient chacun, des traits distinctifs, et se regroupaient par affinité.
Le Tigre, le Chat et le Sanglier étaient de bons vivants, toujours prêts à aider les autres. Mais leur caractère emporté ne facilitait pas toujours le dialogue.
Le Tigre était chaleureux comme le feu, mais parfois froid comme la nuit.
Le Sanglier était tendre et joyeux, mais lorsqu’il allait mal, ravageait tout autour de lui.
Le Chat était curieux et rieur, mais fort colérique et susceptible.

Chapitre 2 : colère
On n’entendait plus que le crépitement de la pluie; les rues étaient devenues désertes.
Ou presque.
Une plainte brisa le silence.
Dans l’allée du parc, un chat roux gémissait de douleur. Il courrait tellement vite, que ses pattes ne touchaient plus le sol.


Heikou ne parvint pas à dormir cette nuit. Son esprit était tellement tourmenté, qu’il crut que son cerveau allait explosé.Il se tournait, et se retournait dans son lit ; pas moyen de fermer les yeux.
Si cette fille en fait parti, alors les deux autres aussi…
Heikou posa sa main sur les yeux, comme aveuglé. Il était à la fois excité et inquiet par cette découverte.
Il va falloir agir, admit-il.





Ce matin, Heikou décida de s’assoir aux côtés de Tsukiyo.
Il faut vérifier. Si je me suis trompé, je ne dois pas être découvert.
-Ah ! Salut !
Tsukyo venait de lever la tête vers Heikou qui attendait patiemment qu’elle lui permette de s’asseoir à ses côtés.
-Puis-je ?
Tsukyo le regarda avec étonnement, et rit
-Heu, ben bien sûr, vas-y !
Heikou sourit. Il aimait bien Tsukyo. D’une certaine façon, elle était le contraire de Mugen’, sa spontanéité ressemblait d’avantage au caractère de Pokan’to. Néanmoins les deux jeunes filles avaient quelque chose en commun, un feu hardent, qui pouvait exploser à tout moment. Il avait senti la même chose chez Hyouri.
Tsukyo soupira
-Aaaah, je vais m’endormir ! Je n’aime pas du tout ce cour !
Heikou regarda la jeune fille discrètement. Ses yeux étaient entrain de se fermer.
Maintenant
-Si tu veux, tu peux t’endormir. Je te couvrirai.
Tsukyo ouvrit complètement les yeux, et se redressa
-Non, non. Merci je ne préfère pas.
Elle rougit. Heikou se mordit les lèvres
C’est elle.


Le mardi après-midi, les élèves avaient cours de sport. Tsukyo, Mugen’ et Hyouri détestaient ça. Elles avait même formé « le club des bras cassés ».
Devant le gymnase, deux garçons étaient adossés contre le mur.
Le premier était mince ; délicat comme une fille. Sa peau était très blanche, et ses longs cheveux bruns lui couvraient le visage.
Ses deux grands yeux gris scrutaient froidement la foule d’élèves qui attendaeint le cours de sport.
Le second était presque son contraire : blond, les yeux noirs et le visage énergique, il paraissait en très bonne santé.
Hyouri, en arrivant avec ses deux amies, reconnu Keibu, et avança vers lui.
Il n’a pas changé, se dit-elle
Keibu, le garçon aux cheveux longs, ne portait pas d’uniforme, mais un jean délavé et un tee-shirt. Mugen’, en le voyant, reçu comme un électrochoc. Son visage, son regard, son attitude : elle détestait tout chez lui, et ne savait pas pourquoi.
-Konichiwa Keibu !
Keibu leva la tête vers Hyouri et haussa les sourcils.
-On se connaît ? Sa voix était grinçante.
Hyouri serra les poings. Elle ne supportait pas qu’on la regarde de haut.
-Oui, au collège nous étions dans la même classe. Si tu ne te souviens pas de moi, tu pourrais au moins rester courtois !
Keibu sourit. Il se souvenait très bien d’Hyouri, il avait juste voulu la provoquer.
-Ecoute, je suis de mauvaise humeur cet après-midi, donc s’il te plait va jouer ailleurs.
Hyouri recula, stupéfaite, puis haussa le ton.
-Non, je ne partirai pas tant que tu ne te seras pas excuser !
-Bravo, Hyouri, je vois que maintenant tu sais prononcer des mots à plus de deux syllabes. Tu as progressé.
Hyouri rougi de colère, et attrapa le col du garçon
-Espèce de…
Clac !
Mugen’ avait empêché Hyouri de terminer sa phrase en lui plaquant la main sur la bouche.
-Arrête Hyouri…Murmura-t-elle.
« N’oublies pas ce qu’il se passe quand tu fait cela…Tu oublies toujours… »
Hyouri se calma immédiatement.
Keibu et le garçon qui était avec lui, un dénommé Keibetsu, fronçaient les sourcils. Ils paraissaient stupéfait par cette réaction.


Vingt minutes après le début du cours, Keibu et Keibetsu s’étaient dissimulés près des vestiaires. Keibetsu aimait beaucoup le sport, mais Keibu, qui en avait horreur, voulait parler avec son ami.
« Juste cinq minutes ! », lui avait il promit.
Keibetsu frappa l’épaule de Keibu
-Aah ! Et bien ,au moins avec tous ces crétins, tu ne risques pas de rire ! C’est déjà une bonne chose !
-Et toi, de saluer les gens. Tu as remarqué comment a réagit l’autre idiote ? On aurait dit qu’elle prenait un risque en m’insultant.
-Tu veux dire, comme lorsqu’on…
-…Je ne sais pas., coupa Keibu.
« Ca m’étonnerait, pourquoi ce serai pareil pour elle ? Mais bon, je l’ai relevé, c’est tout.



En rentrant du lycée, Mugen’ s’allongea lordement sur son lit, et soupira.
J’ai arrêté Hyouri à temps. Mais moi-même je n’ai jamais autant détesté quelqu’un comme Keibu, et je ne sais même pas pourquoi.

Keibu s’assit sur une chaise, étala ses jambes sur son bureau et croisa les bras.
Il s’était accroché avec Hyouri aujourd’hui par ce que cette fille, à qui il ne parlait jamais, l’exaspérait profondément.
Mais l’autre, la rousse, qui a arrêté Hyouri…Il l’a haïssait encore plus. Son visage l’obsédait, il n’arrivait pas à penser à autre chose. S’il l’avait pu la tuer, il l’aurait fait !




A Kyoutsuu, le Chat, le Tigre et le Sanglier aimaient pendant les réunions, partager leurs passions.
Souvent, ils se levaient en pleine salle et parlaient fort, sous le regard impatient des autres Animaux.

Le Singe et le Mouton étaient moqueurs et sarcastiques, peut-être encore d’avantage que leurs amis, la Vache et le Serpent.
Le Singe restait souvent en retrait, mais l’orsqu’il ouvrait la bouches, ses paroles étaient acides et cruelles.
Le Mouton n’hésitait pas à insulter le Tigre, le Sanglier, et le Chat, sans réfléchir aux conséquences. Un jour, le Chat a menacé le Mouton, mais ce dernier n’a pas cillé.

Le Coq et le Dragon ne parvenaient jamais à apaiser leur querelles.






Mugen’ se leva d’un bond de son lit. Elle s’était endormi, et maintenant, son cœur battait à toute vitesse.

Keibu eut un soubresaut. La tête jetée en arrière, ses yeux étaient révulsés.
Puis il se réveilla.

Chapitre 3 : Deux clans, deux familles
Heikou se réveilla un peu tard ce matin. C’était le troisième jour de classe, il ne fallait pas commencer à faire n’importe quoi !
Une fois préparé, il descendit de chez lui : Pokan’to l’attendait à la porte.

Pokan’to en voyant arrivé Heikou se leva pour le saluer. Les yeux rouges sombres de son cousin étaient encore à demi-fermé, comme souvent, lorsqu’ils allaient au Lycée ensemble. Cela l’amusait beaucoup.
-Ohayou Heikou !!!! Bien dormi ?!
-Aa, ne crie pas comme ça ! »
Heikou passa devant lui sans s’arrêter et continua d’avancer : la bonne humeur de Pokan’to le mettait de mauvaise humeur.
Pokan’to ne se découragea pas, et suivit Heikou.

Heikou soupira
-Bon, et bien je te le confirme, ces trois filles, Tsukiyo, Hyouri et Mugen’ Nenuki, sont bien ce que nous cherchons.
Pokan’to sourit
-Oui, à ce propos, je voulais te parler d’une petite scène que j’ai vu hier devant le vestiaire.
Heikou se tourna vers son cousin. Pour la première fois depuis le début, il semblait lui porter de l’interêt.
Pokan’to sourit, et pouruivit
-L’une des trois filles, la brune, heu…
-…Hyouri.
-Voilà ! Hyouri ! Elle a voulu insulter un garçon aux cheveux longs, une vraie tête à claque. Et la rousse, heu…
-…Mugen, grinça Heikou
-Oui !! Mugen !! Et bien, Mugen a arrêté Hyouri avant qu’elle ne puisse insulter la tête à claque.
-Oui, en sois c’est assez logique. Mugen ne peut pas rester sous la pluie, Tsukiyo ne peut pas s’endormir, et donc, Hyouri ne peut pas insulter les gens.
(ndlr : c’est d’une logique implacable, vous ne trouvez pas ? ^^)
-Non, mais ce n’est pas cela. Ce type, là, aux cheveux longs, il était avec un petit blond, genre beau gosse. Tu aurai vu ces deux là, ils ont failli rendre folle Hyouri. Franchement je me demande…
-Si ce ne sont pas….
Pokan’to se retourna complètement sur son cousin
-Oui ! Vraiment ! Je le crois !
-Et bien nous verrons cela tout à l’heure…Tu me les montrera discrètement.




Keibetsu entra brutalement dans la classe et se dirigea vers le fond, ou étaient assis Keibu et ses deux autres cousins.
Il était en retard.
Comme toujours, il préférait regarder le sol, pour ne pas se confronter aux regards des autres élèves.
Mais le professeur l’arrêta.
-Jinsa !
Keibetsu sursauta et leva les yeux : le professeur le regardait d’un air sévère.
-Non seulement vous êtes en retard, mais en plus, vous ne dites pas bonjour !
Keibetsu écarquilla les yeux.
Heikou et Pokan’to s’avancèrent sur leur chaise pour mieux observer la scène.
-Je…je…Commença à bredouiller Keibetsu.
Le blondinet avait un visage insolent, mais à ce moment précis, il paraissait totalement décomposé. Heikou eut pitié de lui.
-Et bien ? J’attend ! Dites moi bonjour !
Le professeur ne voulait pas renoncer.
Heikou se mordit les lèvres. Quelle baka, elle n’obtiendra rien de lui…
-Dites moi bonjour d’abord, madame, puis je vous répondrai.
La réponse de Keibetsu fit sursauter toute la classe, sauf Keibu, qui souriait. Jamais un élève n’avait parlé de cette façon.
-Allez vous asseoir, tout de suite !! Tonna le professeur
« Nous parleront de cela plus tard ! ».

Keibetsu alla s’asseoir sans demander son reste, et donna une claque à l’un de ses amis, qui se moquaient de lui.
Heiku les observa : les deux garçons qui étaient assis à côté de Keibu et de Keibetsu, ne pouvaient être que leur cousins : le premier avait les cheveux noirs et blancs, le second, des yeux verts clairs, presque translucide, qui glaçaient le sang.
Heiku n’était même plus étonné par ce qu’il voyait. Nonchalament, il se pencha vers Pokan’to
-Y a pas de doutes. Ce sont eux.

Chapitre 4 : Vertige
Il était 16h30.
Une quantité d’élèves se déversaient dans la cour, pour rentrer chez eux.

Les trois filles, Tsukyo, Hyouri et Mugen’, parlaient fort et riaient beaucoup. Tsukyo ne regardait pas devant elle, beaucoup trop occupé à faire des grimaces à ses deux cousines.

Keibu et Keibetsu discutaient près de l’entrée du Lycée avec leurs deux cousins, Toukan’ et Osoi.
Keibu n’écoutait plus la conversation, il regardait par terre.

Tsukyo pivota et marcha à reculons pour mieux parler à Mugen’ et Hyouri.

Keibu ne vit pas Tsukyo arriver.
Et Tsukyo lui rentra dedans.

-Aïe ! Non, mais c’est pas vrais ! Tu ne peux pas faire attention, non !? Mais quelle sombre crétine, c’est désolant !
Tsukyo était trop étonné pour réagir. Elle n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi hargneux.
-Je…Pardon, excuse-moi…
-Ouais, c’est cela ! Après s’être fait remarquer par tout le monde, n’essaye pas de t’excuser ! »
Toukan’ Jinsa, un garçon massif aux cheveux noirs et blanc, frotta la tête de Keibu.
-Calme toi ! Il n’y a pas mort d’homme ! », plaisanta-t-il
-Mais la ferme! Tu l’a reçu en pleine figure toi !? Non, alors pourquoi est-ce que tu parles ? Fiche- moi la paix ! »

Mugen’ s’approcha de Keibu, et le regarda fixement. Elle s’était retenue la veille, et aujourd’hui elle avait tenté, tant bien que mal, de garder son calme.

Keibu sursauta lorsque Mugen’ approcha son visage du sien. S’il s’était autant énervé contre Tsukiyo, c’est par ce que cette fille était là.
Et maintenant, elle le toisait, comme pour le provoquer.
Keibu ne cilla pas.

-Je crois… » Mugen’ s’arrêta comme pour contrôler sa voix
‘Je crois que tu devrais t’excuser »
-Pardon ? » Keibu paraissait sincèrement surpris.
-Tu as, bien entendu », siffla Mugen’.
-C’est à celle-là de s’excuser ! Keibu montra du doigt Tsukyo, qui, elle, était assez amusée par la scène... Mais pour qui tu te prends hein ? Espèce de petite arrogante prétentieuse…Qui te permet de me parler comme ça?
-LA FERME. !
Mugen’ était rouge de colère. Tsukyo recula d’un pas : elle n’avait jamais vu sa cousine dans cet état.
Les deux autres garçons, Toukai et Osoï, nettement plus grands et costauds que ne l’étaient Keibu et Keibetsu,attrapèrent leur cousin par les épaules.
Mais c’était trop tard, Mugen’ avait giflé Keibu.


Heikou et Pokan’to furent alertés par le rassemblement qui s’était organisé dans la cour.
Ce qu’ils redoutaient le plus, était en train de se produire : Mugen’ avait sauté sur Keibu.
-Oh, non ! Pas encore ! » s’exclama-t-il
Puis il s’élança vers le groupe.
-Poussez-vous, poussez vous ! Laissez- moi passer !
En quelques coups de coudes, Heikou était parvenu àhauteur des protagonistes. Leurs cousins respectifs essayaient de les retenir, mais rien ne semblait pouvoir les calmer.

Heikou tremblait de tout son corps. Il sentait les écailles lui pousser sur les bras. Pris de panique, il se jeta entre Keibu et Mugen’

-Arrêtez, arrêtez TOUT DE SUITE !
Sa voix était tellement forte qu’elle fit taire tout le monde.
Plus personne ne bougeait, pas même les principaux intéressés.
Heikou s’affaissa, comme s’il était exténué, et versa une larme.
-S’il vous plaît, arrêtez ça…
Mugen’ poussa un cri. A ses pieds, Heikou s’était effondré : il avait perdu connaissance.

Chapitre 5 Secrets (ce titre est nul !)
Au temple de Kyoutsuu, rares étaient les moments paisibles.
Chaque jour, une nouvelle dispute éclatait.

Ce jour-là, ce fut terrible.
Le Chat s’était levé pour faire un discours. Tout le monde l’écoutait attentivement, mais pas pour les mêmes raisons.
Le Tigre et le Sanglier applaudissaient.
Le Lapin, le Rat, le Chien et le Cheval, approuvaient poliment, mais restaient distants.
La Vache et le Serpent parlaient entre eux, et suivaient le discours comme on comte une histoire amusante.
Le Singe et le Mouton écoutaient attentivement, et se moquaient du Chat.
Le Dragon et le Coq tempéraient l’Assemblée.

Et puis tout arriva.
Le Chat, comme toujours, s’emporta ; il interpella le Mouton avec force.
Mais le Mouton était plus malin que le Chat,
Ses propos n’étaient pas méchants, mais ils étaient cruels.

Et le Chat devint fou.
Il sauta sur le Mouton, et le griffa.
Le Mouton répliqua.
Coups de pattes, coups de griffes, coups de cornes,
Nos deux Animaux sacrés ont été souillés par leurs propres coups,
Par leur propre haine.

Yinko accourut, affolé, pour les séparer.
Yinko était le grand maître du Temple, le Puissant sur tous les Puissants.
Il se plaça au centre, et sépara les deux furies
Arrêtez !, cria-t-il, arrêtez !



-Arrêtez !…Arrêtez !!
Heikou ouvrit les yeux.
Il était enroulé autour de son drap, comme s’il avait engagé avec celui-ci une lutte frénétique.
Puis il regarda autour de lui : il n’était non pas sur le lit, mais sur le sol.
Et le lit, il l’avait quitté dans son sommeil.
Péniblement, il se leva : ses bras tremblaient sous son propre poids, et ses jambes ne le tenaient plus. Alors, il s’appuya sur le bord du lit, et parvint à s’y asseoir.
Ou était-il ?
En face de lui, une table, sur laquelle étaient posés un thermomètre et un verre d’eau
L’infirmerie…
Que faisait-il donc là ?
Heikou pressa ses doigts entre ses deux yeux, comme pour fouiller dans sa mémoire.
Enfin tout lui revint : Mugen’, Keibu, et lui, qui s’était évanoui.
Il frémit…Et sursauta. Est-ce qu’elles étaient toujours là ?
Fébrilement, il retroussa ses manches : ses bras étaient lisses.
Il soupira, de soulagement cette fois-ci.


-Heikou Chan ?
Heikou tourna la tête. Dans l’embrasure de la porte, se tenait Mugen’, visiblement inquiète. Il fallait l’a rassurer
-Konichiwa !
Son sourire était faible, mais sincère.
La rouquine désigna du menton la chaise qui était à côté du lit, pour lui demander si elle pouvait s’asseoir.
-Hein ? Ah ! Oui, oui, vas-y.

Mugen’ était très mal à l’aise. Par sa faute, Heikou s’était évanoui. Et puis… Il avait pleuré. En y repensant, son regard s’assombrit.
-Heikou, je voudrais m’excuser pour t’avoir fais si peur. Je ne pensais pas que…
-…Non, ne t’excuse pas, coupa Heikou. C’est moi qui ai pris le choix d’intervenir, ne t’inquiète pas.
Mugen’ baissa la tête puis l’inclina, en signe d’acceptation.
-Heikou ?
-Oui ?
-Je peux te poser une question ?, risqua-t-elle.
-Vas-y
Sa voix était calme et chaleureuse. Mugen’ adorait l’écouter parler.
-Pourquoi as-tu crier « pas encore ! » ?
-Pardon ?, s’étonna Heikou. Quand…Quoi ?
-Tout à l’heure, pour nous séparer, tu as dit de ne pas nous battre, pas encore. Mais…Je ne connaissais pas Keibu, c‘était la première fois que je me disputais avec lui.
Elle leva les yeux sur son interlocuteur : il était devenu blême.
-Je…Je te l’expliquerai, bientôt. À présent, c’est trop tôt.
Mugen’ voulu protester, mais le sourire d’Heikou était tellement radieux, qu’elle ne dit plus rien.

Heikou commença à se lever.
-Que fais-tu ?, demanda Mugen’.
Le garçon était déjà debout, en face d’elle, qui était toujours assise. Il s’agenouilla pour se mettre à sa hauteur, puis lui caressa les cheveux.
-Je vais y aller maintenant. Ça va mieux. Je t’assure. Merci d’être venu.
Et il l’embrassa sur la joue.
Il quitta la pièce,
Mais elle, resta sur sa chaise.

Chapitre 6 Au complet
Pokan’to fut applaudi par la classe, et retourna s’asseoir.
C’était maintenant au tour d’Heikou de se présenter pour l’élection des délégués.

L’idée venait de Pokan’to : en devenant portes parole des élèves, les deux cousins pourront d’avantage se rapprocher d’eux.
Et puis, lui et Heikou, ont une personnalité qui s’y prête totalement.

Heikou monta sur l’estrade, et commença par se présenter.
Au fond de la classe, les quatre Jinsa, étaient inattentifs.
Comme d’habitude, , songea-t-il.
Toukan’ et Osoï s’étaient complètement retournés sur Keibu et Keibetsu, qui étaient juste derrière.
Keibu néanmoins fronçait les sourcils, et semblait vouloir écouter ce qu’allait dire Heikou.

-Bien, je me présente : Kiniwa Heikou desu.
" Je ne connais pas encore beaucoup de gens, mais j’ai déjà été délégué auparavant. Je pense que cette responsabilité me conviendra, du moins, j’aimerais pouvoir remplir humblement les tâches qu’elle impose.
"Je…
Heikou s’arrêta un instant. Les élèves avaient changé d’attitudes, ils s’agitaient sur leurs sièges. Keibu n’était plus le seul à écouter : même Osoï et Toukan’ l’observaient attentivement. Au fonds, plusieurs filles chuchotaient.
Des murmures, encore des murmures.
Heikou serra les dents, comme pour se contenir
-Excusez-moi ? Quelque chose ne va pas ?
-Et bien…
Un élève avait immédiatement réagi, et se leva pour mieux qu’on l’entende.
« Ce n’est pas toi qui t’es évanoui hier après-midi ? Excuse-moi de te poser cette question, mais ce n’est pas très fiable d’avoir un délégué aussi faible physiquement. Je veux dire, si tu tombes malade, qui sera là pour nous défendre ?
Heikou écarquilla les yeux : il n’en revenait pas : comment pouvait-on poser une question aussi stupide, à ce moment précis.
Sois, il est méchant, sois, il est profondément idiot…
Mais il soupira, et accepta de répondre :
-Je me suis évanoui par ce que je n’avais pas mangé à midi. Et puis la bagarre m’avait un peu chamboulé…
Mugen’ rougit : Heikou l’avait regardé en disant cela.
« Je pense d’ailleurs, pour ne pas trop s’écarter du sujet, que ce genre de conflit ne devrait pas être pris à la légère.
Justement, en étant délégué, j’espère, non pas seulement régler vos problèmes scolaires, mais aussi veiller à la bonne entente entre les élèves, pour que l’atmosphère soit la plus agréable possible.
-Mais de quoi j’me mêle, lâcha Keibu.

Tout le monde se retourna sur le garçon à l’exception d’Heikou, qui s’attendait à cette réaction.
Keibu, sale petit prétentieux, tu me le paieras.
« Je m’en mêle, car tout le monde le fait. Hier, tout le monde ici, ou presque, a encerclé Jinsa san et Nenuki san. Ce genre de conflits suscite des émotions…Il faut en parler, tout le monde le souhaite.

-Non pas moi !
-Et moi non plus !
-Et pourquoi on s’y intéresserai d’abord ?
-On ne va pas transformer ça en sujet d’état non plus !

À nouveau toute la classe se retourna sur quatre élèves, deux filles et deux garçons, qui s’étaient installés au fond de la classe, le plus loin possible des autres.
Heikou déglutit.
C’est quoi ça encore ?
Il se retourna vers le professeur, en espérant qu’elle demande le silence une bonne fois pour toute, mais selon elle, le débat faisait partie de l’exercice.

Heikou soupira, et leva les yeux sur l’une des contestataires ; elle a l’air plus douce que les trois autres, songea-t-il .
-Excuse-moi, comment t’appelles tu s’il te plaît
-Nanu Mebana.
Mebana était une grande et jolie jeune fille aux très longs cheveux noirs. Son regard était doux et calme.
-Bien…Hum…Nanu san, je m’excuse, je me doute bien que certaines personnes ici ne partagent pas le même avis que les autres. J’ai simplement voulu répondre à une question.
-Bien sûr, simplement nous en avons marre de cette classe, ou tout le monde se mêle de tout sans réfléchir.

Tous les Animaux s’agitèrent. Certains soutenaient le Chat, d’autres le Mouton. Tous sauf le Chien, le Cheval, le Lapin et le Rat.
-C’est assez de vos querelles ! Nous n’en pouvons plus, nous n’en pouvons plus !!!!


Heikou sursauta. Il s’agrippa de justesse au tableau pour ne pas tomber : il venait d’avoir eut une absence.

-Kiniwa ?
Le professeur le regardait l’air inquiet. Toute la classe le fixait avec des yeux ronds.
-Pardon, excusez-moi. Oui je comprends bien, mais en te mettant en retrait, tu participes à la mauvaise entente.
-Évidemment, comment veux-tu qu’on fasse autrement ?!
À côté de Mebana, s’était levé un garçon aux cheveux argentés et aux yeux noirs. Sa beauté était à couper le souffle, mais il était beaucoup plus agressif que son amie.
Heikou pressa ses doigts entre ses deux yeux : il perdait patience.
-Ton nom ?
-Nanu Futae.
Heikou, brusquement, leva la tête.
-Vous êtes cousins ?
-Oui ! Pareil pour Kan’so et Taida.
Futae avait désigné les deux autres personnes qui avaient contesté : Taida était une jolie fille, un peu chétive, aux cheveux bruns et aux yeux rouges. Son regard était lascif, et elle ne semblait prêter aucune attention à ce qu’il se passait. Kan’so au contraire était un garçon trapue et costaud. Son regard était plutôt bienveillant, mais c’est lui qui avait le plus effrayé Heikou.

-L’année dernière c’était la même chose, poursuivit Futae. A chaque fois que des gens se disputaient, on y avait le droit pendant quinze jours. Alors forcément, on fini par se lasser…
-…Et bien propose une solution au lieu de râler, coupa Tsukyo
-Tu plombes l’ambiance, Futae !, rajouta Hyouri.

Nos quatre animaux ne voulaient pas prendre parti. Mais en refusant les querelles, ils finirent eux-mêmes par former un clan.
Pour cela, eux aussi furent punis.


Heikou sursauta de nouveau : il avait eu une nouvelle absence. Mais cette fois-ci les élèves n’y prêtaient plus attention : tout le monde s’interpellait, se répondait, et le professeur frappait avec sa règle sur son bureau pour les faire taire.
Heikou sentit la tête lui tourner et ses jambes le lâcher. La sueur perlait sur son front : il avait de la fièvre.
-Arrêtez, je vous en supplie…Mais sa voix n’était qu’un faible murmure, et personne ne l’entendit.
Il eut tout juste le temps de s’appuyer sur une table. Mais sa vue se troubla, et il perdit connaissance.

Chapitre 7 Sanglots
Le grand prêtre Yinko, Puissant sur tous les Puissants, entra dans une colère noire. Jamais le Dragon et le Coq, qui étaient pourtant les Animaux les plus proches du Sage, ne l’avaient vu ainsi : ses yeux lançaient des éclairs et sa bouche formait un terrible rictus.
Il frappa contre le sol son long bâton blanc ; le Temple de Kyoutsuu trembla sous le choc.
Le Chat et le Mouton furent projetés à terre et tout le monde se tu.

-Vous êtes tous coupables de votre décadence, fulmina Yinko, tous !
De son doigt long et puissant, il désigna tour à tour les clans qu’avaient formés les Animaux Sacrés ; le Coq et le Dragon ne furent pas épargnés
« Vous, êtes coupables, car vous n’êtes que sarcasme et méchanceté !
Quant à vous, vos caractères emportés vous empêchent d’être sages !
Et vous, je vous reproche d’êtres hautains et individualistes.
Enfin, vous, rajouta Yinko plus tristement, j’ai le regret d’admettre que vous n’avez pas su apaiser ces querelles incessantes… »




Après la fin des cours, Pokan’to dévala les escaliers aussi vite qu’il put, et se rendit à l’infirmerie.
Essoufflé, il entra dans la petite pièce, et timidement, écarta le rideau de flanelle jaune qui séparait les lits de la salle d’attente.
Heikou était étendu, occupé à envoyer des SMS avec son téléphone portable.
-Coucou ! Lança Pokan’to, un peu mal à l’aise
-‘Jour, marmonna Heikou sans lever les yeux
-Tu es resté ici tout ce temps ?
-Ouais, répondit sèchement Heikou, l’infirmière n’a pas voulu que je parte.
Pokan’to soupira : il savait que son cousin détestait qu’on s’inquiète pour lui. Parfois, son sentiment de toute puissance pesait sur ses épaules.
-Écoute ! J’imagine qu’elle sait ce qu’elle fait ! S’évanouir deux fois en deux jours, c’est tout de même inquiétant.
-Oh, oui, tu as raison, répondit Heikou d’un ton sarcastique, je devrais d’ailleurs lui dire ce que j’ai : « ne vous inquiétez pas Madame, j’ai des problèmes de tensions depuis que je suis petit. Pourquoi ? Mais enfin ça paraît évident : c’est par ce que je suis possédé par l’Esprit du Dragon…Ah, je vous ne l’avez pas dit ? »
Pokan’to leva les yeux au ciel
-Bien sûr, souffla-t-il, tu ne peux rien lui dire, et de toute façon, elle ne pourrait rien faire. Mais il faut accepter cette situation…
Heikou jeta à son cousin un regard noir ; sa lèvre inférieure tremblait.
Pokan’to déglutit : Heikou ne s’énervait presque jamais car il encaissait tout, mais là, il avait sa « mauvaise tête ».
-Accepter ?, répondit enfin Heikou d’une voix sourde, accepter, ? répéta-t-il plus fort. Pourtant personne ne m’a demandé mon avis pour…
-…Moi non plus, coupa Pokan’to en fronçant les sourcils, mais ça ne sert à rien de s’énerver ! Je sais que tu ne supportes pas que l’on t’enferme, mais essaye un petit peu de voir les côtés positifs ! J’ai bien compris que cet après-midi, les Nanou étaient les derniers que nous cherchions. Tu te rends compte de ce que cela signifie ? Il ne nous reste plus que la deuxième partie de la mission !
-La plus dure…
-Et alors ? C’est un pas franchi non ! On ne va pas baisser les bras maintenant !
Sa voix était sonore. Heikou inclina la tête et ne répondit rien. Pokan’to avait raison, et il le savait. D’habitude, lui aussi était d’une nature optimiste, mais là, il n’y arrivait plus. Heureusement, son cousin était plus fort. Parfois utopiste, certes, mais plus fort.
-Avant d’entamer la suite, il va falloir leur parler, murmura-t-il. Il faut qu’ils sachent qu’ils ne sont pas tout seul.
Pokan’to rougit de contentement.
-Alors n’attendons plus, s’écria-t-il.
Son visage était triomphant ce qui fit sourire Heikou malgré lui.
-Oui, le temps que l’infirmière me lâche…
-Où est-elle ?
-Partie, depuis déjà vingt minutes. Si ça se trouve elle fait du vaudouisme en égorgeant des poulets, qui sait ?
Pokan’to éclata de rire.
-Tiens, je crois qu’elle arrive, je te laisse.



Une demi-heure plus tard, Heikou pu enfin se lever, et rentrer chez lui.
Il avait une envie presque compulsive de quitter cet endroit qui sentait le médicament et l’ennui.
Il grimpa les escaliers quatre à quatre, et s’engouffra dans le couloir principal, celui qui menait vers la sortie de l’établissement. Au tournant, avant d’entrer dans le hall, il heurta quelqu’un de plein fouet. Il se frotta la tête et ouvrit les yeux : c’était Mugen’.
-Excuse- moi ! s’écria-t-il confus
Elle, ne le regarda pas, trop occupée à contempler le sol.
-Ce n’est rien, c’est moi qui ne regardais pas.
Puis, toujours la tête baissée, elle essaya de repartir.
Mais Heikou sentait que quelque chose n’allait pas, et lui attrapa le bras ; elle n’essaya pas de se dégager.
Le jeune garçon se risqua à lui prendre le visage, et le souleva : Mugen’ avait les paupières gonflées. Heikou haussa les sourcils
-Et bien, que ce passe-t-il ?
-Ce n’est rien, ça va passer, répondit elle froidement
-Tu ne veux pas aller faire un tour dehors ?
La rouquine se figea
-Non ! Non ! S’écria-t-elle. Pas dehors !
Heikou fronça les sourcils puis tourna la tête vers l’extérieur : il pleuvait à verse.
-Oh, je vois, souffla-t-il. Pardon, je n’avais pas vu.
Mugen’, surprise, le regarda, mais ne dit rien, comme si cette scène était évidente, comme si tout ce qu’elle partageait avec ce garçon était évident, depuis le début.
Doucement, il se pencha sur elle, et parla plus bas, comme pour l’apaiser.
-Écoute, t’es pas obligé de parler. On s’en fout. C’est pas grave. Si tu veux, on peut attendre là, le temps que la pluie s’arrête. Puis on rentrera.
Mugen’ grimaça : elle essayait tant bien que mal de retenir ses larmes.
-Mais t’es qui toi ?
-Peu importe, en tout cas pour l’instant. Tu peux pleurer si tu veux, ça aussi on s’en fout. Tiens, viens là.
Il lui attrapa la tête et la serra contre son épaule. Surprise, Mugen’ se laissa faire, et commença à pleurer, doucement d’abord, puis de plus en plus fort, comme une gamine qui n’a pas assez dormi.
« Voilà, ça fait du bien, poursuivit Heikou…Oui, oui, tu peux tâcher mon pull si tu en as envi, de toute façon je l’aimais pas beaucoup.
Entre deux hoquets, elle éclata de rire, puis resta dans ses bras.

Chapitre 8 : En cachette
Le professeur du vendredi matin, qui enseignait la première heure de la journée, était absent.
Pokan’to et Heikou s’étaient exilés dans une brasserie près du lycée ; les cheveux en pétard et la tête enfarinée, ils sirotaient leur café, le temps de se réveiller.
Pokan’to fouilla dans un petit sachet en plastique rouge, et en sortit une pincée de tabac, qu’il étala sur une feuille. Puis, fébrilement, il commença à la rouler entre ses doigts.
Heikou le regardait d’un air distrait, la joue écrasée sur sa main.
-Aujourd’hui je parle à l’un des Jinsa, lâcha-t-il enfin, d’un ton endormi
-Pourquoi eux ?
La voix de Pokan’to était tout aussi rocailleuse.
-Etrangement, je pense que ce sont les plus faciles d’accès.
-Oh ?
Pokan’to lécha la bande adhésive de la feuille, et se concentra quelques secondes pour rabattre les deux côtés. Mais le résultat n’était pas terrible.
« Pourtant ils sont quand même assez distants, poursuivit-il. Les trois filles par contre sont déjà nos amies.
-Elles, c’est un peu plus compliqué, répondit Heikou en souriant
-Ah…
Pokan’to porta la cigarette à sa bouche et l’alluma. Son extrémité mal tassée s’enflamma l’espace d’une seconde, puis se reteignit.
« Zut, marmonna-t-il.
Il l’a ralluma et tira dessus un long moment., puis souffla un grand jet de fumé. On aurait dit un aventurier de westerns spaghettis.
-Pokan’to, la fumée !
Heikou toussait et brassait l’air avec sa main.
-Pardon ! Bon et bien soit. Si tu veux, parles en leur. Mais moi, ça ira pour l’instant…




-Quentin Tarentino ! Hurla Keibetsu.
-N’importe quoi, baka ! Vociféra Keibu.
On aurait dit deux puces incontrôlables dans le gymnase.
-Mais si ! , répliqua Keibetsu de sa voix stridente. C’est même dans Pulp Fiction ! D’où la théorie du « foot massage » !
-Les gars…Les gars…
Osoï Jinsa, 1 m 98, s’était interposé entre ses deux cousins, les mains tendues en signe d’apaisement.
-De toute façon, Keibetsu a raison, marmonna à son tour Toukan de sa voix grave et tranquille, c’est bien Pulp Fiction.
-Je l’avais dit ! Hurla de nouveau Keibetsu en sautant partout. Ah ! Je suis un Dieu.
-N’exagère pas trop quand même.
La voix venait de derrière. Keibetsu se retourna vivement : Tsukyo se tenait devant lui dans son survêtement rouge, les bras croisés. Ses yeux bleu pâle lançaient au garçon un regard malicieux.
Keibetsu ouvrit la bouche pour répondre, mais la jeune fille lui sourit, laissant apparaître son unique fossette sur la joue gauche.
Le garçon dégluti puis rougit violemment ; elle, tourna les talons.
-Bon faut retourner sur le terrain, balbutia-t-il la tête baissée.
Keibu lui donna une tape sur la tête.
-Tu m’a bien l’air troublé toi on dirait
-La ferme !
-Toi, la ferme !
-Taisez-vous, tous les deux !
Les quatre cousins sursautèrent. Le professeur de sport les regardait sévèrement, à travers la monture de ses lunettes carrées.
-Bon, tous les deux, chez le directeur. Ça ne vous fera pas de mal !
Keibu et Keibetsu voulurent protester, mais Osoï et Toukan les poussèrent eux-mêmes vers la sortie.



Heikou et Pokan’to arrivaient enfin à la hauteur du gymnase : ils étaient très en retard. Pokan’to poussa la lourde porte.
-Inutile.
Ils se retournèrent : derrière, dans un coin de la cour, étaient assis les deux Jinsa.
Keibu les regardaient avec dédain.
-La prof est complètement sur les nerfs aujourd’hui, et vous avez dix minutes de retard, n’y pensez même pas…
-…
Heikou ne savait quoi répondre : Keibu était un garçon absolument détestable. Mais il sentait derrière cette apparence, quelque chose de gentil et de chaleureux, maladroitement dissimulé.
-Et bien moi, je vais au moins aller boire au vestiaire ! annonça Pokan’to.
Il poussa la porte et disparu à l’intérieur.
-Pourquoi il nous dit ça celui-là ? grogna Keibu
-Est ce que vous pouvez venir avec moi ?, se risqua Heikou. Il faudrait que je vous parle
-Quoi, nous ? lança Keibu, visiblement dégoûté.
Heikou soupira.
La ferme ! La ferme ! LA FERME !
-Moi non plus ça ne me plait pas de devoir vous parler, mais c’est important.
Keibu fronça les sourcils. Il sentait malgré lui que quelque chose de particulier était en train de se produire, mais il ne savait quoi.
-Tu veux venir toi ? demanda-t-il en regardant son cousin
-Moui, s’il dit que c’est important.
-Bon, OK, soupira Keibu, on te suit…




Taida Nanu avait tout juste eu le temps de se faufiler dans les toilettes des garçons. Le couloir du gymnase était vide lorsqu’elle s’était transformée. D’un geste vif, elle avait attrapé ses vêtements avec ses dents, et s’était enfuie.
Maintenant, elle était sous les lavabos, dans un renfoncement invisible pour l’œil humain…Enfin, normalement.
Contemplant ses pattes rousses, elle attendait de reprendre forme humaine.

Normalement, personne ne l’avait vu : elle avait eu beaucoup de chance, comme à chaque fois.
Oui, mais jusqu’à quand ?
Un bruit…
Taida dressa les oreilles ; son petit cœur accéléra, ce qui lui faisait peur, car les lapins sont cardiaques. Une fois comme ça, elle avait failli y rester.
Fausse alerte.
-Et m*rde, y en a marre, lâcha-t-elle.
Ou pouvaient bien être les autres : Mebana, Futae et Kan’so ?
Elle aimait souvent être seule, mais là, elle aurait bien voulu qu’ils apparaissent dans ces toilettes vides. Elle aurait voulu voir des visages familiers, des visages qu’elle n’avait pas besoin de fuir.

La porte grinça : cette fois-ci, il y avait vraiment quelqu’un, mais de toute façon, il était trop tard pour s’enfuir.
Furtivement, le lapin pu voir de qui il s’agissait : un grand roux aux yeux bleu ciel. Il lui semblait que c’était le cousin du type qui s’était évanoui hier ; Pokan’to peut être…Elle n’arrivait jamais à retenir les prénoms.
Puis il avança vers le lavabo sous lequel elle s’était faufilée.
Évidemment…
BOUM !

Pokan’to sursauta et se baissa pour regarder en dessous du lavabo : une petite brune d’à peu près son âge, recroquevillée dans un espace trop étroit, l’observait timidement.

Chapitre 9 : A nue
Taida s’était repliée en boule, mais Pokan’to vit bien qu’elle était nue.
-Salut ! Lança-t-il simplement
-Je…Balbutia la jeune fille, je me suis perdue
-…
-Oui, en fait je suis nouvelle, et je ne connais pas encore très bien l’endroit. Puis j’ai couru, et…Et…Je me suis cognée, et je suis tombée. Voilà !
-Ah…
-Oui !
-Et tu t’es déshabillé, par ce que…
Taida rougit jusqu’aux oreilles
-Alors, tu vas rire…
-…Te fatigues pas, coupa Pokan’to, je sais qui tu es. Bon, je ne connais même pas encore ton prénom, du moins je l’ai oublié. Mais…
Il plissa les yeux et approcha son visage du sien.
« À la couleur de tes yeux, tu dois être possédée par le Lièvre, je me trompe.
Taida entrouvrit la bouche
-Comment tu…
-Écoute, on parlera de cela plus tard. Je vais sortir pour surveiller la porte, toi, pendant ce temps, rhabille-toi.


Heikou avait entraîné Keibu et Keibetsu dans l’endroit le moins fréquenté du lycée, sous une cage d’escalier. À cette heure ci, il n’y avait normalement aucun risque.
Cet isolement rendait d’autant plus perplexes les deux Jinsa.
À peine arrivé, Keibetsu commença à faire les cent pas, la tête baissée et les mains dans les poches. Il ne comprenait pas pourquoi Heikou ne parlait pas, tranquillement installé sur le radiateur.
-Et alors ? Pourquoi tu dis rien, là ?
-J’attends que tu te détendes un instant, répondit-il calmement.

Keibu, à l’inverse de son cousin, s’était assis sur une des marches, mais il s’était dissimulé derrière ses mèches brunes, pour ne pas dévoiler ses émotions. Il sentait bien qu’Heikou n’était pas une personne comme les autres : cette voix, ce regard brillant, ce sourire…Le pouvoir qu’il dégageait était presque palpable. C’était très déstabilisant...
-Keibetsu, assis toi.
Keibetsu se tourna vivement vers son cousin, le regard anxieux. Il hésita une première fois à se mettre à côté de lui, puis se ravisa.
Heikou soupira
-Je vais pas te bouffer, marmonna-t-il entre ses dents
-C’est bon, ne me dis rien toi, pas pour l’instant ! Fous- moi la paix !
Heikou ne répondit pas tout de suite.
Il sent le danger. C’est encré en lui.
-Bon, et bien, si tu préfères, reste debout, souffla-t-il enfin.



Cinq minutes plus tard, Taida ouvrit la porte des toilettes : Pokan’to, dans un sourire, se présenta
-Kiniwa Pokan’to des. Pardon de t’avoir surpris dans cet état.
Taida rougit. Maintenant qu’elle était debout en face de lui, il put enfin l’observer plus attentivement : c’était une fille menue, au visage doux et lisse. Ses yeux en amande reflétaient une certaine tristesse, que Pokan’to voyait en permanence chez les maudits.
-Moi c’est Taida Nanu, marmonna-t-elle.
Elle se pencha en avant pour resserrer sa longue tresse auburn. Ses cheveux sentaient bon.
-Veux-tu qu’on aille faire un tour dans le parc, Taida chan ?
Elle haussa les épaules
-Si tu veux.



Puisque Keibetsu refusait de s’asseoir, Heikou se leva.
-Keibetsu, je peux te poser une question ?
Sa voix fut la plus douce possible.
-Ça dépend !
-Pourquoi as-tu refuser de saluer le professeur mardi dernier ?
-Woho ho !
Cette fois-ci, c’était Keibu qui avait parlé.
Heikou leva les yeux au ciel, soupira, puis tourna la tête vers lui
-Qu’est ce qu’il y a ?
Son ton était las
-Je crois qu’en effet, tout dépend des questions que tu poses. Or, ça, ça ne te regarde pas.
-C’est à Keibetsu de me répondre, pas à toi, répondit Heikou d’une voix sonore.
Keibu déglutit, et ne répondit rien
-Keibetsu, réponds moi, s’il te plait, c’est important
-Non.
-Ah ?
-NON ! Laisse-moi ! Laisse-moi !!
Keibetsu était visiblement effrayé.
Heikou le voyait bien.
Mais il faut avancer. Tant pis
-Keibetsu…
Il s’approcha de lui doucement. Keibetsu recula. Heikou lui pris le bras, et l’attira vers lui. Keibu se leva, comme pour intervenir. Heikou ne le regarda même pas
-Rassis toi !
Keibu s’exécuta.
-Tu n’es pas seul, poursuivit Heikou. Vous n’êtes pas seuls. Personne ne te veut du mal.
Il lui caressa les cheveux et le regarda droit dans les yeux.
Cette couleur…Songea Keibetsu.
-Allez, dit-le-moi, murmura Heikou.
-Te dire quoi ?
-Arrête, dis-le-moi. Dis- moi bonjour, s’il te plait.
Cette couleur, cette couleur !
Keibetsu ferma les yeux.
-Bon…Bonjour.


Pokan’to et Taida marchaient lentement dans l’allée principale du parc. Le soleil pâle reflétait ses rayons sur le lac.
-Bon écoute, commença le garçon, tout d’abord ne t’inquiète pas, tu ne m’as pas dévoilé un secret quelconque, je le savais déjà.
-C’est ça justement qui m’inquiète, répliqua Taida
Pokan’to rit
-Oui, forcément. Mais pourtant, tu ne devrais pas. Qu’est ce que tu sais sur ce qu’il t’arrive ?
-Rien. Je sais juste que mes trois cousins et moi nous nous transformons lorsqu’on se trouve dans des situations particulières. Et ça nous pourrie la vie. On ne sait pas pouquoi, personne avant dans notre famille n’a vécu ça, et les gens ont peur de nous.
-Oui, c’est bien ce que je pensais, vous ne savez rien, marmonna Pokan’to.
-Non ! Rien du tout !
-Déjà, vous n’êtes pas n’importe quels animaux : en réalité vous êtes possédés par une Légende Sacrée.
-Tu te fous de moi ?
-Honnêtement, tu trouves que ton histoire est beaucoup plus crédible ?
Taida sourit. Il marquait un point.
-Bon écoute, poursuivit-il, là, je ne peux pas t’en dire plus, il faut que j’attende d’être avec Heikou, il n’y a que lui qui pourra vraiment te parler. Et puis les cours vont recommencer. Je te propose que nous nous voyions demain à 9h, au même endroit.
-Ça marche.
Elle tourna le dos, puis commença à retourner vers le Lycée
-Eeey, attend moi !
Il courut derrière elle pour la rattraper.

Futae Nanu était derrière le muret, et avait tout entendu.
Futae les avaient vus partir du gymnase et les avaient suivis.
Taida, idiote ! Toujours dans la lune !
Il pris son téléphone, et appela son cousin Kan’so.



Heikou regardait par terre. Au sol, Keibetsu s’était transformé en singe.
Keibu avait plaqué sa tête dans ses mains, et gémissait.
-Et maintenant, murmura-t-il ?
-Maintenant, je vais tout vous expliquer…

Chapitre 10 : La terrible malédiction
Les paroles de Yinko raisonnèrent dans la grande salle du Temple comme un effroyable grondement.
Le Chat s’était recroquevillé dans un coin de la pièce, se cachant les yeux avec ses petites pattes.
Le Mouton, tremblant, tournait le dos.
Les autres Animaux étaient pétrifiés, ils avaient les larmes aux yeux devant une telle colère.
Yinko était terriblement craint, mais c’était un bon Prêtre, généreux et compatissant.
Les Membres de Kyoutsuu réalisaient leur erreur, si fatale : ils avaient brisé la confiance de leur Maître.
C’était terminé.

-Vous serez puni, siffla Yinko. Vous disparaîtrez, et incarnerez onze nouveau-nés.
Eux ne se souviendront de rien. Ils subiront seulement la possession, sans comprendre.
« Et ce n’est pas tout ! Leur vie sera un enfer, par votre faute !
« Ah ! Vous riez maintenant de votre idéalisme ! De vos disputes !
« Car ils se transformeront contre leur gré, à des moments précis de leur vie quotidienne.
Animaux, vous n’êtes plus Sacrés, mais bien Maudits !

« Tigre ! Si tu t’endors paresseux, tu apparaîtras !
Chat ! La Pluie dévoile le démon : elle te menacera !
Sanglier ! N’insulte pas, sans cela, on te verra !
Mouton ! C’est par le rire que tu te dévoileras !
Singe ! En saluant le premier, on rira de toi !
Serpent ! Pleure, et ta langue, à nouveau, sifflera !
Bœuf ! Pour apparaître, tu remercieras !
Rat ! Prends garde à ne pas prendre froid !
Cheval ! Coure, et tes jambes deviendront pattes : c’est un cheval que l’on verra !
Chien ! Tu es bien plus à l’aise dans l’eau : aboie dès que tu te baigneras !
Lièvre ! Tu es un faible animal ; tu seras visible dès que tu souffriras !

« Aucun ne pourra échapper à la vue des autres !
Tout le monde vous rejettera.

Il y eut une explosion, et les Animaux disparurent tous, comme par magie.
Tous, oui, sauf le Dragon et le Coq.
-Vous, poursuivit Yinko, vous allez subire un autre sort.
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Bulle
posté Jan 17 2006, 07:51 PM
Message #18


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Kyoutsuu

Ou la nouvelle malédiction


Part. II



Première partie - suite et fin

Chapitre 11:Refuge
Recroquevillé dans son canapé, Heikou était installé devant la télévision, sans vraiment regarder l’écran.
Il ne s’était d’ailleurs même pas rendu compte que les larmes roulaient sur ses joues. Avoir informé Keibu et Keibetsu de la malédiction, lui avait retiré un gros poids, mais remuait inévitablement certains souvenirs.
Il était trop fatigué ; trop vieux, peut-être…



Keibu et Keibetsu ne s’étaient pas quittés de la soirée.
Pas envi de rentrer chez eux. Non, vraiment, pas envi du tout !
Après le Lycée, ils s’étaient réfugiés dans une salle de cinéma, en espérant se changer les idées.
Ils ne parlèrent même pas, eux qui avaient tant l’habitude de gazouiller toute la journée, de tout et de n’importe quoi. Keibu parlait toujours très vite, sans articuler. Keibetsu était plus silencieux, mais très expressif.
Les deux Jinsa n’ont pas voulu tout de suite prévenir Osoï et Toukan’. Pas maintenant, pas tout de suite, demain ce sera mieux. C’était peut-être égoïste, mais là, ils préféraient avoir la paix devant un « film à pop corn », encore quelques instants. Il fallait accuser le choc, oser regarder l’autre en face, et se remuer. Lorsque Heikou aura prévenu les autres, tout changera, peut être.


-Pourquoi Matrix 3 ?! S’écria Mugen’.
-Par ce que c’est drôle ! s’écrièrent en choeur Tsukyo et Hyouri.
-Il n’y a vraiment pas de quoi rire, grommela le Chat, je n’ai rien compris au second, je ne vois pas pourquoi je pigerai celui-ci !
-Oui, mais là, ils le réédite, avec pleins de nouveaux effets, ça va être génial ! (ndlr : je rappelle que ce récit traite un futur proche ^^)
-Mais ce sera pire !!
-Bref, arrête de râler, trancha Tsukyo, on a les places, donc c’est trop tard. Si tu n’étais pas contente, il fallait le dire avant.
Le Tigre avait repris son air sérieux. Mugen’ fronça les sourcils et frappa du pied une canette vide.
Lorsque les trois filles entrèrent dans la salle, la lumière était déjà éteinte.
Mugen’ aimait bien le contact chaud du velours des sièges.
Chaque fois qu’elle se trouvait dans une salle de cinéma, elle repensait à ce que vivait le personnage du roman de Marguerite Duras, Un Barrage Contre le Pacifique. Comme Suzanne, elle se sentait apaisée, isolée et en sécurité. C’était très agréable.


Avant que commence le film, Keibu risqua tout de même de glisser quelques mots.
-Il va falloir devenir sociable, Keibetsu…Nous sommes mal barrés !
Keibetsu, surpris, lâcha un rire nerveux
-Alala, qu’est ce qu’on se marre !!, rajouta-t-il d’un ton sardonique. À propos, est ce que les autres doivent eux aussi tout savoir ?
-Justement, j’ai cru comprendre que non. Nous sommes des êtres privilégiés...
Keibetsu se tourna vers son cousin et prit son air satisfait
-Comme toujours.
-Moui, on peut dire ça…



-Moshi moshi ?
-Heikou chan ?
-To chan !
Il était content de l’entendre
-Heikou…Taida…Le Lièvre…Elle le sait… .Pour la Malédiction.
-Tu lui as dit ?
-Je l’ai surprise aux toilettes. Elle s’était transformée.
Heikou laissa échapper un soupire de soulagement
-Tant mieux, tant mieux. C’était très éprouvant de l’annoncer aux deux Jinsa, alors je dois t’avouer que tu me retires un gros fardeau.
-Oui mais je ne lui ai pas tout expliqué, j’attends ton feu vert Heikou. J’ai rendez vous demain avec elle, dans le parc, près du Lycée à 9h. Tu viendras.
-Je viendrai, soupira Heikou. À demain.
Il raccrocha.



-Bon, OK, c’était nul, avoua Hyouri.
-Je vous l’avez dit ! Triompha Mugen’
Tsukyo soupira
-Pourtant le premier était vraiment bien, c’est dommage. Oh, mais regardez qui est là.
Devant la sortie du cinéma, se tenaient Keibu et Keibetsu, adossés à la rambarde.

-Keibu, voici notre première épreuve de sociabilité.
-On leur dit ?
-On leur dit. Mais pas tout, juste l’histoire de la malédiction. Sinon, on risque de tout gâcher.
-Bien sûr, bien sûr.
-Bonjour ! s’écria joyeusement Tsukyo.
Les filles n’avaient pas hésité : elles étaient allées voir le singe et le mouton immédiatement.
Tsukyo regarda en biais Keibetsu ; vivement, il détourna les yeux.
-Vous êtes allés voir ce film, vous aussi ?, demanda Hyouri, d’un air dédaigneux.
-Heu…Oui, marmonna Keibu. Écoutez, ça me fait mal de devoir vous parler, mais on va bien être obligés. Vous avez dix minutes ?
Surprises, les filles acceptèrent.


Futae faisait les cent pas dans sa chambre. Les doigts plantés dans ses cheveux argentés, on aurait dit qu’il essayait de s’enlever la peau du crâne.
Ce qu’il avait vu l’obsédait : pourquoi Taida avait-elle parlé à cet abruti ?
Ce garçon était dangereux, il le sentait.


Le rat fut peut-être celui qui supporta le moins la malédiction.
Il n’avait jamais accepté que le Coq lui prenne sa place : il était le premier, le favori.
Il ne pouvait pas oublier qui il était, ni ce qu’il représentait.
Mais il disparut, comme les autres.




Il était 22h. Heikou allait se coucher : la journée avait été très éprouvante, et il n’avait pas l’habitude d’user de ses pouvoirs aussi violemment.
Son téléphone sonna.
-Muchi muchi ? bailla le garçon
-Ano…Heikou san ?
-Mu chan ?
La voix de la rouquine le réveilla aussitôt.
-Je peux te parler ?
Sa voix était tremblante
-Bien sûr, que se passe-t-il ?
-Je sais, pour la Malédiction, je sais tout…

Chapitre 12 En retard...
Futae s’était adossé contre le mur, en attendant Mebana et Kan’so. Son visage était paisible, comme d’habitude, mais intérieurement, il bouillonnait.
Toujours en retard…Toujours…
Rageusement, il fourra la main dans sa poche et en sortit son téléphone portable.
-Mushi mushi ?
-Mebana ? répondit-il un peu brutalement
-Oui, j’arrive, soupira-t-elle sans attendre que Futae lui pose la question, je suis là dans cinq minutes.
-Grouille toi ! Kan’so est là.
Il raccrocha.
Un petit blond, aux puissantes épaules, avançait vers Futae. Ses yeux vert olive étaient encore à demi fermés.
-Ohayou, marmonna Kan’so
-Ohayou, répondit Futae sur le même ton
-En retard, hein ?
-Oui, ça m’exaspère, lâcha-t-il enfin, d’une voix plus stridente, c’est toujours la même chose ! Si on arrive après 9h, ça n’aura servi à rien !



Heikou et Pokan’to avançaient doucement vers le parc : ils avaient encore un petit peu de temps.
-Keibu, mais quel baka !, maugréa le dragon, Il a tout dit aux trois filles…
Pokan’to se tourna vers son cousin, le visage inquiet
-Tu veux dire, qu’il leur a tout dit ?
-Non ! Quand même pas ! Sinon je l’aurai tué, je crois. Je veux dire, physiquement, je l’aurai assassiné. Sans aucune autre forme de procès !
Le coq laissa échapper un soupire de soulagement.
-Et bien alors, où est le problème ? Ce n’est pas toi qui voulais que les autres s’en charge ?
-Oui, mais pas ce sale mouton ! siffla Heikou. Mugen’ m’a appelé hier : elle était bouleversée. Il a été moqueur et grinçant, comme d’habitude. Ah, il me le paiera celui-là, tu vas voir.
Heikou serra les poings, il était hors de lui.
-Mugen’, Tsukyo, Hyouri, elles vont venir ce matin ?
-Du coup, oui. J’ai réussi à apaiser Mugen’, mais les deux autres sont complètement chamboulées, paraît-il. Il faut leur parler.
Heikou soupira. C’était fatigant.



Mebana arriva tranquillement, un grand sourire aux lèvres ; sa longue silhouette se déplaçait avec grâce et ses cheveux noirs flottaient par le souffle du vent.
-Ohayou, lança-t-elle d’une voix sonore
-En retard ! Marmonnèrent d’une même voix Kan’so et Futae.
-Ah, oui, répondit-elle d’un air évasif, je suis désolée, j’avais plein de choses à faire, et comme vous savez, je ne peux pas courir, donc…
Futae explosa
-Et bien arrête d’ « avoir des choses à faire » avant un rendez-vous, hurla-t-il.
-Bon ! S’écria Kan’so en poussant ces deux cousins pour qu’ils avancent. On a encore le temps d’être à l’heure, si on part maintenant !



Le cœur d’Heikou se serra : au rendez-vous, Taida n’était toujours pas là. Par contre, Hyouri et Tsukyo étaient installées sur le muret ; elles devaient attendre depuis un bout de temps.
Le Coq et le Dragon s’arrêtèrent quelques instants, avant d’aller à leur rencontre.
Pokan’to tira longuement sur sa cigarette, comme pour aspirer de l’énergie.
Heikou ferma les yeux, et inspira.
-Allez, on y va, dit-il sans conviction.
-C’est parti.



Futae, Kan’so et Mebana avançaient vite, très vite.
-Plus vite ! cria Futae. Taida est peut-être en danger !
-Pourquoi le serait elle ?, demanda calmement Mebana.
-Par ce que je n’aime pas du tout la tête de ce type ! Non, vraiment pas…
-Il lui a parlé d’Animaux Sacrés, tu dis ?
-Ça doit essentiellement être un illuminé, assura Kan’so.
-Peut-être, répliqua Futae, mais ça n’empêche pas le danger !


Taida et Mugen’ arrivèrent tranquillement au rendez-vous, avec plus de dix minutes de retard.
-Ohayou ! Heikou leur sourit.
-Ohayou, répondirent les deux filles en chœur.
-Mu chan, tu as trouvé quelqu’un d’aussi ponctuel que toi, à ce que je vois, ironisa Tsukyo, veillez au moins à ne pas cumuler vos retards !
Mugen’ fit comme si elle n’avait pas entendu, et Taida rougit, en repoussant les mèches cuivrées qui retombaient sur son visage.
-Je…Je vois que nous sommes plus que prévu, remarqua-t-elle timidement.
Pokan’to sourit : elle était vraiment mignonne, pensa-t-il. Dommage que…Enfin, bon, on verra bien.
-Oui, soupira Heikou, je crois qu’il s’agit maintenant de tout vous expliqu…
-Hey !! Cria Futae, en arrivant.
Heikou et Pokan’to se retournèrent vivement. Les autres, qui étaient en face, levèrent les yeux.
-Attendez nous, haleta Kan’so.
Taida blêmit.
-Qu’est ce que vous faites là, tous les trois.
Futae posa ses deux yeux noirs sur la jeune fille : son visage était triste.
-Dommage que tu ne voulais pas nous voir…Taida.
Taida rougit et baissa la tête.
-Je…Je suis désolée…Tu étais au courant ?
-Tu étais au courant ??!! Crièrent Heikou et Pokan’to d’une même voix.
Futae ne pus s’empêcher de sourire.
-Oui, j’ai tout entendu la dernière fois.
« Je veux tout savoir maintenant. Il est hors de question que quelque chose se passe derrière mon dos. Donc racontez- moi cette histoire débile d’Animaux Sacrés !
Pokan’to éclata de rire : le rat était toujours aussi présomptueux.
-Une histoire débile ? En es-tu vraiment sûr ? Ne serai-tu pas plutôt troublé par des anciens souvenirs, qui reviennent malgré toi ?
Il plongea ses yeux azur dans les siens…
« N’est-ce pas…Nezumi ?
-Stop ! Temps mort ! On raconte tout, et ensuite on s’engueulera ! Chaque chose en son temps.
L’assemblée se tourna vers le Dragon.
-Très bien, poursuivit-il d’un ton satisfait, on peut commencer. Asseyez-vous !

Chapitre 13 : Minuit, l’heure du crime (ce titre n’a aucun sens, désolé, c’était pour le trip…)
Heikou pris son inspiration, et se lança
-En vous rencontrant j’ai compris que vous ne saviez rien.
-Si : nous sommes possédés par un animal !, fit remarquer Tsukyo.
-Oui, soit…
-Ça ne vous avance pas beaucoup de savoir ça, marmonna Pokan’to
La tête baissée, il s’affairait à rouler sa cigarette.
-Non. C’est juste, approuva Heikou. Le plus important est bien de comprendre pourquoi on est possédés. Cela permet d’y voir plus clair ; à partir de ce moment, on pourra travailler ensemble et…
-…D’ailleurs, coupa Pokan’to, vous ne saviez pas que d’autres gens étaient possédés, à part vous-même et vos cousins !
Heikou le regarda, interloqué.
-Tu as fini ?
-Oui
-Bien, heu…Heikou pressa ses doigts entre ses deux yeux.
« Ou j’en étais moi…Ah oui ! Donc, maintenant, pour votre information, sachez que nous représentons les 12 signes du zodiaque chinois, avec le chat en plus.
-Mais nous ne sommes pas 13 ici ! S’exclama Kan’so, en regardant autour de lui.
Heikou entrouvrit la bouche, un peu étonné
-Heu, non, mais en même temps je n’avais pas prévu un rendez-vous public…Les quatre autres doivent être chez eux, j’imagine. ..
« Donc ! Si vous êtes possédés, c’est par ce que les Animaux Sacrés ont été frappés d’une malédiction.
-Eeey, pourquoi tu dis « vous » ?, demanda Futae, tu ne l’es pas toi ?
-Heu, si, rougit Heikou, par le Dragon, mais…Il fronça les sourcils. Bref, nous nous écartons du sujet là !
-Oui, mais on aimerai comprendre, fit remarquer Mebana à son tour.
-Certes. J’essaye tant bien que mal de terminer ne serait ce qu’une phrase, marmonna-t-il.
-Pardon ?
-Non, rien.
« Les Animaux sacrés ont dû incarner des êtres humains, et devaient apparaître dans des situations particulières. Je n’ai pas besoin de rappeler lesquelles, vous les connaissez…
-…Pour moi, oui ! coupa Hyouri, mais pas pour les autres…
-Tu t’en fiches ! Ce n’est pas le problème.
-Si c’est un problème, assura Tsukyo, d’ailleurs…
-…Est-ce que vous pouvez tous m’écouter cinq minutes sans m’interrompre toutes les trente secondes !?
Tout le monde se tu. Les yeux d’ Heikou s’étaient éclaircis par une lumière étrange.
Pokan’to toussota
-Vas-y, Heikou, on t’écoute
-Merci, grommela-t-il. Mon but est de vous libérer de cette malédiction. Pour cela, il nous faudra passer beaucoup de temps ensemble.
Certains Maudits prirent un air dégoûté.
Tsukyo leva timidement le doigt. Heikou sourit.
-Kyo chan ?
-Je voulais juste savoir : pourquoi les Animaux Sacrés ont-ils été punis ?
-Ca, c’est un secret, souffla-t-il.
Mebana ouvrit de grands yeux
-Mais…Elle plaqua les mains sur sa bouche, de peur de fâcher à nouveau le Dragon.
-Na chan, tu peux parler, je t’écoute
-Oui, pardon ! Comment faire chuter la malédiction ?
-Pardonne- moi, mais ça aussi c’est un secret, avoua-t-il.
-Comment peut-on l’a retirer dans ce cas ?, demanda Futae.
Heikou le regarda : Futae était un garçon calme et tranquille, mais il sentait chez lui une colère, prête à exploser à tout moment.
-Justement, c’est en ne vous disant rien, que tout devrai marcher normalement, répondit le Dragon d’une voix douce.
-Mais pourquoi toi ? Et surtout lui ?
Le Rat désignait Pokan’to du menton.
-Par ce que nous vous présidions, baka, gronda Pokan’to.
Tout le monde se tourna vers le Coq. Il était furieux.
-Bien, murmura Futae. Désolé.



-Une malédiction ? répéta Toukan’
-Toukan’, râla Keibetsu, les yeux au ciel, c’est la troisième fois que tu hurles ces mots, je pense que tu as compris, non ?
-Oui, mais…
Toukan’ se tu.
Osoï resta silencieux. Il tournicotait ses longues mèches de cheveux, en fixant Keibetsu de ses yeux translucides.
-Alors, nous allons devoir partir en vacances avec eux ? , finis par demander Toukan.
-C’est ça l’essentiel problème, glissa Keibu entre ses dents.
-Pourquoi ? demanda Osoï
-Par ce que, je ne connais pas les quatre autres maudits, mais les trois filles sont insupportables ! Il paraît que nous les détestions à Kyoutsuu.
-C’est qui nous ? demanda Osoï avec ironie. Ne nous assimiles pas avec les Animaux de la légende, ce n’est pas la même chose !
-Si, Osoï, je t’assure, répliqua Keibetsu. Heikou nous a dit que ça avait beaucoup d’importance.
-Et bien moi, je suis très content de passer mes vacances avec des jeunes filles, déclara Osoï en se redressant.
Son sourire était radieux.
Keibu soupira
-De toute façon, nous allons bien êtres obligés de les apprécier.
-Pourquoi ? demanda Toukan
-pour rien, marmonna-t-il.
Je ne peux pas leur dire. Il ne faut pas, il ne faut pas !



Pokan’to regarda l’Assemblée de son air triomphant. Il ouvrit les bras, et s’adressa à tout le monde
-C’est pour cela que nous allons tous partir au ski pour les prochaines vacances !
-…
-.. .
-Je n’ai pas d’argent, moi, s’exclama enfin Futae.
-Ne pensez pas à l’argent, on se charge de tout ! Il faut absolument partir, assura Heikou.
-Mais nous ne nous connaissons pas, fit remarquer Mebana. C’est assez gênant…
-Nous avons deux mois pour cela, tout ira bien !

**************************

Tous finirent par accepter. Ils faisaient confiance à ces deux garçons. De toute façon, il n’y avait aucun autre moyen, et la vie devenait insupportable, avec de si lourdes malédictions.

Mugen’, Hyouri et Tsukyo étaient même ravies : elles adoraient le ski.
Futae râla un peu, mais en réalité, il trépignait d’impatience.
Le seul point sombre restait la collocation avec des gens qui leur été inconnus, parfois hostiles.

-Oh, j’ai oublié de vous dire, déclara un jour Pokan’to. Nous vous diviserons par appartement !
-Encore heureux, s’écria Keibu ! Hors de question que je me trouve avec des gens que je ne connais pas !
-Heu…Justement. C’est ça le principe : vous serez mélangés.
Keibetsu blêmit, et Keibu ouvrit la bouche pour protester.
Heikou attrapa la tête du mouton, et plongea ses yeux dans les siens
-Keibu, te souviens-tu de ce que je t’ai dit ? Tu m’avais promis. Si toi et Keibetsu ne faites pas d’effort, qui en fera ?
Keibu ne dit rien et hocha la tête ;
Il avait promis, c’était vrai.


L'entre-deux, part. 1

1. Dans deux mois…
Deux mois passèrent.
Deux mois passèrent, et les membres du Kyoutsu apprirent à se connaître, sans grand enthousiasme.
Personne, ou presque, n’était en mesure de faire des efforts.
Et surtout, le chat, Mugen’, et le mouton, Keibu, ne s’étaient plus adressé la parole.
Leurs relations étaients scandés de haine et de froide indifférence.
Pour être plus clair, ils se détestaient cordialement., ce qui ne faisait que renforcer les deux clans.

Tsukyo et Keibetsu s’étaient un peu rapprochés ; Osoï, le Serpent, aimait se glisser dans les conversation des trois filles, et il parvenait à se faire apprecier.
Mais aucun mélange.
Non, surtout pas.


Une chose transportait communément nos treize maudits : la perspective des vacances.


Mugen’ n’écoutait plus en classe.
Plus que deux semaines, et ils prennaient le train.
Chaque heure, elle la passait les yeux fermés, se laissant transporté par des paysages nus, froids et gigantesques.
La puissance des montagnes nous isole du reste du monde.
Sentir la neige et le contact des skis sur celle-ci
Respirer le vent, l’humecter presque, le laisser frôler chaque partie du visage ;
Jusqu’à en pleurer
Pleurer de froid…Et de bonheur

Oui, c’était bientôt. Elle pourra le vivre une nouvelle fois.
Et Heikou sera là. Tsukyo et Hyouri également.
C’était tout ce qui comptait

2. Faire ses bagages
Pokan’to courait partout ; il avait besoin de déverser son énergie sur toute la maison.
Demain, il partait.
C’était demain…Et après ?
Il ne fallait pas y penser ; Chaque fois que de mavaises idées lui revenaient en tête, une boule de nerf se formait dans son estomac et envahissait tout ses membres. Elle semblait imploser et se répendre, comme un flux nausif et étouffant.
L’angoisse : c’est le mot qu’on lui donne.

Alors Pokan’to courrait partout.
Chaussettes, slips, pulls, pantalons…C’est fait !
Il fourrai toutes les affaires dans son sac, sans plier, tasser ou trier. L’essentiel était de partir.
Le reste, on verra.


Heikou était passé chez Tsukyo avant de partir.
Mugen’ et Hyouri, étaient là, elles aussi.
Très vite, il fut contre son gré, entraîné dans une marée de braillements, de gesticulations, de cris et de rires.
Effrayé, il n’en était pas moins ravi.

Il ne pensait pas qu’en arrivant « là », il découvrirai « ça ».
Les Animaux Sacrés étaient pénibles ; Tsukyo, Mugen’ et Hyouri étaient drôles.
Le Chat était agressif et susceptible ; les cheveux de Mugen sentaient bon.

Elle tournait tout autour de lui, essayant trente-six mille bonnets ;
Et celui-ci ? Ouais, pas mal, répondait elle toute seule, sans attendre sa réponse
Et celui-là ? Je l’aime bien ! Faisait remarquer Heikou ; Mais elle ne l’écoutait déjà plus, trop affairé à fouiller dans son tiroir, pour en sortir un autre, puis encore un, puis encore un..

3. Dans le train
Futae regarda par la fenêtre, soupira, puis ferma les yeux.
Il les réouvrira lorsqu’il neigera, lorsque la ville n’existera plus, lorsque le silence des montagnes s’imposera pour tout le monde.


Taida, la tête blottie contre l’épaule de Mebana, lisait son livre.
Il fallait bien patienter.
Elle parcourait les pages sans grande conviction, se levant toutes les cinq minutes, pour aller fumer, faire pipi, parler avec Pokan’to et Futae, se regarder dans le miroir…
Une pile éléctrique qui fonctionnait, sans cesse, sans cesse.


Tsukyo gardait les pieds sur son sièges et les yeux rivés sur son bouquin.
Frenetiquement, elle tournait ses mèhes de cheveux, comme pour rythmer ses émotions.
Ses deux grands yeux bleus semblaient absorber les lignes, comme on absorbe une énorme glace au chocolat.


Keibu s’était étendu sur deux sièges, le regard las et les sourcils froncés.
Souvent agité, le mouton pouvait brusquement devenir calme et silencieux.
Ses lèvres formaient une moue boudeuse et ses yeux pâles semblaient se perdre dans un horizon, qu’il ne parvenait jamais à atteindre.


Hyouri regardait par la fenêtre, le regard perdu par trop de souvenirs et de tourmant.
Le signe du Sanglier était d’un naturel nerveux et inconstant.
Ses cheveux bruns tombaient dans les yeux ; elle ne semblait vouloir communiquer avec quiconque de l’extérieur.
C’est rien, ça va passer.





Chacun vivait au plus haut degré ce départ à la montagne.
Dans quelques heures, ils partageront une semaine de vacances à la neige, loin d’Osaka, et plus près de leur passé.


Deuxième partie

Chapitre 14 : clivages
Tsukyo sauta du train à pieds joints. Elle leva la tête et ouvrit la bouche, essayant d’avaler quelques flocons.
-On est arrivés hurla-t-elle.
Le Tigre se mit à danser sur le quai et éclata de rire. Keibu leva les yeux au ciel.
-Et ben ! On est bien partis, marmonna-t-il.



Ils arrivèrent assez rapidement devant le chalet, le temps de réunir tout le monde et de marcher cinq bonnes minutes.
-Et maintenant ? demanda Futae, les yeux braqués sur Heikou
-Mmm…
Heikou était occupé à lire l’inventaire
« Fouille dans mon sac, marmonna-t-il sans lever les yeux, il devrait y avoir la liste des appart… »
Le rat soupira, et regarda dans la poche extérieur de son sac à dos. Il tomba successivement sur un tire bouchon, une montre à gousset, des cartes à jouer et un porte-clef, avant de trouver la liste.
-Eh beh ! J’ai trouvé plus bordélique que Mebana !
Puis il la déplia, et pu lire :

Appart n°1
Mugen’
Keibu
Tsukyo
Keibetsu
Heikou


Appart n°2
Hyouri
Osoï
Mebana
Toukan

Appart n°3
Futae
Kan'so
Pokan'to
Taïda

-Heeey, gémit Futae, tu ne m’as pas placé avec Mebana.
-Et alors, demanda Heikou, toujours la tête baissée.
Cette fois-ci, il cherchait les clefs du chalet
-Et alors c’est ma copine ! Enfin, tant pis, on ne va pas chipoter…
-…Comment ça, on ne va pas chipoter ?! hurla Keibu
Keibu, Mugen’, Keibetsu, Osoï et Mebana lisaient par-dessus l’épaule de Futae
-Heikou, souffla Mugen’, tu nous as fait quoi, là ?
Heikou leva enfin la tête, puis sourit
-Je pense que ça vous fera le plus grand bien d’être ensembles ! Allez, arrêtez de râlez, ajouta-t-il en fouillant à nouveau dans son sac, de toute façon le chalet est entièrement à nous, si vous n’êtes pas contents, vous pouvez toujours circuler à droite à gauche…Ah ! Victoire ! Les voilà ! »
Heikou sorti du sac un énorme trousseau de clef, qu’il brandit, le visage triomphant.
-…
-…
-Baka…Soupira Keibu.
Quelques minutes plus tard, ils étaient à l’intérieur.

Chapitre 15 : Que la montagne est beeelleee!
Mugen’, Keibu, Keibetsu, Tsukyo et Heikou traversèrent un long couloir, avant d’atteindre l’appartement qui leur était destiné.
Heikou fouilla dans sa poche et en sorti une clef, qu’il glissa dans la serrure. Puis il ouvrit la porte.
Keibetsu alluma la lumière, et regarda tout autour de lui
-J’avoue, c’est pas mal, dit-il.

La pièce principale possédait un grand canapé et deux petits fauteuils. Une table chauffante pour cinq personnes, trônait au milieu du salon. Il y avait même un poste de télévision, quelques étagères et des tableaux.
La cuisine était séparée du salon par une porte coulissante en papier de riz.
De chaque côté, étaient disposées les deux chambres, elle-même séparées par une cloison. La troisième chambre, plus petite, était en haut d’un petit escalier. C’était une sorte de mezzanine.

Chaque chambre était dotée d’un futon, d ‘une grosse armoire et d’une petite table. Le tout était joliment décoré.

-Bon ! déclara Heikou, je prends la chambre du haut !
Il grimpa péniblement les petits escaliers, qui lui laissaient à peine la place, pour lui et son gros sac.
Tsukyo se sentait de bonne humeur, et encouragea les autres à faire comme elle
-On pourrait aller faire un bonhomme de neige, ça vous dit ?
-J’aime pas faire des bonshommes de neige, je ne suis jamais d’accord avec les autres, lorsqu’on les fait, marmonna Keibu.
Il était affalé sur le canapé, les yeux braqués sur son téléphone portable.
Tsukyo rougit, mais ne se laissa pas démonter pour autant
-Alors, on pourrait regarder un petit film ! J’ai amené des DVD !
-Ouais, je les ai vus dans le train, répondit Keibetsu, adossé au rebord de la fenêtre. Mais rien ne me tente, désolé.
Tsukyo soupira. Mugen’ l’a regardait avec des yeux ronds.
Le silence fut brisé par un lourd bruit de pas, provenant des escaliers : Heikou surgit comme un boulet de canon; tout le monde le regarda.
-Ils sont un peu dangereux ces escaliers, j’ai failli tomber trois fois, fit-il remarquer. Bon, je sors : je vais aller voir Pokan’to. À tout à l’heure !
Il traversa la pièce et referma la porte.

Tsukyo regarda Mugen’
-Bon ! s’écria-t-elle un peu crispée, allons faire un tour nous aussi, qu’est ce que tu en dit ?
-Oui, allons-y, répondit le Chat, toujours visiblement secoué par l’ambiance qui régnait.





Les deux jeunes filles marchaient en silence; elles aimaient écouter le crissement des chaussures sur la neige fraîche.
Les yeux levés vers les sommets, elles ne parvenaient pas à ouvrir la bouche, tant le paysage les impressionnaient. Il faisait nuit à présent; le silence des montagnes dégageait une puissance à la fois effrayante et rassurante.
Des milliers de petites étoiles parcouraient le ciel ; au loin, on pouvait voir l’étendu du village.
Les habitants de la région avaient fixé tout en haut d’un temple, un immense coq en papier coloré, pour symboliser l’année qui allait se terminer ; bientôt, à ses côtés, trônerait le Chien.
-Whah ! Souffla enfin Mugen’. Un nuage de vapeur s’échappa de sa bouche.
-Tu te rends compte, chuchota Tsukyo, nous sommes à la montagne !
-Tiens, regarde ! La piste pour enfants ! On verra mieux le paysages.
Le Chat et le Tigre escaladèrent alors la petite pente, très douce, mais assez longue.

Cinq minutes plus tard, elles étaient assises sur le terrain plat, essoufflées, mais ravies.



Pokan’to et Heikou marchaient vite.
-J’espère qu’on ne sera pas en retard, gémit Pokan’to
-Oui, tu aurais pu défaire tes valises, après que je vienne te chercher, baka…
Le Coq ignora son cousin
-C’est par là, déclara-t-il.
Ils tournèrent la tête, vers la piste pour enfant. Tout en haut, ils pouvaient voir deux petites têtes, une rousse et une blonde.
-Aïe, souffla Heikou, qu’est ce qu’elles font là ? Pourvu qu’il ne les aient pas vus.
-Voilà, c’est ici, s’écria Pokan’to.
Le Coq montrait du doigt un renfoncement naturel sous la neige, juste face à la piste. L’intérieur était mansardé par des planches de bois.
-Ce doit être lui qui l’a construit, murmura-t-il. Allons-y !
Ils entrèrent dans la petite pièce, totalement sombre.
-Vous auriez pu vous dépêcher, dit une voix grave, le temps est exécrable dans ce pays
-Attendez, je cherche mon briquet, on verra plus clair, marmonna Pokan’to.
-Pas la peine…
Un rayon de lumière illumina toute la pièce.
Un grand chinois, à la longue barbe blanche et aux sourcils broussailleux se tenait devant les deux garçons. Au bout de son doigt, tendu vers le plafond, se dégageait une longue flamme bleue.
-C’est mieux, comme cela, non ?
Il sourit.

Chapitre 16 : Craintes
Le Coq et le Dragon s’agenouillèrent devant le vieil homme
-Bienvenue Maître, murmura Pokan’to.
Heikou leva les yeux
-Je suis heureux de vous revoir, Yinko…San…


Tsukyo se leva brusquement
-Ooh ! Hurla-t-elle. Une étoile filante !!
Mugen’ sursauta
-Aaah, mais tu m’as fait peur ! râla le Chat.
Tsukyo fronça les sourcils, les yeux toujours rivés vers le ciel
-Mmm…Je souhaite…
-Le dis pas, sinon ça ne marchera pas !


Yinko les regardait en souriant
-Relevez-vous, dit-il d’une voix douce.
Le grand prêtre Yinko portait une longue robe rouge, en tissu épais, brodé d’or. Ses cheveux blancs tombaient sur ses épaules, et il tenait fermement dans sa main droite une canne en bois de buis.
Heikou regarda Yinko, puis écarquilla les yeux.
Le prêtre l’observa discrètement
Tu as peur, car tu sais qu’elles sont là, et tu ne veux pas que je les vois, c’est bien cela
Heikou sursauta, et rougit.
-Maître, je…
-Le Chat incarne cette fille,là-bas? Très bien, très bien.
Il avança, pour sortir de la pièce, la canne tendue vers Mugen’ et Tsukyo.
-Non ! Arrêtez ! S’écria Heikou, en s’interposant. S’il vous plait !
Son regard était humide et suppliant.
Yinko ne cilla pas.
-De quoi as-tu peur…Hiryuu* ?
-Je…Je suis désolé, j’ai cru un instant que vous vouliez vous débarrasser du Chat.
Yinko fronça ses sourcils broussailleux, puis regarda le ciel.
En vérité tu ne te soucies guère de ce qui arrivera au Chat ; tu as peur pour cette fille.
Heikou tressaillit. Le prêtre lui prit le visage, et le leva vers le sien
-Prends garde Hiryuu, ne tombe pas dans ce piège. Il pourrait te faire mourir de chagrin.
Heikou se mordit les lèvres, et se laissa effondrer sur le sol.


Tsukyo se rassit, et roula une cigarette.
Mugen’ s’allongea sur la neige, et soupira.
Elle n’arrivait pas à penser autres choses que ces yeux rouge sombre, qui la regardait doucement. Haikou...
Elle soupira de nouveau, et se retourna sur le flan.
-Ça promet d’être drôle ce séjour, avec les deux crétins là…
-Moi, j’aime bien Keibetsu, répliqua Tsukyo en souriant.
-Ah…
-Et toi, avec Heikou ?
Mugen’ tressaillit, et se tourna vers son amie. Elle avait parlé tout naturellement, comme si c’était un sujet banal, sur lequel elles discutaient depuis longtemps.
-Quoi ! Répondit brusquement Mugen’. Comment ça « toi avec Heikou » !?
Tsukyo, sans l’a regarder, tira sur sa cigarette, puis souffla un long jet de fumée grise.
-Ok, je n’ai rien dit, répondit-elle doucement.




Yinko regardait sévèrement Heikou
-Hiryuu, lève-toi.
Sa voix était douce, mais ferme.
Heikou hocha la tête, et obéit.
-Vous avez jusqu’au Nouvel An, déclara Yinko. Tout ira bien ?
Pokan’to parla enfin
-Dans mon appartement, ça à l’air d’aller. Le plus gros problème se pose entre le Chat et le Mouton, évidemment…
-Évidemment, répéta Yinko, visiblement agacé. Il va falloir que vous trouviez un moyen, et vite ! Sinon, tant pis pour ce maudit Chat !
-On y arrivera, murmura Heikou d’une voix faible.
-Bien. Je vais m’en aller, à présent. Je reviendrai peut-être.
-Au revoir maître, répondirent Heikou et Pokan’to d’une même voix.
Yinko ferma les yeux
-Je suis un serpent, marmonna-t-il.
Une explosion retentit, suivi d’une fumée verte. Aux pieds d’Heikou et Pokan’to, un serpent se faufilait rapidement vers la sortie de l’alcôve.




-Je commence à avoir froid, soupira Tsukyo, on y va ?
-Ouaip, répondit Mugen’. De toute façon, il va bientôt falloir manger.
Les deux filles se levèrent, puis commencèrent à marcher. Tsukyo s’arrêta, et battit des mains
-Oh ! Mugen’ !! On fait la luge ?!
Mugen’ soupira, mais sourit
-Ok, on fait la luge.
Tsukyo posa un grand sac en plastique sur la piste, et s’assit dessus ; Mugen’ se posa derrière elle,puis les deux glissèrent tout le long de la pente.
Le vent agitait leurs cheveux et les faisait pleurer. Tsukyo hurlait de joie, et Mugen’ riait en tapant son amie dans le dos
-Allez, plus vite ! Plus vite !!


*Hiryuu : dragon volant

Chapitre 17 : Sueurs froides (c’est de pire en pire mes titres !!)
Tsukyo était allé trop vite : Mugen’ l’avait lâché, et maintenant elles roulaient toutes les deux sur la piste.
Elles finirent par s’écraser lamentablement contre le filet de protection, tout en bas.
Le Tigre et le Chat restèrent immobiles, quelques instants, allongés sur le dos et quelques peu abasourdies.
-Aouch ! Lâcha Tsukyo
-Aaaaah… .Mes os ! Ajouta Mugen’

Heikou et Pokan’to sortirent de l’alcôve, et tombèrent nez à nez avec Mugen’ et Tsukyo, allongées en bas de la piste pour enfants. Elles riaient à gorge déployée.
-Ça ira, demanda Heikou, un peu inquiet.
Les deux filles s’arrêtèrent net, et levèrent les yeux vers le Coq et le Dragon. Debout, au-dessus d’elles, ils avaient l’air passablement dépités.
Les deux filles s’échangèrent un regard, et éclatèrent de rire, à nouveau.
-Ouhouhou, j’ai mal au ventre, gémit Tsukyo
Heikou sourit
-Mais qu’est ce qui se passe ?
-Si vous voyiez vos têtes ! s’écria Mugen’.



Futae ouvrit la fenêtre et s’appuya sur la rambarde. Fixant les montagnes, il essaya de s’échapper tant bien que mal du monde réel.
Depuis qu’il connaissait Heikou et Pokan’to, il était devenu plus mélancolique. Un peu comme si certains souvenirs ressurgissaient, sans qu’il sache d’où ils pouvaient provenir. Il ressentait simplement une peur, et une colère, un sentiment terrible, qui l’envahissait, sans qu’il puisse le maîtriser. Certaines images lui réapparaissaient de temps en temps ; c’était un souffle glacé. Mais une fois qu’elles disparaissaient, il en oubliait leur contenance, comme si elles n’avaient jamais existé. Seule la sensation de mal être persistait
Un déjà-vu
Futae soupira, puis ferma la fenêtre.



Heikou, Mugen’ et Tsukyo entrèrent dans leur appartement, et furent tout de suite saisis par la musique assourdissante, qui faisait trembler tous les murs de la maison.
Keibu et Keibetsu étaient installés l’un en face de l’autre, autour de la table chauffante, entrain de jouer aux dés.
Keibu avait apporté son ordinateur, et passait des chansons. Celle qu’on entendait était un mélange savant de guitare stridente, de lourdes basses et de mugissements.
-On égorge un cochon ?, demanda Heikou d’un air dégagé. Vous auriez pu m’attendre quand même !
-Whah ! S’écria Mugen’, en se jetant sur l’ordinateur. Qui a eu cette bonne idée ?
Keibu l’a regarda un instant, puis haussa les sourcils
-C’est moi, marmonna-t-il.
Mugen’ se retourna brusquement. Son visage s’assombrit lorsqu’elle croisa le regard du Mouton.
-Ah…Murmura-t-elle comme si elle avait fait une gaffe.

La porte s’ouvrit précipitamment
-Vous avez des sobas en rab’ ?
Tout le monde se retourna : c’était Mebana.
-Non, on les gardes pour le Nouvel An, désolé, répondit Keibetsu.
-Aaaa, s’exclama Mebana, je vois qu’on écoute de la bonne musique ici !
-Tu rigoles ? Demanda Heikou, sincèrement étonné.
-Tais-toi, crièrent Mugen’ et Keibu d’une seule voix.
Ils ne se regardèrent pas, mais le Chat rit doucement, et le Mouton esquissa un sourire.
Heikou les observa
Bon, c’est déjà un début.

Le lendemain matin, les membres de Kyoutsuu se retrouvèrent en bas du chalet pour leur première journée aux sports d’hiver.
Ce fut un véritable raffut qui commença, dans le local ou était disposés le matériel : bruit de skis heurtant les murs, cliquetis des chaussures que l’on attache, cris, plaintes, rires, …

Dix minutes plus tard, ils marchaient comme treize automates. Les chaussures inconfortables et le poids des skis sur les épaules les faisaient avancer péniblement vers la navette.
Futae et Kan’so marchaient devant.
Futae avait trépigné toute la matinée pour que ces colocataires accélèrent le rythme, et maintenant il avançait vite, car il ne voulait plus perdre de temps.
En descendant la route, le Chien et le Rat pouvaient nettement voir l’immense Coq en papier coloré, qui se découpait sur les montagnes blanches.
-C’est l’année du Chien dans quatre jour, fit remarquer Kan’so. C’est étrange, jusqu’à maintenant, je me suis toujours considéré comme étant né sous le signe du rat, et baste. En plus ça n’avait pas d’importance ! Maintenant que je connais cette légende, je prends beaucoup plus en compte le fait que j’incarne le Chien.
-Oui, c’est comme moi, je…
Futae s’arrêta net.
« Mais…Attends…Moi je suis né sous le signe du Rat, et je suis le Rat !
-Bah oui, répondit simplement Kan’so. Il fallait bien que cela arrive à l’un d’entre nous puis que nous avons tous le même âge.
Futae se mit à respirer difficilement, et s’appuya sur ses skis. Il ne voyait plus clair, et de nouveau, l’éclair glacé avait parcouru son échine ; à nouveau il avait ressenti de la peur, et de la colère. C’était comme un vertige infini, qui l’étouffait à petit feu.
Puis il tressaillit et se redressa.
Kan’so fronça les sourcils
-Fu-chan ? Ça ira ?
-Ah ! Heu…Oui, oui.
Il recommença à avancer.
« Non, tu te trompes, Mebana a un an de plus : elles est née sous le signe du cochon !
-Ah, c’est vrais répondit Kan’so, comme s’il ne s’était rien passé. Bon, et bien, ce doit être une coïncidence, dans ce cas…


Hyouri s’assit sur la neige en grommelant, et attacha son pied droit aux fixations de sa planche de surf.
-Quelle idée d’avoir choisit le snow ! Les infrastructures des station de ski ne sont pas du tout appropriées.
Tsukyo passa à côté d’elle, ses skis aux pieds
-Te casse pas quelque chose, cette fois-ci ! cria-t-elle en filant vers le télésiège.
-Oh, ça va, marmonna-t-elle, à elle même.
-Tu as besoin d’aide ?
Hyouri leva les yeux : Toukan était penché au-dessus d’elle. Lui aussi faisait du surf, mais visiblement, il semblait mieux savoir s’en servir. Ses cheveux noirs et blancs étaient soutenus par un bandeau, et quelques mèches lui retombaient sur le visage. Le profil parfait du surfeur, songea Hyouri, un peu dégoûtée.
-Oui, oui, ça ira, répondit froidement le Sanglier.
-Tu veux monter avec moi dans le télésiège ?
Surprise, Hyouri accepta.



Futae et Mugen’ attendaient leur tour, debout sur les planches de bois. Leur télésiège arriva rapidement ; il fallait vite l’attraper.
Ils saisirent la bar de fer, puis se jetèrent sur les banquettes. Puis, d’un geste vif, ils abaissèrent la rambarde de sécurité qui leur permettait, en outre, de caler leurs skis.
-Aaaah ! Enfin ! Cria Mugen’ à plein poumons.
Elle se retourna et jeta son regard vers le paysage, qui se rapetissait, au fur et à mesure que le télésiège montait. L’appareil se balançait légèrement ; Mugen’ adorait la sensation de vertige que cela procurait.
-Arrête de regarder!, cria brusquement Futae.
Mugen’ tourna la tête, étonnée
-Qu’est ce que ça peut te faire ?
-J’ai le vertige ! répondit-il d’une voix aiguë.
Son visage était tout blanc, et ses yeux noirs fixaient les sapins devant lui.
-Ooops, pardon, répondit Mugen en riant. J’arrête tout de suite.
-Mer…Mer…
Le visage de Futae se crispa, et sa bouche s’ouvrit, comme pour éternuer
« Mer… »
SHOMPF
Mugen’ avait tout juste eu le temps de plaquer son doigt sous le nez de Futae.
-Tu ne pouvais pas le faire toi-même ? Cria-t-elle, un peu dégoûtée. Si tu t’étais transformé en rat, tu aurais eu de bonne raison d’avoir le vertige !
-Merci, pu enfin répondre Futae, l’air satisfait.

Chapitre 18 : Chutes de neige
La deuxième étape était de prendre le téléski.
Mebana fronça les sourcils, comme pour se concentrer. Elle regarda la perche d’un air dubitatif, puis jeta un coup d’oeil sur ses deux bâtons encombrants. Futae, qui attendait derrière, soupira
-Bon, on a peut-être pas toute la journée, Na-chan !
-Ecoute, laisse- moi tranquille, s’écria-t-elle, tu sais bien que je n’aime pas le téléski !!
-Bon…Et bien je vais te prendre tes bâtons, ne crie pas, répondit Futae d’une voix douce.
Mebana marmonna quelque chose comme « merci », puis s’accrocha de toutes ses forces, les yeux fermés.


Mugen’ attrapa la perche, et décolla littéralement du sol. Elle poussa un cri de joie, et se laissa porter par la machine.
Tsukyo l’a suivi de près, et prit son équilibre sur un seul ski.
-Mais c’est nul ça, cria Pokan’to, qui était tout juste derrière. Regarde, moi, ce que je fais !
Le Coq s’élança sur la perche, et une fois dessus, parvint à se retourner totalement…Cinq minutes plus tard, il était par terre, la tête dans la neige.



Taida poussa un soupire de soulagement. Enfin, elle était arrivé en haut. Si elle avait eu le courage de monter à pied, elle aurai largement préféré cet exercice, plutôt que d’affronter le « monstre-tire-fesses ».
Elle frissonna, puis lâcha la perche. En haut, Mebana, Kan’so et Futae l’attendaient, avant de commencer.

Ils furent rapidement dépassés par deux boulets de canon.
Keibu fonçait sur la pente, les cheveux couverts par un keffieh beige. Il était suivi de près par Tsukyo, qui hurlait derrière :
-Va moins vite ! Non, va plus vite !! Arrête toi ! Si, continue !!
Taida haussa les sourcils
-Et bien, ils s’entendent bien maintenant.
-Je ne sais pas comment ils font pour aller aussi vite… »
Le rat prit son bâton, et tapota le sol.
« Avec le peu de neige qu’il y a, mes skis frôlent les cailloux. »



Cette première journée fut pour tout le monde, longue et harassante. Vers 18h, environ, Heikou parti chercher du lait et quelques petites choses pour le dîner du soir.
Au retour du magasin, il neigeait à gros flocon.
-Enfin ! On peut dire qu’ elle se sera fait attendre, cette année.
En avançant vers le chalet, il vit Mugen dans le champ de neige. Les yeux levés vers le ciel, elle semblait bénir la neige qui tombait sur son visage.
Heikou sourit, puis l’observa une minute.
-Elle a bien l’air heureuse, pour un démon.
Le Dragon sursauta.
Personne.
-Yinko ?
-Je suis là, dit une voix.
Heikou se retourna.
Yinko se tenait dans l’embrasure d’une porte, près d’un tas de bûches.
-Peux tu m’expliquer pourquoi le Neko est il si heureux ? Le Neko n’est rien, il n’est que cendre et poussières. Que fait-il là, à rire, sous la neige ? Quel effronté…
-Par ce que…Par ce que Mugen’ ne connaît rien de tout ça, Yniko-san, répondit timidement Heikou. Elle ne sait rien, Futae non plus…
-…Détrompe toi, coupa Yinko, le Nezumi sait. Il ne sait pas exactement pourquoi. »
Le Prêtre s’interrompit quelques secondes, et sourit.
« Mais il sait. »
-Peut-être, répondit Heikou faiblement, mais pour l’instant ils sont à l’abri de leur propre malédiction. Mieux vaut garder cela intact.
Yinko plissa les yeux
-Détrompe toi. Si les Animaux Sacrés restent trop longtemps dans des corps insouciants, ils finiront par oublier qui ils sont. C’est pour cela qu’il faut se dépêcher de mettre un terme à cette malédiction. En outre … »
Yinko s’arrêta de nouveau, et regarda le visage anxieux du dragon.
« …Il faut aussi que cette fille et ce garçon prennent conscience du poids qu’ils portent sur leurs épaules. »
Heikou baissa la tête et ne répondit pas. Une larme tomba sur la neige ; une seconde suivit la première.
-Je suis un loup, marmonna Yinko.

Le Dragon accepta le Chat, mais savait qu’il courait un grand danger.
Le Chat était un animal déchu, et pour cette raison, il n’avait pas le droit à l’erreur.
Il accepta les conditions, et n’entra pas en conflit avec le Rat. Mais en se disputant avec le Mouton, il risquait sa place au Kyoutsuu, ou pire.
Le Chat devait accepter son statut à part. Il devait comprendre, que sans le Dragon, il n’était rien.


Heikou leva lentement les yeux : Yinko n’était plus là ; au loin, un loup blanc courait vers les montagnes.
Le jeune garçon s’essuya les yeux, et pris son inspiration. Mugen’ était toujours dans le champ de neige.
Il s’approcha d’elle. Ses cheveux roux étaient trempés, et ruisselaient le long de ses épaules. Elle lui sourit lorsqu’il s’approcha. Puis fronça les sourcils.
-Kou-chan, ça va bien ?
Heikou sursauta, et comprit que ses yeux étaient encore un peu rouges.
-Oui, ne t’inquiète pas, j’ai mal aux yeux en ce moment, lui répondit il.
Il se laissa un temps transporter par son regard doux et lui sourit faiblement.

Chapitre 19 La promesse de Keibu, part. I
1er jour de ski- nous sommes dimanche soir*

Hykou entra dans le salon, puis s’arrêta net, saisit par l’étonnement : Keibetsu était entrain de jouer un morceau à la guitare, et Tsukyo l’accompagnait au chant.
La scène était presque harmonieuse ; même Keibu souriait.

Le Dragon senti son cœur s’ouvrir un peu plus ; enfn, depuis qu’il était arrivé dans ce maudit lycée, il se sentait bien. Jusqu’à présent, chaque conflit le mettait en danger, l’empêchait de respirer. A plusieurs reprises, il avait vu ses bras se métamorphoser, peu à peu se durcir et se colorer, et perdre leur forme humaine. La tête lui tournait lorsque les conflits devenaient trop violents : c’était ça, sa malédiction.

Maintenant, il était bien. Il pouvait se nourrir de la musique de Keibetsu et de la voix de Tsukyo, qui jouaient ensemble Elle Danse Seule, de Depalmas**.

C’est peut-être par ce qu’il se sentait bien, que le choc fut encore plus violent.
Mugen’ entra à son tour. Ses longs cheveux, s’égouttaient sur le sol, laissant quelques flaques derrière elle.
Keibu marmonna quelques paroles, que Mugen’ elle-même n’entendit pas. Mais cela suffit pour qu’elle s’énnerve, pour qu’elle recommence à crier sur le Mouton. Lui, répondit méchament, par des petits trucs qui blessent, qui rendent encore plus fou un chat échaudé.

Alors Heikou sentit chaque parti de son corps le brûler, plus fort encore que d’habitude. Le changement d’atmosphère était trop brutal.
Sa respiration devint plus difficile, et, les jambes tremblantes, il s’accrocha à la table, pour ne pas tomber. Mais sa vue s’obscurcit totalement, et il s’effondra de tout son poids sur le sol.





Lorsqu’il se réveilla, il était étendu sur son matelas, un chiffon mouillé sur le front. Ses deux amis étaient assis autour de lui.
Il referma les yeux presque instantanément, car sa tête lui faisait terriblement mal.
Peut-etre s’était il rendormi cinq minutes, ou un quart d’heure, il ne savait pas trop. Lorsqu’il ouvrit les yeux à nouveau, Keibu était encore là, mais Mugen’ était partie.
Il s’appuya sur ses deux avant bras avec peine, puis se redressa légèrement.

Alors, lentement, il plongea son regard rouge sombre dans les yeux pâles du Mouton, qui s’empourpra légèrement.
-Keibu…Souffla le Dragon, , je ne peux pas te rappeler à chaque fois ce que tu m’a promis…
Il s’arrêta puis poussa un gémissement de douleur
« La malediction dépend de toi », ajouta-t-il.
-Et de Mugen’ ! Protesta Keibu.
-Non, répondit Heikou d’un ton sec. Elle, ne le sait pas, alors que toi, oui. Et je te signales, baka, que c’est toi qui a commencé ce soir.
-Ouais s tu veux, marmonna Keibu, mais c’est difficile de devoir tout porter sur ses épaules. Et puis, ce n’est qu’un chat. Rien qu’un chat ! Le Chat ne fait pas parti de Kyoutsuu, il a été rajouté !
Heikou ne répondit pas tout de suite, et fixa tristement ses couvertures.
-C’est pour ça, murmura-t-il. C’est pour ça que je ne veux pas trop parler de cette légende aux autres maudits. C’est bien dommage que toi, tu connaisse toute l’histoire.
« Regardes toi : tu parles de Mugen’ comme le Mouton parlait du Chat. Mais qu’est ce que ça peut te faire, à toi, Keibu Jinsa ? Il y a trois mois, tu ne connaissais pas cette légende, et à présent tu parles du Chat avec dédain, comme s’il était un monstre inutile.
« Mais tu ne l’as jamais connu… »
Son visage se crispa de douleur : il avait parlé trop longtemps. Il resta un temps les yeux fermés, à réfléchir. Puis il regarda Keibu avec effroi
-Que ce passera-t-il lorsque le Mugen’ et Futae sauront ? Murmura-t-il.
-Ne t’inquiètes pas, répondit Keibu avec brutalité, je vais faire des efforts, ça ira.
-Ce n’est pas vraiment toi qui m’inquiète, soupira le Dragon.


*Oui, je précise les dates : nous sommes donc dimanche soir et ils repartiront samedi apres midi. je pense achever ma FIC à ce moment. Mais je vous prévient : comme je fais trois chapitre à peu pres par journée de ski, ca risque d'etre long...
**Gérald Depalmas est très célèbre au Japon, c’est ma tante japonaise qui me l’a dit ^^. J’ai trouvé donc marrant de le mentionner.
En plus, sa musique a bcp rapproché Tsukyo et Keibetsu. Donc c’est important…

Chapitre 20 : La promesse de Keibu (part. II)
Keibu sortit précipitamment du chalet : besoin de prendre l’air, besoin de fuir, besoin de réfléchir. Il parcouru en long, en large le champ de neige, les yeux rivés vers le sol, sans savoir vraiment quoi penser.
Ses idées s’empilaient comme les pièces d’un jeu de construction que l’on fabrique sans réfléchir.
Rien ! Il n’y avait décidément rien à faire d’autre que de se taire, et accepter.
Partout ou il était passé, depuis sa naissance, on l’avait montré du doigt, ou pire, on l’avait fui. Il arrivait toujours un moment où le petit Keibu voulait rire, et c’était terminé.
Le petit Keibu n’était plus qu’un agneau, à la vue de tous.
Depuis quelques années, il a compris. Il ne rira plus jamais. Peut-être qu’on l’aimera moins, mais il ne se transformera plus.
Il ne pensait pas qu’il y arriverait un jour ; comment s’empêcher de rire ?
C’est comme pleurer…C’est comme Osoï.
Mais c’était comme ça.

Alors maintenant, il fallait sauter sur l’opportunité ; il fallait assumer, pour être enfin délivré.
Mais Heikou…Son regard froid et autoritaire, ses paroles franches et blessantes. De quel droit le jugeait-il ? De quel droit !
Je m’en fous, je m’en fous !
Keibu s’arrêta un moment, et leva la tête. Ses yeux étaient, comme toujours, perdus dans un objectif trop lourd à atteindre, trop idéal pour y croire.
Et Heikou lui proposait sa délivrance…Mais de quel droit ?
Pour qui il se prend ?

Keibu ne supportait pas devoir dépendre de quelqu’un. Surtout s’il devait accepter des choses qu’il reniait.
Sentir son regard pesant toute la journée pour qu’il aille vers elle, pour qu’il lui parle gentiment…C’était insupportable.

De quel droit !? Mais de quel droit ?
Et pourtant…
Il y avait un choix à prendre. Le Mouton fier et orgueilleux devra apprendre à accepter ses faiblesses.


Les treize Animaux Sacrés ne s’entendaient jamais.
Et le Puissant Yinko le savait bien.
C’est pour cela qu’il les a puni.

Les onze animaux disparus, Le Grand Prêtre se tourna alors vers les deux animaux restants : Le Coq et le Dragon.
Et sa voix transperça le silence
-Pour vous j’ai une autre mission. Vous incarnerez des Maudits, vous aussi. Mais tout vous restera en mémoire.
Dans dix-sept ans seulement vous irez sur terre, et vous chercherez les Onze Animaux.
Et vous les réunirez.
Seule leur amitié les délivrera. Si avant le Nouvel An, ils ne parviennent pas à s’entendre, ce sera terminé. Le Kyoutsuu n’existera plus pour un temps ; les onze Animaux resteront dans leur enveloppe mortelle.
Alors ils pourront revenir, mais dans mille ans. Et sans le Chat.
Il a causé trop de méfaits.

Le soir du Nouvel An, s’ils ne s’entendent pas, celui ou celle qui abritera le Chat mourra.
Comme cela, il ne reviendra pas.



Keibu s’en fichait de se maudit Chat, et encore plus de Mugen’.
Elle peut bien mourir, et alors ?
Mais c’était trop lourd à porter.
Il aurait voulu ne jamais le savoir.




*******************


Heikou s’étira et sorti de la chambre. Il était resté une partie de la soirée couché, à lire et à écrire.
Maintenant que le Mouton avait quitté la pièce, il se sentait mieux.

Mugen était assise sur une chaise, devant la table, les cheveux lui couvrant le visage. Un léger sourire aux lèvres, elle suivait une partie d’échec entre Futae et Keibetsu.
-Coucou, lança Heikou.
-S’lut marmonnèrent en chœur Futae et Keibetsu, visiblement concentrés sur leur parti.
Mugen’ leva la tête, un peu distraite
-Oh, coucou.

-Non mais c’est pas vrai, hurla Keibetsu.
D’un bond, le Singe se leva, et jeta le jeu à la figure du Rat.
-Eh ! Mais qu’est ce qu’il y a.
-Y’en a marre !! Je déteste perdre !! Je déteste ça !!
D’un bond, il se leva et escalada la mezzanine, dans un lourd vacarme.

Abasourdis, les trois autres restèrent un temps sans rien dire, les yeux ronds.
-Il est toujours comme ça ? demanda enfin Futae.
-Oui, oui, c’est le pire des mauvais joueurs qui existe, lança Keibu.
Le Mouton venait d’entrer à l’instant.
« Je l’ai entendu hurler du couloir. Échec, n’est-ce pas ?
-Oui, c’est ça, bredouilla Futae, je ne l’ai pas nargué pourtant.
-Oh, ne t’inquiète pas, répondit Keibu d’un ton dégagé, quand on était petits, on jouait aux jeux vidéos. À force de jeter les manettes par terre, il nous faisait jouer sur des circuits imprimés…
-La ferme ! Hurla Keibetsu du haut de son escalier.
Futae déglutit.
-Bon, heu, et bien je vais rentrer dans mon appart. J’ai trop peur que la tornade Keibetsu revienne.
Futae pris son jeu d’échec, puis quitta la pièce.


Keibu fixait résolument le sol. Mugen’ s’était discrètement éclipsé sur le canapé pour ne pas lui parler, les yeux rivés sur son bouquin.
Keibu lança à Heikou un regard furieux, puis se tourna vers la rouquine.
-Eh !
Mugen’ leva la tête
-Quoi, répondit-elle sur le même ton.
-Pardon pour d’t’aleur. J’étais de mauvaise humeur, ça va ?
Mugen’ haussa les sourcils.
-Ça me va.
Keibu se tourna vers Heikou, qui le dévisageait
-Bon ! lança -t-il à la cantonade, je sors, l’atmosphère est irrespirable !
Keibu quitta le salon, et claqua la porte.

-Charmant, marmonna Mugen’
-Oui, c’est fatigant soupira Heikou.
Mais il sourit.
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Bulle
posté Jan 17 2006, 08:17 PM
Message #19


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Kyoutsuu

Ou la nouvelle malédiction


Part. III



Deuxième partie - suite et fin

Chapitre 21 : Une petite souris
Futae ouvrit la porte de son appartement.
-Ah ! Futae, s’écria Kan’so. Ton téléphone a sonné.
Le Rat sentit son cœur bondir dans sa poitrine.
-C’était…
-…Oui, c’était elle.
Futae se mordit la lèvre
« Tu devrais la rappeler. Tu sais ce qu’il s’est passé, la dernière fois…
-Ça va ! Coupa Futae. Je vais l’appeler.


-Okaasan ?
Sa voix n’était qu’un faible murmure
-Fu-chan ! J’ai pensé à toi toute la journée ! Tu aurais pu m’appeler hier, j’étais terriblement inquiète.
Futae ferma les yeux
Par pitié, tais toi…
-Excuse- moi, marmonna-t-il, on a eu beaucoup de choses à faire. Mais tu vois, je t’appelle maintenant.
-Bien sûr, tu ne penses qu’à toi, comme d’habitude. Ha ! T’amuser, c’est tellement plus drôle que de penser à moi.
-Je ne m’amuse jamais, Okaasan.
-C’est normal ! Ne fais pas confiance à ces gens, ils te rejetteront... Tu peux encore retourner à la maison.
Tais-toi…
-Je reviens dans une semaine…Je ne suis pas parti pour de bon !
-Futae, arrête de te bercer d’illusions. Tu es trop fragile, tu ne tiendras pas.
-Je vais devoir te laisser.
-Comment ? Mais tu ne m’as encore rien raconté ?
-Je…Je ne peux pas, désolé.
Futae raccrocha, la main tremblante.





**********************


Deuxième jour de ski (lundi matin)

-Ohayou ! Cria Pokan’to, en entrant.
-…
-…
-…
-Heu, désolé ils ne répondront pas, ils sont comme ça tous les matins, s’excusa Heikou.
-Bon, tant pis ! Je viens vous voir, pour vous dire qu’aujourd’hui, comme la neige n’est pas encore tout à fait correcte, on organise une ballade en raquette !
Keibetsu se leva, les cheveux décoiffés, et le visage en colère
-Quoi ! Mais non, on a très peu de jour devant nous pour skier !
-Ah, et bien tu parles finalement ! Oui, je sais bien, mais la moitié des pistes est fermée, ça ne sert à rien ; Ils ont prévu de la neige encore pour ce soir. Le chef pisteur m’a dit ce matin qu’on pourrait skier sans problèmes dès demain !
Mugen’ ouvrit des yeux ronds
-Mais tu t’es levé à quelle heure ?
-Sept heure ! Répondit le Coq tout naturellement. Allez, c’est parti, enfilez vos pantalons, pulls, chaussures et on y va !
Avant que les autres puissent répondre, Pokan’to tourna les talons en sifflotant, et quitta
L’appartement.

-Ce type m’épuise, gémit Keibu
-Oh, et puis là, on l’a sur le dos toute la journée, assura Heikou…



Toute la communauté avait suivi Pokan’to dans une aventure périlleuse.
La moitié des maudits avaient renoncé à louer des raquettes pour une demi-journée, et s’enfonçait dans la poudreuse, jusqu’aux genoux.
L’autre moitié marchait mieux, mais devait presque courir pour rattraper Pokan’to, qui dirigeait fièrement son troupeau.
Tous maudissaient le Coq entre leurs dents.

Ils arrivèrent au bout de quatre heures de marches, épuisés et essoufflés, à la hauteur d’une bergerie abandonnée, située en haut de la colline.

Heikou se laissa tomber lourdement sur la neige fraîche, et s’appuya sur ses avant-bras.
Ils n’étaient pas encore beaucoup à être arrivé, puisque les autres, qui marchaient sans raquettes, ne pouvaient plus avancer qu’à quatre pattes.
-Eh bien, soupira le Dragon, en regardant Pokan’to du coin de l’œil, tu t’es bien fichu de nous. Pas assez de neige, n’est-ce pas ?
Pokan’to éclata de rire.
-Je sais bien, mais avoue qu’il ne fallait pas rater ça !
Hyouri, Mebana, Taida, Futae et Mugen’, arrivaient enfin au niveau de la bergerie, sans raquettes, et en rampant.


-Toi ! mugit Hyouri en fusillant Pokan’to du regard, je te hais !
Le rouquin tendit les mains, en signe d’apaisement.
-Allez, ne râlez pas, maintenant on va pouvoir s’amuser ! On va faire des bonshommes de neige, des batailles, des photos. Vous ne regretterez pas, tas de feignasses !
Osoï et Toukan se regardèrent un instant.
-Tu penses à ce que je pense, demanda le Bœuf
-Oh, je crois bien, répondit le Serpent, le sourire mauvais.
Sans que Pokan’to puisse réagir, il fut traîner sur une dizaine de mètres par les deux Jinsa ;
En quelques minutes, tout le monde s’était rué les uns sur les autres, formant une masse informe, de bras, de jambe et de neige.


Futae et Heikou avaient préféré rester en retrait.
-Aaah, ça fait du bien de les voir comme ça, s’écria Heikou.
Il tourna la tête vers Futae, qui n’écoutait pas ; ses yeux planqués derrières ses mèches argentées, il se tordait les doigts nerveusement.
« Que se passe-t-il, ajoutât le Dragon, en fronçant les sourcils.
Futae tressailli et regarda Heikou, les yeux écarquillés. Dans un mouvement de panique, il s’agrippa à son blouson.
-Heikou…Ça ne va pas…Ma mère…Elle m’a appelé…Je…
Futae s’arrêta.
Il gémit de douleur, ou de peur, c’était difficile à déterminer, puis il laissa sa tête tomber en arrière, les yeux révulsés. Le rat était saisi de convulsions.
Heikou se leva vivement, et attrapa le corps brûlant de Futae. La bergerie était juste derrière, et il n’eut qu’à faire quelques mètres avant d’entrer dans la pièce sombre.
-Voilà, tu seras mieux au sec.
Il le posa sur les planches de bois, et lui laissa son manteau, pour qu’il puisse poser sa tête ;
Futae ferma les yeux, et se mordit les lèvres, jusqu’à s’en faire saigner.
Le Dragon le surveillait nerveusement, en attendant qu’il se calme. Les convulsions étaient passées, mais son corps continuait à se tordre de douleur.
Pauvre, pauvre, petite souris
Futae se calmait peu à peu, mais il fallut bien attendre cinq minutes. Finalement, il ne bougea plus ; son corps était presque inerte. Heikou se pencha sur lui.
-Futae, tu m’entends ?
Le rat garda les yeux fermés, mais sourit faiblement, comme pour faire signe.
-Oui, merci. Je me sent déjà mieux murmura-t-il . Heikou…
-Oui ?
-Si j’ai été exclu de Kyoutsuu, c’est par ce que je ne le méritais pas, c’est bien cela ?
Heikou soupira
-Futae…N’essaye pas de tout comprendre, s’il te plaît.
Pauvre petite souris…
Il lui caressa les cheveux.
« Comment te sens-tu ?
-Assez bien, merci. Je vais rester seul un instant, je préfère.
-Comme tu voudras, répondit Heikou d’une voix douce. Je suis dehors, juste devant. Appelle- moi, dès que tu as un problème.

Heikou sorti de la bergerie ; sur le seuil de la porte, Mugen’ l’attendait.
Ses cheveux roux étaient parsemés de glace et de neige durcies.
Heikou sourit, et glissa la main dans sa chevelure, pour en retirer une partie ;
-Il ne faudrait pas que tu attrapes froid murmura-t-il.
Mugen’ frissonna
-Où est Futae ? balbutia-t-elle.
Elle leva ses grands yeux dorés sur le visage du garçon. ;
Le cœur d’Heikou tambourina de plus belle.
-Il est un peu malade, je crois. Je ne sais pas ce qu’il a, mentit le Dragon.
Avec ses doigts, il parcouru ses cheveux, puis continua en lui caressant le visage, sans même s’en rendre compte.
Si je pouvais te dire…
Mugen’ se laissait bercer par ce doux contact, les yeux mi-clos. Le visage d’Heikou était serein et masculin, un peu fermé, comme pour cacher ses émotions.
Heikou, je…Non, pas ça. C’est idiot…
Heikou rougit et retira sa main ; Le visage de Mugen’ s’était assombri
Qu’est ce que j’ai fait ? Elle a du mal le prendre…Je n’aurai pas dû…
-Pardon, souffla-t-il, je suis un peu dans la lune.
-Ce n’est rien.
Évidemment, il ne l’a pas fait exprès. Il est juste gentil.
Il est juste gentil.
Oublie ça…

Mugen’ regarda ailleurs, et tourna les talons
Heikou écarquilla les yeux, sans comprendre
Mais…

Un bruit. La bergerie, Futae, la petite souris.
Heikou pivota, et entra en courant ;
Sur le sol, son blouson était toujours là. Mais Futae avait disparu.
Heikou sursauta, et couru vers la forêt ; il n’y avait personne.
-C’est pas vrai ! Quel baka…

Chapitre 22 : Le gouffre
Futae courait vite, de plus en plus vite, comme une bête furieuse, qui tente désespérément de se libérer ;
Il dévalait la foret, les jambes semblaient le soulever, le transporter ; il cru même s’envoler.

Les sapins lui fouettaient les joues, les bras et les jambes ; et du sang chaud glissait dans le creux de son cou.
Mais il s’en fichait, pour l’instant.
Pas maintenant, pas tout de suite.
Plus tard.
Il faut d’abord courir, courir le plus vite possible, jusqu’à en crever.

Futae, reste près de moi. Les enfants ne t’aiment pas
-Non !
Futae hurla, comme pour étouffer ses pensées ;
Courir, courir, courir, et oublier. Oublier son regard inquiet, son sourire carnassier, ses doigts longs et ses ongles coupants ;
Plus jamais !

Il trébucha, et s’écroula dans la neige ; Sa tête heurta une branche, et il resta inerte quelques secondes ;
Le froid lui picotait le visage, il était gelé, et ne pouvait plus bouger.
Mais il fallait se lever et affronter…Ou fuir peut-être, il ne savait pas très bien.
Alors, tremblant, il se releva.
Une fois.
Puis il s’écroula.
Deux fois.
Il tomba, mais seulement sur les genoux ;
Trois fois.

Futae s’élança à nouveau, les bras tendus, comme pour prendre plus de vitesse ;
Tant pis si je meurs, j’oublierai tout.
Les souvenirs martelaient son crâne, comme un clou qu’on enfonce de force.
Il ne parvenait plus à s’en débarrasser ;
Le Coq, le Dragon, lui…Et ce Grand Prêtre, au regard sévère.
Il pouvait les voir aussi clairement qu’il se regardait dans le miroir.

La petite souris a été désobéissante.
C’est fini, Yinko ne t’aime plus.
Terminé !



Futae s’arrêta, stoppé par un sapin. Il planta ses ongles dans l’écorce, et se laissa finalement glisser.
Il renonçait.
Je ne combats plus. C’est terminé.


Il était écroulé dans la neige, enfoncé jusqu’à la taille.
Ses jambes ne bougeaient plus, elles n’existaient d’ailleurs peut être plus.
Lentement, Futae se laissait glisser dans l’insouciance, et sursautait parfois.
Il ne t’aime plus ;
Le rat est méchant ;
Et maman t’aime. Plus que tout ;

-Non !
Futae gémit encore quelques instants, mais sa respiration se faisait de plus en plus faible. Bientôt, il ne réfléchira plus.
Ses jambes étaient gelées, et son cœur commençait doucement à s’arrêter.
Il se sentait presque bien, il avait même chaud.
Il sourit, les yeux mi-clos.
Et vit cette grande masse noire, voler au-dessus de lui. ; De ses pattes puissantes, elle le souleva, et le transporta.

Futae n’entendait plus que le bruissement des ailes, et le vent, qui caressait ses joues.
Il ouvrit les yeux : son corps était maintenu par la force d’un monstre ailé, noir aux yeux rouge sombre. Sa gueule était menaçante…Mais rassurante.

Il ne fallait pas s’inquiéter ;
Il referma les yeux, et se laissa transporter.

Chapitre 23 : "Vit Dieu-même penché, sur ses lèvres glacées
Futae était inerte, étendu sur un lit d’hôpital.
Ses lèvres et ses paupières étaient encore mauves, mais les médecins gardaient espoir.
Pokan’to et Heikou s’étaient assis à côté de lui, sans parler. On n’entendait plus que le rythme régulier du cardiogramme.

Le rat frémit, mais ne se réveilla pas ; Pokan’to posa sa main sur son front
-Son corps se réchauffe…

La chaleur montait en lui, et enveloppait chaque membre, comme un baiser profond.

Pokan’to ne le lâchait plus du regard
-Je crois qu’il a bougé, chuchota-t-il
-Il vivra
Cette voix
Le Coq et le Dragon tournèrent la tête dans un même mouvement.
Yinko s’avança vers eux, et baissa ses yeux sur Futae
-Pauvre, pauvre petite souris, murmura-t-il

Une voix chaude et enveloppante. Berçante et rassurante.

Heikou tressaillit
-Il a bougé, souffla-t-il
-Oui, répondit Yinko, il sent notre présence. Continuons de parler. Il faut que cette pièce vive.

Ouvrir les poings, respirer, bouger les pieds…
.
-Il reprend des couleurs ! S’écria Pokan’to en se levant.

Tout son être vibrait du vacarme splendide.
Mais il se sentait encore isolé, et sans vie
Plus de force pour résister ; c’est plus simple de se libérer, de tout oublier
Partir avec la mort, sournoise, implacable et stupide


Yinko s’agenouilla près de lui, et lui parla doucement près de l’oreille.

Mais l’enfant qui croyait ne pas être entendu
Vit Dieu même penché sur sa lèvre glacée
répondre en souriant, à l’appel éperdu


Futae ouvrit les yeux, et poussa un cri de stupeur. Yinko l’apaisa en lui posant la main sur le front
-Calme toi, murmura-t-il . Tu te réveilles de très loin, mais tout ira mieux maintenant. Repose-toi.
Le Rat regarda, paniqué, autour de lui. Il était trempé ; ruisselant de sueur.
-Mais qui êtes-vous ? Cria-t-il.
-Ne t’inquiète pas, Futae ! , intervint Pokan’to, calme toi !
Futae tourna la tête et croisa enfin un regard familier. Il soupira, et se laissa tomber lourdement sur l’oreiller.

Chapitre 24 Le sort de la Nezumi
Futae sortit d’un long sommeil agité et se redressa en sursaut; ses cheveux collaient au front, et son pyjama était trempé. Il parcouru son corps avec ses doigts, comme pour vérifier que rien n’avait disparu, puis essaya de remuer. Mais ses jambes étaient lourdes comme du plomb.
-Veux-tu un verre d’eau ?
Futae sursauta, et poussa un cri : à côté de lui, sur une chaise, un grand homme, aux sourcils broussailleux et à la barbe blanche, le toisait de ses deux grands yeux sombres.
-Qui…Qui êtes-vous ?
-Tu dois avoir la gorge sèche. Ne veux-tu pas boire un petit peu, avant ?
Futae réfléchit : c’est vrai que sa gorge le brûlait presque.
-Je veux bien, merci, murmura-t-il.

L’homme quitta la pièce dans un bruissement.
Futae ferma les yeux et se massa les tempes ; une douleur sourde et permanente martelait son crâne. Il se souvenait de tout, ou à peu près : la course effrénée dans la forêt, l’évanouissement, l’impression de mourir, et ce grand dragon noir, qui l’avait sauvé. Puis plus rien.

-Voilà, j’espère que tu te sentiras mieux.
L’homme s’assit à nouveau et lui tendit un grand verre d’eau fraîche. Futae tendit le bras pour l’attraper.
-Merci…
-Tu as beaucoup transpiré, je crois que tu as de la fièvre. Il faut que tu boives pour te réhydrater ;
Le rat goutta l’eau du bout des lèvres : elle était glacée et légèrement citronnée. La première gorgée lui fit beaucoup de bien, et il but d’une traite, presque nerveusement.
Le verre terminé, il lâcha un profond soupire, et reposa sa tête sur l’oreiller.
-Je ne sais toujours pas qui vous êtes, répéta timidement Futae.
L’homme sourit et lui caressa ses cheveux fins.
-Je suis Yinko, répondit-il simplement
Futae se redressa aussitôt, pris de panique
-Yinko, cria-t-il
-Chut ! Ne fais pas de bruit, souffla-t-il. Il ne faut pas que quelqu’un découvre ma présence ! D’autant que les autres maudits attendent à côté…
-…Les autres maudits, mais… »
Futae regarda Yinko, les yeux écarquillés
« Alors c’est vous, chuchota-t-il. J’ai beaucoup entendu parler de vous, mais je ne pensais pas qu’un jour… »
Futae inclina la tête comme pour le saluer, mais la redressa aussitôt, saisit par la douleur.
« Aïe, gémit-il »
-Tu reviens de très loin, expliqua Yinko d’une voix douce, repose-toi. Et écoute- moi.


Yinko inspira profondément, et plongea son regard dans celui du Rat.
-Nezumi…Qu’as-tu ressenti, lorsque tu étais devant cette bergerie?
Futae fronça les sourcils, et essaya de se rappeler. L’ennui c’est qu’il n’arrivait jamais à définir ce qu’il voyait. La seule chose qui transparaissait, c’était l’envie de fuir ou de disparaître.
-Je ne sais pas très bien, avoua-t-il. Je sens des souvenirs grimper en moi, mais ils sont insaisissables. Je ne ressens plus que le vide, et je commence à avoir peur.
-Je vois, marmonna Yinko. Écoute, je ne pensais pas devoir te tenir au courant, mais je crois, malheureusement, que ma présence, et celles du Dragon et du Coq, réveille notre petite souris.
« Nezumi est comme tu le sais sûrement, le premier animal à être entré au temple de Buddha. »
Futae acquiesça : il le savait, avant même de connaître Heikou et Pokan’to.
-Bien. Nezumi a été puni, ajouta-t-il d’une voix plus grave.
-À bon !? J’ai toujours pensé qu’il était le favori ! S’écria Futae.
Yinko le regarda tristement.
-Justement, répondit-il dans un murmure. Autrefois, il présidait le Kyoutsuu avec le Dragon. Mais il devint orgueilleux : le signe du rat aime la gloire et le luxe. Il se laissa transporter dans cette noble tâche, et commença à être détestable. »
Yinko soupira
« Alors, poursuivit-il, je l’ai puni. Le Coq l’a remplacé. Je pense qu’il en a beaucoup souffert, par ce qu’au fond, il aurait voulu faire de belles choses.»
Futae ferma les yeux.
-Je ne comprend pas pourquoi, bredouilla-t-il, je me sens si seul et isolé, je…
Il se mordit les lèvres, et pleura doucement. Yinko l’observait, d’un regard bienveillant.
-Nous sommes souvent confrontés à ce que nous avons oublié. Les souvenirs les plus enfouis, remontent, sans que l’on puisse les identifier.
« Nous avons voulu te préserver, Nezumi. Selon la malédiction, aucun maudit ne pouvait se rappeler de ce qu’il avait vécu. Seulement, certains traumatismes, perdurent, soupira-t-il. C’est comme une vague insaisissable. Le rat a trop souffert, alors il te fait des signes.
Futae se laissa pleurer, sans réfléchir. Il n’avait pas honte de se lâcher comme ça. Tant pis. C’était trop dur.
Yinko lui pris doucement la main, puis la serra.
-Tout ira mieux maintenant…Du moins je l’espère.
Il ferma les yeux, comme pour se concentrer
« Je suis une fourmi »

Futae s’essuya les yeux, et regarda autour de lui.
-Yinko ?
Il avait disparu, et la porte s’ouvrit à nouveau. Mebana entra dans la chambre, et se rapprocha du lit.
-J’ai entendu une voix. Tu parlais à qui ?
-À personne, répondit Futae dans un sourire, c’était la télé.
Le Cheval sourit à son tour et s’installa tout près de lui. Ses longs cheveux noirs chatouillaient le visage du rat. Futae se laissa bercer par ce doux contact, et s’endormit profondément.

Chapitre 25 : Attendre, et rester
Kan’so avait fini par s’asseoir. Il avait parcouru le chalet de long en large tout l’après-midi en attendant que Pokan’to et Heikou donne des nouvelles, et là, il commençait à fatiguer.
Ce n’était pas encore le cas de Taida. Sous les yeux du Chien, elle traversait le salon à grandes enjambées, s’asseyait un instant, posait cinquante fois les mêmes questions, et recommençait à marcher, à courir, presque ;
Kan’so avait bien essayé de la calmer, mais elle explosait davantage. Il avait donc fini par laisser tomber, tout en préférant se concentrer sur la télévision, plutôt que de la regarder s’arracher les cheveux.

Taida se tourna brusquement sur son cousin.
-Mais elle fait quoi, Na Chan ?
Kan’so leva la tête, et l’a regarda, abasourdi
-Mais j’en sais rien, moi, s’exclama-t-il impatienté. Je suis resté avec toi tout l’après midi !
Taida rougit et baissa la tête. Elle n’aimait pas vraiment déranger les gens, mais là, c’était plus fort qu’elle. Personne ne savait ce qui était arrivé à Futae. La seule chose certaine, c’est qu’il était dans un lit d’hôpital, branché à un cardiogramme.

-Bon je vais fumer une clope, déclara-t-elle finalement.
-Fait, fait, marmonna Kan’so
Taida ouvrit la fenêtre, et s’exila sur le balcon.
Futae…Pourquoi…



Futae ouvrit les yeux beaucoup moins difficilement qu’il ne l’avait fait tout à l’heure. Il se sentait bien, au chaud et en sécurité. Dehors, il faisait déjà nuit, mais il était incapable de définir l’heure exacte qu’il était.
Mebana avait fini par s’endormir elle aussi : assise sur une chaise, et la tête posée sur ses genoux, son corps se tordait dans une position peu naturelle.
Futae la secoua
-Na-chan, chuchota-t-il, Na-chan. Réveille-toi, tu vas avoir mal au dos comme ça.
Le Cheval frémit un instant et ouvrit les yeux.
-J’ai dormi longtemps ? demanda-t-elle en s’étirant.
-Je ne sais pas, je viens moi-même de me réveiller.
-Nanu san ?
Futae et Mebana levèrent la tête : ils n’avaient pas entendu l’infirmière entrer dans la chambre.
-Nous allons vous faire des examens rapides, poursuivit-elle. Si tout va bien, vous pouvez rentrer chez vous.
Mebana se leva et se dirigea vers la porte, puis se tourna une dernière fois
-Puis-je l’attendre à côté ?, demanda-t-elle timidement
L’infirmière lui sourit
-Bien sûr, je ne pense pas que ce sera long.



Keibetsu avançait vivement, du chalet jusqu’au centre du village. Il avait neigé toute la journée, et le temps restait encore très humide.
Les mains dans les poches et la tête baissée, il voulait arriver le plus vite possible dans le bar pour se réchauffer et boire un petit peu.

Enfin arrivé, il poussa la lourde porte en bois, et s’engouffra à l’intérieur. Au bar étaient installées Mugen’, Tsukyo et Hyouri ; Il sursauta en les voyant.
Lorsque son regard croisa celui du Tigre, il sentit son estomac se tordre. Le garçon frémit, et détourna les yeux.
Reprenant ses esprits, il regarda droit devant lui, et se dirigea vers ses cousins, installés au fond de la salle.

-En retard ! Lança Osoï d’une voix sonore
-Ouais désolé, répondit Keibetsu, j’ai pris mon bain un peu trop tard
-Oui, c’est cela, ironisa Keibu, c’est surtout que tu y es resté trois heures comme d’habitude !
Keibetsu ne répondit pas, et s’installa.
Osoï lança à Keibu et Toukan’ un regard complice.
-On fait un jeu de société ?, demanda-t-il
Le visage de Keibetsu s’illumina.
-Ouais, lequel ?
-Ben je sais pas…
Osoï fit semblant de réfléchir
« Partie d’échec ? »
À ces mots, lui et les deux autres Jinsa se faufilèrent sous la table.
-Oui, c’est cela, riez. Je vous punirais un jour…
-Bon, j’ai soif, s’écria Keibu en se relevant
"Aaaa, voilà nos conso ! "
Un serveur apporta à leur table quatre verres d’alcool de prunes*.
-Ah, merci d’avoir pensé à moi, s’écria Keibetsu.
Il prit son verre, et bu une gorgée : le liquide était sucré et réchauffant.




La porte s’ouvrit, et Kan’so sursauta.
-Bonjour ! Lança Pokan’to, le sourire radieux
-Alors ?! crièrent Kan’so et Taida d’une même voix
Pokan’to sourit ; Kan’so s’était pratiquement jeté à ses pieds. Taida, elle, n’avait pas bougé de la fenêtre, mais son regard était tellement pesant, qu’il l’a senti tout près de lui
-Alors, tout va bien. Il s’est réveillé, Na Chan est à ses côtés. Elle m’a appelé, il y a cinq minutes : l’infirmière l’examine une dernière fois, et il rentre.
Kan’so se laissa tomber sur le sol, les bras en croix, comme s’il avait couru pendant deux heures; Taida se plia en deux, et pleura doucement.
Si tu étais mort…
Je ne sais pas, je…




Les quatre verres, posés sur la table en bois, étaient vides.
Les Jinsa parlait un peu plus fort et riaient beaucoup.
Osoï observa ses cousins, et interrompit la conversation
-Eh, les gars…Que dites-vous d’une partie de billard avec les trois filles ?
Keibu, Keibetsu et Toukan se retournèrent dans un même mouvement.
Hyouri, Mugen’ et Tsukyo étaient toujours installées au bar, elles aussi légèrement étourdies par l’alcool.
-Moi tu sais ce que j’en pense, râla Keibu en se tournant vers Osoï.
Le Serpent plongea ses yeux vert pâle dans ceux du Mouton.
-Keibu…Ca suffit maintenant. Arrête ça.
-Non, j’arrêterai pas, répliqua Keibu, en haussant le ton. Je dis ce que je pense, c’est tout !
-Justement, dit Osoï en saisissant doucement son visage, tu dois arrêter de parler sans réfléchir, ça suffit maintenant.
Il leva la tête, et fit signe aux trois filles
« Hey !
Mugen’, qui était plus près, se retourna. Osoï lui lança un sourire radieux
-Bonsoir !
-‘Soir marmonna Mugen’, visiblement décidée à ne pas bouger de son siège.
Osoï soupira, et alla lui même vers le bar où elles étaient ; Sa très grande taille leur fit lever la tête.
-Je voulais vous proposer une partie de billard…
Les trois filles se regardèrent, perplexe. Le Serpent pencha la tête
-Allez, vous ne pouvez pas refuser !
Hyouri aurait juré qu’Osoï avait battu des paupières.
Tsukyo sourit à son tour, et sauta de son grand tabouret
-Moi, je suis partante !
Mugen’ et Hyouri soupirèrent, et acceptèrent à leur tour.




Heikou attendit que Pokan’to sorte à son tour, et claqua la porte du chalet.
Il fallait prendre l’air, oublier un peu, et boire un soda bien frais.
-Il fait –10 ° ! gémit Pokan’to
-Mais non, c’est dans ta tête tout ça. Le bar est tout proche de toute façon.



-Non ! Non, et non !, mugit Keibetsu, si tu ne m’avais pas fait bougé, la boule rentrait !
Le singe jeta rageusement sa canne de billard par terre ; Tout le monde le regardait
-Arrête de rire toi ! hurla-t-il en voyant l’air goguenard de Keibu. C’est de ta faute, je t’ai dit !!
-Keibetsu, tout le monde te regarde, répliqua Toukan calmement.
-Je m’en fous !! Foutez- moi la paix !
Il attrapa son manteau, cogna dans une chaise et quitta le bar.
-Keibetsu, la chaise ne t’as rien fait, cria Osoï pour qu’il l’entende.
Mais il était parti.
-Allez, je vais aller le recherché, lança Tsukyo, amusée.



-Je dois avouer qu’il fait particulièrement froid ce soir…
-Non, mais par ce que tu vois, si j’organise un grand repas pour le Nouvel An, nous serons tous réunis ! C’est le moment idéal pour nous entendre !
-Pokan’to, soupira Heikou, parfois il faut que tu comprennes que ce n’est pas en voulant quelque chose, que les autres te suivent forcemment dans ton idée…
-Mais si, tu verras ! Je ferai un excellent repas ! On discutera, on sera autour de la table chauffante, et tout ira mieux !
-Et puis, poursuivit Heikou comme si Pokan’to n’avait rien dit, faire ça le Nouvel An c’est un peu juste. Il faut qu’ils s’entendent mieux avant…Sinon…
Le Dragon se tut. Il ne préférait pas y penser.
-Ca y’est, on y est, s’écria Pokan’to, les bras tendu vers le ciel.


Tsukyo sorti du bar, et l’aperçu.
Il était assis sur un banc, juste à côté, la tête baissée.
Il était si mignon, on aurait dit un petit ours.
Sans lui demander son avis, elle s’assit près de lui, et le taquina un peu.
Keibetsu, trop timide pour être désagréable, souriait poliment.
Et puis, ses yeux étaient si bleus…

-Je vais demander un formidable** de soda ! Je suis sûr qu’ils accepteront, après tout…
-Attends !
Heikou s’était arrêté net, de l’autre côté de la route. Il avait tendu son bras pour empêcher son cousin d’avancer.
-Regarde, chuchota-t-il.
Pokan’to leva les yeux. Tsukyo et Keibetsu étaient assis sur un banc, si proches, si intimes.
-Oh, je vois souffla Pokan’to.
Le Dragon les fixait de ses deux grands yeux rouge sombre. Ils brillaient de toutes leur force.


Tsukyo pinça Keibetsu à la taille.
Lui sursauta, et tourna le visage, tout près du sien.
Le Tigre rougit, et détourna les yeux.
Keibetsu se sentait bien, l’esprit un peu perdu dans l’alcool ; Ses jambes flottaient comme du coton, et il arrivait à ne pas trop réfléchir.
Il lui prit le bras pour qu’elle se tourne à son tour.
Ils se regardèrent un moment, quelques secondes. Tsukyo paraissait un peu démuni devant cette fermeté, mais cette fois, ne détourna pas le regard.
Keibetsu s’approcha encore un peu plus ; ses lèvres tremblaient, mais il était décidé.



-Ça c’est beau, murmura Heikou.


L'entre-deux (part. II)

Texte 1 : Perdue
Mugen’ sorti tard, vite, seule.
Il fallait qu’elle respire, qu’elle sente l’air frais, et oublie ce qu’il se passait à l’intérieur.
Il était là, mais semblait trop occupé, ou trop troublé
Elle ne savait pas…
Mais c’était trop lourd à porter.


Donc il fallait partir, se retrouver seule…
Oh oui, se retrouver seule.
C’est si bon et si douloureux à la fois ;



Se laisser guider par l’odeur du froid, par les couleurs de l’hiver
C’était comme une boisson rafraîchissante, un aliment nourrissant, une couverture brûlante
Lever la tête, marcher, sans se soucier ou aller
Juste être guidé par le bruit des pieds sur le sol
S’enivrer du paysage
Observer les montagnes
Et se taire
Surtout se taire

L’hiver
L’hiver qu’elle attendait tant, en fermant les yeux, au mois de septembre, lorsqu’il pleut encore,
Le temps étaitt moite en cette période, elle détestait
Mais là,
Elle avançait sans crainte, le vent dans les yeux, et le nez vers le ciel
Comme pour attendre un message, un souffle ou une caresse


Elle marchait trop lentement,
La neige fondait sur ses cheveux,
Ce n’était plus que de l’eau qui se glissait dans sa nuque, et dans ses vêtements
Mais tant pis

Elle s’assit, trop faible à présent
Et se laissa transformer
Doucement

Ce n’était pas si grave
Non, ça valait même le coup

Texte 2 : Paradoxe
Futae entra et sourit
Ils étaient là, tous les deux : Taida et Kan’so
Le Chien et le Lièvre
Et Na chan était avec lui
Le Cheval
C’était donc ça leur clan, leur unité, leur position
Ils s’étaient opposés pendant de nombreux siècles aux autres Animaux
Et incarnés dans des corps, ils reproduisaient les mêmes shémas, les mêmes erreures et les mêmes hostilités

Maudits Animaux !
De quel droit s’imposent ils sur leurs sentiment ?
De quel droit le Rat l’empêche-t- il d’être heureux ?
C’est trop dur, trop éprouvant

Mais c’est plus fort que lui
Le mal être
L’envie d’être aimé par son chef
Et son hostilité face au Coq
Pokan’to…
Il le déteste
C’est comme ça




Taida ferma les yeux, et se laissa bercer
Finalement, il avait une bonne tête
Pokan’to
Un peu trop… orgueilleux
Un peu trop…« chef de clan »
Un peu trop tout, en fin de compte
Mais elle l’aimait bien,
Elle n’y croyait pas elle-même

Elle ne sait pas ce qu’il s’est passé mais…
Quand il était entré dans la pièce…
Tout à l’heure…
Elle était heureuse
Oui, heureuse !



Heikou sourit
Il sentait de l’amour, par ci, par là
Mais des tensions noircissaient son espoir
Oui, elles étaient encore là
Triomphantes, souriantes, victorieuses

Mais alors,
Les clans se déchirent ?
Ne se concordent pas ?
Yinko, doit on passer par là, ?

Il ne sait plus,
Plus du tout
Il ne reste plus beaucoup de temps

Pokan’to, tu parlait d’un repas commun pour le Nouvel An ?


Troisième partie

Chapitre 26
-Ca s’est passé comment votre partie de billard hier ?, demanda Heikou, en se servant du lait
-Demande à Keibetsu, répondit Mugen’, la tête plongée dans son bol
Pokan’to s’assit autour de la table avec ses amis, et se tourna vers le singe
-Pourquoi ? Tu as gagné ?
-Ouais, au lancé de chaise il est bon, rétorqua Keibu
-Au lancé de chaise ?
-On va s’arrêter là, trancha Keibetsu

Keibu ouvrit la bouche pour répondre, mais il fut interrompu par l’entrée fracassante de Futae.
-Dépêchez vous de manger !, cria-t-il. Allez, il faut partir ! On attend plus que vous…
-Okaeri !, lança gaiement Pokan’to. Je te rappelles qu’il est encore tôt, que Tsukyo n’aime pas qu’on parle fort le matin, et que tu pourrais dire bonjour !
-‘Jour. Alors vous venez ?
Sans attendre la réponse, il tourna les talons et ferma la porte..
-Il a failli crever de froid hier celui-là, râla Keibu, et pourtant il vient quand même nous gonfler pour retourner dans la neige…
Heikou le fixa, et plissa les yeux. Parfois, le mouton n’était plus sarcastique. Il était juste méchant.
-Keibu, souffla Pokan’to, il faut apprendre à se taire, parfois
-Souvent, corrigea Mugen’
Tsukyo se redressa
-Tout le temps, en fait, ce serait plus simple…

Heikou soupira.
Eh ben, c’était pas gagné…




Ce matin était particulièrement ensoleillé, et il valait mieux mettre ses lunettes pour ne pas finir aveuglé.
Mugen’ essayait veinement de se dépétrer avec ses fixations, mais n’y arrivait absolument pas.
Découragée, elle jeta son bâton par terre, et lâcha un juron bien choisi.
-Un coup de main ?
Le Chat leva les yeux et sursauta. Heikou était en face d’elle, et lui souriait.
C’était énnervant : à chaque fois qu’il aparaissait, elle avait mal au ventre et perdait ses moyens.
-Je..n’arrive pas à caler mes chaussures. Il y a de la neige en dessous, mais elle ne veut pas partir…
Heikou haussa les sourcils
-Tu veux que je t’aide ?
Mugen’ senti son visage s’empourpré.
Perdre ses moyens
-Non, ça ira !!
-Pourtant ça va prendre cinq minutes. Regarde.
Heikou s’agenouilla, souleva sa grosse chaussure de ski, et racla la neige avec son bâton

Je suis ridicule…
Je suis ridicule…
Je suis ridicule !


-C’est fait !, ajouta-t-il en se relevant. Ca va marcher je pense. On prend le télésiège ensemble?
-Ouais, si tu veux, marmonna le Chat
Etre le plus naturelle possible…

-Ok, c’est parti !, s’écria le dragon
Je dois l’ennuyer à mourir…

******************************


Cette troisième journée de ski s’achèva sans beaucoup trop d’ennuis.
Osoï reçu un sapin en pleine tête lorsqu’il faisait du hors-piste, et l’on eu un peu peur.
La perche du téléski reta entre les mains de Toukan, mais à la limite, cette histoire était tellement invraisemblable, qu’on pouvait difficilement l’accuser.
Mugen’ déchaussa trois fois, et failli s’en prendre à des enfants qui passaient à côté d’elle, tant elle était furieuse. Taida s’écroula dans la poudreuse une bonne dizaine de fois, et Mebana renonça à descendre le dernier mur.
Là où il y eut un peu de panique, ce fut lorsque Keibu se retrouva la tête dans la neige, et les jambes coincées entre deux branches d’arbre ;
Mais il prétendait avoir l’habitude.
Donc ça allait.
D’ailleurs Tsukyo a suggéré que dans ce cas, s’il était expert en la matière, on aurait pu le laisser là…
Etrangement, tout le monde n’était pas d’accord.


Mebana alla prendre son goûter dans l’appartement de ses trois cousins, puisque pour l’instant, Pokan’to n’était pas encore rentré.
Enfin tous les quatre…
Ca faisait du bien de temps en temps, même s’il fallait avouer qu’ils passaient de bons moments, ici.

Taida s’installa sur l’un des fauteuils, et s’étira longuement. Elle portait un pull gris qui lui descendait jusqu’au genoux, et un pantalon large.
Un corps frêle dans des fringues d’homme.
-Taida je sais que tu t’en fiches, mais je tenais à te dire que ton pull ne t’allais pas du tout, lui dit Futae, le sourire aux lèvres.
-Il n’est pas à moi, donc oui, à la limite je m’en fiche ;
Elle baissa la tête, et l’observa un instant.
« Cela dit, je trouve au contraire qu’il n’est pas mal du tout…»
-Il est à qui ? demanda Futae.
-A Pokan’to répondit-elle, les oreilles un peu rouges. Il me l’a laissé ce matin car mes pulls étaient tous trempés.
Pokan’to
Le visage de Futae s’assombrit et Mebana le vit immédiatement.
-Fu chan, tu as un problème avec Pokan’to ?
-Non, ce n’est pas ça mais…
La boule d’angoisse,
Elle revenait. Maudite boule.
« Je vais prendre l’air, ajouta-t-il brusqument »



Futae marcha vivement jusqu’au centre du village. Les larmes et les flocons se mêlaient entre eux, et inondaient ses joues.
Il avançait très vite, et cette fois-ci il en était sûr : il fuyait.

On l’arrêta.
Un peu trop brusquement ;
Il leva la tête, effrayé : c’était Pokan’to
-Fout moi la paix ! rugit il. Laisse-moi partir !
Le coq lui attrapa le bras fermement, et le regarda ; le Rat tremblait de toutes ses forces.
-Arrête, tu peux pas m’aider! Et puis qu’est ce que ça peux te foutre !?
-Rien.
« Je m’en fous si tu te blesses.
« Je m’en fous si tu crèves.
« Mais j’ai une mission à remplir. Donc tant que je serai là, tu ne pourras pas faire ce qu’il te plaît. »
Futae tressaillit ; le ton qu’avait prit le Coq, agit étrangement sur lui, un peu comme un calment.
Il ne ressentait plus de colère, seulement un peu de tristesse rentrée. Et puis ça allait déjà mieux que la dernière fois.
Enfin…
Pokan’to soupira.
-Tu es le Rat, Futae, souffla-t-il. Ce que tu vis es d’autant plus intence. Mais c’est comme arracher un pensement : après, ça ira mieux . Il faut être fort.
-Je suis fort, hurla Futae.
-Alors il faut que tu le soit encore plus.
Le rat baissa la tête, puis laissa couler les larmes, doucement.
Pokan’to hésita un moment, puis le pris das ses bras
Encore un à sauver.
Pourtant, c’était dur, pour lui aussi.







Heikou sortit du chalet en se frottant les mains pour se réchauffer ; Une épaisse fumée blanche sortait de sa bouche.
Mais Yinko avait demandé à le voir.
Et il fallait s’exécuter, comme toujours .

-Tiens te voilà ?
Pokan’to attendait aussi, sous la grange indiquée par le Prêtre.
-Ouais, marmonna-t-il. J’ai raccompagné Futae, il faisait une nouvelle crise. »
Il s’arrêta un instant.
« Je crois qu’il me déteste, ajouta-t-il en souriant tristement. Mais j’essaye quand, même, on ne sait jamais.
-Il t’aimera, simplement il faut qu’il s’habitue.
Le Coq et le Dragon sursautèrent. Mais comment faisait il pour apparaître comme ça, sans se faire entendre ?
-Je vous ai fait venir…Car j’aimerai parler au Chat.

Non, non. Tout, mais pas ça.

Heikou ferma les yeux, et parla le plus calmement possible
S’il voit quelque chose, ce sera pire, il ne faut pas…
-Ce soir ?
Sa voix tremblait.
Yinko sourit.
-Oui, ce soir. Il est temps que je parle en fin avec cette fille.

Chapitre 27 : Neige fondue
Mugen’ écarquilla les yeux
-Qui, moi ?
-Ce ne sera pas long.
Heikou essayait de prendre un ton rassurant
« Il veut juste te voir un petit peu pour discuter. »

Le Chat et le Dragon étaient l’un en face de l’autre, dans leur appartement. Pokan’to observait discrètement la scène, adossé contre le mur.

-Bon…
Mugen’ inclina la tête
« Où est-ce que je dois aller ? »
-Juste en face de la piste pour enfants. Tu trouveras une sorte de renfoncement aménagé.
Oui c’est étrange, je sais, ajouta-t-il en voyant l’air étonné de son interlocutrice, c’est lui même qui fabrique ça, avec je ne sais trop quel pouvoir… »
Il s’arrêta un instant, et lui sourit.
« Vas-y, il t’attend. »
-Heikou…Excuse- moi de te dire ça mais…
Mugen’ se mordit les lèvres
« J’ai un peu peur, souffla-t-elle.
-Ne t’inquiète pas, répondit le dragon d’une voix douce.
Il l’observa un instant, et lui écarta les boucles rousses qui tombaient sur son front pour l’embrasser.
Mugen’ se laissa quelques secondes bercer par son souffle, puis leva les yeux.
-Bon j’y vais, soupira-t-elle. À tout à l’heure tous les deux !
-À plus tard, répondirent Pokan’to et Heikou d’une même voix.

Heikou resta immobile, debout au milieu de la pièce, écoutant les pas de la jeune fille s’éloigner.

-Tu mens très bien, fit remarquer Pokan’to
-Je sais…





Mugen’ regarda longuement le paysage, debout, sur le seuil de la porte.
Puis dans un élan, elle s’engouffra dans les ruelles.
On n’entendait plus un bruit, pas même un souffle.
Les étoiles étaient peu nombreuses, et la nuit, totalement noire.
Mais Mugen’ n’eut pas de difficulté à trouver le lieu du rendez-vous : les chats voient encore mieux lorsqu’il fait sombre.

L’endroit était très étrange. C’était comme si quelqu’un avait creusé une maisonnée dans la roche.
Le même principe qui anime les œuvres de ces architectes naturalistes, songea Mugen’.
Seulement, la pièce était toute petite.
Doucement elle entra, ses pieds faisant grincer le parquet en bois.

À peine était elle passée à l’intérieur, qu’une petite lumière s’alluma, tout au fond de la salle. Une bougie brûlait sur une petite table, embaumant l’air d’une odeur de jasmin.
Mugen’ poussa un cri de surprise, mais n’était pas vraiment inquiète tant l’endroit était joli.
-Je suis toujours obligé de me créer ce genre d’endroit, lança une voix. Je ne supporte pas le froid.
La jeune fille sursauta tellement qu’elle cru faire un bon d’au moins un mètre de haut. Le cœur battant, elle se retourna très vite, le dos plaqué contre la paroi, et les bras en croix.

Un vieil homme de haute taille, à la barbe blanche et aux yeux brillants, se tenait face à elle. Lui, ne paraissait pas du tout surpris par cette réaction.
-Quelle idée de vous avoir conduit au ski, poursuivit-il tout naturellement, ah ! L’hiver…C’est la pire des saisons.
-Moi j’aime bien, bredouilla le Chat, comme si elle avait fait une bêtise.
-Évidemment, murmura Yinko en souriant. Le Chat a toujours aimé la neige. Mais ne trouves-tu pas cela stupide ?
-Je…
Mugen rougit de honte, et un peu de colère
« Non. Pourquoi dites vous cela ? demanda-t-elle timidement.
Yinko plissa les yeux.
-Par ce que la pluie est dangereuse pour lui. Te demande-tu parfois, ce que devient la neige, lorsqu’elle fond ? (nda : hum, c’est bizarre, cette réplique me rappelle quelque chose…)
Mugen’ ne répondit pas.
Elle aurait voulu dire…
Beaucoup de chose…
Que la neige, lorsqu’elle fond, emporte avec elle, tous ses souvenirs d’enfance.
Que lorsqu’elle disparaît, son envie de respirer la vie à plein nez diminue.
Mais elle ne répondit pas. Elle n’avait absolument pas envi de lui dire tout cela. À quoi ça servait de toute façon?
-Je vois, souffla Yinko. Tu ne veux pas répondre. Et bien moi je te le dis, la neige en fondant, devient de l’eau. De la pluie.
« Mugen’., parfois les choses que tu désires le plus, peuvent être les plus nocives.
-Je le sais répondit elle vivement.
Yinko haussa les sourcils.
-Ah ?
-Oui, il m’arrive même de me transformer, juste par ce que je suis restée trop longtemps dessous. Mais tant pis,
-Je vois.



Heikou faisait les cent pas.
Il se maudissait intérieurement de l’avoir laissé partir. Il aurait au moins dû exiger de pouvoir être là, pour le surveiller.
Mais il ne pouvait pas.
Si Yinko devinait ce qu’il ressentait…
Il secoua la tête.
Non.
Il ne vaut mieux pas y penser. Il n’avait plus qu’à s’en vouloir d’avoir craint son maître.
Car à présent, il avait bien plus peur.
Mais pas pour lui.
Pour elle…

Chapitre 28 : Un vent d’air frais
Futae s’allongea près de Mebana, et soupira d’aise.
Chaque nouvelle crise le libérait d’un poids.
C’était comme si on lui retirait une grosse épine du pied, qui finira bien par sortir
Il en était convaincu
« Petite souris sans défense…Reste auprès de moi, mon pauvre, pauvre garçon…
Les autres ne t’aimeront jamais.
Reste auprès de moi »

Le Rat ferma les yeux
Non. Plus maintenant. C’est terminé.
Il l’avait vu dans les yeux de Pokan’to.
Je suis aimé…Je suis aimé …Je suis aimé !
Futae se redressa, les yeux grands ouverts.
Il fallait lutter contre ses démons, sans cesse, sans cesse.
Mais ici, il y arriverait.
Sinon je…
Le garçon se laissa retomber sur son lit, et laissa glisser ses mèches de cheveux argentés sur ses yeux sombres. Il voulait dormir, et oublier.
Les gens m’aiment maman, tu te trompes…

Keibetsu se blottit dans ses couvertures, et se laissa transporter.
Il souriait depuis dix minutes, sans vraiment s’en rendre compte.
Lui, un Singe ridicule, pas foutu de dire bonjour le premier
Il était amoureux
Et aimé ?
Il ne le savait pas très bien, mais…C’était bien pour l’instant. Il se sentait bien ici.
Pokan’to, Heikou, Futae, Kan’so, Taida, Hyouri, même Mugen’…Et bien sûr Tsukyo.
Ils avaient pris une place dans son cœur, pourtant étroit.
Et il se sentait bien.



Heikou resta appuyé sur le rebord de la fenêtre un bon bout de temps.
Tout le monde était couché, sans exception.
Tous, sauf elle.
Heikou se mordit les lèvres. Il se disait qu’il fallait mieux sortir d’ici, courir le plus vite possible, et l’a rejoindre, tant qu’il était encore temps.
Mais il n’y arrivait pas. Il préférait fuir. Comme un lâche.

Une larme roula sur sa joue, et fut vite balayée par le vent ; Il faisait très froid et certains flocons lui fouettaient le visage.
Mais il s’en foutait ; ça lui donnait l’impression de souffrir un peu. C’était rassurant.



Yinko regarda longuement Mugen’ avant de parler. Le Chat attendait ce moment avec appréhension et colère.
Elle ne comprenait pas ce qui l’obligeait à conserver ce silence pesant. Où voulait-il en venir ?
-Jeune fille…Le garçon que tu aimes fréquenté n’est pas bon pour toi
Mugen’ tressaillit. De qui parlait-il ? d’Heikou ? Et pourquoi ? Elle ne savait même pas ce qu’elle ressentait elle-même, alors lui…
-Je ne vois pas à qui vous faites allusion, Monsieur Yinko, répondit la jeune fille d’un ton plus assuré.
Yinko sourit
-La neige n’est pas bonne pour le Chat, pourtant il l’aime. L’amour est dangereux pour les mêmes raisons. Tant que tu seras maudite, ne t’en approche pas trop.
La rouquine perdit patience. Ça suffisait cette comédie ! Elle n’avait pas les états d’âme de Futae, elle. Etre possédée par le Chat ça voulait dire quoi ? Ou était le problème ?
-Je ne suis pas le Chat, Monsieur. Je suis possédée par lui, ce n’est pas la même chose !
Mugen’ frémit en entendant le ton qu’elle prenait. Mais tant pis.
« Je ne me laisserai pas guider par ce type de menaces. Pour moi, ça ne change rien ! »
Yinko plissa les yeux. Son visage était plus dur.
-Oh, tu crois ça ? souffla-t-il. Vous êtes liés l’un à l’autre, toi et ton maudit animal. Tu ne peux rien contre ça. C’est comme un habit qui colle à la peau.
« T’es-tu déjà demandé pourquoi tu te disputais toujours avec Keibu ?
-Par ce qu’il est idiot, répliqua Mugen’.
-C’est toi l’idiote, siffla-t-il. Tout est de ta faute. L’esprit du Chat suinte de partout. Tu es née pour être le Chat.
Il s’arrêta un instant, et soupira.
« Ne t’approche pas d’Heikou, ajouta-il en baissant le ton. Le Chat est un démon, gracié par le noble Dragon. Mais il a dévoilé sa mauvaise nature.
« Alors reste humble et tais-toi ! »




Heikou courait, à s’en déchirer les poumons.
Il sentait ses côtes lui brûler, mais peu importe.
Il avait décidé de ne pas fuir.
Non, pas cette fois.


Il arriva près de la piste pour enfants, mais il était déjà trop tard. : Une forme au loin, aux cheveux flamboyants courait vers la montagne.
Mugen’…
D’un bon, il s’élança à nouveau, espérant la rattraper.
Tant pis si Yinko le voyait. Il ne tenait plus.

Il lui saisit le bras, sans qu’elle n’ai eu le temps de l’apercevoir.
Ses yeux dorés étaient embués par les larmes ; son visage, figé par la douleur. Elle avait l’air si triste, et si démunie.

En le voyant, elle grimaça, et le poussa si fort, qu’il tomba violemment sur le sol.
-Fous- moi la paix, hurla-t-elle. Tu m’as gâché la vie. Dégage !! Dégage !!!
Heikou se leva, et l’a regarda tristement.
Mugen’ ne te perds pas…

Il s’approcha d’elle une dernière fois, et la pris par les épaules. Mais très vite, elle le repoussa, aussi fort que la première fois.
Plus aucune émotion ne transparaissait, sauf la fureur.

Heikou sentit les larmes lui monter aux yeux, mais il ne voulait pas l’a troublé davantage. Il baissa la tête, puis soupira
-Fais comme tu veux…
Alors, lentement, il rentra au chalet.

Chapitre 29 : Le petit garçon aux yeux pâles (part. I)
Mugen’ marchait lentement, le plus lentement qu’elle pouvait.
Elle avait concentré toute son énergie en affrontant tour à tour Yinko et Heikou.
Maintenant, elle voulait juste se laisser aller ;
Le buste penché en avant, elle se traînait comme lorsqu’on porte un poids lourd sur ses épaules.

Mais à l’intérieur, elle bouillonnait. La voix de Yinko martelait encore son crâne, et les idées se bousculaient dans son esprit.
Elle n’avait jamais réalisé ce qu’elle était réellement.

Arrivée au chalet, elle décida de ne pas rentrer. Si Heikou était là…
Elle frémit
Non, je ne veux pas le voir. Surtout pas ! Peut-être plus jamais !
Hésitante d’abord, elle décida d’entrer dans le local à ski, pour se reposer un peu. Au moins pour une heure ou deux. Après on verra.






Heikou resta assis dans le salon, accoudé à la table, une main lui soutenant le front. La lampe, au-dessus de lui, propageait une lumière crue, qui n’éclairait qu’un petit périmètre aux alentours.
Le reste de la pièce restait plongé dans le noir le plus total.

Pokan’to avait vu, de sa chambre, Heikou entrer dans le chalet, et s’était rendu immédiatement jusqu’à son appartement.
Il frappa timidement à la porte : son cousin répondit tout de suite, par un faible murmure.

Lorsque le Coq entra, il le vit, sous cette lumière aveuglante, presque oppressante.
Il put alors voir à quel point Heikou paraissait décomposé.
Son visage cerné ne dévoilait plus une seule expression, comme si le monde extérieur n’existait pas. Comme si rien, autour de lui, avait une quelconque importance…Lui y compris.
Un peu gêné, Pokan’to s’agita, et toussota.

-Pokanto…Je ne l’ai pas protégé.
-Tu as parlé à Mugen’ ?
Heikou sourit amèrement
-Pas vraiment. Disons…Qu’elle n’a pas voulu me parler.
Pokan’to baissa la tête
-Je vois…
-Je pense…Je pense qu’il a dû lui parler du Chat…»
Heikou se redressa d’un coup, et fronça les sourcils
« Mais pourquoi il a dit ça ? !, s’écria-t-il en frappant sur la table.
Pokan’to eut un mouvement de recul. Il sentait chez le Dragon, cette terrible colère qu'il parvenait si bien à contrôler d’habitude. Ses yeux sombres avaient viré au rouge vif, un rouge presque aveuglant.
Heikou sentit la peur émaner du Coq, et se calma instantanément.
-Pokan’to…Je ne comprends plus rien.
Pokan’to réfléchit. Son cousin avait récupéré son regard doux et triste. Pour la première fois depuis longtemps, il devait remplir le rôle du Dragon. Lui, était trop dépassé pour maîtriser encore la situation

-Je pense que s’il fait souffrir Mugen, c’est pour que quelqu’un ici joue son rôle…
Heikou écarquilla les yeux. Mais bien sûr, c’était évident. Rien d’autre n’aurait pu motiver Yinko à agir ainsi ! Seulement…
-Ce n’est pas à moi qu’il pense, répondit-il amèrement
Pokan’to soupira
-Je ne pense pas, effectivement



Le Chat s’était recroquevillée dans un coin du local à skis, là ou l’on pouvait sentir le souffle du radiateur.
Les mots de Yinko avaient provoqué chez elle les pires des souvenirs, ceux qu’elle avait enfouis et qu’elle ne pensait jamais retrouver.

Mugen’ pleurait dans un coin de la cours de récréation. Un petit garçon aux cheveux noirs avait eu peur d’elle, comme s’il avait vu un monstre. Et elle ne comprenait pas pourquoi.
Elle était arrivée vers lui, par ce qu’elle voulait jouer. Lui, l’avait regardé de ses deux grands yeux pâles, et sans un mot s’était mis à pleurer, comme s’il ne pouvait supporter sa vue.

Puis il avait fini par crier, de rage et de peur
« Vas-t-en vilaine sorcière ! Vas-t-en ! »
Mais c’ était lui qui était parti, trop effrayé pour soutenir le regard de la petite fille.

Chapitre 30 Le petit garçon aux yeux pâles (part. II)
(Mercredi matin – 4ème jour de ski)


Lorsque Keibu se réveilla ce matin, il faisait encore nuit dehors. La sonnerie de son téléphone portable l’avait tiré d’un sommeil agité, et il avait du mal à se lever pour de bon.

Mais il le fallait. C’était à son tour d’aller vider les poubelles et il ne pouvait pas éternellement se complaire dans cette image désinvolte, sinon Tsukyo allait s’énerver.
Quel baka de pas l’avoir fait hier soir !

Assis torse nu sur son lit, les cheveux dans tous les sens, il resta cinq bonnes minutes la tête entre les mains.
Puis sans réfléchir, il se jeta dans la douche, et resta dix minutes sous l’eau chaude, les yeux fermés (nda : à chaque fois que j’imagine ce genre de scène, j’imagine J-P Bacri dans Didier ! *morte de rire*)

Enfin réveillé, il s’habilla rapidement, d’un jean délavé, trop large pour ses jambes maigres, et d’un tee-shirt ou était inscrit au dos « Jésus was a punk ».
Puis il attrapa son blouson, ses gants, et s’engouffra dehors.

Le ciel était timidement teinté de quelques couleurs orangées, et il n’y avait presque aucun bruit devant le chalet.
Keibu portait à bout de bras un sac-poubelle, presque plus gros que lui, et rempli à raz bord.
Il descendit ainsi toute la rue déserte, puis la remonta à petites foulées, en pensant au bon lit chaud qu’il l’attendait en rentrant.

Ok, qui a encore oublié de fermer le local à ski ?
Le mouton soupira, et accepta l’effort ultime de fermer cette maudite porte…



Mugen’ pleurait à chaudes larmes. Ses cheveux roux coupés au carré, retombaient sur son visage baissé. Elle pensait à ce petit garçon, qui avait à peu près son âge, et elle ne comprenait pas sa réaction.

C’était donc ça. La rouquine sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle s’était rappelé cet ancien souvenir toute la nuit, comme une chanson que l’on se répète en boucle.
Peut-être que Yinko avait raison.
Peut-être qu’elle n’était qu’un monstre qui fait peur aux petits garçons aux yeux pâles.

-Hé !
Mugen’ sursauta, et se redressa, en s’asseyant contre le mur.
Un garçon aux cheveux noirs et aux yeux gris pâle l’observait, debout devant elle.
C’était Keibu.
C’était le petit garçon de l’école.
-Keibu ? murmura Mugen’, la voix encore endormi.
Le Mouton était terriblement gêné par cette rencontre. Devant témoin, il ne se donnait pas cette peine, mais là, face à face, sans personne autour…C’était…Déstabilisant.
-Qu’est ce que tu fous là ? demanda-t-il en rougissant ;
-Je…Me suis endormie.
Keibu écarquilla les yeux.
-Tu t’es endormi ? Mais qu’est ce qu’il s’est passé pour que tu restes ici ?!

Mugen’ ne répondit pas tout de suite. Elle mordillait nerveusement la manche de son pull, les yeux levés vers Keibu. C’était lui. C’était le petit garçon aux yeux pâles.
Elle aurait pu le détester davantage.
Elle aurait pu l’envoyer promener, comme elle savait si bien le faire.

-Keibu, murmura-t-elle. Je…
Mugen’ s’arrêta, et étouffa un sanglot. C’était trop fatigant, trop éprouvant. Même devant ce sale Mouton, elle s’en foutait de perdre la face ;

Keibu s’agenouilla près d’elle de plus en plus gêné par cette situation, mais essaya pour une fois, de ne pas trop être désagréable.

-Mugen’, pourquoi tu pleures ?
Question co*ne…
-Par ce que j’ai mal, répondit la jeune fille entre deux sanglots.
Elle lui tendit sa main, profondément entaillée à la paume. C’était une coupure provoquée par les lames de fer qui soutenaient le radiateur.

Keibu sourit doucement.
Il savait bien qu’elle ne pleurait pas pour ça.
Non.
Elle avait mal, mais pas à la main.

Mugen’ s’enfouit la tête dans ses mains, maintenant honteuse qu’il la regarde sans rien dire, lui qui d’habitude pense tout haut.

Keibu se mordit les lèvres, puis s’approcha plus près. D’un geste, il enlaça maladroitement ses épaules. Elle, se blottit instinctivement contre lui.

Il fut d’abord étonné, puis gêné. Mais accepta son contact.
Une fois de temps en temps, ça ne pouvait pas faire de mal.

Chapitre 31 : L’abominable Homme des Neiges
(nda : mes titres deviennent de plus en plus surréalistes…)


Taida observait machinalement, à travers la vitre du mini bus, le village qui s’éloignait.
Les yeux a demi clos, et les cheveux décoiffés, elle se demandait comment diable elle réussirait à skier dans cet état.

Osoï s’était assis à côté d’elle. Pas beaucoup plus réveillé, il l’observait en souriant, l’air attendri.
-Mais c’est pas possible ! gémit le Lapin en se tournant vers le Serpent. Pourquoi est-ce qu’on est obligés de prendre la navette aussi tôt ?
-Par ce que, répondit Osoï le regard en coin, la majorité ne s’est pas couchée à deux heures du matin…
-Et alors ? On aurait pu se lever plus tard nous !
-Taida, lorsqu’on part au ski, et que l’on veut quand même faire la fête, il faut assumer.

La brunette sourit. Il avait pris son air de philosophe-qui-aime-bien-remettre-les-gens-en-place.
C’est qu’elle commençait à bien l’aimer, lui aussi. Finalement, ce n’était pas tous des abrutis, comme elle le pressentait en arrivant ici.



Mugen’ avait pris soin de s’asseoir le plus loin possible des autres. Installée au fond de la navette, elle gardait le nez résolument collé contre la vitre.

Heikou avait, bien entendu, remarqué le bandage qui entourait sa main droite, mais il n’osait pas lui demander ce qu’il lui était arrivé.
Déjà ce matin, au petit-déjeuner, il avait juste dit en l’a voyant : « encore heureux que tu sois gauchère !», mais elle ne lui avait pas répondu.
Lui était content d’être allé vers elle, d’avoir fait un petit effort, mais la rouquine l’avait regardé un instant, puis avait baissé la tête, comme pour couper court au dialogue qu’il voulait entreprendre ;
Donc maintenant, il laissait tomber. En tout cas pour l’instant.



Le minibus freina brusquement, et tous les passagers furent projetés contre le siège de devant.
-On est arrivé ! Cria le chauffeur.
-Ouais, ben t’étais pas obligé de freiner comme ça, baka, souffla Keibu en se levant.

Le temps que tout le monde descende, le Mouton resta dans l’allée du bus, en attendant avec impatience, qu’il se vide un peu.
Tsukyo qui était de mauvaise humeur, et juste derrière lui, le poussa et s’écria :
-Allez, magne toi un peu Kei-kei ! T’attend quoi là ?
Keibu rougit jusqu’aux oreilles, surpris par l’intervention de Tsukyo.
-Mais la ferme toi !, hurla-t-il sans se retourner. Arrête de m’appeler comme ça d’abord !! Et puis on va bien finir par descendre. Ne te comporte pas comme les beaufs qui poussent tout le monde par ce qu’ils sont pressés ! »
Keibu s’interrompit, et jeta un regard par-dessus son épaule. Tsukyo le regardait calmement, en attendant qu’il finisse sa crise.
« Heu…tu vois ça y est, les gens bougent un peu, je vais finir par avancer, ajouta-t-il d’une voix plus douce. Nous ne sommes pas pressés… »
Osoï se leva à son tour et frotta les cheveux longs de son cousin.
-Kei-kei deviendrait-il un tantinet plus humble ?
-La ferme…
-Visiblement non, ajouta Mugen’, cachée derrière le grand Serpent.




La journée était particulièrement ensoleillée, et l’on pouvait aisément déjeuner dehors.
Pour la première fois depuis le début du séjour à la montagne, les treize maudits déjeunèrent ensemble, à la terrasse du snack, qui se trouvait en haut du télésiège.
Les jours précédents, ils avaient mangé par petits groupes, ou par intervalles.

Mais aujourd’hui, ils s’étai
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Bulle
posté Jan 19 2006, 11:09 AM
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Kyoutsuu

Ou la nouvelle malédiction


Part. IV



Troisième partie - suite et fin

Chapitre 32 : La spirale infernale
Les membres de Kyoutsuu terminèrent leur journée un peu tous éparpillés dans la station de ski.
Les plus téméraires, Osoï, Keibu, Pokan’to, Kan’so et Futae, descendirent, pour la cinquième fois de la journée, la forêt étroite qui bordait les pistes principales.
Chaque descente s’accompagnait de sauts, et de grosses chutes.

Les autres restaient dans les limites autorisées, sans pour autant se priver de prouesses en tout genre, selon le niveau de chacun.



À la toute fin de journée, les treize signes se réunirent en haut de la piste noire, qui conduisait directement au bas du domaine skiable.

-Allez, on l’a dit, alors on le fait ! S’écria Pokan’to.
-Oui, déclara à son tour Osoï, on ski en « mode mono », qui est partant pour le faire ?
Mugen’ ouvrit des yeux ronds
-Heu… « Mode mono » ? Qu’est ce que c’est ?
-On a décidé ça tout à l’heure, répondit joyeusement Kan’so. On descend la piste noire à la file indienne, derrière un « moniteur », qui nous indique les gestes à suivre !
Tsukyo leva les bras au ciel.
-Ah ! Oui ! Faisons le !! Cria-t-elle.
-Moi, je propose que ce soit Taida qui le fasse, suggéra Futae, un sourire au bord des lèvres ;
-Oh non, s’il vous plait, marmonna le Lapin en rougissant. Je vais pas skier avec douze abrutis derrière moi.
-Neuf, corrigea Heikou : Keibetsu, Toukan et moi on ne pourra pas vous suivre avec les snow board.
-S’il te plaîîîît couina Hyouri, je veux te voir en mono, s’il te plaît.
Pokan’to sourit. C’est vrai qu’imaginer la brunette, si discrète, en monitrice de ski, pouvait être comique ;
-Bon, soit, soupira Taida, mais ne vous plaignez pas si je fais n’importe quoi…


Taida se plaça au milieu de la piste et attendit que les huit autres skieurs se rangent derrière elle, puis fit glisser son ski droit face à la pente.
Elle engagea ainsi, un premier virage en chasse neige, qui parcourait toute la largeur de la piste.

Mebana et Mugen’, qui l’a suivaient de près, descendirent prudemment à leur tour ;
Tsukyo tourna elle aussi, mais sur un seul ski.
-Hé ! Attends, tu ne respecte pas le mono, là, cria Pokan’to, juste derrière ;
Le paisible Futae, tourna à son tour, suivant scrupuleusement les gestes de sa cousine, encore débutante.
Hyouri, Osoï et Keibu fermaient la marche, tout en encourageant le « mono » par leurs cris.


Le mouvement ressemblait à long serpent, se déplaçant lentement, mais sûrement.
Les neuf membres du Kyoutsuu formaient ainsi une spirale infernale, occupant une grande partie de la piste.






Enfin arrivés, ils rejoignirent Heikou, Keibetsu et Toukan, qui s’étaient empressé de dévaler la pente, avant d’êtres bloqués par les autres.
-On a fait enrager tout le monde, s’écria Tsukyo, visiblement ravi.
Heikou sourit
-C’est bien, au moins, tu n’as pas de remords…
Chacun déchaussa ses skis, en attendant l’arrivé de la navette.

Toukan’ sorti son walkman de son blouson, et tendit un écouteur à Keibu.
-Tiens, écoute ça, je sais que tu aimes…
Keibu soupira, attrapa l’écouteur, et grimaça lorsqu’il comprit que c’était un morceau de rap.
-Oh, oui j’adore, répondit-il, l’air sincèrement réjoui.
-C’est vrai ça ? J’en ai apporté plein pour la semaine !
-Ouais, ben tu te les garde.
-Oh, tu exagères, j’y ai vraiment cru à un moment. Il faut que tu arrêtes d’avoir des préjugés sur les choses que tu n’aimes pas, par exemple… »
Toukan’ fut interrompu par une jeune femme, qui lui tendait sa planche de surf tombée par terre.
-Merci, ajouta-t-il, et donc… »

Keibu regarda Toukan, puis la jeune femme qu’il avait remerciée, et changea de couleur.
-Toukan’, espèce de baka, qu’est ce que tu viens de faire ?
BOUM !
C’était trop tard, son cousin s’était transformé. Impossible de se cacher maintenant : on ne dissimule pas comme ça, une bête aussi grosse.

Il arriva bien sur ce qu’il devait arriver. La vache avait provoqué un rassemblement, suivi bien sûr, par les autres membres du Kyoutsuu, tantôt paniqués, tantôt dépités.
La femme que Toukan’ avait remerciée agitait ses bras dans tous les sens, essayant d’expliquer ce qu’elle venait de voir.
Tout le monde l’a regardait avec des yeux ronds, sans comprendre vraiment ce qu’elle disait, trop surpris par la présence de ce bovin, au milieu d’une station de ski.

Pokan’to, en retrait, réfléchit un instant, puis inspira un grand coup
Quand faut y aller…
Le Coq retira son blouson, son pull, puis son tee shirt.
-Eh ! Tout le monde ! Écoutez- moi ! Qui aime les chansons populaires ?
Les douze autres signes se retournèrent d’un même geste vers le serpent, et crièrent tous en choeur
-Moi ! Moi ! Moi !
Les autres skieurs se tournèrent à leur tour : Pokan’to, torse nu, leva les bras. Le froid lui coupait la circulation du sang, mais il garda le sourire.
-Et maintenant chantez après moi !
-Oh oui, cria Keibetsu, allons -y !

Toukan’ parvint ainsi à se dégager, le temps que Pokan’to, fasse diversion.
Merci vieux…

Chapitre 33 « L’arme à l’œil »*
Keibu grimaça en voyant arriver Tsukyo, un plat de morue dans les mains. (nda : que personne ne fasse de mauvaises blagues sur cette phrase !)
-Encore du poisson ?, demanda-t-il. Tu n’as pas mieux à proposer pour une fois ?
Le Tigre replaça ses mèches blondes derrières les oreilles.
-Si tu n’es pas content, c’est la même chose, répliqua-t-elle. Et puis j’aimerai bien te voir aux fourneaux, de temps en temps…
-Un être supérieur ne peut s’abaisser à ce genre de tâches. En outre, je ne vois pas pourquoi on mangerai du poisson tous les jours, si ce n’est pour faire plaisir au chaton…
Mugen’ leva les yeux sur Keibu, puis fit semblant de prendre un air mécontent.
Mais…« Chaton » ? C’était mimi comme surnom.

Keibetsu souriait, sans pouvoir détacher ses yeux de Tsukyo.
A force de tournicoter des mèches entre ses doigts, ses cheveux étaient complètement ébouriffés.
Par moment elle riait, sans qu’on ne sache vraiment pourquoi, se levait pour mettre une chanson plus fort, dansait dans tout le salon, puis se rasseyait, comme si de rien n’était.
Et elle se refermait à nouveau, comme une petite fille inconstante, et torturée, comme tous ici, mais à sa manière.
Il l’a dévorait des yeux, et elle l’observait à la dérobée, un peu gênée, sans rien dire.
Sans jamais rien dire, d’ailleurs. Il ne savait pas ce qu’elle pensait, même s’ils sortaient ensemble.
C’était un peu étrange, mais ça lui suffisait pour l’instant.



-Pokan’to ! Comment tu fais pour aussi bien cuisiner ?, s’exclama Kan’so en se servant à nouveau.
Le Coq le regarda en biais, une cigarette roulée, collée aux lèvres.
-C’est l’entraînement petit, l’entraînement.
-Pfff…Quel frimeur, marmonna Taida.
Pokan’to rougit.
-Non, mais je disais ça en rigolant ! Je ne me vente pas ! s’écria-t-il en agitant les bras.
-…
-…
-Amoureux ! Laissa échapper Futae dans un bruit de gorge.
-Pardon ? demanda le rouquin.
-Il n’a rien dit, répliqua vivement Taida, qui elle, avait très bien entendu.
-Ne fumes pas à l’intérieur, s’il te plaît, ajouta Futae, en souriant au regard assassin de sa cousine. Ou au moins ferme la fenêtre ! On a pas fini de manger, nous !
-Pardon ,répondit Pokan’to en écrasant son megot sur le bord de son assiette. Sinon, je voulais vous prévenir : demain je skie seulement jusqu’à treize heures. Ensuite, il faut que je prépare le repas pour le Nouvel An.
-Il te faut tant de temps ? s’étonna Kan’so.
-Oui, répondit-il gravement. Je vais vous préparer un truc du tonnerre (nda : le revoilà qui se vente). Qui est partant pour m’aider ?
-moi, sans problème, prroposa le Chien.
Le silence du Rat et du Lapin fut lourd de sens.
Qui ne dit mot, consens ?




Dans le troisième appartement, Hyouri, Mebana et Toukan’ discutaient gaiement. Osoï restait plus silencieux.
Tout le monde appreciait la cuisine du Cheval, qui leur préparait chaque jour de bons plats, souvent à base de riz et de brochette grillées.
Les discutions tournaient, comme chaque soir, autour du ski, du Nouvel An et des cours. Osoï avait pour habitude de lancer sa rubrique « potins du chalet », mais ce soir il ne parlait pas.
Il était resté suspendu au téléphone quelques minutes, avec sa mère probablement. Depuis, il restait pensif.
Ses yeux translucides se perdant dans le vague, il s’efforçait de sourire lorque les autres l’interpelait.

Au moment ou Toukan’ et Mebana quittèrent la table pour entreprendre une partie de dès, Hyouri se décida à s’approcher de lui.
-Osoï ?, demanda-t-elle timidement. Tout vas bien ?
Osoï leva distraitement les yeux sur le sanglier.
-Arf…on ne choisit pas sa famille, répondit juste le garçon.
Hyouri sourit malgré elle. Osoï aimait bien parler par allusions. Ca faisait parti de son numéro de charme.
-Lorsque tu étais au téléphonne…Tu as reçu une mauvaise nouvelle ?
Osooï sourit à son tour.
-Tu es percpicace. Tu sais, je n’ai pas beaucoup envi de parler de ça, mais j’aimerai juste te confier un secret.
« Je ne peux pas pleurer davant les gens, sinon je me transforme. Ca peut te paraître incroyable, mais maintenant je ne pleure plus. Plus du tout. Et c’est dommage : voir quelqu’un pleurer, c’est attendrissant, non ? »
Hyouri sourit, un peu tristement.
-Tu es quand même attendrissant, répondit elle doucement.

Osoï ne répondit pas, un peu trop troublé.
Il se laissa tomber sur le sol et soupira, se laissant bercer par les rires de Na-chan et de Toukan’.

-Osoï, tu t’es fait mal ?
La maman du serpent accouru vers lui, visiblement inquiète. Son fils était tombé de velo, et se frottait douloureusement le genoux.
-Okaasan’..Gémit Osoï…J’ai mal…
Ses yeux s’embuèrent de larmes.
Sa maman lui pris les épaules, et le secoua
-Ne pleure pas ! S’il te plaît. Il y a du monde autour de nous ! Retiens toi s’il le faut. Tu as déjà trop fait de dgats.
Les yeux du petit garçon s’agrandirent.
-Mais…j’ai mal…
Curieusement il y parvint. Il le fallait bien. Mais il devait lutter contre cette lourde boule dans la gorge, prête à exploser à tout moment.


Osoï soupira à nouveau. Elle me fait encore un peu mal, songea-t-il.

-Tu es tellement froid…Osoï…
Mina le regardait droit dans les yeux, sans comprendre.
« Alors rien ne te touche ? «
-Mina…Je…
La boule recommeçait à grossir.
-C’est terminé, Osoï. Je n’arrive plus à te suivre. Vas-t-en.

Osoï se laissa basculer sur le flan.
Pouvait on être attendrissant lorsqu’on ne pleurait jamais ?


* « l’arme à l’œil » est le titre d’un roman d’espionnage de Ken Follet.

Chapitre 34 : Le compte à rebours
Lorsqu’ils sortaient le soir Les trois Jinsa étaient désormais accompagnés de Tsukyo, Pokan’to, Mugen’ et Taida,.
Les autres préféraient se coucher assez tôt pour profiter pleinement de leur journée.

La soirée se passa relativement bien : même si un malaise perdurait encore et toujours, chacun avait sa place dans le petit groupe.

Ce ne fut qu’à partir de minuit, que les maudits quittèrent la petite taverne, à la demande de Pokan’to.

Ils marchèrent alors, par petit lot de deux ou trois, les yeux levés vers les montagnes, si imposantes au milieu du paysage.

Keibu et Keibetsu avançaient un peu en retrait, les pieds se laissant traîner sur la neige durcie.
-Plus qu’un seul jour avant le Nouvel An, lança Keibu, comme on annonce un compte à rebours.
-Ouaip, répondit Keibetsu en soupirant. Que ce passera-t-il si ça ne marche pas ?
-Nous resterons possédés… Et Mugen’ mourra. »
-Tiens. Tu parles d’elle à présent ?, fit remarquer Keibetsu, d’un ton sarcastique.
Le visage du Mouton s’assombrit.
Il leva les yeux sur la rouquine, qui marchait loin devant avec Tsukyo.

Peut-être que…
Peut-être que je veux la voir en sûreté.






Mugen’ se brossa les dents, et rentra se coucher.
En traversant le salon, elle aperçu Keibu, assis en tailleur, devant la table.
Le Chat hésita un temps, puis s’installa en face de lui.

-Qu’est ce que tu fais assis tout seul dans le noir ?
Mugen’ ne pouvait entrevoir de la tête de Keibu, que ses yeux clairs et ses cheveux noirs, qui tombaient dans le creux de son cou. Le reste était totalement dissimulé dans l’obscurité.
-Tu sais…Je ne l’ai pas fait exprès, souffla-t-il.
Le Chat écarquilla les yeux.
« Je n’irai pas m’excuser pour autant, mais… »
Keibu déglutit
« …J’ai été un peu c*n, je crois.
Mugen’ ne répondit pas. De quoi s’excusait-il ? Du passé ou du présent ?

Le Mouton l’observa un instant, puis comme elle ne répondait toujours pas, se leva, puis quitta la pièce.
-Bonne nuit, marmonna-t-il
-’Nuit…

******************
(Cinquième jour de ski – Jeudi matin)


-Excuse-moi!, s’écria Heikou
-Non, ce n’est pas grave, répondit Mugen’, en se frottant le crâne. Je ne regardais pas non plus.
Le Dragon sourit.
-Comme d’habitude…Tu es trop dans la lune.
Mugen’ rougit
-Heikou, je…
-Non, c’est bon, te fatigues pas.
« Il n’y a pas de souci. Tu étais en colère, et moi je t’ai fichu dans de beaux draps avec cette malédiction. Je suis désolé moi aussi.
-Ah bon d’accord, répondit Mugen’ d’un ton dégagé.
Elle fit mine de partir, tournant les yeux vers le télésiège, mais Heikou l’arrêta en lui prenant le bras.
-Heu…
Mugen’ tourna la tête de nouveau, et le toisa de ses grands yeux brillants.
Heikou rougit
« Mais si tu veux t’expliquer, tu peux quand même le faire…
-Oh, je vois…Souffla-t-elle, un sourire aux lèvres. Et bien, je m’excuse, moi aussi.
Ils se regardèrent, sans plus dire un mot, et Heikou y pensa, bien entendu.
Elle, n’oserait jamais. Trop timide.
Mais lui…Il fallait juste approcher son visage du sien, et l’embrasser. C’était simple, et il savait qu’elle accepterait.
Mais…
Ensuite ?
-Bon, il fat qu’on se dépêche, murmura Heikou, la voix tremblante. Les autres sont déjà parti.
Mugen’ le regarda étonnée, mais lui, baissa la tête, et se dégagea.



Pokan’to se leva de sa chaise, et se plaça comme un orateur, devant la longue table en bois.
-Bon, je descends ! Il faut que je prépare le repas ! Qui veut venir avec moi ?
-On n’a pas fini de déjeuner, râla Keibu. Et puis demain, la neige sera trop mauvaise.
-Allez, moi je viens, déclara Kan’so
-Moi aussi, ajouta Osoï.
-Bon, je vais aider moi aussi. J’ai mal au dos, je préférerais rentrer, dit Hyouri à son tour.
Pokan’to eut l’air ravi
-Très bien. Ça fait une bonne équipe. Il nous faudrait un cinquième volontaire ; Heikou, je suis sûr que ça te tente.
Heikou écarquilla les yeux, comme si son cousin avait parlé ingoush.
-Quoi ? Qui me parle ? Je ne comprends pas…
Pokan’to se pencha, et appuya ses bras sur la table, pour s’approcher de son cousin.
-Si, si, tu vas venir, répondit-il en serrant les dents,, j’ai vraiment besoin de toi.

Heikou soupira, et suivit la fine équipe : il avait compris. Ce n’était pas pour le repas qu’il devait descendre…




Heikou prit son inspiration, et entra.
Il avança jusqu’au fond de la salle, et s’inclina profondément
-Yinko san…
-Te voilà enfin, soupira-t-il. J’aurais voulu te parler déjà hier soir, mais le Coq m’a dit que tu dormais.
-En effet…Murmura la Dragon.
Yinko l’observa longuement, sa moustache enroulée dans l’un de ses doigts fins.
Heikou frémit : chaque fois que son maître le fixait ainsi, c’était pour lire ses pensées.
-Hiryuu, tu n’écoute donc plus ce que je dis ?
Le garçon tressaillit
-Que…Pourquoi dites-vous cela ? Répondit-il d’une voix mal assurée.
Yinko le toisa avec dédain.
-Par ce que tu passe trop de temps avec le Neko. Je n’approuve pas tes fréquentations, mais surtout, j’aimerais te rappeler qui tu es…
-Je le sais bien, et je…
-…Oh non, tu ne sais rien coupa Yinko. Je crois bien au contraire que ta mémoire défaille. Tu n’es là que pour une mission.
Heikou baissa la tête. Il ne voulait surtout pas dévoiler à son maître les larmes qui commençaient à couler sur ses joues.
-Je ferai plus attention, répondit-il d’une voix faible.
-Je l’espère. Pour toi surtout.


L’embrasser ne servirait à rien.
Aimer ces gens, est une chose insensée.
Je ne peux pas…
Je ne suis rien…
Je n’existe pas

Chapitre 35 : Marathon
On entendait dans tout le chalet un bruit de verre, de froissement de tissus, de rires et de plaintes.
Après la fermeture des pistes, les membres du Kyoutsuu étaient tous au complet, courant à droite à gauche, pour compléter l’ouvrage de Pokan’to et de sa petite équipe.
Le Coq, ce soir-là, avait dévoilé sa profonde autorité, mais aussi son caractère nerveux, parfois même agressif.

Le premier qui refusait d’aider aux préparatifs., se faisait presque tirer de force, pour qu’il y participe
Pokan’to transpirait, courrait partout, gérait en même temps, le repas, la décoration et la disposition des places autour de la table.
Car pour l’occasion, ils avaient utilisé la grande pièce du vestibule, dans laquelle trônait une longue table basse, spécialement fournie pour le Nouvel An.


Keibetsu, Taida, Mugen’ et Keibu avaient habilement échappé aux préparatifs. Dissimulés dans la chambre du mouton, ils s’échangeaient les manettes de la console de jeux.
Totalement absorbés par leur partie, ils n’entendirent pas Pokan’to débarquer comme une furie dans la chambre

-Oy ! Il nous faudrait deux personnes pour surveiller les casseroles !
-Je t’aiderai bien, répliqua Keibetsu les yeux rivés sur la console, mais j’ai les mains prises.
Keibu soupira.
-Allez, moi j’y vais
-Et moi aussi marmonna Mugen’.
-Merci, répondit Pokan’to en écarquillant les yeux, vous vous sentez bien ? Êtes vous sûrs de ce choix ? C’est une décision à prendre avec précaution, vous savez !. »
Le Coq tourna la tête vers le Lapin et le Singe, qui poussaient des cris de joie ou de colère devant leur partie.
« Quant à vous, avertit Pokan’to en les désignant, quant à vous ! Ne croyez pas vous en sortir aussi facilement !


À la fin de la journée, la pièce était tout simplement splendide ;
La table était illuminée par des bougies, qui reflétaient leur éclat sur les verres et les assiettes. Aux murs et aux fenêtres, Mebana avait accroché des guirlandes chinoises, qu’elle avait subtilement confectionnées.
-Whah ! Souffla Heikou en entrant.
Pokan’to était écrasé sur une chaise, au fond de la grande salle, les bras ballants et la tête renversée.
-Je suis très content ! Soupira-t-il. Tout est prêt pour une fête géniale.
Heikou sourit, un peu tristement
-Espérons que la fête se termine bien.
Pokan’to frémit
-C’est ce soir que…
Le Dragon hocha la tête
-Oui, ce soir. Si la malédiction s’achève, je serai rassuré.
-Écoute…Je suis sûr qu’on a réussi, répliqua Pokan’to d’un ton rassurant.
Heikou baissa la tête, et murmura :
-Oui. Je le sais bien. Et heureusement.
« Seulement…
…Je crains pour après.»
Pokan’to se mordit les lèvres.
-Je sais bien, souffla-t-il. Mais c’était convenu dès le départ. N’oublie pas.
-Non, je ne l’oublie pas.
Comment pourrai-je l’oublier ?



Le dîner commença vers 22h30. La conversation tourna rapidement en un brouhaha informe et agité.
Osoï pris son couteau, le fit sonner contre son verre, et se leva
-S’il vous plaît !
Tout le monde se tut. C’est qu’il était vraiment très grand !
« Je voulais apporter un toast à Pokan’to, qui nous a préparé un délicieux repas.
-Mouais, peut mieux faire, s’écria Keibu, en souriant.
-Accessoirement, nous pouvons manger ce nabot en dessert, mais ce n’est pas sûr que nous ayons grand chose à nous mettre sous la dent.
« Je voulais aussi souligner le plaisir passé durant cette semaine. Merci Heikou de nous avoir tous invité. »
Heikou inclina la tête, et sourit ; les douze autres membres de Kyoutsuu applaudirent longuement le Serpent, et les conversations reprirent.
Personne ne parlait jusque la de la Malédiction, et de sa fin. Personne d’ailleurs, à l’exception de Keibu, Keibetsu et Futae, ne savait comment l’arrêter.
C’était comme un sujet tabou, qu’il ne fallait pas mentionner, avant le départ.

Futae sourit, et regarda longuement Heikou. Lui, savait que quelque chose avait changé cette semaine.
Ce soir, ils en auraient la confirmation.

Chapitre 36 : L'Aube
Les treize maudits mangèrent en vitesse, pour assister à la fête organisée par la commune.
Une cérémonie et un feu d’artifice devaient avoir lieu au centre du village.

Une fois sortis du chalet, ils décidèrent de couper par le champ de neige, au lieu de prendre la route ; disposée en file indienne, ils chantaient, très agités par la fête qui allait commencer.


Le spectacle était stupéfiant. Deux cents personnes environ entouraient une scène de bois, où dansaient des hommes et des femmes déguisés. Un lourd son de tambours et de flûtes en tout genre couvraient ce beau spectacle.
Au-dessus du public, trônait encore le Coq de papier rouge et or, majestueux et gigantesque. Bientôt, il laissera la place au Chien, le signe de l’année 2006.

Minuit sonna.
La figure du Chien, comme un cerf-volant, se leva doucement.
La danse devint plus vive, et la musique plus forte.
Alors le Coq disparu, dans un éclat de fumée mauve, et remplacé, sous un tonnerre d’applaudissement.


*********************


Heikou regarda autour de lui, juste pour vérifier.
Pokan’to l’observait, et leurs regards se croisèrent.
Pokan’to sourit, et hocha la tête. Heikou se mordit les lèvres, un peu trop ému. Mais il parvint à lui rendre son sourire.


Keibu senti comme un grand souffle monter en lui. Il comprit, en découvrant la même expression de surprise chez les autres, qu’il leur était arrivé la même chose.
C’était donc ça…La Malédiction…
Elle était partie, envolée.
Il avait réussi à écouter Heikou, et à les aimer, tous.
Et si ce soir, tout fonctionnait comme prévu, c’est que tout le monde ici, ressentait la même chose.
Et lui n’avait plus eu peur.
Il ne craignait plus la « petite sorcière aux cheveux rouges ».
Ça oui ! Il pouvait en être sûr.

Futae se retourna.
Yinko s’était dissimulé, derrière, dans un coin plus reculé du spectacle.
Le Rat lui sourit, et s’inclina, comme pour le remercier ;


Yinko leva le menton, et attrapa sa longue canne blanche.
Il adressa un dernier sourire pour celui qui avait du supporter sa petite souris pendant dix-sept ans.
Puis il disparut, dans un nuage de fumée.



Ils veillèrent jusqu’au matin, plutôt silencieux, et ravis.
Chacun savait maintenant que tout était terminé, mais pour l’instant, ils profitaient du spectacle et de la musique.
Demain, sera le dernier jour de vacances. Samedi, ils repartiront.

Mais pour Pokan’to et Heikou, c’était terminé.
Demain, ils auront quitté cette petite station de montagne, cette ville et ce pays,



*****************


La communauté rentra vers 6h du matin, les traits tirés par la longue nuit, et bercés par la douce lumière de l’aube ;


Tsukyo attrapa la main de Keibetsu, et l’embrassa sur le front
Le blondinet rougit violemment, et l’embrassa à son tour, longuement.
Un peu surprise, elle resta les bras pendant, le long de son corps, puis fini par se laisser transporter dans ce petit moment de tendresse.
Après tout, c’était la nouvelle année !


Osoï s’allongea dans le champ de neige, et poussa un soupire de soulagement. Hyouri s’assit à ses côtés, et lui caressa le bout des cheveux.
La fatigue et l’émotion laissaient le garçon sans voix.
La boule, dans sa gorge, revenait, immense et solide comme du bois.
Hyouri fronça les sourcils, et se pencha sur le visage de son ami, crispé par la douleur.
-Osoï
Osoï leva les yeux.
Au-dessus de lui le regardait une jolie brune aux yeux noirs. Cette image le rassurait, c’était agréable d’être allongé là, dans la neige, lorsqu’il fait encore à peine jour.
C’était tellement agréable, que c’était un peu mélancolique.
Hyouri lui caressa les cheveux
-Tu peux pleurer, maintenant.
Osoï écarquilla les yeux.
Il n’y avait pas pensé.




Toukan’ et Keibu avaient préféré marcher encore un peu, au milieu des éclats de pétards et de confettis, qui jonchaient les sols et les murs.
Toukan ‘s’alluma une cigarette, et tira longuement dessus, les yeux plissés vers le ciel.
Il était orange éclatant, presque rouge, comme si les couleurs du Coq perduraient encore un instant.


Futae et Kan’so s’approchèrent d’Heikou, qui restait assis sur le perron.
-Ano…Kou-chan ?
Heikou leva la tête. Futae le regardait timidement, debout au-dessus de lui.
Il se leva à son tour, et haussa les sourcils.
-Quelque chose ne va pas.
-Si, si, répondit Kan’so…
Il regarda son cousin d’un air dubitatif, puis poursuivit
« On voulait savoir, heu… »
-…Qu’est ce que vous vouliez savoir, demanda Heikou en souriant.
Futae déglutit, et parla à son tour
-Nous aimerions pouvoir rencontrer le rat et le chien, s’écria-t-il vivement, tu crois pouvoir nous les montrer un jour ? est-ce que tu vas les revoir, toi, même si la malédiction est finie ?
Le Dragon sourit tristement, et plongea ses yeux pourpres dans ceux du garçon.
-Oui, je les reverrai, je peux vous l’assurer ; Il faudra que je vous révèle encore certaines choses. Vous les rencontrerez sûrement. Maintenant, si vous ne voulez bien, je vais aller parler à Mugen’. »
-Vas-y, vas-y ! On se retrouve tout à l’heure.
Heikou ne répondit pas, et sourit.

Il rejoignit Mugen’, appuyée contre la porte du local à ski.

Chapitre 37 : A vol d’oiseau
Pokan’to cherchait Taïda du regard.
Ce n’était peut-être pas très correct, mais il voulait lui parler.
Même si ça ne servait à rien.

Taida était montée dans sa chambre, épuisée d’avoir veillé toute la nuit.
Elle n’avait même pas eu la force de se déshabiller, ni de se coucher.
Lorsque Pokan’to entra dans leur appartement, elle était étendue sur le futon du salon, les yeux mi-clos. Son corps frêle s’était enveloppé d’une couverture de laine, qui ne laissait apercevoir que son visage et sa chevelure ébouriffée.

Pokan’to observa cette belle image un petit moment, puis soupira.
-Taida,, chuchota-t-il
Taida ouvrit les yeux, et regarda le rouquin, sans ciller ; son regard en amande était parfaitement calme et serein.
-Ça va ? Demanda-t-elle.
-Oui, je…
Pokan’to s’interrompit, sentant l’émotion monter en lui. Il ne pensait pas que ça pouvait être aussi dur.




Mugen’ sourit en voyant Heikou arriver vers elle.
Appuyée contre le mur, elle attendit qu’il se pose en face, et le regarda longuement.
Lui, avait l’air troublé, presque nerveux.
-Mu-chan, je crois que tu ne connais pas tout sur cette légende…
-…Si, interrompit la rouquine, Keibu m’a tout expliqué cette nuit ! »
Elle baissa les yeux
« …À ce que j’ai compris, j’aurai pu mourir … »
Heikou tressaillit
-Oui, nous sommes passé à côté du pire, souffla-t-il…

Mugen’ rougit, et sourit à nouveau. Heikou la regardait, mais un peu tristement
« Mais il y a encore une chose que tu dois savoir. Keibu ne le sait pas non plus. En fait, je n'en ai parler à personne. »

Mugen’ fronça les sourcils, et déglutit. Elle sentait que quelque chose de grave allait arriver. Sinon, Heikou n’aurait pas ce visage inquiet, lui qui, d’habitude, semblait si bien tout contrôler.
-Heikou…Qu’est ce qui se passe ?
-Pour faire simple, Pokan’to et moi, sommes toujours possédés, répondit Heikou, la voix tremblante.




Taida observa Pokan’to sans comprendre.
Toujours possédé ?
Qu’est ce que ça voulait dire au juste ?
Pokan’to s’efforça de sourire, comme il faisait si souvent.
-Pokan’to, ces cheveux, ces yeux…Tout ça n’existe pas, Taida. Je ne suis que le Coq, que Yinko a envoyé pour une mission. Rien d’autre.
Taida ouvrit des yeux ronds sous la surprise.
Comment ça, il n’existait pas ? Mais pourtant il était bien présent, là, devant elle !
-Mais qu’est ce que tu me racontes ! s’écria-t-elle, Je ne comprend plus rien !
Pokan’to sourit tristement, et lui caressa la joue.
Il ne pensait pas…Il ne pensait pas qu’il aimerait quelqu’un comme ça. Elle, ne devait pas le savoir, et c’était mieux ainsi.
Pourtant…




Mugen’ pleura doucement, sans vraiment réaliser ce qu’il se passait.
Heikou pleurait aussi. Il s’était juré de ne pas se laisser aller, mais là, en la voyant ainsi, il n’y arrivait plus.
-Heikou, sanglota-t-elle, tu existes pourtant, tu es là !
Mugen’ attrapa les cheveux du garçon, qu’elle pressa entre ses doigts
« Je sens tes cheveux… Et tu pleures !! »
La jeune fille le frappa violemment sur l’épaule
« Arrête de pleurer si t’existes pas !! Hurla-t-elle. C’est pas logique ! Arrête !! »



Pokan’to pressa la main de Taida, et l’embrassa sur le front.
-J’ai existé juste le temps de quelques mois. Maintenant, je rentre chez moi, à Kyoutsuu. Mais je voulais juste te dire…Que j’étais content de t’avoir connu.
Taida écarquilla les yeux Elle ne voulait rien entendre.
-Mais ce corps, en face de moi, a qui il appartient?
Pokan’to l’a regarda tristement.
Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait. C’était normal au fond. Comment croire que quelqu’un, en face de vous, disparaîtra dans cinq minutes, à tout jamais.
-Au revoir, répondit-il doucement, en lui caressant les cheveux.



Heikou s’approcha de Mugen’, et l’embrassa longuement. Il ne devait pas, mais il voulait vivre au moins ça, le temps de rester un être humain.
Et puis, elle lui en aurait voulu, s’il ne l’avait pas fait.



Taida sourit. Il lui avait avoué qu’il l’aimait.
Quelle enflure !
Elle était encore plus triste maintenant!

Pokan’to était parti, dans une explosion.
Il avait disparu.




Mugen’ écarquilla les yeux, terrfiée.
Devant elle, Heikou n’existait plus. À sa place, un grand dragon noir, aux yeux rouge vif.
-Mugen’, dit le dragon, normalement tu n’aurai pas dû me voir. Mais je voulais simplement que tu comprennes.
« Vous étiez possédés par des animaux. Nous, par des hommes. C’est là toute la différence. »
La jeune fille baissa la tête, un peu abasourdie par ce qu’elle entendait ; Elle lui en voulait de ne rien lui avoir dit, et pourtant, elle comprenait.
-Heikou ? Demanda-t-elle timidement. Je peux toujours t’appeler ainsi ?
-Oui, je pense même que je garderai ce prénom en mémoire.
Mugen’ sourit
-Est-ce que je peux monter sur ton dos ?
Le Dragon sentit son cœur bondir dans sa poitrine.
-Bien sûr, grimpe.

Mugen’ se posa sur les dos pleins d’écailles du dragon, et ferma les yeux. Quelques minutes plus tard, elle sentait le souffle de l’air caresser ses cheveux, et ses oreilles ;
Ils étaient maintenant si haut, qu’elle n’entendait plus que le bruissement des immenses ailes noires qui l’a transportait.

Le Dragon fonça comme un pic vers le sol, puis remonta aussi vite.
Mugen’ senti des fourmis parcourir ses bras, et ses jambes, puis poussa un cri de joie.
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